Commentaire littéraire en première/Méthodologie

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Chapitre no 1
Leçon : Commentaire littéraire en première
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Travail préparatoire

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Le commentaire littéraire « obéit à des règles simples mais impératives »[1] qui nécessitent la mise en place d'un travail préparatoire, avant même la rédaction proprement dite. Celui-ci doit suivre au mieux une méthode analytique.

1. Identifier l'extrait
Le paratexte doit être étudié avec soin, afin de pallier d'éventuels oublis quant à l'auteur, aux dates de publication (posthumes ou non) ou de représentation dans le cas d'une pièce de théâtre, au courant littéraire concerné. Celui-là doit permettre de situer précisément l'extrait dans son contexte historique et artistique[2]. L'élève devra s'aider des notes constituant le paratexte en cas de défaut de culture générale. Un second temps permet d’identifier le genre littéraire principal, à savoir le roman, le théâtre ou la poésie. Le repérage des thèmes principaux, par l'étude rapide des champs lexicaux, est nécessaire pour éviter le contre-sens.

2. Faire le lien avec les questions d'observation
L'épreuve est obligatoirement précédée de questions d'observation (sur 4 points). Ces questions de repérage attirent l'attention du candidat sur les particularités du texte et permettent au correcteur de vérifier que le texte a été compris. En orientant l'élève, elles permettent d'esquisser les axes de lecture qui structureront le commentaire. Rédiger une courte phrase de réponse à cette question permet, même si celle-ci ne peut être intégrée au commentaire puisqu’il s'agit d'une aide, de formuler la problématique principale de l'extrait.

3. Lecture attentive
Lecture rapide (ou « lecture cursive ») puis lecture méthodique (ou analytique) du texte doivent ensuite se succéder[3]. La première permet à l'élève de se familiariser avec le texte, d’en repérer l'enjeu principal. Il s'agit de s'approprier le texte par le repérage des sous-thèmes constitutifs des parties du développement (avec repérage des grandes idées ou de certains procédés littéraires importants au crayon ou au stylo fluo). La date, le nom de l'auteur, le titre, le résumé éventuel et les notes constituants le paratexte sont précieux pour la bonne compréhension du texte. Elles renseignent sur sa nature et son époque. Elles permettent également d’éviter des contre-sens, voire des hors-sujets rédhibitoires. Si l'élève ne connaît pas, par exemple, les dates d'écriture de l'œuvre étudiée, mais qu’il s'agit d'une lettre (genre épistolaire) comportant la date dans le paratexte, il peut s'en aider afin de déterminer au minimum le siècle et ainsi éviter un anachronisme. La lecture méthodique doit, elle, permettre d'isoler les axes de lecture, constitutifs du plan à suivre.

4. Prise de notes
Relever dans le brouillon les différentes questions suivantes permettant de cerner le texte et de ne pas tomber dans le hors-sujet ; le brouillon est en effet une étape indispensable permettant de tester son plan détaillé en évitant les ratures éventuelles de la rédaction précipitée. L'élève doit à ce stade mettre en œuvre une méthode précise, constituée de plusieurs questions informelles[4] :

- Questions à se poser pour travailler au brouillon

Question Exemples non exhaustifs de réponses possibles
Quelle est la nature du texte ? S'agit-il de prose ou de poésie, d'une forme fixe ou d'une forme libre.
Quel est le type de texte ? Récit, argumentation, apologue, poésie, discours, théâtre : le mélange des genres est possible comme dans certaines fables. Le niveau de langage dépend du locuteur et du destinataire.
Quel est le genre du texte proposé ? S'il s'agit de poésie, est-ce un sonnet ou une ballade ? S'il s'agit de prose, s'agit-il d'une description, d'un portrait, d'une narration ?
Quelle est la tonalité du texte ? La tonalité est-elle lyrique, élégiaque, tragique, bucolique, satirique, polémique ?
Quel est le contexte littéraire, social, culturel politique ? L'époque renvoie à des préoccupations précises : guerre, questions philosophiques, sociales, esthétiques, religieuses (ex : jansénisme, Querelle des Anciens et des Modernes, surréalisme, etc.).
Quelle est la structure du texte ? Comment l’idée ou l'impression initiale se transforme, évolue du début à la fin de l'extrait. Un texte argumentatif peut utiliser des connecteurs logiques par exemple alors qu'un texte narratif présentera une évolution dans l'action. Ne pas négliger l'organisation de la page (les paragraphes et leurs tailles respectives).
Quels champs lexicaux ? Un ou plusieurs champs lexicaux doivent être répertoriés ; ils donnent au texte sa continuité et sa tonalité. Dans le cas de la poésie, il peut s'agir souvent d'une métaphore filée : observer ses modifications, ses connotations.
Quelle syntaxe particulière ? Les phrases sont plus ou moins complexes, construites sur des verbes ou des substantifs. Les interrogations, exclamations servent à impliquer le lecteur. Les discours directs, indirects libres ou libres montrent justement le degré d'implication du narrateur et/ou mettent en valeur la situation d'énonciation, les pronoms également : qui parle et à qui ? Le système des temps structure un récit : imparfait duratif et répétitif, passé simple de l'action terminée, plus-que-parfait définitif, conditionnel évitant l'implication trop forte, passé composé du souvenir revisité, présent de narration, de vérité générale.
Quelles figures de style ? Tout procédé de style (métaphore, métonymie], gradation, hyperbole, chiasme, anaphore…) introduit un écart voulu avec le langage courant, il crée une nouvelle réalité qu’il faut découvrir. Il en ressortira toujours un ton particulier (ironie, émotion, tristesse, etc.).
Quel rythme ? Dans un poème traditionnel, le rythme provient de la régularité du vers, de la rime, des sonorités (allitérations et assonances). Toute irruption irrégulière est porteuse de sens : un rejet souligne volontairement un mot, une idée, une sensation.
Quel est le but de l'auteur ? Veut-il peindre, convaincre, émouvoir, suggérer ? À quelle époque, à quel courant littéraire l'auteur appartient-il ? Que sais-je de la vie de l'auteur qui soit susceptible d'éclairer la page proposée ? Que sais-je de l’ensemble de l'œuvre de l'auteur et de l'ouvrage en particulier (surtout quand il s'agit d'une œuvre très célèbre) Quelle est la morale ou l'apologue ?

5. Esquisser le plan détaillé
Après s'être assuré d’avoir cerné au mieux le texte, ses enjeux et son originalité littéraire, l'élève doit suivre une méthode de constitution du plan détaillé. Le commentaire littéraire doit en effet considérer le texte comme une « forme-sens »[I 1]. Passer directement à la rédaction est risqué. La méthode idéale, la plus rapide et la plus sûre reste la suivante : à partir des enjeux propres au texte appelés « axes de lecture », il faut formuler le titre de chaque axe ou partie du développement[G 1]. L'élève peut à ce moment, rapidement, esquisser les titres des deux ou trois sous-parties constitutives de chacun de ces axes. Il faut ensuite rédiger l'introduction, puis, au brouillon toujours, détailler le développement en s'attachant à chaque partie cette fois. La conclusion ne nécessite pas un brouillon ; elle peut être rédigée directement après avoir écrit au propre le développement.

Pour chaque sous-partie l'élève doit formuler la thèse, le ou les argument(s) et le ou les exemple(s) expliqués. Il s'agit ici de répartir les relevés du tableau préparatoire dans chaque partie et de contrôler la cohérence argumentative. Enfin, on pourra passer à la rédaction proprement dite, au propre de l’introduction et du développement ; ce n'est qu’à ce moment que l'élève formule les phrases à partir des notes du brouillon, en s'arrêtant à chaque thèse et argument. La conclusion (qui a pu être, en fonction du temps disponible, brièvement couchée au brouillon) pourra enfin être rédigée. Dernière étape : relire l’ensemble pour éviter les fautes d'orthographe, de grammaire, d'accords, de conjugaison et autres coquilles.

La progression du commentaire littéraire

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Progression logique et refus de la paraphrase

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Le commentaire littéraire doit « envisage[r] le texte sous tous ses aspects (...) [et] mène[r] à l'interprétation globale et cohérente du texte »[I 2]. Il répond à une logique à la fois analytique (il s'agit de décomposer le texte) et synthétique (il faut en découvrir les enjeux). Le schéma de progression que l’on peut proposer peut consister à partir de l'observation d'un phénomène fort apparent, ou encore appartenant au domaine du concret, pour glisser peu à peu vers le moins évident, le plus caché, et donc vers ce qui est généralement du domaine du sens, de l'abstrait ou de l'implicite.

L'ordre de présentation des différentes parties du développement doit démontrer la capacité de l'élève à former une argumentation convaincante ; le commentaire doit donc se terminer par l'axe le plus important. Le développement se déroule (étymologiquement, le développement renvoie à l’idée « sortir (quelque chose, quelqu’un) de ce qui l'enveloppe ») selon un ordre de complexité croissante : la première partie présente une vue globale, puis on entre dans les détails, enfin, on affine au plus subtile[5]. Sans que ce soit aucunement une loi, on peut considérer en effet qu'un texte littéraire s'appuie souvent sur des éléments compréhensibles par tous pour, peu à peu, amener le lecteur à percevoir des données plus difficiles, soit parce qu’elles sont plus personnelles à l'auteur, soit parce qu’elles sont plus abstraites ou plus complexes. L'avantage aussi de cette forme de progression dans le devoir, est qu'elle propose une révélation du texte progressive qui entretient l’intérêt du lecteur.

L'élève doit absolument éviter le piège de la paraphrase, qui consiste à raconter le texte ou à émettre des jugements creux et des redites. Des phrases comme « Ici, l’auteur dit que… », « il ajoute que… » ou « on voit ici une comparaison, et deux métaphores… », « il y a des rimes riches… », etc. confinent le commentaire à la redondance. Chaque partie doit apporter du nouveau et faire progresser le raisonnement et l'analyse de texte, sans pour autant revenir sur ce qui a été expliqué précédemment.

Suivre l'« axe de lecture » choisi

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Quatre erreurs sont à éviter néanmoins. Il ne faut ainsi jamais composer son plan sur le suivi du cours du texte ; déroulé qui n'apprend rien et ne permet le repérage d'aucun enjeu ; éviter le catalogue des procédés littéraires, sans les confronter aux enjeux du texte et à l'attention de l'auteur. Une notion littéraire ne peut se justifier qu'en y adjoignant un exemple tiré du texte ; éviter la paraphrase en renouvelant notamment la formulation de l'argumentation ; éviter enfin les termes trop laudatifs ou trop dépréciatifs. Il faut se garder de faire des généralités ou même d'employer le pronom personnel première personne trop souvent.

Le commentaire repose donc sur un axe de lecture unique. Il peut aussi y en avoir plusieurs. La progression du travail doit représenter cet axe de lecture. Un premier paragraphe (visible à l’alinéa) annonce l’idée directrice que développée dans l’axe. Chaque axe explicite une seule idée directrice ou thèse que l'élève doit démontrer. Les deux ou trois paragraphes d’analyse développent chaque idée directrice. L’ordre des paragraphes doit représenter visuellement cette progression logique.

Le relevé de texte

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Méthode du relevé de texte

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Dans chaque partie composée de plusieurs paragraphes, l'élève doit relever les citations, les analyser, étudier le vocabulaire, le rythme, etc., suivant l'explication qu’il veut donner du texte et qui doit lui servir de fil conducteur. Il peut s'aider d'un tableau permettant de synthétiser les relevés et composé de trois colonnes :

  • les outils relevés à la lecture et correspondant à la grille de lecture (procédés, thèmes), que l’on nomme également « outils d'analyse » ;
  • les citations les illustrant, avec notation de la page, de la ligne, ou du vers afin d’éviter de revenir aux textes lors de la rédaction ;
  • les interprétations liant les exemples trouvés aux enjeux que l’on veut démontrer lors de l'analyse.

Exemple de relevé de texte

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Voici un exemple de relevé de texte portant sur le poème « Correspondances » de Charles Baudelaire. Il s'agit du quatrième poème des Fleurs du Mal, recueil publié en 1857. Les deux quatrains énoncent la théorie des correspondances alors que les deux tercets finaux l'illustrent[Note 1].


CORRESPONDANCES


La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.


Outils d'analyse Citations Interprétations
Métaphore La Nature est un temple (vers 1) La Nature possède une dimension religieuse, mystique, elle est l'habitat spirituel de l'homme.
Structure du poème Deux quatrains puis deux tercets : il s'agit d'un sonnet Le poème est construit sur une forme fixe.
Personnification vivants piliers Ces piliers sont peut-être des arbres, symboles de mystère et gardiens des arcanes naturelles
Symétrie Les deux sujets du poème sont opposés et mis en symétrie par le fait qu’ils débutent les premiers vers : l'homme (v. 3) et la Nature (v. 1) L'être humain est décentré par rapport à la nature, qui le domine.
Métaphore filée « temple », « pilier », « forêts de symboles » Baudelaire poursuit la métaphore initiale qui représente la Nature comme une entité mystique.
Champ lexical des cinq sens « regard », (v. 4), « écho » (v. 5), « parfums », « couleurs », « sons » (v. 8) et « sens » (v. 14) Les sens se répondent les uns aux autres, au sein d'un réseau de « correspondances » significatives que l'homme doit décoder.
Comparaison et antithèse Opposition de substantifs de sens contraires dans le même vers : nuit et clarté (v. 7) au sein d'une comparaison « Vaste comme (...) et comme » Former une image de la Nature qui concilie les contraires.

Références

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  1. Laurent Fourcault, Le commentaire composé, Armand Colin, coll. « Collection 128 », 2005, 2e éd., 126 p. (ISBN 2-200-34080-X), p. 5.
  2. Annie Reithmann et Blandine Bricka, Réussir le commentaire composé, vol. 522, Studyrama, coll. « Principes », 2004 (ISBN 978-2-84472-382-6), p. 14.
  3. Annie Reithmann et Blandine Bricka, Réussir le commentaire composé, vol. 522, Studyrama, coll. « Principes », 2004 (ISBN 978-2-84472-382-6), p. 32.
  4. Laurent Fourcault, Le commentaire composé, Armand Colin, coll. « Collection 128 », 2005, 2e éd., 126 p. (ISBN 2-200-34080-X), p. 13.
  5. « Les deux logiques du commentaire littéraire », sur bacfrancais.com (consulté le 4 mai 2010).
  • Annie Reithmann et Blandine Bricka, Réussir le commentaire composé, vol. 522, Studyrama, coll. « Principes », 2004 (ISBN 9782844723826) 
  1. 33 et exemples d'axes récurrents.
  • Laurent Fourcault, Le commentaire composé, Armand Colin, coll. « Collection 128 », 2005, 2e éd., 126 p. (ISBN 220034080X) 
  1. p. 10.
  2. p. 5
  1. Cet exemple de commentaire succinct ne constitue aucunement une véritable étude du poème de Baudelaire.