Développement mental/Nos mondes

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Nos mondes
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Chapitre no 7
Leçon : Développement mental
Chap. préc. :Méditation
Chap. suiv. :Concept et percept
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Développement mental/Nos mondes
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Monographie n°7 Nos mondes modifier

    Comme je le dit souvent, être intelligent, ça n’existe pas. Ce qui existe c’est notre intelligence des choses, c'est-à-dire notre capacité à exploiter ces choses, que ce soit dans le monde physique ou dans notre monde mental. Pour exploiter ces choses, il nous faut des savoir-faire donc des apprentissages, peu importe que ceux-ci soient conscients ou inconscients si nous savons faire. Ces apprentissages reposent sur des connaissances, qui ne sont que des croyances validés par les savoir-faire qu’elles soutiennent, peu importe qu’elles soient justes ou fausses. 
    Nous ne sommes pas des êtres du savoir mais des êtres du faire, toutes nos connaissances, et plus encore leur formulation, sont formellement et inévitablement fausses sauf quelques tautologies qui ne nous apprennent rien, comme nous le dit Ludwig Wittgenstein dans son Tractatus Logico-philosophicus. Mais ce qui compte dans ces représentations c’est le savoir-faire qu’elles nous permettent, un savoir-faire en grande partie inconscient, un savoir-faire que nous pouvons valider par ce qu’il nous apporte tangiblement sur le plan physique, moral, psychique ou mental. Peu importe que les cartes de Christophe Colomb étaient fausses, il a découvert l’Amérique grâce à ses qualités intrinsèques. Des connaissances qui ne serviraient à rien seraient non seulement fausse mais inutiles.

Historique de l’évolution de la pensée humaine modifier

    Il y à quelques dizaines de milliers d'années, l'homme pensait encore comme le font tous les animaux, perceptuellement, à l'aide des percepts de ses gestes physiques, de qualia, de sèmes de ses émotions, de ses impressions et de ses intentions. Puis il s'est mis progressivement à penser conceptuellement à l'aide de signes, des phonèmes d'un langage, en associant ces signes à des significations, des représentations imaginaires, des constructions abstraites, des idées, presque toujours fausses. La différence entre ces deux modalités de penser, c'est que la pensée perceptuelle par sa construction ne peut échapper aux rails de sa réalité vécue, de ses qualia, alors que la pensée conceptuelle en sort, en jonglant librement avec des structures imaginées qui s'éloignent de plus en plus de sa réalité, avec le risque qu'elles soient de plus en plus fausses.
    Cette pensée conceptuelle a favorisé l'éclosion des grands empires de l'antiquité, le développement des structures économiques, la hiérarchisation sociale, mais aussi le sectarisme et l'aliénation tribale. Cependant elle a plongé l'esprit de l'homme dans la confusion, dans des extravagances et des croyances, des traditions arbitraires emmêlées dont il ne peut plus s'affranchir. Pour s'en libérer et revenir à une sémantique saine que prône Alfred Korzybski dans Science and Sanity, il faut renouer avec la réalité de la pensée perceptuelle, et la développer par l'accès et la perception de nos fonctions mentales, de leurs structures sensibles, des nuances de leurs émergences et de la multitude de leurs produits. Ce n'est pas une pensée pauvre, comme on aurait tort de le croire. Au contraire son potentiel est immense, car c'est celui sans limite de nos fonctions mentales. 

Validité et pertinence des connaissances modifier

    La validité d'une connaissance c'est sa conformité à une théorie que celle-ci soit philosophique, scientifique ou religieuse. Les nuances exprimées par ces trois termes sont plus voisines que ne le distingue la pensée ordinaire car dans les trois cas, il ne s'agit que de systèmes d'idées des hommes disposant chacun de ses propres critères de vérité. Ces systèmes sont innombrables, nous pourrions même argumenter que chaque homme possède ses propres critères donc de sa propre théorie, et comme la pensée d'un homme est dans son détail inaccessible aux autres, rien ne permet de contredire ni d'affirmer cette proposition comme juste ou fausse. Or chaque système implique que tous les autres sont incohérents relativement à lui, encore que la cohérence d'un système soit, comme l'a montré Gödel, impossible à établir.
    Le seul système conceptuel indubitable, mais lui aussi inaccessible aux hommes, est le système de lois, principes, contraintes, modèles et constantes qui gouverne notre ou nos univers. Lui est parfait, car rien semble-t-il ne permet de le détruire, donc de l'invalider, et qu'il confère une réalité à toute chose et à tout être. Relativement à ce seul, toutes les théories sont incohérentes, leurs connaissances formellement fausses, à part les tautologies qui, comme nous l'a brillamment montré L. Wittgenstein, ne nous apprennent rien. Des connaissances fausses ne m'intéressent pas en soi, pas plus que de débattre de la cohérence et de l'incohérence de mon propre système théorique, ni de ceux des autres, même si je m'y amuse par plaisir et selon mon bon vouloir parfois.
    La pertinence d'une connaissance, c'est autre chose, c'est ce qu'elle apporte de tangible à moi et aux autres. Une technologie ou une science sont donc pertinentes si elles permettent de construire des ponts, d'envoyer des hommes dans l'espace, d'épargner ou de traiter des souffrances, de mieux vivre ensemble, d'augmenter ou d'améliorer nos capacités et notre pouvoir de faire. Toute théorie qui ne nous apporte rien de tangible, quelle que soit sa validité auto proclamée est donc non pertinente et par conséquence non signifiante.         
    La recherche de la vérité est donc une obsession maladive dont il faut se défaire, pour se contenter de la  réalité de notre champ sémantique infralinguistique, c'est-à-dire de la multitude des nuances des ensembles de sens que nous possédons, y compris le flou, le multiple, le complexe et le paradoxal. Dans ce champ, nous constatons que le VRAI (et le FAUX) n'est que le concept de la catégorie des tautologies (et des contradictions) formelles propres à notre fonction analytique. Et qu'en dehors de cela, le VRAI n'est qu'un simple concept, une valeur logique, qu'utilise notre jugement arbitraire pour qualifier les énoncés des propositions imprécises dont la qualification sera toujours relative à son jugement, de l'indécision à l'assurance suffisante, sans jamais pouvoir en exclure le doute aussi minime soit il. 

Nos mondes modifier

    Notre expérience mentale est notre seule source d'accès à nos mondes. Sans conscience et ses multiples contenus de sens nous serions des zombis. Je ne pense pas qu'un être vivant puisse survivre en l'état de zombi. Un robot, c'est-à-dire un ordinateur dirigeant un automate, lui, le peut, et il peut gagner des parties d'échecs et de go. Cependant, on ne peut pas parler de vivre, ni de survivre pour un robot, mais seulement d'existence. Car sans conscience il ne peut éprouver aucune expérience même s'il s'anime de comportements dans le monde physique spatiotemporel qui est celui des machines. Vivre suppose une conscience, des moyens de diriger des actes et des accès à des mondes dans lesquels ces actions servent à quelque chose, et de ce fait ont du sens. C'est le privilège des êtres vivants.
    Notre premier monde, celui que nous livre d'abord notre expérience mentale, est mental, avec notre conscience, des émotions, notre volition, des fonctions mentales, et parmi elles une fonction que je désigne sous le nom de motrice qui est un moyen d'accès à un second monde. Les structures de notre monde mental sont d'une grande complexité et j'aurais tout le loisir d'y revenir plus tard.
    Nous sortons de la première enfance avec des structures comportementales qui semblent nous venir d'un lointain passé, ou que nous avons héritées par imitation de celles de nos parents. Ces structures nous entraînent à exercer presque inconsciemment notre fonction motrice qui nous donne l'accès à un second monde, matériel ou physique celui-là. Dans ce nouveau monde nous découvrons de l'espace, des couleurs, des objets, et les autres. Nous découvrons aussi que nous sommes liés à un corps que nous distinguons rapidement de ce qui l'entoure, et que ce corps a des besoins à satisfaire. Ces dernières choses et cette condition, nous invite à maîtriser et à comprendre ce monde étranger et, à nous détourner de notre monde mental et de notre être, plus difficile à analyser, et presque à l'oublier et à le négliger, jusqu'à ce que d'autres problèmes surgissent.

Ce que je suis modifier

    Je suis une entité mentale non physique capable de diriger, pendant la période improprement nommée d'éveil ou de veille, un corps et un cerveau biologique.
    Je ne suis pas ce corps physique, je le dirige comme on conduit une automobile, sans en connaître les organes. En fait, je ne manipule qu'un squelette et quelques muscles à travers une image grossière qui à l'évidence le représente très mal et en ignore le moindre détail, si je me réfère aux ouvrages des spécialistes qui l'ont découpé en fines tranches. Comment puis-je prétendre être quelque chose d'étranger à ma nature, que je connais si mal et qui se refuse obstinément à toute introspection cognitive ? Je serais bien sot ou bien prétentieux de le croire ! Je n'en ai aucune impression intuitive immédiate et pour en savoir plus je suis obligé de consulter de gros livres qui m'apprennent que ce truc est beaucoup plus compliqué que je ne l'aurais imaginé de prime abord, qu'il y a un foie, un cœur, un cerveau, une rate et un tas de petits bidules bizarres. Non, vraiment, je ne suis pas ça.
    Par contre, je sais bien ce que je suis. Car si je m'explore, je retrouve immédiatement mes fonctions mentales familières, leurs structures, leurs pouvoirs opératifs, leurs produits, tels qu'ils sont réellement. Et là, ce ne sont pas des images, mais ma propre nature, du sens, car je suis un être de sens avec une conscience, une volition, un libre arbitre et un tas de pouvoirs merveilleux. Je suis une entité non physique, non spatiale, mais plus vaste qu'une galaxie. C'est vrai, je suis un peu compliqué moi aussi, et j'ai dû bricoler à l'intérieur de moi pour arranger ce qui fonctionnait mal, et maintenant tout va bien, je peux me balader où je veux, examiner ce que je veux, faire ce que je veux, et je n'y trouve aucun concurrent inconscient. Non tout cela, le moindre détail de cet être magnifique est potentiellement conscient. Je vis des synergies, des métacontextes, j'élabore des métaprogrammes sans effort pour presque tout faire, à l'intérieur de moi c'est très sympa. Je suis une entité vivante, non physique, un être mental.