Équation du quatrième degré/Méthode de Lagrange

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Nous allons étudier une troisième méthode de résolution des équations du quatrième degré mise au point par Joseph-Louis Lagrange, en commençant par une variante. Les méthodes originelles de Lagrange seront exposées en fin de chapitre et le lien avec notre variante sera établi en exercice.

Méthode de Lagrange
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Chapitre no 6
Leçon : Équation du quatrième degré
Chap. préc. :Méthode de Descartes
Chap. suiv. :Résolutions trigonométriques

Exercices :

Sur la méthode de Lagrange
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Équation du quatrième degré/Méthode de Lagrange
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Principe de la méthode de Lagrange

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Soit à résoudre une équation de la forme :

 

(nous savons que toute équation de degré 4 s'y ramène),

dont nous noterons les racines : z0, z1, z2, z3 (de somme nulle).


L'idée de la méthode de Lagrange est de trouver une équation du troisième degré ayant trois racines y0, y1, y2 permettant d’en déduire facilement z0, z1, z2, z3. Pour cela, on commencera par exprimer y0, y1, y2 en fonction de z0, z1, z2, z3 de façon que les expressions :

 ,
 ,
 

soient des polynômes symétriques en z0, z1, z2, z3, pour pouvoir fabriquer une équation du troisième degré dont les coefficients s'expriment en fonction de p, q, r.

Il faudra aussi que z0, z1, z2, z3 s'expriment individuellement simplement en fonction de y0, y1, y2.

Dans cette optique, on pose alors :

  ;
  ;
 .


On a alors :

 

Compte tenu de la condition  , on trouve aussi :

  ;
 .

(Pour un calcul sans cette condition, voir l'exercice 2-3.)

Nous voyons alors que y0, y1, y2 sont les trois racines de l'équation :

 .

Cette équation étant du troisième degré, nous avons appris à la résoudre et nous en déduisons les valeurs de y0, y1, y2, que l’on supposera désormais connues. À partir de ces valeurs, il nous faut maintenant en déduire les valeurs de z0, z1, z2, z3. Pour cela, nous allons fabriquer trois équations du second degré ayant pour racines respectivement :

  et  ,
  et  ,
  et  .


Comme nous avons :

 ,
 ,

nous en déduisons que

  •   et   sont les deux racines carrées de  .

De même :

  •   et   sont les deux racines carrées de   ;
  •   et   sont les deux racines carrées de  .

Ces propriétés se résument par :

 


En additionnant membre à membre les équations (1), (3) et (5), nous obtenons :

 

et comme :

 ,

il nous reste :

 .


De même, en additionnant membre à membre les équations (1), (4) et (6), nous obtenons :

 ,

et ainsi de suite.

Nous voyons que les solutions de l'équation :

 

sont :

 


Nous voyons dans les formules précédentes que les valeurs de z0, z1, z2, z3 dépendent des racines carrées de y0, y1, y2. Comme il y a deux façons de choisir la racine carrée d'un nombre complexe, on peut alors se demander si l'on peut la choisir au hasard. La réponse est non ! Pour s'en convaincre, il suffit de remarquer que si l’on remplace un choix quelconque des racines carrées par leurs opposées, on transforme toutes les racines en leurs opposées, ce qui signifierait que dans l'équation à résoudre, les racines sont opposées deux à deux. Ceci est absurde. L’analyse des formules précédentes montre qu'une fois que les racines de deux des valeurs y0, y1, y2 sont choisies, alors le choix de la troisième s'en déduit.

Pour savoir comment choisir les trois racines, calculons leur produit. On a :

 


Nous retiendrons :


Résumé de la méthode « de Lagrange »

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Ce que nous avons fait au paragraphe précédent est un peu long. Nous allons le résumer dans un encadré.

Début d’un principe
Fin du principe


Début de l'exemple
Fin de l'exemple

Quelques commentaires sur la méthode

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  • Dans l'exposé de la méthode, nous avons posé :
      ;
      ;
     .
    On peut alors se demander à quoi servent les signes –. N'aurait-on pas pu simplement poser :
      ;
      ;
      ?
    C'est en fait ce que font certains auteurs. Dans ce cas, la résolvante aurait été :
     
    et les solutions auraient été :
     
    et l’on voit réapparaître des signes – sous les radicaux dans les solutions. Il faut donc faire un choix sur l'emplacement où l’on préfère voir les signes –.
  • On remarque aussi que dans :
     ,
     ,
     ,
    on a des produits de sommes. On aurait pu envisager plutôt des sommes de produits en posant :
      ;
      ;
     .
    C'est en réalité ce choix qu'avait fait Lagrange dans sa première méthode (voir infra). Nous établirons le lien entre ces deux variantes dans l'exercice 7-4.
  • La méthode de Lagrange (avec notre choix ci-dessus ou avec le sien) fournit les mêmes résultats que celle de Ferrari donc aussi que celle de Descartes, aux notations près (voir infra).
  • Contrairement aux méthodes astucieuses de Ferrari et de Descartes, la méthode de Lagrange est basée sur un raisonnement logique qui, a priori, semble indépendant du degré de l'équation. Malheureusement, si l’on fait un raisonnement similaire pour des équations de degré supérieur ou égal à cinq, on aboutit à une résolvante dont le degré est supérieur au degré de l'équation à résoudre. Ceci a amené Lagrange à conjecturer que les équations ne sont pas résolubles par radicaux pour un degré supérieur ou égal à cinq. Lagrange n'a pas réussi à montrer ce qu’il soupçonnait mais ses travaux ont inspiré les recherches ultérieures de Niels Henrik Abel et Évariste Galois.

Méthodes originelles de Lagrange

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De même que les méthodes de Ferrari et de Descartes, celle de Lagrange s'applique tout aussi bien directement[1] — comme Lagrange lui-même l'avait fait[2] — à une équation de la forme

 ,

sans la mettre au préalable sous la forme  .

Lagrange donne deux méthodes pour trouver les quatre racines x0, x1, x2, x3 de  .

Première méthode

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Lagrange choisit des sommes de produits plutôt que, comme nous plus haut, des produits de sommes (cf. deuxième commentaire ci-dessus).

Il pose donc :

  ;
  ;
 .

Alors :

  ;
  ;
 ,

de sorte que u0, u1, u2 sont les trois racines de la résolvante cubique suivante :

 .

Connaissant l'une d'elles, par exemple u0, on en déduit les valeurs de

 ,

dont la somme est u0 et le produit est e, en résolvant l'équation du second degré

 .

Puis, en résolvant le système linéaire

 

on connaît non seulement les produits (P0 et P1) des deux paires de solutions, mais aussi les sommes :

 

et l'on en déduit les quatre solutions x0, x1, x2, x3 en résolvant les deux équations du second degré

 .

Lagrange retrouve ainsi (cf. exercice 7-3) les formules de Ferrari (cas général), aux notations près ( ) — dont nous savons qu'elles sont équivalentes à celles de Descartes (avec  ) — mais il ne poursuit pas cette méthode car il en trouve une plus simple (ci-dessous). On peut cependant, comme dans le cas particulier b = 0 ci-dessus, exprimer les solutions x0, x1, x2, x3 en fonction des trois racines u0, u1, u2 de la résolvante (cf. exercice 7-4).

Seconde méthode

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Lagrange pose

  ;
  ;
 .

Les

 

sont alors liés aux   de la première méthode par :

 

donc sont les racines d'une nouvelle résolvante cubique :

 ,

soit

 .

Les solutions x0, x1, x2, x3 se déduisent des racines carrées   des   :

  ;
  ;
  ;
 ,

mais il faut prendre garde (de même que dans le cas particulier   ci-dessus) à faire un choix cohérent des trois racines carrées  , de façon que leur produit soit bien égal à  , et non à son opposé.

Début de l'exemple
Fin de l'exemple


Références

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  1. Joseph-Alfred Serret, Cours d'algèbre supérieure, 1854, 2e éd. (1re éd. 1849) [lire en ligne], p. 237-242 .
  2. Joseph Louis de Lagrange, Réflexions sur la résolution algébrique des équations, 1770 [lire en ligne], p. 263-268 .