Le Dernier Jour d'un condamné/Chapitre I, commentaire no 2

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Chapitre I, commentaire no 2
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Leçon : Le Dernier Jour d'un condamné
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Le Dernier Jour d'un condamné/Chapitre I, commentaire no 2
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Introduction

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Victor Hugo écrit Le Dernier Jour d'un condamné après avoir vu sur la Place de l'Hôtel-de-Ville en 1828 un bourreau graisser la guillotine en vue d'une exécution le soir-même.

Ce roman se présente comme le journal d'un condamné écrit pendant les 24 dernières heures de son existence.

Cette approche romantique de l'histoire et de la justice s'inscrit en faux contre les théories pénales en vigueurs à cette époque.

Par exemple pour Diderot, philosophe des Lumières, « le malfaisant est un homme qu'il fait détuire et non punir ». Pour Kant, la peine de mort permet la sauvegarde du contract social lorsqu'il est outragé.

Est toutefois publié en 1764 Des délits et des peines de Cesare Beccaria, juriste italien qui déclare « barbare » la peine de mort et propose de soumettre le droit de punir à la proportionnalité des peines. Rapidement traduit en français, Des délits et des peines lance le mouvement abolitionniste dont Victor Hugo est une voix retentissante en France.

Questions possibles

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  • En quoi cet incipit est-il un réquisitoire contre la peine de mort ?
  • Que cherche à montrer Victoir Hugo dans ce premier chapitre ?
  • En quoi ce chapitre 1 du Dernier Jour d'un condamné relève-t-il du registre tragique ?
  • Ce réquisitoire contre la peine de mort est-il efficace selon vous ?

Un univers fantastique

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Une représentation réaliste

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Victor Hugo fait tout d'abord à son lecteur une peinture réaliste de l'univers caracéral.

L'ancrage dans cadre spatial « Bicêtre » fait référence à la prison de Paris où ont été effectués les premiers essais de la guillotine.

La première phrase, nominale « Condamné à mort ! », adopte le point de vue du personnage, ce qui renforce le réalisme de cette vision carcérale.

Le registre réaliste est accuentué par les précisions temporelles comme « Voilà cinq semaines », « autre fois » et « aujourd'hui ».

Au dernier paragraphe, les noms sont systématiquement précisés par des adjectifs ou des compléments du nom : « fatale pensée », « horrible réalité », « dalle mouillée et suante », « rayons pâles », « lampe de nuit », « trame grossière », « sombre figure », « soldat de garde ».

Par ces qualifications, Victor Hugo donne la représentation la plus précise possible de la réalité en qualifiant exhaustivement chaque objet décrit. Les termes sont précis, voire techniques comme « giberne ».

Une scène iréelle

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Mais Victor Hugo accentue le réalisme de la scène pour mieux glisser vers le registre fantastique.

En effet, le condamné personnifie la mort : « sa presence », « face à face », « deux mains de glace », « toutes les formes », « par elle », « une voix ».

La mort prend une dimension fantomique, « présence » et « voix », voire monstrueuse, « mains de glace ».

La mort est même assimilée à la figure mythologique de Protée dans la mesure où elle apparaît sous « toutes les formes ».

La mort est aussi intériorisée par le personnage comme le montre le champ lexical de l'imagination : « pensée », « esprit », « imagination », « idée » et « obsède ».

Cette présence obsédante de la mort conduit le condamné à la folie.

Ainsi, le champ lexical du songe montre que le personnage est entraîné dans un univers où illusion et réalité se confondent : « éveillé », « sommeil convulsif », « mes rêves », « m'éveiller » et « rêve ».

Le verbe impersonnel « il me semble » confirme ce glissement dans l'illusion et la folie.

L'environnement du condamné devient monstrueux. Les « grilles hideuses de mon cachot » font presque entrendre le mot « griffe » et « la dalle mouillée et suante » semble être un monstre endormi.

Transition

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La cellule est un monstre, un enfer comme le montre le champ lexical de l'horreur : « horrible », « sanglante », « infernale », « spectre », « refrain horrible », « couteau », « horrible réalité », ce qui place le personnage dans une situation tragique.

Un incipit tragique

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L'enfermement du héros

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Victor Hugo décrit l'enfermement du personnage dans l'enfer caracéral.

Le champ lexical de la capativité montre l'enfermement tragique du personnage : « condamné », « captif », « fers », « cachot », « prison » et « grilles ».

Cet enfermement physique est renforcé par un enfermement syntaxique : la phrase nominale « condamné à mort ! » ouvre le texte, se retrouve au centre du texte puis le ferme, recréant ainsi la sensation d'enfermement.

Le texte est emprisonné par cette phrase qui rappelle de façon obsédante la sentence prononcée par le juge.

Le rythme ternaire, « toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids ! » et « une horrible, une sanglante, une implacable idée ! », crée un effet de circularité tragique comme si le personnage tournait indéfiniment dans son cachot.

Le parallèlisme de construction « mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée » souligne que ni le corps ni l'esprit ne peut échapper.

Quant à la tournure restrictive « je n'ai plus qu'une pensée, qu'une conviction, qu'une certitude », elle montre la réduction tragique de l’espace vitale pour ce condamné.

Un destin tragique

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Le personnage est soumis à un destin judiciaire tragique comme le montre le champ lexical du destin : « condamné à mort ! », « captif », « implacable » et « fatale ».

La phrase nominale « condamné à mort ! » dans sa simplicité et sa brutalité résonne comme la voix d'un destin inéluctable.

Les marques du temps opposent un passé idéal « autrefois » et un présent sinistre « aujourd'hui ».

La gradation « chaque jour, chaque heure, chaque minute » fait ressentir l'angoisse face temps destructeur qui conduit le personnage à la mort.

L'imparfait « j'étais », « avait », « était plein de fantaisie » accentue cette proximité de la mort comme si le personnage n'avait déjà plus de présent et ne pouvait vivre que dans le souvenir.

Le champ lexical du poids et de la gravité « courbé », « poids », « fers », « plomb » et « mes yeux lourds » est typiquement tragique : il symbolise la faute qui entraîne le personnage dans une chute inéluctable. Ce poids représente la force implacable du destin.

Transition

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Victor Hugo dépeint le destin tragique du personnage pour mieux condamner la peine de mort.

Un réquisitoire contre la peine de mort

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Une condamnation de la peine de mort

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Le personnage de cet incipit a été condamné à mort. Il ne recherche pas à refaire le procès ou à convaincre le lecteur de son innocence. Il mène un nouveau procès : celui de la peine de mort.

Sa façon de s'exprimer est proche de la rhétorique judiciaire.

Par exemple, l'exclamation « condamné à mort ! » est un procédé oratoire destiné à montrer l'énergie et la conviction de l'orateur.

Les rythmes ternaires, nombreux dans ce chapitre I, sont également de la rhétorique judiciaire.

La longueur des phrases divisées en périodes mime les élans de la pensée et du cœur : « Quoi que je fasse, elle est toujours là, cette pensée infernale, comme un spectre de plomb à mes côtés, seule et jalouse, chassant toute distraction, face à face avec moi misérable, et me secouant de ses deux mains de glace quand je veux détourner la tête ou fermer les yeux ».

Le pathos est accentué par la dramatisation créée par le dialogue fictif entre la mort et le personnage « – Ah ! ce n'est qu'un rêve ! – Hé bien ! ».

Il est intéressant de remarquer que la tragédie n'est ici pas due au crime commis par le condamné au mort mais à la peine de mort elle-même.

Cette inversion est un technique oratoire qui transforme ce texte en réquisitoire, un discours judiciaire accusatoire.

À travers cet incipit, Victor Hugo montre que la peine de mort est barbare et contraire au principe d'humanité. La comparaison tautologique « j'étais un homme contre un autre homme », le narrateur dit deux foix la même chose, ramène la société à l'essentiel – l'humanité – qui est bafouée à travers la peine de mort.

Une ode à la vie

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Ce réquistoire contre la peine de mort est d'autant plus efficace qu'il se double d'une ode à la vie.

Victor Hugo utilise le registre lyrique pour mettre en valeur la beauté éphémère de la vie.

La première personne « je », « j' », « moi » et la similitude du texte avec un journal intime nous fait plonger dans le monde intérieur du condamné.

L'opposition des deux temporalités « autrefois » et « maintenant » donnent une tonalité élégiaque au deuxième paragraphe.

Les verbes à l'imparfait « étais », « avait », « il s'amusait », « c'étaient » renforce cette impression de distance entre le monde carcéral et la vie.

Par l'énumération, le personnage revoit en accéléré sa vie défiler sous ses yeux : « des jeunes filles, de splendides chapes d'évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers ».

La juxtaposition aléatoire des événements « sans ordre et sans fin », « et puis encore des jeunes filles » traduit le caractère fruyant, éphémère et fragile et la vie.

Le champ lexical de la fête, « fantaisies », « splendides », « bruit et lumière », « jeunes filles », et les « inépuisables arabesques » recréent l'insouciance de la jeunesse.

Le monde passé apparaît comme un paradis perdu comme le suggère l'absence d'article « fête » qui rend la joie encore plus spontanée : « c'était toujours fête dans mon imagination ».

Victor Hugo laisse entendre une musicalité festive et joyeuse :

  • L'assonance en [é] accentue le caractère paradisiaque de ce monde perdu : « C'était toujours fête dans mon imagination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j'étais libre ».
  • L'assonance en [i] : « jeunes filles », « de splendides », « bruit et lumière, et puis encore des jeunes filles », « la nuit ».

Conclusion

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Derrière, un tableau pathétique et tragique, Victor Hugo montre l'évanescence de la vie, le meilleur argument pour contrer la peine de mort qui est une négation de la vie.

Après cet incipit oratoire et destiné à persuader le lecteur, Victor Hugo va présenter l'exécution du personnage comme un spectacle sordide.

Le Dernier Jour d'un condamné aura une réception contrastée, des écrivains comme Désiré Nisard restant « froid[s] pour cet être qui ne ressemble à personne », d'autres comme Sainte-Beuve s'enthouisiasmant pour cette « dissection à vif sur le cerveau d'un condamné ».

La préface qu'Hugo rédige en 1832 au Dernier Jour d’un condamné ainsi que la publication Claude Gueux en 1834 apporte à l'œuvre la dimension argumentative et rationnelle qui favorisera pour les siècles à venir le mouvement abolitionniste.