Colonisation et travail forcé aux XV-XVIème siècles


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Histoire moderne
 
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Pourquoi la colonisation de nouvelles terres

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L'idée que les Rois d'Espagne se faisaient de la colonisation était grande et belle. Les souverains espagnols, les Rois catholiques, Charles Quint, Philippe II, la concevaient sous forme de l'assimilation. Les Espagnols devait former un seul peuple avec les Indiens. L'Amérique devait être une province de l'Espagne. Le devoir des Espagnols était donc de donner toutes leurs façon de vivre aux Indiens. D'abord, les évangéliser ; ensuite, leur apprendre le castillan et enfin, leur communiquer toutes les mœurs des Espagnols telles que les costumes, les manières, les cérémonies, les formes sociales et politiques. Les Indiens devaient devenir castillans. Par ailleurs, la Reine Isabelle recommanda les mariages entre les Espagnols et les indien(ne)s. Mais la colonisation est due aussi à l'or qui attire les espagnols qui veulent s'enrichir.

De la conquête à l'exploitation puis la disparition d'un peuple

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Les Espagnols ne concevaient leurs relations avec les Indiens que comme celles du seigneur avec ses serfs. Par réaction de défense, ils n'en voulurent que davantage de persuader les Indiens de leur supériorité. Comme nous l'avons déjà dit, les Espagnols voulaient s'enrichir. En effet, à Hispaniola, l'or pouvait être obtenu par orpaillage. Les Indiens refusaient de travailler donc les conquistadores contraignirent les doux et paisibles Arawaks au travail. Colomb accorda les premières encomienda, au grand scandale de la Reine Isabelle, qui dut cependant les admettre en 1502 ; ce fut une catastrophe pour les Indiens. Ils étaient pourtant nombreux à l'arrivée des Espagnols.

Au Guatemala, dans le Yucatan, au Pérou, le processus se répète à peu près à l'identique. Les conquérants multiplient les massacres, les tortures et autres crimes. Les femmes sont éventrées, les nourrissons arrachés à leur mère. Les hommes sont embrochés par groupes et brûlés vifs. Voilà les horreurs qui sont décrites par les témoins, en particulier le prête Bartolomé de Las Casas. Les populations, qui voient d’abord dans les envahisseurs des dieux, restent passives ou réagissent tardivement.

Une fois la conquête achevée, la mise en coupe réglées des nouveaux territoires commence par l'exploitation des mines, pour laquelle la population locale est réquisitionnée. Mines d'or de Colombie, mines d’argent au Mexique et au Pérou, dont le Cerro de Potosi, ouvert vers 1545, constitue ce qu’il y a de plus beau : l'extraction du métal nécessite le travail de milliers d'ouvriers, engagés de force par des chefs de corvées dans les régions environnantes. Sur dix mineurs recrutés, trois seulement survivent ; les autres périssent, victimes des dangers de la mine, du travail épuisant dans la fournaise des galerie souterraines ou, après quelques années,le silicose qui est la maladie typique des travailleurs miniers. " Dans les mines d'Oaxaca, sur une demi lieue à la ronde et sur une bonne partie du chemin, c’est à peine si l’on pouvait faire un pas sans toucher des cadavres et des ossements. Et il y avait tant d'oiseaux et de corbeaux pour dévorer les corps morts qu’ils faisaient de l'ombre au Soleil ", rapporte un témoin.

Accablés de travail, certains, plutôt que de se soumettre, fuient ou essaient de se révolter. Repris, les fugitifs sont battus, soumis de nouveau au travail foré ou parfois mis à mort. D'autres Indiens cherchent dans l'avortement, les infanticides, les suicides individuels ou collectifs, tel celui des Taïnos, à Haïti, qui s'immolèrent par milliers pour échapper aux exigences croissantes des colons propriétaires des mines d'or.

Les Indiens Taïnos étaient, en général, assez mal nourris et fragiles. Or ils n'avaient pas affaire aux encomiendas eux-mêmes le plus souvent, mais à des majordomes et des facteurs qui leurs imposèrent du travail du matin au soir. Il aurait fallu à ces surmenés davantage de nourriture pour pouvoir survivre. Le travail sur les placers diminua la production des vivres et augmenta donc la sous alimentation des Indiens. Très vite, d'ailleurs, le bétail européen proliféra et endommagea les cultures des Indiens. Ceux-ci n'offrirent aucune résistance aux maladies microbiennes apportées part les Européens telles que la rougeole, la variole, qu’il ne soignaient qu'en se plongeant dans l'eau froide, les décimèrent. La natalité ne put compenser les pertes. De plus, faute de moyens pour remplacer le lait maternel, les Indiennes retardaient le plus possible le sevrage et allaitaient quatre ans. Le travail sur les placers tarit le lait maternel et obligea de sevrer beaucoup plus tôt : ce fut une hécatombe d'enfants.

Il s'y ajouta les effets sentimentaux de la domination par l'étranger, de l'isolement des individus dispersés entre les encomiendas, de la séparation des maris et des femmes, du trafic d'indiens, de la destruction des tribus et des clans. Ce fut un désespour et les Indiens se tuèrent ou se laissèrent mourir. Les Espagnols, manquant de main d'œuvre, allèrent razzier des Indiens aux Bahamas, aux Lucayes. Mais ceux ci furent très vite anéantis.

Dès 1501, les Espagnols importèrent des nègres d'Afrique. Mais ils étaient très chers. Ce fut, en partit, le manque de main d'œuvre pour les placers qui provoqua les vagues successives de conquêtes, à Cuba et Porto Rico. Mais les résultats furent les mêmes pour tous les Indiens.

La question de droit posé par les Espagnols

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En effet ces faits de maltraitance posèrent aux Espagnols la question de droit. Avaient-ils le droit de conquérir les Indes occidentales ? Avaient-ils le droit d'asservir les Indiens ? L'entourage des Rois d'Espagne soutint que le souverain avait un droit de propriété sur le pays, donc un droit de conquête. C’est d'un titre de seigneur que les Rois d'Espagne ont tiré la conclusion qu’ils étaient propriétaire du Nouveau-Monde.C'est pourquoi Charles Quint ordonna en 1519 l'incorporation du Nouveau Monde tout entier au territoire de la Couronne royale de Castille. C’est pourquoi ils estimèrent qu’ils avaient le droit, chez eux, de soumettre les Indiens.

Mais avaient-ils le droit de les asservir ? Les colons et beaucoup de théoriciens n'en doutèrent pas. Le plus influent fut Oviedo. En effet, il formula ses théories dès 1519 contre Las Casas, y revint en 1525 dans son Sumario de la nature de las Indias, qui reflète l'esprit des colons. Oviedo adhère à la théorie d'Aristote ; il y a des races qui, par nature, sont tellement inférieures aux autres que, par droit naturel, elles sont destinées à l'esclavage. Or, les Indiens sont de cette catégorie. Ils sont paresseux, vicieux, mélancolique, couards, menteurs et bêtes. De plus, leur mariage est une collection de sacrilèges. Ils sont des idolâtres, libidineux, sodomites. Ils ne songent qu’à manger, boire, adorer des idoles païennes, commettre des obscénités bestiales. S'ils sont décimés, c’est qu’ils sont châtiés par Dieu, commes Sodome et Gomorrhe, pour leur péchés sexuels. Ils sont impossible à civiliser donc ils doivent être tenus en esclavage par la force et cela jusqu'à leur mort.

Heureusement tous les hommes n'ont pas la même vision qu'Oviedo. En effet,Montesinos défendait les Indiens. Il disait : « Les Indiens sont des êtres raisonnables ; ils ont donc droit au même traitement que les Espagnols ; il faut donc les instruire des vérités de la religion pour sauver leur âmes ; il faut les laisser libres, ne pas les accabler de travail, leur donner assez à manger, les soigner dans leurs maladies, les aimer. Les Espagnols, cruels, tyranniques et qui ne font aucune de ces choses sont tous en état de péché mortel. »

Montesinos fut relayé par Bartlomée de Las Casas. Prêtre, encomienda à Hispañola depuis 1502, et à Cuba depuis 1512, tueur d’indiens, il fut frappé de la grâce lors de la préparation d’un sermon en 1514. Convaincu que le traitement des Indiens était injuste et tyrannique, il abandonna ses propriétés, libéra ses Indiens et se fit leur champion depuis son premier mémoire de 1516 pour le Roi d’Espagne. Pour Las Casas, l’autorité du Roi sur les Indiens est illégitime, car tous les hommes sont libres, de droit naturel et responsables de leurs actes. En fait, personne n’a le droit de tuer ou de chasser les Indiens. Quant à les réduire en esclavage, c’est également illégitime puisque les Indiens sont des hommes comme les autres. D’ailleurs les Grecs antiques, les peuples tartares, les Indiens, les Espagnols sont tous des variétés de la même espèce humaine, partie du même degré de sauvagerie, mais qui, en raison de circonstances différentes, sont arrivés à divers degrés de développement. On peut donc élever tous les peuples, si l’on considère comme des frères à qui l’on se donne entièrement, sans recherche d’avantages individuels ou nationaux. Donc , il faut convertir uniquement par la douceur. D’ailleurs ce sont les Espagnols qui sont les sauvages. En effet, Las Casas montre tous les Indiens, à l’arrivée des Espagnols, obéissants, fidèles à leurs chefs, humbles patients, pacifiques, doux, sincères, bons, innocents, pauvres, désintéressés, d’intelligence vive et aptes à recevoir la sainte Foi catholique. Les Espagnols sont entrés chez ces bons sauvages comme des tigres, des lions affamés. Ils n’ont fait que dépecer, tuer, affliger, tourmenter, détruire les Indiens avec des cruauté inouïes. Ils ont même empêché les religieux Indiens prêcher l’Évangile. Et tout cela par amour de l’or.

Pris entre des avis divers, en 1516, le Cardinal Ximénès de Cisneros décida une enquête par une commission. Il envoya en 1517 trois frères hiéronymites avec Las Casas, nommé « Protecteur des Indiens ».Les principales questions qui furent posées sont les suivantes: -« Sauraient-ils s’entretenir par leurs seuls efforts, chaque Indiens sortant de l’or des mines, ou cultivant le sol, ou se maintenant par un autre labeur quotidiens ? - Savent-ils comment s’occuper de ce qu’ils peuvent acquérir par ce travail, dépensant seulement pour les nécessités de la vie, comme ferait un travailleur castillan ? » Mais les réponses des colons ont été négatives.