Argots à base française/Jargon

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En linguistique, un sociolecte est le parler d'un groupe social, d'une classe sociale, ou de toute catégorie se distinguant une « culture intime ». Il diffère ainsi des géolecte et topolecte, variantes de langues respectivement parlées dans une région particulière ou une aire géographique plutôt restreinte — même si certains sociolectes peuvent être des dialectes privilégiés — et de l'idiolecte, parler d'un individu. Un jargon, appelé aussi technolecte, est un sociolecte.

Jargon
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Chapitre no 1
Leçon : Argots à base française
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Les jargons modifier

En sciences du langage, un jargon est un parler propre aux représentants d'une profession ou d'une activité commune et parfois privé. C'est un sociolecte. Du XIIIe au XVIIIe siècles, ce mot a été employé dans l'usage commun, entre autres acceptions, pour désigner des langages, jugés secrets ou difficiles à comprendre, de différents groupes de gens vivant plus ou moins en marge de la société (bandits, voleurs, mendiants, merciers ambulants, etc.). Au XVIIIe siècle, il a peu à peu été supplanté dans cet emploi, sauf dans les écrits portant sur le jargon ancien, par le mot argot qui n'avait pas du tout, au départ, cette signification. Contrairement à l'une des représentations que l'on peut avoir de l'argot, le but premier du jargon au sens linguistique du terme n'est pas d'exclure tout étranger au groupe par un langage crypté. Le non-initié risque de ne pas comprendre le jargon, mais celui-ci ne s'est pas développé dans ce but. Le jargon a principalement des fonctions techniques et identitaires.

Jargon de Wikipédia modifier

 
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Wikipédia possède un article à propos de « Aide:Jargon de Wikipédia ».
Exemples
  • Ce wikipédien qui est un glyptodon fait une wikipause.
  • Le troll est à distinguer du flaming.
  • Cet utilisateur a été sysopé.

Jargon informatique et jargon internet modifier

Le jargon informatique est un pseudo-langage propre aux représentants des professions gravitant autour de l'informatique. Discutant essentiellement par messages courts, ces personnes utilisent des abréviations, souvent d'origine anglophone.

Il existe d'autres jargons plus ou moins « colorés » informatique, comme le langage SMS ou l'argot Internet.

  • « lol » est l'acronyme en argot Internet et en langage SMS de l’expression anglaise Laughing out loud ou Laugh out loud (mot à mot : rire à voix haute, ce qui peut se traduire par « rire aux éclats »).
  • « amha » = ÀMHA ou àmha, sigle signifiant « à mon humble avis » en argot Internet,
  • Le hashtag (#) est un marqueur de métadonnées lié au domaine de l'informatique. Composé du signe typographique croisillon « # » (appelé hash en anglais) (ne pas confondre avec le dièse, « ♯ »), suivi d’un ou plusieurs mots accolés (le tag, ou étiquette), il est particulièrement utilisé sur les IRC et les réseaux sociaux.

Sur les réseaux sociaux, le hashtag sert à centraliser les messages autour d'un terme bien précis. Il fait office de mot-clé pour que les utilisateurs puissent commenter ou suivre une conversation. Si l'on désire faire partager la phrase : « Wikipédia est une encyclopédie », mieux vaut mettre les hashtags devant « Wikipédia » et « encyclopédie » car ils symbolisent les mots-clés de la conversation : « #Wikipédia est une #encyclopédie ».

Exemples
  • Babasse - Nom générique pour un ordinateur. Son utilisateur s'appelle un « babasseur », on dit souvent « babasseur fou » quand il y a excès. On dit aussi « ordi » et « bécane ».
  • merger - De l'anglais « to merge », fusionner, fusionner le contenu de deux ou plusieurs fichiers en un seul.
  • Igam - Contraction phonétique issue de l'anglais « I've got a mail ».

L'argot modifier

Selon certains auteurs, un argot est un registre de langue ou un parler particulier à un groupe social, c'est-à-dire un sociolecte, qui vise à exclure tout tiers de la communication. L'argot a initialement pour fonction de chiffrer le message, avec pour visée qu'un non-initié ne le comprenne pas. Il a également une fonction identitaire car il permet la reconnaissance mutuelle des membres du groupe et la démonstration de leur séparation de la société par un langage différent. Il faut distinguer l'argot du jargon, qui est propre à un groupe professionnel et est censé en théorie ne pas avoir cette visée cryptique.

Exemples de termes d'argot modifier

 
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Wiktionnaire possède un article à propos de « Annexe:Liste de termes argotiques en français ».
  • Argent : artiche, as, aspine, aubert, avoine, balles, beurre, biftons, blanquette, blé, boules, braise, bulle, caire, carbure, carme, chels, chou, caillasse, claude, craisbi, douille, fafs, fafiots, fifrelins, flèche (un ou pas un), flouze, fourrage, fraîche, fric, galette, galtouse, ganot, genhar (verlan), gibe, graisse, grisbi, japonais, lard, love, maille, monaille, mornifle, némo, os, oseille, osier, pion, sac, barre, brique, patate, pâte, pélauds, pépètes, pèse, picaillons, pimpions, plaque, plâtre, pognon, radis, rafia, ronds, pascal, louis d'or, ecusson, sauce, soudure, sous, talbins, trêfle, thune, etc.
  • Manger : becqueter, bouffer, boulotter, briffer, cartoucher, casser la croûte, casser la dalle, casser la graine, claper, croûter, damer, galimafrer, gamelle, grailler, jaffer, mastéguer, morfiler, tortorer, morganer, rayaver, etc.
  • Saoul : beurré (var : comme un p'tit Lu), bitu (bituré), bourré, plein, rond (comme une queue de pelle), déchiré, défoncé, arraché, chaud, pacté, pompette, fracasse/é, schlass, à la rue, gris/noir, schtrac, froid, pété, torché, fait, fini, attaqué, chargé la mule, parti en sky, etc.
  • Se faire avoir : se faire patchaquer (la patchaque), se faire niquer, se faire baiser, se faire bénène, se faire bebar, se faire carotte, se faire mettre (profond), se faire beh, se faire passer un sapin, se faire douiller, se faire reluire la turbine à chocolat, se faire fouetter le choux fleur, se faire empapaouter, se faire couillonner, se faire entuber, se faire sodomiser verbalement, se faire fourrer, se faire pénétrer, se faire doigter, se faire pogner, se faire buster, se faire sucer, se faire prendre (jusqu'à l'os), se faire crosser, etc.
  • Tomber, chuter : se gaufrer, se croûter, se vautrer, se ramasser, se viander, se scratcher, se bananer, se tauler, se prendre une boîte, se mettre au tas, se casser la gueule, s'étaler, se péter la tronche, se gameller, se prendre une gamelle, se prendre une pelle, manger le bitume, se bêcher, etc.
  • Sexe masculin : bite, teub, paf, braquemard, chibre, chibraque, braque, popaul, balayette infernale, poireau, queue, quéquette, zizi, zigounette, zguègue, zob, zboub, bistouquette, biroute, gourdin, bijou de famille, vier, etc.
  • Sexe féminin : chatte, chagatte, minou, minet, foufoune, foune, choune, frifri, craquette, moule, motte, barbu, tablier de sapeur, con, etc.

Parmi les argots, il y en a qui fonctionnent avec des systèmes de codage. Parmi ceux-là citons :

  • Le verlan, procédé très utilisé depuis 1980.
Exemple : keuf est le verlan de flic (via le passage par un stade disyllabique hypothétique keufli).
  • Le javanais, consistant à rajouter le son av (ou tout autre son) entre les consonnes et les voyelles.
Par exemple Marcel → Mavarçavel.
  • Le louchébem (ou largonji), consistant à remplacer la consonne initiale par un L, et la reporter à la fin du mot avec une terminaison (initialement créé par les louchébems de Laripette).
Boucher → loucherbem ; à poil → à loilpé ; fou → loufoque. Le mot loufoque est entré dans le vocabulaire courant.

Les différents argots modifier

Verlan modifier

Le verlan est une forme d'argot français qui consiste en l'inversion des syllabes d'un mot, parfois accompagnée d'élisitre utilisées par le peuple à partir du XVIe siècle mais l'usage du verlan s'est particulièrement développé à partir de la Seconde Guerre mondiale. Initialement utilisé comme langage cryptique dans les milieux ouvriers et immigrés de la banlieue parisienne, il s'est rapidement répandu à toutes les classes de population, notamment grâce à son usage au cinéma et en musique.

américain ricain/cainri (par aphérèse)
arabe beur, rebeu
chinois noiche
copine pineco
femme meuf
fête teuf'
flic keuf
louche chelou
pourri ripou
jobard barjo

Exemple : Mon reup, il était trop vénère. (Mon père était très énervé.)

Louchébem modifier

Le louchébem ou loucherbem, dans son nom complet largonji des louchébems (« jargon des bouchers »), désigne l'argot des bouchers parisiens et lyonnais de la première moitié du XIXe siècle. Le louchébem reste de nos jours connu et usité dans cet univers professionnel.

Le processus de création lexicale du louchébem se rapproche du verlan et du javanais. On « camoufle » des mots existants en les modifiant suivant une certaine règle : la consonne ou le groupe de consonnes au début du mot est reportée à la fin du mot et remplacée par un « l »2, puis on ajoute un suffixe argotique au choix, par exemple -em/ème, -ji, -oc, -ic, -uche, -ès 3. Ainsi s-ac se mue en l-ac-s-é, b-oucher en l-oucher-b-em, j-argon en l-argon-j-i, etc. Le louchébem est d’abord et surtout un langage oral, et l’orthographe utilisée pour l'écrire est donc souvent phonétique.

  • l'argot = largomuche
  • bonjour = lonjourbem
  • boucher = louchébem
  • femme = lamfé
  • fou = louf (loufoque)
  • en douce = en loucedé ou en loucedoc
  • cher = lerche ou lerchem
  • pas cher = pas lerche

David Alliot, Larlépem-vous louchébem ? L'argot des bouchers, Paris, Éditions Horay, 2009.

Argot javanais modifier

Le javanais ou langue de feu, apparu en France dans la dernière moitié du XIXe siècle, est un procédé de codage argotique utilisant une phonologie parasitaire constituée par l'insertion d'une syllabe supplémentaire entre voyelles et consonnes, dans le but de rendre ce texte moins compréhensible aux non initiés. Cette syllabe comporte un son lié au nom de la variante : « ja » ou « av » dans la variante « javanaise » et une syllabe comportant « f » dans la variante « langue de feu ». La difficulté réside tout autant dans l'habileté à placer les syllabes supplémentaires de façon naturelle dans la conversation, qu'à la compréhension orale.

On rajoute av après chaque consonne (ou groupe de consonnes comme par exemple ch, cl, ph, tr,…) d'un mot. Si le mot commence par une voyelle, on ajoute av devant cette voyelle. On ne rajoute jamais av après la consonne finale d'un mot.

« moyen » est codé mavoyaven
« pays » est codé pavayavis
Exemples
  • allumettes → avallavumavettaves
  • train → travain
  • bonjour → bavonjavour
  • Jésus-Christ → Javésavus-Chravist
  • supermarché → savupavermavarchavé

Argot universitaire français contemporain modifier

Les classes préparatoires littéraires sont appelées hypokhâgne (1e année, officiellement lettres supérieures), abrégé en HK, et khâgne (2e année, officiellement première supérieure), abrégé en KH. (ὑπό étant le préfixe grec signifiant « en dessous »). Le rassemblement de l'hypokhâgne et de la khâgne lors de certaines occasions est désigné par l'abréviation HKH. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le mot de khâgneux était utilisé pour moquer les universitaires, Un khâgneux est un carré la première année, un cube s'il demande à redoubler et un bica (pour bicarré) s'il triple sa classe.

L'archicube désigne l'ancien élève de l'École normale supérieure et l'annuaire des anciens élèves est nommé l'archicubier.

Les classes préparatoires scientifiques à dominante mathématique sont appelées taupe et leurs élèves taupins. Les mots hypotaupe et hypotaupin (pour désigner maths sup par opposition à maths spé) sont tombés en désuétude. On désigne plutôt les élèves selon leur année d'étude par les expressions trois-demis, cinq-demis et sept-demis.

Les élèves des classes préparatoires peuvent être internes. Leur chambre est appelée thurne ou piaule et leurs camarades de chambre cothurnes ou copiaules.

L'argad'z est un type d'argot utilisé traditionnellement par les gadz'arts, élèves et anciens élèves d'Arts et Métiers ParisTech. Il se caractérise par un vocabulaire spécifique, constitué d'un mélange d'emprunts à l'argot traditionnel, au vocabulaire militaire, et de créations propres à l'école, ainsi que par diverses règles distinctives dans le domaine de la grammaire et de la phonétique.

Argot des prisons modifier

L'argot des prisons ou argot carcéral est l'argot parlé par les détenus en milieu carcéral, afin de faire passer entre eux des messages qui ne soient pas compris par les surveillants.

Jean-Michel Amand, Dictionnaire d'argot des prisons, Baleine, coll. « H. C. » (ISBN 2-84219-452-7) 

La langue djeunz ou l'argot français contemporain modifier

L'argot français contemporain est une forme d'argot parlé en France par une partie de la jeunesse. On l'appelle aussi langue djeunz (de djeunz, qui signifie « jeunes » dans cet argot) car ses locuteurs font essentiellement partie de la jeunesse, ou encore par langue des cités ou argot des cités, parce qu'il se parle particulièrement dans les quartiers populaires (les cités) de France.

Exemple : Cette go, elle bédave pas. (De go = fille en bambara, dérivé de l'anglais girl et bédave = fumer en gitan : Cette fille ne fume pas).

Exemple : Je suis speed (Je suis pressé).

Par troncation et resuffixation (par exemple -os : musicien → musicos ; -oche : valise → valoche, télé → téloche).

  • Jean-Pierre Goudaillier, Comment tu tchatches. Dictionnaire du français contemporain des cités, Paris, Maisonneuve & Larose, 1997 (1ère éd.), 1998 (2e éd.), 2001 (3e éd.)

Argot parisien modifier

L'argot parisien est l'argot en usage à Paris.

Les jargons et argots à l'écrit modifier

Les émoticônes modifier

Une émoticône est une courte figuration symbolique d'une émotion, d'un état d'esprit, d'un ressenti, d'une ambiance ou d'une intensité, utilisée dans un discours écrit. La tendance est née de la combinaison de plusieurs caractères typographiques, comme le smiley :-), mais le terme désigne aussi une petite image – pouvant être fixe ou animée – telle que «   », et de manière générale une forme là où elle est possible. Elle permet de communiquer brièvement, à l'écrit, une information comparable à une expression faciale, au ton de la voix ou à une gestuelle à l'oral.

L'émoticône ne doit être confondue, ni avec l'art ASCII, ni avec les ornements et symboles typographiques appelés casseaux (dingbat)[note 1].

Les casseaux modifier

Un casseau est une partie de la casse (une casse comprend deux casseaux, un pour les capitales ou haut-de casse, un pour les bas-de-casse), ou une petite casse contenant des types particuliers ou peu courants[1].

Par extension, le terme désigne aussi le contenu, un caractère typographique représentant un dessin, ou dingbat. Le dingbat[2] est une ornementation ou un symbole graphique utilisés en typographie. Il existe des polices d'écriture spécialisées, dont les glyphes représentent de tels symboles et formes en lieu et place des caractères alphabétiques et numériques usuels.


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Le langage SMS modifier

Le langage SMS est un sociolecte écrit qui modifie les caractéristiques orthographiques voire grammaticales d'une langue afin de réduire sa longueur, dans le but de ne pas dépasser le nombre de caractères autorisé par les messages SMS, ou dans le but d'accélérer la saisie de l'énoncé sur le clavier numérique d'un téléphone. La réduction de la longueur des messages électroniques est apparue avec la banalisation des technologies de l'information et de la communication au cours des années 1990, et ce n'est qu'avec l'arrivée des SMS, qu'une appellation lui a été associée. L'appellation « langage SMS » désigne ainsi, par extension, l'usage de ce type de langage lors d'échanges sur Internet par messagerie instantanée ou courrier électronique, sur les forums Internet et les blogs, ou encore dans les jeux en réseau. L'utilisation du langage SMS sur un autre médium qu'un clavier téléphonique est par ailleurs très controversée et à éviter.

  • g pour « j'ai »,
  • c pour « c'est »,
  • nrj pour « énergie »,
  • a12c4 pour « À un de ces quatre »
  • 2m1, « demain »,
  • bi1, « bien »,
  • koi 2 9, « quoi de neuf ».

Jacques Anis, Parlez-vous texto ? Guide des nouveaux langages du réseau, le cherche midi, Paris, (ISBN 2-86274-888-9), 2001

L'argot d'Internet modifier

L'argot d'Internet est un ensemble d'abréviations et d'acronymes utilisés dans les communications utilisant la messagerie instantanée. Ce sociolecte est né du constat que « moins il y a de lettres, plus les messages sont vite écrits » et est également utilisé sur les bulletin board systems et les SMS1. Certains acronymes sont antérieurs à l'avènement d'Internet, voire antérieurs aux ordinateurs.

Exemple
La l1g8stik / ordinateur pourè tiré profi d'1 lang abréG. (La linguistique par ordinateur pourrait tirer profit d'une langue abrégée.)

L'art ASCII modifier

L'art ASCII, antérieur au langage SMS, consiste à « dessiner » des images plus complexes que de simples émoticônes, également avec l'usage de caractères typographiques.

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 / |       ||        
*  ||----||        
   ~~    ~~
    Vache    


Références
  1. Émile Chautard, Glossaire typographique, Paris, Denoël, 1937
  2. « Terminologie Unicode français - anglais », sur le site du Consortium Unicode.
  1. Certains de ces symboles peuvent toutefois être employés en tant qu'émoticônes.