Caligula/Acte IV scène 14, commentaire no 1/Extrait
Acte IV scène 14, commentaire no 1
de la leçon :
Caligula
Caligula, empereur romain dement et sanguinaire, est assassiné en 41 après Jésus-Christ par une conjuration formée par les chefs de la noblesse et du sénat. Cet extrait le dénouement.
ACTE IV, SCÈNE 14
- Il tourne sur lui-même, hagard, va vers le miroir.
[…] C'est l'innocence qui prépare son triomphe. Que ne suis-je à leur place ! J'ai peur. Quel dégoût, après avoir méprisé les autres, de se sentir la même lâcheté dans l'âme. Mais cela ne fait rien. La peur non plus ne dure plus. Je vais retrouver ce grand vide où le cœur s'apaise.
- Il recile un peu, revient vers le miroir. Il semble plus calme. Il recommence à parler, mais d'une voix plus basse et plus concentrée.
Tout a l'air si compliquée. Tout est si simple pourtant. Si j’avais eu la lune, si l'amour suffisait, tout serait changé. Mais où étancher cette soif ? Quel cœur, quel dieu aurait pour moi la profondeur d'un lac ? (S'agenouillant et pleurant.) Rien dabs ce monde, ni dans l'autre, qui soit à ma mesure. Je sais pourtant, et tu le sais aussi (il tend les mains vers le miroir en pleurant), qu'il suffirait que l'impossible soit. L'impossible ! Je l'ai cherché aux limites du monde, aux confins de moi-même. J'ai tendu mes mains, (criant :) je tend mes mains et c'est toi que je rencontre, toujours toi en face de moi, et je suis pour toi plein de haine. Je n’ai pas pris la voie qu'il fallait, je n'aboutis à rien. Ma liberté n'est pas la bonne. Hélicon ! Hélicon ! Rien ! Rien encore. Oh ! Cette nuit est lourde ! Hélicon ne viendra pas : nous serons coupables à jamais ! Cette nuit est lourde comme la douleur humaine.
- Des bruits d'armes et des chuchotements s'entendent en coulisse.
- Une maison invisible poignarde Hélicon. Caligula se relève, prend un siège bas dans la main et symétrique de son souble dans la glace, lance son siège à toute volée en hurlant :
À l’histoire, Caligula, à l'histoire.
- Le miroir se brise et, dans le même moment, par toutes les issues, entrent les conjurés en armes. Caligula leur fait face avec un rire fou. Le vieux patricien le frappe dans le dos, Chéréa en pleine figure. Le rire de Caligula se transforme en hoquets. Tous frappent. Dans un dernier hoquet, Caligula, riant et râlant hurle :
Je suis encore vivant !
Albert Camus, Caligula
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- ↑ prénom romain, désignant en particulier Caligula.