Évolution de la taille corporelle


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La taille corporelle constitue un caractère phénotypique. Entre les différents individus d’une même espèce, elle peut présenter une certaine variabilité selon le sexe (dimorphisme sexuel), l’environnement, ou la génération considérée (variabilité temporelle). En tant que caractère phénotypique héritable, la taille corporelle est soumise à l’évolution. La règle de Cope suggère une évolution au cours du temps vers une augmentation globale de la taille des individus au sein d’une même lignée évolutive. Cependant, ce phénomène n’est pas systématique et de nombreuses études réfutent cette règle. La sélection naturelle peut conduire à une évolution vers une taille croissante ou décroissante au cours des générations selon l’action de différentes pressions de sélection, favorisant une taille importante ou au contraire, réduite. On peut résumer ce processus évolutif par l’équation suivante :

  •  : la taille moyenne au sein de la population étudiée
  •  : une génération donnée
  •  : la réponse à la sélection exercée sur la taille moyenne dans la population

On peut exprimer sous la forme d'une seconde équation:

  •  : l'héritabilité de la taille corporelle
  • : le différentiel de taille induit par la sélection, défini par la différence de taille avant et après la sélection
  • : la variance génétique additive de la taille corporelle, soit l’évolvabilité des traits (leur capacité de réponse à la sélection)
  • : la variance phénotypique définie par la variance génétique et la variance environnementale sachant que

L’évolution de la taille corporelle est aussi soumise à certains compromis évolutifs, soit des trade-off. Les bénéfices que fournissent une importante taille corporelle (ex : meilleure capacité de compétition, réserves énergétiques plus importantes) sont associés à des coûts (ex : attractivité par rapport à la prédation, besoins énergétiques plus élevés).

Le taux métabolique

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Le métabolisme est une combustion. Il y a des donneurs d’électrons, et des accepteurs d’électrons. La combustion est la façon dont l’ATP va être alloué à certaines fonctions qui vont donner les adaptations possible à l’environnement. Le taux métabolique est corrélé positivement à la taille corporelle.

Influence de la température

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La loi de Bergmann

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Généralités
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La loi de Bergmann[1] indique une relation entre la température et la taille des individus. Elle assume que les animaux de petite taille vivent plutôt dans les milieux à haute température, tandis que les animaux de grande taille se situent dans des environnement froids.

Cette loi fût vérifiée pour les mammifères et les oiseaux autrement dit chez des endothermes. On peut citer l'exemple du rat à queue touffue (Neotoma cinerea), chez qui la taille a fortement diminué au cours du temps dans un contexte de réchauffement climatique[2].

Explications
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Les animaux de petite taille ont un fort rapport surface-volume ce qui leur permet de mieux dégager de la chaleur par convection. À l'inverse, ce rapport pour les animaux de grande taille est faible, ils ont donc proportionnellement un plus faible dégagement de chaleur. Cela leur permet de maintenir une température interne stable dans un milieu froid. Par conséquent, vivre dans des milieux chauds est un avantage pour les animaux de petite taille. En effet s'ils vivaient dans des milieux froids, la perte de chaleur aurait un grand impact sur leur métabolisme: ils seraient obligés de produire plus de chaleur pour avoir un métabolisme stable.

Si la température devient trop élevée, les petits animaux perdraient trop d'eau (forte évaporation) ce qui constituerait pour eux un désavantage. Les petits individus sont donc avantagés lorsque les températures sont hautes sur une échelle de temps courte. Les grands individus sont avantagés lorsqu'il y a augmentation de la fréquence de hautes températures sur une longue période[3]. (Figure 1)

La loi de la température-taille

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Cette loi[4] s'applique pour les ectothermes dont la température varie en fonction du milieu extérieur. Cependant, il est difficile d'expliquer les mécanismes liés à cette loi, puisque l'enjeu d'être de petite ou grande taille n'est pas lié à la limitation de perte de chaleur pour maintenir un milieu interne stable. Pour expliquer ces phénomènes, Atkinson a considéré deux approches, l'une prônant une plasticité non adaptative et l'autre une plasticité adaptative.

Approche de la plasticité non adaptative
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Elle se centre principalement sur l'effet de la température sur le métabolisme cellulaire. Van der Have et De Jong ont avancé que l'ADN réplicase responsable de la différentiation cellulaire était plus sensible à la température que la synthèse protéique à l'origine de la croissance cellulaire. À haute température il y aurait donc beaucoup de différenciation et peu de croissance, ce qui expliquerait que les animaux à hautes températures serait petits.

Woods proposa que les hautes températures entraîneraient une baisse d'oxygène et cela aurait pour conséquence une diminution de la taille de la cellule. A priori, aucun mécanisme général n'a été découvert pour expliquer la plasticité non adaptative.

Approche de la plasticité adaptative
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Elle concerne l'ensemble des avantages et inconvénients à être d'une certaine taille dans un milieu donné, elle s'appuie donc sur la sélection naturelle. Deux preuves appuient cette théorie. La divergence génétique à travers le monde montre des schémas de différences de taille selon les régions froides et chaudes. Les expériences en laboratoire notamment pour la drosophile ont montré une évolution de la taille des individus en fonction de la température.

Pour chaque environnement (froid ou chaud) on distingue des coûts et des avantages à avoir une certaine taille.

Dans les milieux chauds, la maturation des organismes est plus rapide, la reproduction se fait donc lorsque les individus sont jeunes. Le nombre de reproduction est élevé, il y a plus de juvéniles produits et en un temps court. Cependant les individus auraient une moins bonne survie qu'en milieux froids.

Dans les milieux froids, les individus ont une meilleure fécondité puisque la fécondité augmente avec la taille (Roff, 2002). Les jeunes sont de meilleure qualité. Cependant, la longue maturité expose les individus aux différents risques de mortalité (prédation, parasitisme, maladies...), de plus il y a moins de jeunes produits.

Notons que pour simplifier cette théorie, seule la survie et la reproduction ont été prises en compte mais d'autres paramètres apporteraient une meilleure explication des mécanismes de sélection.

On distingue un lien étroit entre la température et le métabolisme, ces deux paramètres influant sur la taille de individus.

Modélisation du taux métabolique.

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Kleiber (1932)[5] établit une première relation d’allométrie du métabolisme. Le taux métabolique et la masse sont reliés par une fonction de type puissance : une première relation d’allométrie du métabolisme:

 

Avec I : le taux métabolique ; I0 : une constante indépendante du corps ; M : la masse de l‘organisme.

En biologie, les exposants allométriques ont la propriété particulière d’être des multiples de ¼ et non de ½ comme le prédit la géométrie Euclidienne.

Une transformation log permet de linéariser cette relation de type puissance.

Suivant cette fonction, plus un animal sera grand plus son taux métabolique sera élevé.

Ce raisonnement logique nécessite, pour pouvoir faire une comparaison entre plusieurs espèces, d’utiliser le taux métabolique spécifique par unité de poids où sera comparé le taux métabolique par kilogramme .

 
le taux métabolique spécifique en mg O2/Kg/h des mammifères en fonctions de leurs masse en kG

 

Pour une masse corporelle égale, le métabolisme d’une souris sera plus élevé que celui d’un éléphant. Le taux métabolique spécifique augmente lorsque la masse diminue. Cette corrélation s'explique par le rapport surface/volume des organismes. Une souris possède une grande surface pour un petit volume. À l'inverse de l'éléphant, elle subit donc beaucoup plus de pertes de chaleur par diffusion.

Depuis on a découvert que le taux métabolique est gouverné par 3 facteurs. La taille vue précédemment, la température et la stœchiométrie..

On sait que la température augmente exponentiellement la vitesse des réactions biochimiques et des taux métaboliques. Boltzmann représente cette cinétique par une constante dans la réaction Van’t Hoff-Arrhenius :  

E est l’énergie d’activation en électron volt,

K est la constante de Boltzmann qui montre comment la température affecte la vitesse des réactions en changeant la proportion des molécules avec une énergie suffisante,

T est la température en Kelvin.

I0 est négligeable par rapport à M-0,25, on peut donc simplifier l’équation :

 

Ce modèle met en évidence une relation entre métabolisme et masse, dépendante de la température.

En prenant en compte le taux de renouvellement des substrats énergétiques le modèle devient :

 

Suivant cette équation on peut dire que plus un animal est de grande taille plus il consomme de ressources et plus il les distribue lentement.

Ce modèle qui induit que l’activité des organismes est limitée par le transport des nutriments et leur distribution dans le corps est la base de la théorie métabolique de l’écologie (MTE).

La théorie métabolique de l’écologie (MTE)[6]

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À partir de cette théorie il est possible de prédire comment les processus écologique à l'échelle des individus, des populations et des écosystèmes sont contrôler par le métabolisme. Beaucoup de taux biologiques sont dépendants de la masse et de la température en suivant le modèle de Brown et al.[7] :

  • La production individuelle de biomasse :   et donc la production de biomasse spécifique est :  

Plus l’organisme est gros et la température basse, plus les temps métaboliques sont longs. La croissance dépend donc de la masse et de la température.

  • Dans une population stable, la mortalité doit être égale à la fécondité. La fécondité dépend de la production de biomasse et la mortalité (Z), selon la MTE, dépend du taux métabolique spécifique : .

Donc plus l’organisme est grand et la température basse, plus la mortalité sera faible.

  • La maturité sexuelle est corrélée positivement avec la taille de l’organisme. Selon ce modèle, il est possible de déterminer le taux de croissance exponentielle Rmax d’une population grâce au métabolisme de l’espèce étudiée :   et  

Les petits organismes qui ont une température interne élevée possèdent donc un Rmax supérieur aux organismes plus grands ayant une température interne plus faible.

La sélection naturelle, une force évolutive

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Compétition

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Lorsque les ressources sont limitées, on peut distinguer deux effets de la compétition entre deux espèces différentes.

Tout d'abord, les espèces en compétition présentent plus de différences de taille en sympatrie qu'en allopatrie. Deux espèces compétitrices séparées dans l'espace (en allopatrie), n'entrent pas en compétition et évoluent vers leur taille optimale. En revanche, quand ces deux espèces se trouvent sur un même territoire (sympatrie), la compétition impacte leur taille. En effet, on observe une grande différence de taille entre les deux espèces. Le caractère de la taille devient divergent à cause de la compétition[8]. (Figure 4)

 
Figure 4

De plus, les espèces de même taille ont une plus forte compétition que les espèces de différentes tailles. Avoir une taille similaire rendrait les espèces plus vulnérables à la prédation, aux parasites ou aux pathogènes. Lorsque les tailles divergent, les espèces réduisent le risque de la prédation, c'est le mécanisme d'évitement de la prédation[9].

On observe cette sélection disruptive pour les compétitions intraspécifiques. Une forte compétition induit une forte plasticité phénotypique alors qu'une faible compétition en induit moins[10].

Selon Hutchinson en 1959: il y a un ratio constant de taille dans une population où deux espèces sont en compétition pour une même ressource. Cela permettrait leur coexistence et limiterait l'exclusion compétitive par laquelle, une des espèces finirait par être éteinte à cause de la compétition. Ce ratio serait la résultante de la divergence des tailles[11].

Néanmoins, il existe des cas où l'évolution ne favoriserait pas une taille particulière entre les deux extrêmes mais une taille intermédiaire.

On peut citer le cas où la sélection d'une taille par la compétition est en opposition avec la sélection par la prédation. Par exemple, la compétition favorise les grandes tailles de zooplanctons pour l'exploitation des ressources, mais la prédation favorise les petits individus car ceux ci sont moins consommés. Ainsi, les individus propices à l'exploitation des ressources seront plus enclins à être consommés. Il s'agit d'un trade-off entre l'exploitation des ressources et l'évitement de la prédation. La stratégie serait d'adopter une taille intermédiaire pour être suffisamment grand pour les ressources mais suffisamment petit pour limiter la prédation[12].

Prédation

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La prédation est un des moteurs de l’évolution adaptative : elle met en jeu des stratégies de prédation et des défenses anti-prédation, des mécanismes eux-mêmes soumis à l’évolution. La taille corporelle est un trait phénotypique pouvant constituer un avantage ou un inconvénient pour la proie face au prédateur, comme pour le prédateur face à sa proie. Dans ce dernier cas, un prédateur de forte taille peut s’attaquer à une proie plus grande, lui conférant alors une source de nutriments plus importante. De plus, la grande taille permet d’assurer la victoire sur la proie lors de l’attaque. En revanche, chez de petits prédateurs, une taille réduite peut conférer d’autres avantages comme la probabilité plus importante de passer inaperçu (ex : moustique, tique…), ou la discrétion lors de la chasse (ex : chat). Chez la proie en revanche, il s’agit d’un trade-off, soit un compromis évolutif entre taille refuge (soit une taille à partir de laquelle le risque de prédation est éliminé) et visibilité pour le prédateur (une proie de taille importante sera repérée plus facilement qu’une proie de petite taille).

Chez la salamandre maculée Ambystoma maculatum dont les larves sont prédatées par la salamandre marbrée Ambystoma opacum, ce type de compromis évolutif est observable. En effet, ce prédateur ne s’attaque qu’à des larves dont la taille est inférieure à un certain seuil, correspondant à 37% de sa propre largeur corporelle, ce qui crée chez la proie l’existence d’une taille refuge. Cependant, le prédateur détectant sa proie par son mouvement, une croissance rapide n’est pas qu’un avantage par rapport à la nécessité de fourrager. De plus, une larve de salamandre maculée qui fourrage moins va réduire sa probabilité d’être repérée par le prédateur, mais la réduction de ressources énergétiques va induire une allocation de ressources moindre pour la croissance, d’où une taille corporelle réduite à l’âge adulte. Le trade-off chez la larve de salamandre maculée se joue donc entre réduire la probabilité d’être capturé avec une forte taille, ou réduire sa probabilité d’être détecté par le prédateur avec une petite taille. Une expérience menée par Mark Urban[13] démontre que selon la présence ou l’absence de salamandres marbrées, il y a une évolution dans la taille corporelle des larves de salamandres maculées. En effet, ces proies détectent des kairomones (substance chimique libérée dans l’environnement constituant un signal entre différentes espèces), émis par leurs prédateurs et sont capables en réponse à la détection de ces substances de moduler leur comportement de fourragement, impactant ainsi leur taille corporelle. Cette réponse comportementale, impliquant un fourragement réduit en présence de prédateurs, va conduire à une taille adulte de 20% inférieure chez les proies ayant grandi en conditions expérimentales (forte densité de prédateurs) par rapport à celle d’autres proies élevées en conditions contrôle.

Sélection sexuelle

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La sélection sexuelle se définit comme l’un des mécanismes de la sélection naturelle. Des caractères en apparence désavantageux pour la survie peuvent être transmis à la descendance s’ils augmentent le succès reproducteur. Cette pression de sélection sexuelle est le principal responsable du dimorphisme sexuel qui porte sur la taille des animaux. Il peut s’agir d’une sélection stabilisante favorisant les mâles de taille intermédiaire, ou d’une sélection directionnelle conduisant à une évolution vers une des tailles extrêmes (petite ou grande taille corporelle).

La sélection sexuelle en faveur des grandes tailles

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Une grande taille corporelle est très favorisée chez les organismes à forte compétition intra-sexuelle où, généralement, les mâles doivent se battre pour avoir accès à la reproduction avec le sexe limitant, généralement la femelle. Une grande taille est souvent synonyme d’une masse musculaire plus importante ainsi que d’un stock de réserves plus grand, ce qui se traduit par une meilleure endurance et performance lors des combats ou lors des accouplements forcés (un autre type de sélection sexuelle chez les animaux). Chez certaines espèces (lion, babouin, ours brun) les mâles vainqueurs deviennent dominants et ont recours à l’infanticide pour rendre les femelles à nouveau fécondes. Ils pourront donc transmettre leurs gènes (dont les gènes influant la taille corporelle) aux descendants[14].

Des études démontrent l’existence d’une corrélation entre la taille de la femelle et leurs taux de fécondité chez les organismes ectothermes. Plus la taille est importante plus le nombre de descendants est élevé. Il existe donc un trade-off : l’allocation des ressources pour la croissance et donc une reproduction tardive au lieu d’une maturité sexuelle précoce et une reproduction immédiate. Ceci constitue une forme de sélection de fécondité, qui favorise, chez certain organismes, les femelles avec le génotype de grande taille. Ce génotype sera transmis à la génération suivante à travers ses nombreux descendants, ce qui permettra à long terme une augmentation significative de la taille des individus de la population.

La sélection sexuelle en faveur des petites tailles

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Les organismes dont la taille corporelle est inférieure nécessitent moins de ressources au quotidien, ce qui leur permet de consacrer plus de temps à une activité visant à augmenter leurs succès reproducteur telle que la recherche de partenaire ou la parade nuptiale. Cependant, ce phénomène est compensé par le handicap que constitue la faible disponibilité de petits organismes en réserves énergétiques par rapport à des organismes à grande masse corporelle qui disposent d’une plus importante réserve énergétique.

Il existe des cas extrêmes de dimorphisme sexuel où les mâles ont une taille beaucoup plus petite que les femelles. On observe ce phénomène chez les organismes dont le taux de rencontre entre partenaires est très faible, par exemple chez les araignées ou chez les lophiiformes. En réduisant l’énergie consacrée à leur croissance, les mâles réussissent à acquérir leur maturité sexuelle plus rapidement, ce qui leur permet d’augmenter leur taux de fécondation en cas de rencontre avec la femelle. La petite taille donne également au mâle la possibilité de s’attacher aux femelles tels des parasites pour augmenter leurs chances de fertilisation[15].

Relations hôte-parasite

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En 1915, Harrison[16] établit une règle selon laquelle les hôtes de grande taille seraient préférentiellement attaqués par des parasites de grande taille. Les tailles des parasites spécialisés évolueraient en fonction de leurs hôtes. Trois hypothèses sont avancées, mettant en jeu l’évolution adaptative pour expliquer la corrélation positive entre la taille de l’hôte et celle de son parasite. La taille influence la capacité du parasite à rester attaché à son hôte, à échapper à ses défenses et à se nourrir. Une hypothèse selon laquelle l’espérance de vie plus longue des hôtes de grande taille permettrait aux parasites un temps de croissance plus long a été réfutée du fait du temps de génération inférieur des parasites par rapport à leur hôte. Reed et al. )[17] mettent en évidence chez les hôtes mammifères une corrélation entre la taille du parasite et celle des poils de l’hôte : cette dernière est en effet corrélée à la taille de l’hôte. Ce phénomène serait lié aux appendices du parasite qui, pour lui permettre de s’accrocher à son hôte, doivent être de taille proportionnelle à celle du point d’accroche, soit, le poil. Une disparité dans les tailles augmenterait le risque de tomber du parasite. Cette relation pourrait être un des mécanismes à la base de la corrélation entre taille du parasite et celle de son hôte. Lorsqu’un parasite(Dennyus) est mis sur une autre espèce (Aerodramus fuciphagus) que son hôte habituel (Aerodramus salanganus), quand la taille est similaire, il n’y a pas de différence de survie alors que sur un hôte de plus petite taille (Collocalia esculenta) que l’hôte initial (Aerodramus salanganus) le taux de survie diminue[18]. La taille des parasites augmenteraient bien avec la taille de l’hôte. La taille du parasite(Columbicola) serait également corrélé à celle de son hôte de façon à ce qu’il puisse avoir une réponse de fuite efficace fasse aux mécanismes de défense de l’hôte (pigeons)[19].

Pressions de sélection anthropiques

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Dans un contexte de croissance démographique exponentielle, les activités humaines ont diverses conséquences sur l’environnement : fragmentation des écosystèmes liée à l’urbanisation, l’agriculture ou encore la mise en place de réseaux routiers, surexploitation des ressources notamment par la pêche, émission de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique… Ces différents phénomènes ont de nombreux impacts sur l’évolution de la taille corporelle des espèces.

Différentes conséquences de la fragmentation sur l’évolution de la taille corporelle :

Dans le cas des prédateurs, des études démontrent que la fragmentation des habitats influence l’évolution de la taille corporelle. En effet, des milieux vastes et non perturbés par les activités anthropiques (pollution, aménagements urbains, industriels ou agricoles…) ont tendance à favoriser un accroissement important de la taille des prédateurs alors que la réduction de la taille des habitats s’accompagne d’un déclin de la taille corporelle et de la biomasse de ces organismes. Ces observations s’expliquent par une isolation et une diminution de l’abondance des proies disponibles, dont les populations sont perturbées par la fragmentation. Dans ce contexte, les ressources alimentaires des prédateurs étant diminuées, leur apport énergétique réduit est moins apte à répondre à un taux de croissance important[20]. En Nouvelle-Zélande, une étude a ainsi montré qu'au sein des rivières, lorsque sur une année sont installés des structures limitant l'espace disponible ou coupant longitudinalement la rivière, la circulation des poissons était ainsi perturbée. Dans les différentes rivières, selon la présence de la barrière induisant un effet de fragmentation, ou son absence, la densité des proies se voyait réduite ou non. Dans les rivières où la barrière est présente, la diminution de la biomasse des prédateurs se voit fortement réduite au bout d’une année alors qu'elle reste stable dans les rivières non perturbées.

En revanche, chez certaines espèces nécessitant de se déplacer sur d’importantes distances au quotidien pour la recherche de ressources alimentaires, la fragmentation génère des effets opposés. Ce phénomène a été étudié sur différentes populations d’abeilles par Warzecha et al[21]. En effet, la capacité de fourragement des individus étant positivement liée à la taille corporelle, les espèces les plus petites sont donc plus vulnérables face à la fragmentation que celles de taille plus importante. À l’échelle des communautés, les espèces les plus abondantes en milieu fragmenté sont donc celles présentant la taille corporelle la plus importante. Au sein d’une même espèce, la fragmentation peut aussi constituer une pression de sélection conduisant à une évolution vers l’augmentation des tailles corporelles moyennes des individus. Ce phénomène touche surtout les espèces d’abeilles de taille intermédiaire telles que Andrena flavipes et Andrena haemorrhoa. Ceci s’explique par le fait que, de part leur capacité à accéder à des ressources situées à plus importante distance, les espèces de grande taille ne sont pas affectées par la fragmentation. Les espèces de taille plus petite sont soumises à la stochasticité environnementale : en l’absence de capacité de dispersion suffisante, les populations localisées sur des patchs comportant suffisamment de ressources survivront tandis que les autres s’éteindront localement.

Impact de la chasse aux trophées sur l’évolution de la taille corporelle:

La chasse aux trophées constitue un mode de prélèvement sélectif des individus au sein de la population, basé sur des traits phénotypiques précis. Le prélèvement ciblé de grands vertébrés, comme c’est souvent le cas lors de la chasse aux trophées, crée une sélection directionnelle vers une diminution de la taille des organismes de la population. En effet, la taille corporelle est un trait héritable. Le prélèvement d’individus de grande taille touche notamment des individus jeunes à croissance rapide. Cela affecte donc leurs chances de se reproduire, soit de transmettre leurs gènes à des descendants, par rapport à des individus présentant des phénotypes moins attractifs(taille corporelle réduite) dans ce contexte de chasse au trophée. Cette sélection taille-dépendante affecte la contribution génétique des grands individus à la génération suivante. Cela mène à un mécanisme de fixation d’allèles responsables de la petite taille des individus, d’où une évolution rapide de la population vers les phénotypes de petite taille corporelle. De plus, chez des populations où le sex-ratio est biaisé en faveur des femelles (ex : le cerf Cervus elaphus), le prélèvement ciblé des mâles (comme c’est souvent le cas dans la chasse au trophée) diminue la compétition entre mâles pour la reproduction, réduisant la pression de sélection sexuelle dont l’issue se base, dans le cas de combats, majoritairement sur la taille des mâles en compétition. Il s’agit alors d’une contre-sélection exercée par l’Homme[22],[23].

Influence de la pêche sur l’évolution de la taille corporelle au sein des populations de poissons :

De par la mortalité importante qu’elle cause, la pêche constitue une forme de pression de prédation de l’Homme sur les populations d’organismes aquatiques (poissons, mollusques, crustacés). Les individus à croissance rapide, soit les plus grands à un âge donné, ont donc des chances de survie plus faibles, ayant, à cause de leur taille, moins de chances d’échapper aux mailles des filets. En revanche, les individus à croissance lente repoussent leur risque d’être pêchés, augmentant donc leur probabilité d’arriver à la maturité sexuelle, soit de transmettre leurs gènes à des descendants. La forte mortalité touchant les individus les plus grands a pour conséquence une modification de la taille et de l’âge à maturité sexuelle des individus des générations suivantes, favorisant les individus plus petits capables de se reproduire plus jeunes. L’étude de Conover et Munch[24] sur le poisson Menidia menidia démontre une évolution rapide en quelques générations des organismes vers le phénotype de taille inverse à celle ciblée par le prélèvement sélectif. La population où les prélèvements visaient exclusivement les plus gros individus présente 4 générations plus tard des individus de taille moyenne plus petite que la population initiale alors qu’au contraire, la population où les prélèvements visaient les individus les plus petits voit en 4 générations ses individus devenir bien plus grands que ne l’étaient ceux de la population initiale. Ces phénomènes s’expliquent par une fixation des génotypes responsables d’un taux de croissance rapide en réponse à la prédation exercée sur les organismes petits, et d'un taux de croissance lent en réponse à la prédation exercée sur les grands organismes.

Ce phénomène a été particulièrement mis en évidence chez la morue Gadhus Morhua[25]. Suite à une forte pression de prédation exercée sur les populations de morue par la pêche, l’âge et la taille à maturité sexuelle ont diminué, grâce à des mécanismes génétiques. Il s’agit d’une réponse évolutive au prélèvement ciblant les individus à croissance rapide.

Vulnérabilité face à l’extinction

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La relation entre la taille corporelle et le taux d’extinction suite à un évènement catastrophique a été supposée, cependant la communauté scientifique reste partagée sur la question. Ceci est dû au fait, que les résultats varient en fonction du type de taxon étudié. Les rapports peuvent être positives, négatives, ou nulles entre la taille du corps et vulnérabilité en cas de perturbation majeure. Pour répondre à cette question il faut donc se situer au niveau d’une branche précise de l’arbre phylogénétique[26]. Les études qui ont été menées à ce sujet, se focalisant sur les mammifères et les oiseaux ont réalisé une approche théorique. Elles ont analysé si c’était les espèces de petite ou de grande masse corporelle qui étaient plus touchées par les différentes crises d’extinction passées et actuelles. Les résultats ont tendance à montrer que les catastrophes dues aux aléas environnementaux et aux activités humaines affectent de manière disproportionnée les plus grandes espèces d’oiseaux[27] et de mammifères[28]. Ceci s’explique par le fait que les animaux de grande taille ont tendance à avoir un taux de reproduction inférieur aux espèces de petite taille, le taux d’accroissement de la population se voit donc diminuer en fonction de la masse corporelle. On parle d’espèces à stratégie k, qui sont meilleures compétitrices, mais possèdent une faible capacité de dispersion. Elles sont favorisées dans les milieux stables où les changements environnementaux sont faibles. Les populations moins nombreuses sont donc bien plus vulnérables aux épidémies à cause d’une richesse génétique plus faible et un taux d’adaptation plus lent face aux changements environnementaux. De par leur faible dispersion, elles ont tendance à avoir une répartition géographique moins importante et donc une exposition au risque d’extinction plus important en cas de catastrophe écologique dans leur habitat.


Références

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  1. (en) « Bergmann's rule », Wikipedia, 2016-09-27 [texte intégral (page consultée le 2016-10-15)]
  2. (en) « "Evolution in body size in the woodrat over the past 25,000 years of climate change"- Smith, F.A., J.L. Betancourt & J.H. Brown. 1995 »
  3. (en) « "Declining body size: a third universal response to warming?" Janet L. Gardner 2011 »
  4. (en) « "Temperature, Growth Rate, and Body Size in Ectotherms: Fitting Pieces of a Life-History Puzzle" -Anguilleta 2004 »
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  8. Virginie Millien, « Relative Effects of Climate Change, Isolation and Competition on Body-Size Evolution in the Japanese Field Mouse, Apodemus argenteus », Journal of Biogeography, vol. 31, 2004-01-01, p. 1267–1276 [texte intégral (page consultée le 2016-10-15)]
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