Introduction à la science des matériaux/Défauts dans les cristaux
Résumé
modifierNous étudions ici les écarts entre le modèle du cristal parfait et le cristal réel, et nous considérons les propriétés que cela confère à la matière.
Introduction
modifierLe cristal parfait est un empilement infini et régulier d'atomes. Mais les cristaux possèdent des défauts. Par rapport à la définition donnée ci-dessus :
- le cristal n’est pas infini mais possède des limites, des faces ;
- l'empilement n’est pas parfaitement régulier.
Ces défaut vont expliquer un grand nombre de propriétés de la matière.
Les défauts : un phénomène inévitable
modifierConstruire bien prend du temps, il est plus facile de mal faire ; un tas de brique est plus facile à faire qu'un mur…
Si les cristaux existent, c’est que cet état — le fait pour les atomes de s'assembler selon un schéma régulier — est « favorable ». Nous l'avons vu avec le potentiel de liaison, l'énergie est minimale si les atomes sont à une certaine distance les uns des autres ; de même, cette énergie est minimale pour une organisation donnée. Tout ceci dépend des atomes : certains « préfèrent » s'associer en molécules, d'autres rester tous seuls (les gaz rares).
Donc, un cristal représente un état d'énergie minimal. Créer un défaut, c’est aller vers une configuration différente donc avec une énergie plus grande ; il faut donc dépenser une quantité d'énergie ΔGf appelée « enthalpie de formation ». On a typiquement
- ΔGf ≃ 1 eV ;
l'électron-volt, eV, est une unité d'énergie utilisée pour les petites valeurs :
- 1 eV = 1,6 × 10−19 J.
Pour créer n défauts distants, c'est-à-dire qui n'interagissent pas entre eux, il faut dépenser une énergie nΔGf. La variation d'énergie totale du cristal, ou plus précisément sa variation d'enthalpie libre ΔG, vaut :
- ΔG = nΔGf - TΔS.
Le terme TΔS, produit de la température absolue T (en kelvins, 0 °C = 273,15 K) et de la variation d'entropie ΔS, mesure la diminution d'énergie due au chaos : le cristal étant moins bien organisé, il présente plus de possibilité d'adaptation, il y a plusieurs manières de construire le même cristal donc la construction est plus facile et nécessite moins d'énergie. L'entropie ΔS peut se calculer en fonction du nombre n de défauts par la statistique[1].
On a ainsi un terme qui augmente l'énergie, nΔGf, et un terme qui la diminue, - TΔS(n). Pour une température T donnée, il existe donc une valeur de n donnant l'énergie minimale, c'est-à-dire une concentration de défaut « spontanée », « stable ». Plus la température augmente, plus la concentration de défauts stables est grande : un cristal à haute température a plus de défauts qu’à basse température.
Défauts ponctuels
modifierLes défauts ponctuels sont des défauts limités à un nœud du réseau. Ils sont de dimension 0 : le rayon atomique est très petit devant les dimensions du cristal.
Lacunes
modifierUne lacune (vacancy) est un site du réseau ne contenant aucun motif, aucun atome.
Solutions solides
modifierUne solution solide est une situation dans laquelle un cristal contient des « atomes étrangers », c'est-à-dire des atomes d'éléments ne faisant pas partie du cristal parfait. Il peut s'agir d'impuretés ou d'éléments d'alliage.
On a deux types de solution solide :
- en substitution : l'atome étranger remplace une des atomes du cristal ;
- en insertion : l'atome étranger se glisse dans les espaces vides — les positions interstitielles — des atomes du cristal.
Le terme « solution » indique que la matière étrangère est dispersée dans le cristal.
Notons qu'un atome propre du cristal peut se mettre en position interstitielle (on parle d'auto-interstitiel). Il ne s'agit alors bien entendu pas de solution solide.
En général :
- si l'atome étranger a un rayon atomique proche des atomes du cristal, il se met en substitution ;
- seuls les atomes petits devant les atomes du cristal (de l’ordre de 0,1 à 0,5 fois le rayon selon l'organisation du cristal, cf. Le cristal parfait > Sites interstitiels) peuvent se mettre en insertion ; il s'agit donc d'éléments légers (faible numéro atomique Z, cf. Les constituants de la matière > Représentation et classification des éléments) : hydrogène (H), bore (B), carbone (C), azote (N).
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Atomes interstitiels octaédrique et tétraédrique dans un réseau cubique centré
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idem dans un réseau cubique à faces centrées
Défaut d'antiphase
modifierDans un cristal ordonné, un site est occupé par un élément donné. Un défaut d'antiphase, c’est lorsqu'un site est occupé par un atome d'un autre élément.
Ce genre de défaut nécessite en général une grande énergie de formation, en particulier dans les cristaux ioniques où une charge se trouve entourée de charges de même signe (répulsion). Ce sont donc des défauts présents en très faible concentration.
Association de défauts
modifierLes défauts ponctuels ne sont pas toujours isolés, ils peuvent parfois s'associer.
Dans les cristaux ordonnés, on peut par exemple avoir :
- l'association de lacunes de deux ou plusieurs éléments différents, c’est un défaut de Schottky ;
- l'association d'un atome auto-interstitiel et d'une lacune du même élément, c’est un défaut de Frenkel.
Ces défauts permettent de respecter la stœchiométrie du cristal, et dans le cas d'un cristal ionique, la neutralité électrique.
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Défaut de Schottky
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Défaut de Frenkel
On peut avoir des associations plus complexes de défauts ponctuels ; on parle alors d'amas de défauts (defects clusters). Par exemple, dans l'oxyde de fer II (wüstite, FeO), on a un amas de quatre lacunes de fer et d'un atome de fer interstitiel.
Voir les défauts ponctuels
modifierDu fait de leur petite taille, il n'était pas possible, jusqu'à récemment, de voir ces défauts. On peut par contre facilement voir leurs conséquences (voir ci-après), c’est ainsi qu'on les a découvert et théorisé.
L'expérience la plus simple consiste à chauffer un barreau métallique et à le tremper dans l'eau. Le nombre de lacunes augmente avec la température, et le refroidissement rapide empêche l'élimination des lacunes, on a des lacunes « piégées » hors équilibre. On peut ainsi mesurer que le barreau chauffé puis trempé est légèrement plus long que le même barreau ayant subi un refroidissement lent, donc à l'équilibre (avec moins de lacunes).
Par exemple, le fait d’avoir des atomes de taille différente des atomes du cristal, ou bien d’avoir des atomes mal placés, induit des déformations du réseau que l’on peut constater par radiocristallographie. Par ailleurs, en déformant le cristal par traction ou compression, on peut provoquer des sauts d'atomes interstitiels d'un site à un site voisin. En faisant alterner traction et compression, par des ultrasons, on provoque donc des sauts mais avec un certain retard sur l'onde dû à l'effort que doit fournir l'atome interstitiel pour écarter ses voisins (frottement interne). Le retard de la déformation sur la sollicitation est ainsi mesurable (effet Snoek), et cette hystérésis donne des informations sur les atomes interstitiels.
La sonde tomographie atomique a récemment permis de « voir » des atomes étrangers. La technique consiste à faire « évaporer » les atomes d'une aiguille un par un par une courte impulsion électrique (microscopie ionique à effet de champ). Ces atomes sont ionisés par l'impulsion et suivent une trajectoire dépendant du champ électrique ; il viennent frapper un écran de détection. À partir de l'endroit de l'écran frappé, on détermine l'endroit d'où est parti l'ion, et le temps que met l'ion à arriver permet de déterminer son rapport masse/charge donc sa nature chimique.
On peut donc « reconstruire » le cristal par ordinateur, et voir qu’à tel où tel endroit il y avait tel type d'atome. Le rendement étant d'environ 50 % (la moitié des atomes se perdent et ne frappent pas l'écran), il n’est pas possible de détecter les lacune (si l’on ne détecte rien, on ne peut pas savoir si c’est parce qu’il n'y avait rien ou si c’est l'atome qui s'est perdu).
Effets des défauts ponctuels
modifierDans les cristaux transparents, les défauts ponctuels ou leurs associations peuvent former des « centres colorés » : en modifiant les niveaux d'énergie des ions ou atomes du cristal, ils modifient également les longueurs d'ondes absorbées et donc la couleur visible. Par exemple, le rubis et le saphir sont tous deux des cristaux de corindon (alumine α,
Al2O3
) ayant des impuretés différentes :
- les traces de chrome donnent la couleur rouge au rubis ;
- « les » saphirs peuvent être incolores ou prendre des couleurs variées en fonction des impuretés :
- fer et de titane pour « le » saphir (bleu),
- chrome pour le rose,
- vanadium pour le violet,
- fer pour le jaune et vert.
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rubis
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saphir
La couleur verte de l'émeraude provient de la présence de chrome et de vanadium dans un cristal de béryl (silicate de béryllium et d'aluminium,
Be3Al2Si6O18
). De même pour le quartz (
SiO2
) : le quartz transparent, la citrine (jaune) et l'améthyste (violette) ne se distinguent que par leurs impuretés.
En soumettant certaines pierres aux rayons X ou en les chauffant, on peut créer ou éliminer des défauts et donc changer la couleur de la pierre, ce qui peut être l’objet de falsifications (chauffage de l'améthyste pour faire de la fausse citrine).
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améthyste
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citrine
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fausse citrine
Dans le cas de la photographie argentique, l'éclairage de la pellicule provoque des défauts ponctuels dans les cristaux d'halogénures d’argent qui y sont déposés (image latente). Lors du développement, les défauts vont amorcer des réactions chimiques entre les cristaux et le révélateur, ce qui va provoquer le noircissement des cristaux (réduction de l'halogénure d'argent) et ainsi former l'image.
Les lacunes et les atomes interstitiels permettent d'expliquer la diffusion, c'est-à-dire le déplacement des atomes dans le cristal. Ce sont ces déplacements qui permettent les réactions chimiques en phase solide ; dans la chimie en solution ou en phase gazeuse, les espèces sont mobiles et peuvent donc facilement se rencontrer et réagir, alors qu'en phase solide, les atomes sont « figés » dans le cristal.
Dans le cas de la diffusion lacunaire, un atome voisin de la lacune vient remplir le vide, et laissant une place vide derrière lui. On a donc le déplacement d'un atome dans un sens, et le déplacement de la lacune dans l'autre sens. Lorsque la lacune a traversé le cristal, c’est comme si un atome avait traversé le cristal dans l'autre sens.
Dans l'image ci-contre, les sauts atomiques se font vers le bas, la lacune progresse vers le haut.
On peut voir un effet de cette diffusion lacunaire de la manière suivante (Smigelskas et Kirkendall, 1947) : on « noie » des fils fins dans une soudure entre deux matériaux légèrement différents (cuivre d'un côté, alliage cuivre-zinc de l'autre). Lorsque l’on chauffe l’ensemble pendant plusieurs jours, les défauts migrent et entraînent avec eux les fils (effet Kirkendall) jusqu'à une centaine de μm (1⁄10 mm).
Dans le cas de la diffusion interstitielle, l'atome saute d'une position interstitielle à une position voisine.
Les impuretés ont également une grande influence sur la conduction de l'électricité.
Dans le cas des conducteurs, essentiellement les métaux, les électrons se « heurtent » aux défauts, ce qui modifie la conductivité (cf. Propriétés générales des matériaux > Conduction de l'électricité). Par exemple :
- le fer pur a une conductivité de σ = 9,62⋅106 S/m (ρ = 104⋅10−9 Ωm) ;
- les aciers, alliages majoritairement de fer, ont a une conductivité pouvant descendre à σ = 1⋅106 S/m (ρ = 1 000⋅10−9 Ωm)[2], soit quasiment un ordre de grandeur de différence.
Dans le cas des cristaux semi-conducteurs ou isolants, les impuretés ou éléments d'alliage peuvent céder des électrons (éléments donneurs d'électron) ou au contraire en capturer (éléments accepteurs d'électrons) et ainsi rendre le cristal plus ou moins conducteur. Par ailleurs, la diffusion d'ions sous l'effet d'un champ électrique (ions interstitiels ou mécanisme lacunaire) constitue un mode de conduction de l'électricité.
Enfin, les défaut ponctuels créent les distorsions élastiques du cristal : un atome interstitiel ou un gros atome de substitution vont « écarter » les atomes voisins et donc dilater la maille, créant ainsi des « microcontraintes » de compression (loi de Vegard). À l'inverse, une lacune ou un petit atome de substitution vont créer une contraction de la maille. Ces effets sont visibles par les méthode de radiocristallographie (diffraction de rayons X ou diffraction d'électrons dans un microscope électronique en transmission).
Défauts linéaires
modifierLes défauts linéaires sont appelés « dislocations ». Ce sont des défauts de dimension 1, c'est-à-dire que la largeur des défauts est très petite devant les dimensions du cristal.
Ces défauts permettent la déformation élastique. Nous avons vu précédemment que la déformation plastique se fait par glissement des atomes les uns sur les autres, comme des cartes à jouer. Si c’est tout un plan atomique qui glissait d'un coup, on aurait une limite élastique bien supérieure à ce que l’on mesure.
Le glissement se fait en fait au fur et à mesure, de deux manières : par dislocation coin ou par dislocation vis.
Dislocation coin
modifierConsidérons un cristal soumis à du cisaillement. La déformation plastique commence sur une face libre, puis se propage jusqu'à l'autre face. Ce sont donc des rangées atomiques qui glissent l'une après l'autre, et non pas le plan cristallin en entier.
Sur l'image ci-contre, la zone de glissement est représentée en gris. La largeur de cette zone est faible devant les dimensions du cristal, on l'assimile donc à une ligne représentée en pointillés verts, c’est la « ligne de dislocation ». Lorsque la direction du glissement est perpendiculaire à la ligne de dislocation, on parle de « dislocation coin » (edge dislocation).
Pour se déplacer, la dislocation « saute » d'une rangée atomique à une autre. Le saut minimum correspond donc à la distance entre deux rangées. On comprend facilement que le glissement est plus facile sur les plans atomiques denses : le saut est plus petit.
On voit que le déplacement de la dislocation permet de relâcher l'énergie élastique de déformation.
Le défaut créé peut être imaginé ainsi : on retire un demi-plan atomique (en fait, les demi-plans sont décalés d'un côté), et les plans se rapprochent pour combler le vide. La distorsion élastique engendrée est concentrée dans un cylindre appelé « cœur de dislocation », le cristal est inchangé loin du cœur. En dehors de cette zone, le cristal est parfait.
Le rayon du cylindre est négligeable devant les dimensions du cristal.
Sur les schémas, les dislocations coin sont représentées par un T renversé « ⊥ ».
Dislocation vis
modifierLa ligne de dislocation peut aussi être parallèle à la direction de glissement. On parle alors de « dislocation vis » (screw dislocation). De la même manière, le glissement est plus facile sur les plans atomiques denses.
Si l’on fait le tour de la dislocation en suivant les atomes de proche en proche, on monte d'un plan atomique à chaque tour, d'où le nom de « vis ». Comme précédemment, la distorsion élastique est concentrée dans un cylindre, appelé « cœur de la dislocation », dont le rayon est petit devant les dimensions du cristal. En dehors du cœur, le cristal est parfait.
Dislocation mixte
modifierLa ligne de dislocation n’est pas forcément droite. Une dislocation courbe a des parties vis, des parties coin, et des parties intermédiaires. Une telle dislocation est appelée « dislocation mixte » (mixed dislocation). C'est en fait le cas général.
Voir les dislocations
modifierComme pour les défauts ponctuels, les premières observations furent indirectes.
Lorsque l’on fait un essai de traction ou de compression sur une éprouvette plate parfaitement polie, on voit apparaître des lignes, les lignes de glissement. Ce sont les marches résultant du cisaillement lors du passage d'une dislocation. À partir d'un certain taux de déformation, cela forme des bandes, les bandes de Lüders.
Les acides rongent les métaux. Les dislocation étant des défauts, l'attaque se fera préférentiellement là où les dislocation « sortent » du cristal. On peut ainsi visualiser de petites pyramides au microscope optique.
Certaines dislocations se forment lors de la cristallisation. Si une dislocation vis se forme, le cristal va croître en spirale, l'axe de la spirale étant a dislocation vis. On peut voir ces spirales de croissance au microscope optique où, pour l'image ci-contre, au microscope à effet tunnel.
Le microscope électronique en transmission (MET) permet, sous certaines conditions, de voir les lignes des dislocations.
La sonde atomique tomographique permet de reconstituer les cristaux et donc de visualiser les dislocations.
Effet des dislocations
modifierCe sont les dislocations qui permettent la déformation plastique. Sans ces glissements progressifs et localisés, il serait impossible de cisailler un cristal sans le rompre. La déformation plastique se fait donc systématiquement par cisaillement d'un cristal.
Les distorsions élastiques que créent les dislocations permettent à des atomes de se loger : il y a plus de place. Les dislocations sont donc des « pièges » à défauts ponctuels. Ce sont aussi des « courts-circuits de diffusion » : la diffusion des atomes est plus rapide le long des dislocations (le chemin est libre) que dans la masse du cristal.
Les défauts ponctuels étant liés aux dislocations, ils vont aussi gêner leur déplacement, les épingler. Le phénomène d'épinglage explique le durcissement des cristaux par les atomes étrangers (impuretés ou éléments d'alliage) ; un métal pur est en général plus malléable et plus mou qu'un alliage du même métal.
Par ailleurs, les dislocations vont se gêner mutuellement. cela explique l'écrouissage : la déformation plastique crée des dislocations, et ces dislocations se bloquent les unes les autres, provoquant un durcissement.
Si l’on chauffe modérément un métal, cela rend les atomes plus mobiles, ce qui permet l'élimination des dislocations. C'est le principe du « recuit » qui annule l'écrouissage. par exemple, le cuivre utilisé pour la plomberie est vendu en deux qualités :
- écroui : il est brut de fabrication, donc moins cher, mais difficilement cintrable ;
- recuit : il a subi un traitement thermique, donc est plus cher, mais peut se cintrer.
Par ailleurs, le mouvement des dislocations sous l'effet de la chaleur peut provoquer du fluage.
Défauts surfaciques
modifierJoints de grain
modifierLa matière est en général composée de plusieurs cristaux ; elle est dite « polycristalline ». On voit bien cela lorsque l’on regarde une pièce d'acier galvanisée : les cristaux de zinc déposés sur l'acier diffusent la lumière différemment ce qui donne des différences de teintes. Ces cristaux font quelques millimètres à quelques centimètres.
Les cristaux de l'acier, quant à eux, sont de l’ordre de la dizaine de micromètre (10-100 μm).
La frontière entre les cristaux est appelée « joint de grain » (grain boundary). C'est une surface, donc un défaut de dimension 2.
Dans un matériau homogène, deux cristaux voisin ont le même réseau cristallin, mais orienté différemment. Le joint de grain est donc une frontière de désorientation.
Le joint de grain est une « fine tranche » dans laquelle les atomes restent organisés, mais de sorte à adapter la désorientation. l'épaisseur de cette paroi est très petite devant les dimensions du cristal.
Les joints de faible désorientation sont des parois de dislocation vis (joint de flexion) ou coin (joint de torsion).
Dans le cas des désorientations plus importantes, les atomes du joint de grain font partie des réseaux des deux cristaux. Ils forment un réseau de coïncidence, de faible densité.
Voir les joints de grain
modifierPour voir les joints de grain, on peut :
- attaquer le métal avec un acide : à l'instar des dislocations, les joints de grain sont des défauts, l'attaque se fait préférentiellement sur eux ; l'attaque acide creuse donc les joints de grain ce qui permet de les voir au microscope optique (micrographie) ;
- dans les cas des roches (pétrologie, géochimie), on peut faire une lame mince et l'observer à la lumière polarisée en transparence ; si les cristaux sont faits de minéraux différents, la couleur d'un grain à l'autre sera différente, ce qui permet de voir les joints de grain ;
- faire croître une couche d'oxyde de manière contrôlée, par exemple par électrochimie ; l'épaisseur de cette couche va dépendre de l'orientation du grain, ce qui révèle les joints de grain ; par ailleurs, la microscopie à haute résolution permet de visualiser l'organisation de chaque cristal et de bien voir la désorientation ;
- au microscope électronique à balayage (MEB) : un mode particulier, la détection des électrons rétrodiffusés, donne un contraste entre les différents cristaux ;
- au microscope électronique en transmission (MET) : on observe l'échantillon en transparence, on peut ainsi voir un joint de grain ;
- la reconstruction du cristal par sonde tomographique atomique montre l'organisation des atomes donc permet également de visualiser un joint de grain.
Effets des joints de grain
modifierLes cristaux se raccordent aux joints de grain. Il y a donc « plus de place » au niveau d'un joint de grain, en raison des différences des réseaux, que dans le cristal. De fait, on a des propriétés communes avec les dislocations :
- les atomes étrangers s'y logent préférentiellement (ségrégation) ;
- le déplacement des atomes dans les joints de grain est plus rapide ; ce sont des courts-circuits de diffusion.
Les joints de grain peuvent être une zone de fragilité (rupture dite « intergranulaire »). En particulier, la ségrégation de certains atomes comme le phosphore et le soufre peut fragiliser les joints de grain. Par ailleurs, de même que les joints de grain sont attaqués préférentiellement par les acides, ils peuvent subir une corrosion plus importante que le reste du cristal (corrosion intergranulaire).
Les joints de grain bloquent les dislocations : en effet, si une dislocation veut « franchir » le joint de grain, elle doit changer de direction de glissement et de plan de glissement. Plus un matériau a de joints de grain, donc plus les cristaux sont petits, plus la limité élastique et la dureté sont élevées (loi de E. O. Hall et N. J. Petch).
Enfin, à haute température, les joints de grain peuvent glisser, ce qui provoque du fluage (creeping en anglais, litt. « rampement »).
Surface libre
modifierLes cristaux situés à la surface du matériau ont des surfaces libres. C'est sur ces surfaces que s'effectuent les réactions chimiques de surface, comme par exemple la corrosion, et des atomes extérieurs peuvent pénétrer dans le cristal en passant la surface.
Les surfaces libres suivent souvent les plans de grande densité d'atomes, elles sont donc souvent lisses.
Les aspérités et rayures augmentent la surface libre réelle, donc la réactivité.
La matière sous forme de poudre a également une grande surface libre par rapport à la matière compacte. Lorsque l’on veut une grande réactivité, pour exemple dans le cas d'un support de catalyseur, ou une grande capacité d'absorption, on met la matière sous forme de poudre ou de mousse. On définit alors la surface spécifique comme étant le rapport entre l'aire de la surface réelle et le volume ou la masse. À titre d'exemple :
- acier massif : surface spécifique 2,5⋅10−5 m2⋅g-1 ;
- charbon activé (catalyseur) : surface spécifique comprise entre 400 et 2 500 m2⋅g-1 .
Défauts volumiques
modifierPores
modifierUn pore est une cavité. Elle est vide ou remplie de gaz.
Précipités
modifierLes précipités sont des cristaux de nature différente de l'environnement, à la manière des amandes dans le nougat. Ils résultent d'un regroupement (condensation) d'atomes étrangers.
Par exemple, dans l'acier, le carbone peut se concentrer et former avec le fer précipités de carbures de fer.
Certaines roches ne sont faites que de précipités, dans le sens où il n'y a pas de « cristal majoritaire ». C'est le cas par exemple du granite, où l’on voit trois types de grains en proportion relativement égales : quartz, mica, feldspaths.
Voir les défauts volumiques
modifierLes techniques permettant de visualiser les défauts volumiques sont identiques à celles permettant de visualiser les cristaux et joints de grain.
Effet des défauts volumiques
modifierLes défauts volumiques n'ont pas les mêmes propriétés mécaniques, en particulier module de Young, que le reste du matériau. Il s'ensuit des concentrations de contrainte et donc un amorçage de rupture possible.
Ils n'ont pas non plus les mêmes propriétés chimiques. Il peut donc se produire des piles de corrosion localisées, produisant de la piqûration.
Enfin, ce sont des obstacles aux dislocations. Dans les matériaux ductiles, la présence de précipités entraîne donc une élévation de la limite élastique Re. Ce mécanisme est appelé « durcissement structural ».
Exercice de synthèse
modifierFaites ces exercices : Paramètres de la limite élastique. |
Notes
modifier- ↑ pour des lacunes
- ↑ X1NiCrMoCu25-20-5, acier contenant 25 % en masse de nickel, 20 % de molybdène et 5 % de cuivre