Chindiafrique
Définition
modifierLe terme « Chindiafrique » correspond au titre d’un livre[1], écrit conjointement par Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinski, publié en 2013. Ce néologisme créé à partir de l’association des noms de Chine, Inde et Afrique souhaite mettre en exergue le poids considérable de ces trois espaces dans l’organisation du monde en 2030. Cependant, avant de préciser les caractéristiques intrinsèques et la réalité conceptuelle de cette notion, il est bon de la distinguer de celle de Chinafrique. Cette dernière épouse les contours paronymiques du mot Chindiafrique, mais son contenu sémantique diffère.
La Chinafrique désigne l’intervention économique de la Chine et des groupes chinois en Afrique, avec des contrats économiques, des investissements, des créations d’établissements, mais aussi avec un apport de main d’œuvre chinoise. Le concept de Chinafrique renvoie à des relations Sud – Sud, au niveau géopolitique et accentue le déclin manifeste et patent de l’influence des anciennes puissances coloniales. Le néocolonialisme français (la Françafrique) érigé après la phase d’indépendance de 1958, voit son « pré carré » grignoté de toutes parts.
Le concept de Chindiafrique s’inscrit dans une plus grande complexité intellectuelle et s’appuie sur des marqueurs démographiques, économiques, sociaux, géopolitiques… contemporains, et sur leurs évolutions d’ici à 2030. Ces évolutions seraient positives, continues et constantes, sans altérations. Concrètement, la Chine, l’Inde et l’Afrique bénéficieraient d’un poids majeur dans l’organisation du monde, en 2030. Ils formeraient un triangle dynamique au niveau économique et entretiendraient de multiples liens et interactions complémentaires. Parallèlement, l’organisation actuelle des pôles mondiaux (basée principalement et schématiquement sur la suprématie de la Triade économique) deviendrait obsolète et une nouvelle logique organisationnelle basée sur ces trois nouveaux espaces s’instituerait.
Un monde multipolaire
modifierUn véritable monde multipolaire se dessinerait, éloigné des rapports dominant – dominé, des relations déséquilibrées Nord – Sud et d’une mondialisation accaparée au profit des grandes multinationales des pays développés. En l’occurrence, la Chindiafrique correspondrait aux nouveaux centres du monde, mais également à une reconfiguration totale des rapports. Le cheminement intellectuel expliquant la création de ce concept de Chindiafrique intègre donc plusieurs éléments et constats contemporains, tout en les articulant avec une logique prospective à moyen terme.
Poids démographique
modifierLe premier et primordial postulat est le poids démographique. En 2030, la Chine, l’Inde et l’Afrique compteront chacune 1,5 milliard d’habitants et représenteront ensemble plus de 50 % de la population mondiale. De plus, le facteur jeunesse serait un moteur économique et de développement sociétal, car les deux tiers des 18 – 25 ans seront indiens, chinois ou africains. Leur potentiel professionnel serait élevé, ainsi que leur créativité, en raison des progrès de scolarisation importants réalisés dans ces parties du monde. Ensuite, sur ce terreau démographique fertile, les auteurs insistent sur le développement économique, mais également des sociétés, qui est rapide et pas forcément en adéquation avec les phases conventionnelles de la typologie du développement (les cinq étapes de la croissance économique, conduisant l’économie à l’industrialisation et in fine la société au développement).
Développement
modifierLa Chine, l’Inde et l’Afrique affichent naturellement des différences de développement importants, mais également des disparités internes conséquentes, mais sont dans une dynamique de développement rapide et efficace. Par exemple, les entreprises qui construisent l’Afrique de demain ne sont pas des entreprises locales. L’Afrique et l’Inde inventent leurs propres modèles économiques et de société et ne copient pas le modèle occidental. Enfin, la Chindiafrique dessine ce triangle de puissance, ou tout au moins de pôles moteurs de l’activité économique mondiale, avec des relations, des interactions, des interdépendances entre ces trois espaces.
Les premiers traits de ce tableau sont déjà perceptibles : la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique, mais également de l’Inde ; l’Afrique constitue pour la Chine une réserve de matières premières, mais également en termes de futurs marchés. De surcroît, les populations et les acteurs économiques de ces trois espaces se comprennent mutuellement et savent optimiser leurs points communs. L’Afrique d’aujourd’hui présente les mêmes conditions de travail que la Chine des années 1980. Cette réalité se transforme très vite en atouts pour les entreprises chinoises.
Conclusion
modifierCes différents éléments constituent les germes du concept de la Chindiafrique et par extension de la nouvelle organisation du monde, de 2030. Néanmoins, les auteurs nuancent ce scénario évolutif, en pointant deux incertitudes : la première concerne la croissance économique, avec des différentiels marqués entre les trois espaces. Elle demeure toutefois estimée à 5 ou 6 % par an en Chindiafrique. La seconde incertitude est d’ordre environnementale. Outre la préservation des espaces de vie, la rareté des ressources exige une impérieuse nécessité d’innovation, beaucoup plus accentuée pour la Chine, l’Inde et l’Afrique. De plus, ces espaces et ces sociétés présentent une plus grande vulnérabilité aux changements climatiques que les pays développés.
In fine, les auteurs parachèvent cette construction conceptuelle de la Chindiafrique en esquissant un nouveau visage de la mondialisation. Cette dernière deviendrait « modérée ». cet adjectif qualificatif ne désigne pas un ralentissement de la mondialisation, mais une correction des aspects néfastes actuels (qui sont le corollaire de l’exploitation des déséquilibres) et une efficience partagée des échanges. En l’occurrence, des stratégies gagnant – gagnant, des complémentarités recherchées entre les pays développés et ceux au seuil de l’industrialisation. Pour subsister et être un acteur de demain, l’Europe doit accepter cette nouvelle logique, s’appuyer sur son potentiel, et engager un réel travail sur ses faiblesses structurelles.
Références
modifier- ↑ Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinski, Chindiafrique : la Chine, l'Inde et l'Afrique feront le monde de demain, Paris, Odile Jacob, 2012, 369 p. (ISBN 978-2-7381-2879-9).