Autoritarismes et démocratisations/L’État patrimonial
Les États africains offrent à l'extérieur l'apparence d'un État bureaucratique — cet État imposé par le colonisateur — mais à l'intérieur de cette coquille, les détenteurs du pouvoir continuent à recourir à des formes de domination patrimoniale (liens de clientèle, etc.).
Pour Jean-François Médard, le néo-patrimonialisme est une variante du patrimonialisme. À l'instar de l'idéal type wébérien du patrimonialisme, les États africains présentent tous les traits du patrimonialisme en termes de contrôle des ressources par le chef de l'État en recourant aux techniques de l'allégeance et de la soumission. La différence étant que ce mode de domination se situe dans un cadre étatique. Le néo-patrimonialisme correspond donc à une situation de dualisme où l'État se caractérise par un phénomène de patrimonialisation et de bureaucratisation.
La confusion qui s'opère entre le domaine public et le domaine privé permet de souligner la perméabilité des frontières entre le politique et l'économique, phénomène du straddling. L'État africain repose dans son principe sur la non-dissociation des rôles politiques et économiques. Cette interprétation culmine, selon Médard, dans la figure du big man : la stratègie d'accumulation financière des chefs d'État africains est nécessaire pour devenir important et avoir ses dépendants. Le pouvoir personnel s'inscrit dans cette stratégie ; c'est un type de gouvernant dont le pouvoir est davantage celui d'un entrepreneur que celui d'un leader.
Les élites dirigeantes jouissent de privilèges exorbitants par rapport au reste de la société tout en conservant avec cette dernière un degré d'osmose très élevé. La capacité de l'État néo-patrimonial à durer tient de son aptitude à masquer la brutalité de ses pratiques et à masquer les inégalités de position qu'il abrite.