Introduction à la science des matériaux/Les métaux et alliages ferreux

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Les métaux et alliages ferreux
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Chapitre no 12
Leçon : Introduction à la science des matériaux
Chap. préc. :Les métaux
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Résumé

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Étude du fer et ses alliages

Introduction

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La découverte du fer dans l'Antiquité a été une véritable révolution par rapport au bronze. L'industrialisation de la sidérurgie, associée à la découverte de la machine à vapeur, a constitué la Révolution industrielle du XIXe siècle. Jusque dans les années 1980, la production annuelle d'acier était une des manières de représenter l'industrialisation d'un pays — la tour Eiffel, entièrement en poutrelles de fer, représentait la puissance industrielle de la France lors de l'Exposition universelle de 1889.

Si des matériaux nouveaux ont avantageusement remplacé l'acier pour certaines applications — aluminium, titane, matériaux composites —, il reste toujours une solution simple, peu onéreuse, bien maîtrisée et recyclable pour réaliser des pièces mobiles et des structures.


Fiche environnementale

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Il existe de très nombreuses nuances d'alliage, mais l’on peut globalement établir la fiche suivante.


Le diagramme fer-carbone

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Diagramme binaire fer-carbone

Classification des alliages fer-carbone

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Le fer est obtenu à partir de minerais réduit en utilisant la combustion du charbon. Le procédé va donc inévitablement inclure du carbone. Les métallurgistes ont très tôt remarqué que le métal obtenu n'a pas partout la même dureté, et que certaines parties « prennent la trempe », c'est-à-dire durcissent si on les chauffe au rouge puis trempe dans l'eau, et d'autres pas. Jusqu'au XIXe siècle, on a qualifié d'acier les alliages qui prennent la trempe et de fer les alliages qui ne la prennent pas [1], la partie fondant à la plus basse température étant appelée fonte.

En 1868, Chernov a établi le premier diagramme binaire fer-carbone. Cela a permis de comprendre de mieux en mieux le rôle du carbone ; par rapport à la dénomination historique :

  • fer : acier à moins de 0,3 % de carbone ;
  • acier : acier à plus de 0,3 % de carbone.

Puis, les aciers ont été classés selon leur dureté, qui, en absence d'éléments d'alliage, dépend directement de la teneur en carbone :

  • fers industriels ou aciers extra doux (dead soft steel) : %C < 0,15 % ;
  • aciers doux (mild steel, soft steel) : 0,15 % < %C < 0,2 % ;
  • aciers demi-doux (low carbon steel, semi-soft steel) : 0,2 % < %C < 0,3 % ;
  • aciers demi-durs : 0,3 % < %C < 0,4 % ;
  • aciers durs : 0,4 % < %C < 0,6 % ;
  • aciers extra durs : 0,6 % < %C.

Cette dénomination est encore assez courante dans l’industrie, mais est insuffisante en raison de l’utilisation massive des aciers alliés. Pour les aciers non alliés, on distingue maintenant :

  • les aciers à basse teneur en carbone : %C < 0,3 % ;
  • les aciers à moyenne teneur en carbone : 0,3 < %C < 0,5 % ;
  • les aciers à haute teneur en carbone : 0,5 < %C.

Ces valeurs ne sont qu'indicatives. À titre d'exemple, la base de données de Cambridge (logiciel CES Selector de Granta Design) prend pour limites 0,25 % et 0,7 %.

De nos jours, le terme « fer » désigne soit l'élément chimique, soit le fer pur (à moins de 0,008 % de carbone en masse, lorsqu’il n'y a pas de précipitation de carbure), soit des barres d'acier laminées (fer plat, fer rond, fer carré), soit de l'acier forgeable dans l’expression « fer forgé » ; ces deux derniers cas sont un reste de l'acception « métal ne prenant pas la trempe ». Le fer blanc est un acier recouvert d'étain.

La dénomination correcte du métal se fait maintenant selon la teneur en carbone, on parle de :

  • fer : moins de 0,008 % de carbone en masse (limite de solubilité du carbone dans le fer α à température ambiante) ;
  • acier : entre 0,008 et 2,11 % de carbone ;
  • fonte : teneur supérieure à 2,11 %.

Ces valeurs peuvent varier selon les auteurs. En particulier, certains placent la frontière entre acier et fonte à 1,75 %C, en se basant sur les phases formées à forte vitesse de refroidissement.

Transformations allotropiques du fer

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La température de transition α/γ varie avec la teneur en carbone

Nous avons vu précédemment que la structure cristalline du fer varie selon la température :

  • en dessous de 912 °C, il est cubique centré (fer α ou ferrite) ;
  • au dessus de 912 °C, il est cubique à faces centrées (fer γ ou austénite) ;

(on ne s'intéresse pas aux températures supérieures). La température de transition change selon la teneur en carbone. Ceci est montré sur le diagramme binaire fer-carbone :

  • en dessous de la ligne A1 (en vert), il est cubique centré (fer α ou ferrite) ;
  • au dessus de la ligne A3 (en rouge), il est cubique à faces centrées (fer γ ou austénite) ;
  • entre les lignes A1 et A3, on a un mélange α + γ.

Mouvement du carbone lors du refroidissement lent

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Mouvement des atomes de carbone : une maille se débarrasse de son carbone et devient de la ferrite, une maille récupère le carbone et forme de la cémentite Fe3C

Lors de la solidification, il se forme donc de l'austénite, puis cette austénite se transforme en ferrite (entre les lignes A3 et A1).

Cependant, l'austénite peut accueillir plus de carbone dans ses sites interstitiels que la ferrite (voir Le cristal parfait > Réseau cubique à faces centrées). Lors de la transformation austénite → ferrite, l'austénite rejette donc du carbone ; celui-ci se lie au fer pour former un carbure Fe3C appelé « cémentite » 6,67 % de carbone). Dans la partie acier du diagramme de phase, on note la présence d'un eutectoïde lamellaire ferrite/cementite, appelé « perlite ».

Phases formées lors d'un refroidissement lent

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Germination des phases de l'acier à partir des grains d'austénite au cours du refroidissement ; acier hypo- et hypereutectoïde

La structure finale dépend en partie de la taille des grains d'austénite, donc de la vitesse de refroidissement. Certains traitements thermiques consistent à retransformer l'acier en austénite pour « rejouer » la transformation austénite → ferrite.

Dans la partie fonte du diagramme, la teneur de carbone est beaucoup plus importante et il se forme des carbures dès la solidification ; on a une structure austénite + cémentite à haute température, puis l'austénite se décompose comme pour donner de l'acier.

 
Structure cristalline des aciers pour un refroidissement lent : répartition de la ferrite (jaune) et de la cémentite (bleu)

Si le refroidissement est lent, on obtient donc diverses structures selon la teneur en carbone :

  • très basse teneur en carbone (aciers extra-doux) : ferrite + cémentite ;
  • acier hypoeutectoïde : ferrite + perlite ;
  • acier eutectoïde : perlite ;
  • acier hypepreutectoïde et fontes : perlite + cémentite.

La cémentite est un matériau dur mais non ductile (fragile), comme tous les carbures. La plupart des aciers que l’on utilise sont hypoeutectoïdes (moins de 0,77 % de carbone) ; plus la teneur en carbone est élevée, plus on a de carbure, donc plus l'acier est dur mais moins il est ductile.

Les différentes phases de l'acier — ferrite, cémentite, perlite, austénite — ont des propriétés très différentes, il est donc nécessaire de maîtriser la structure de l'acier pour maîtriser ses propriétés. La compréhension de ce diagramme fer-carbone est fondamentale pour :

  • l'élaboration de l'acier :
    • composition initiale de l'acier,
    • conditions de fabrication des produits semi-finis : la déformation pour obtenir la tôle, la barre, le tube, … peut se faire à chaud ou à froid ;
  • la mise en œuvre :
    • les opérations de soudage, qui comportent un chauffage puis un refroidissement de la pièce,
    • traitement thermique après fabrication de la pièce : on peut chauffer puis refroidir la pièce.

Voir les cristallites d'acier

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La méthode la plus couramment utilisée pour voir les cristallites — les monocristaux qui constituent l’objet — est la micrographie :

  • la surface du métal est polie miroir (papier abrasif de granulométrie 4 000 voir polissage avec des diamants de 3 µm) ;
  • attaque de la surface (etching) avec un réactif appelé « nital » (5 %vol. au plus acide nitrique concentré dans environ de l'éthanol) ;
  • rinçage de la surface et observation au microscope optique.

La ferrite apparaît en noir et la perlite en blanc.

Traitements thermiques

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Lors d'une trempe, le carbone reste piégé dans la maille lors de la transformation γ → α ; cela forme la martensite

Lorsque la température s'élève, il y a tout d’abord une augmentation de la vitesse de diffusion ; les atomes s'agitent autour de leur position, ce qui permet des mouvements de défauts (défauts ponctuels, dislocations, joints de grain). Au dessus d'une certaine température, le fer prend une structure austénitique. Si l’on chauffe au dessus du solvus de l'austénite, ligne appelée A3 pour les aciers hypoeutectoïdes et Acm pour les aciers hypereutectoïdes, les carbures se dissolvent, le carbone entre en solution solide dans l'austénite.

Une fois l'acier entièrement austénitique, si l’on effectue un refroidissement rapide, appelé trempe, les atomes de fer se réorganisent dans la structure ferritique, mais le carbone n'a pas le temps de migrer pour reformer des carbures. Si la teneur en carbone est suffisamment importante (supérieure à 0,3 % en masse), on a donc une maille pseudo-cubique centrée sursaturée en carbone, dont les cristaux prennent la forme d'aiguilles ; cette structure s’appelle la martensite. La martensite est très dure, on a donc un durcissement important de l'acier, on dit que « l'acier prend la trempe. »

La martensite est très dure mais aussi fragile, on effectue donc un réchauffage en dessous de la zone austénitique, vers 600 °C et d'environ 1 h, afin d'adoucir la trempe et d’avoir un acier résistant mieux à la propagation d'une fissure. On parle de revenu.

Pour un acier non trempé, on peut effectuer un chauffage suivi d'un refroidissement lent pour homogénéiser sa structure ou pour éliminer l'écrouissage. On parle de recuit.

Les aciers

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Principes de la désignation européenne

Les aciers sont des alliages fer/carbone qui, lorsqu’ils sont chauffés suffisamment, se transforment intégralement en austénite.

Les aciers au carbone

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Les aciers dits « au carbone » sont des aciers non alliés ; ils peuvent présenter des impuretés résiduelles, mais on n'ajoute pas d'élément étranger volontairement. Ce sont des aciers à bas coût, en général utilisés pour la construction : poutres, pièces mécaniques.

On distingue deux dénominations européennes normalisées. La première est une dénomination relative aux propriétés mécaniques, puisque c’est la préoccupation principale lorsque l’on utilise ce type d'acier ; on parle d'aciers de construction. Cette dénomination commence par une lettre qui indique l'usage de l'acier — S (structure) pour les acier d’usage général, E pour les aciers pour construction mécanique, P pour les appareils de pression — suivi de la limite élastique Re en mégapascals (MPa = N/mm²). Par exemple

  • S235 : acier non allié d’usage général avec un limite élastique garantie de 235 MPa ;
  • P295GH : acier non allié pour appareils à pression avec un limite élastique garantie de 295 MPa.

L'ancienne dénomination française indiquait la limite élastique ou la résistance à la traction en kgf/mm² (1 kgf/mm2 = 10 MPa), par exemple

  • (NF) E24 = (EN) S235 ;
  • (NF) A48P = (EN) P295GH.

Dans le langage courant, on parle d'acier à ferrer les ânes. Ce sont des aciers à bas carbone afin d’avoir une bonne soudabilité (la soudure constituant un traitement thermique local, il faut avoir peu de carbone pour éviter une trempe locale). Ils ne prennent pas la trempe.

La deuxième dénomination indique la teneur en carbone, puisqu'elle détermine directement les propriétés mécaniques, mais aussi la trempabilité. La désignation commence par un C suivi de la teneur en carbone en % multipliée par 100, par exemple

  • C35 : acier non allié avec 0,35 % de carbone.

L'ancienne dénomination française utilisait le préfixe CC ou XC selon la teneur admissible en impuretés. Par exemple

  • (NF) XC38 = (EN) C35

On remarque une petite différence dans les valeurs. Il faut voir que d’une part les valeurs sont des moyennes, la teneur réelle pouvant être dans une fourchette, et que d’autre part une différence de 3 unité correspond à une différence de 0,03 %

Pour les fortes teneurs en carbone (> 0,3 %), ces acier prennent la trempe mais superficiellement : dans le cas d'une pièce massive, le cœur se refroidit lentement, cette situation n'est donc pas propice à la formation de martensite.

On trouve également relativement souvent les désignations américaines (SAE/AISI). La nuance 10xx correspond à un acier à 0.xx % de carbone, par exemple

1050 (SAE/AISI) = C50 (EN)

Dans le langage courant, on parle souvent de « tôle bleue », ce qui désigne en général un C75 ou C90 (anciennement XC75 ou XC90) trempé, et de « corde à piano » lorsqu’il s'agit d'un fil (utilisé pour fabriquer les ressorts).

Par rapport à la dénomination empirique :

  • acier doux (adx, ne prend pas la trempe) : S185 (A33), S235 (E24), C10 (XC10, 1010), C22 (XC18, 1020) ;
  • acier mi-dur : C35 (XC38, 1035), C40 (XC42, 1040), C45 (XC48, 1045) ;
  • acier dur : C60 (XC65, 1060), C75 (XC80, 1075).

Les aciers faiblement alliés pour trempe

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L'ajout d'éléments d'alliage en faible teneur facilite la trempe. On peut ainsi avoir une trempe à cœur, c'est-à-dire une pièce massive entièrement martensitique, ou bien un acier prenant la trempe pour des vitesse de refroidissement lente, par exemple en trempant dans un bain de sel chauffé (entre 200 et 400 °C), dans un bain d'huile, ou en laissant refroidir simplement à l'air — on parle de trempe à l'air ou d'acier autotrempant. Un refroidissement lent permet de limiter la déformation et les contraintes résiduelles résultant de la trempe ; une trempe à l'huile est parfois appelée « brunissage ».

Les éléments que l’on ajoute pour favoriser la trempe sont le nickel, le chrome et le molybdène, et il faut bien sûr une teneur suffisante en carbone.

La dénomination européenne indique

  • la teneur en carbone multipliée par 100 ;
  • puis la liste des éléments d'alliage désignés par leur symbole chimique, classés par ordre de teneur décroissante ;
  • et enfin la liste des teneurs multipliées par un facteur (puisque les teneurs sont faibles) allant de 4 à 100 selon les éléments.

Par exemple :

  • 36NiCrMo16 : acier faiblement allié contenant
    • 36/100 = 0,36 %m de carbone,
    • 16/4 = 4 %m de nickel,
    • ainsi que du chrome et du molybdène ;
  • 100Cr6 : contient
    • 100/100 = 1 %m de carbone,
    • 6/4 = 1,5 %m de chrome.

L'ancienne désignation française, encore très utilisée, utilisait les « symboles métallurgiques » à la place des symboles chimique : N pour le nickel, C pour le chrome, D pour le molybdène, S pour le silicium, … Par exemple

  • (NF) 35NCD16 = (EN) 36NiCrMo16 ;
  • (NF) 100C6 = (EN) 100Cr6.

Par rapport à la désignation empirique :

  • aciers durs : 37Cr4 (38 C 4), 25CrMo4 (25 CD 4), 34CrMo4 (34 CD 4), 42CrMo4 (42 CD 4), 36NiCrMo16 (35 NCD 16), 51CrV4 (50 CV 4) ;
  • aciers extra durs : 100Cr6 (100 C 6).

Le stub (appellation américaine), ou « arbre de douille à bille », également appelé « acier argent » (silver steel au Royaume Uni, Silberstahl en Allemagne), désigne un « rond » (c'est-à-dire une barre laminée de section circulaire) en acier rectifié (usiné de manière très précise, tolérance h7), en acier trempé haute dureté : acier faiblement allié de type 115CrV3 (115 CV 3, non normalisé EN, W. Nr. 1.2210). Ces produits sont utilisés pour les pièces cylindriques en mouvement nécessitant une haute résistance : tige de vérin, arbre de transmission de puissance, arbre soumis à de la flexion (essieu), colonne de guidage linéaire.

Les aciers de décolletage

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Le décolletage est une fabrication en grande série par tournage rapide. On utilise souvent des aciers contenant une forte teneur en soufre ou en plomb pour faciliter l'usinage. Ces éléments fragilisent l'acier, les pièces ont donc une résistance mécanique médiocre.

Ces aciers sont considérés comme non alliés du fait de leur usage, mais leur désignation suit celle des aciers faiblement alliés, par exemple :

  • 10S20 ;
  • 11SMn37 ;
  • 36SMnPb14 ;

Les aciers inoxydables

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Les aciers inoxydables, ou inox, sont des aciers contenant plus de 10 % de chrome : le chrome s'oxyde à l'air et forme une couche d'oxyde de chrome Cr2O3 protectrice, dite « couche passive ». Ils ne rouillent pas dans des conditions « normales ». Ce sont donc des aciers fortement alliés.

Pour de fortes teneurs en carbone (supérieures à 0,15 %, le chrome facilitant déjà la trempe), on a un acier prenant la trempe (acier inox martensitique).

Les aciers inoxydable ne peuvent pas se travailler à chaud : cela produit la formation d'une couche d'oxyde épaisse qui s'écaille lors des opérations de déformation et laisse une sous-couche d'acier contenant peu de chrome (puisque celui-ci est parti dans la couche d'oxyde), et donc sensible à la corrosion. D'ailleurs, lorsque l’on soude des inox, on passe sur la soudure une pâte qui dissout la couche d'oxyde formée — elle contient pour cela de l'acide fluorhydrique, très dangereux — et repassive l'acier, grâce à la présence d'acide nitrique.

Pour travailler des épaisseurs épaisses à froid, il faut un acier très malléable ; on utilise donc des aciers austénitiques : leur structure cubique à faces centrées les rend malléables (40 à 50 % d'allongement à la rupture A%, contre 30 % maximum pour une acier ferritique), mais ils ont une faible limite élastique, à l'instar de l'or, de l'argent, du plomb, de l'aluminium, … Pour avoir un acier austénitique, on ajoute une forte quantité de nickel, supérieure à 8 %, pour une faible quantité de carbone, moins de 0,1 %, et on effectue une trempe très rapide — hypertrempe — pour piéger la structure austénitique.

Par ailleurs, la présence de nickel permet de stabiliser la couche passive et donc améliore la tenue à la corrosion. De fait, les aciers austénitiques représente la très grande majorité des inox utilisés.

 
Énergies de rupture KC d'un acier ferritique (α) et austénitique (γ)

Mais bien qu'étant plus malléable et ayant une limite élastique plus basse, l'inox austénitique est un peu plus difficile à travailler qu'un acier d’usage général :

  • la courbe de déformation s'étale plus, et donc l'énergie de rupture, qui est la surface sous cette courbe, est plus importante, rendant l'usinage (arrachement de matière) plus difficile ;
  • le module d'élasticité E est plus bas (193 GPa contre 210 GPa pour un acier ferritique ou martensitique), l'inox est plus souple, il y a donc plus de retour élastique, ce qui oblige à « pousser plus loin » lorsque l’on plie ou roule une tôle.

Les inox ferritiques sont les moins chers mais ne conviennent donc que pour les pièces de faible épaisseur. On les trouve en général pour les applications domestiques (couverts, tôles d'appareils ménagers). Les inox martensitiques sont utilisés pour les pièces devant être très dures, par exemple les lames de couteaux de haute qualité. Pour la plupart des applications industrielles, on utilise des inox austénitiques.

Les inox présentent des risques de corrosion perforante, appelée piqûration, en milieu marin. Pour éviter ce problème, on leur ajoute du molybdène.

La désignation européenne normalisée commence par un X, indiquant un acier fortement allié ; suit la teneur en carbone multipliée par 100, puis la liste des éléments d'alliage par ordre de teneur décroissante, puis la liste des teneur indiquées en %. Par exemple :

  • X5CrNi18-10 : acier fortement allié contenant 0,05 % de carbone, 18 % de chrome et 10 % de nickel, c’est donc un acier inoxydable austénitique.

L'ancienne dénomination française commençait par un Z et utilisait les symboles métallurgiques, par exemple

  • (NF) Z 6 CN 18-10 = X5CrNi18-10.

On parle d'acier « 18-10 » en raison des teneurs en chrome et nickel.

On utilise fréquemment la dénomination américaine pour les inox, composé d'un nombre de trois chiffres éventuellement suivi d'une lettre. Pour les principales nuances d'inox austénitiques :

  • inox standard :
    • 304 = X5CrNi18-10 (Z 6 CN 18-10), « acier 18-10 »,
    • 304L = X2CrNi18-9 (Z 2 CN 18-10), « acier 18-10 bas carbone » ;
  • inox « marine » (au molybdène) :
    • 316 = X5CrNiMo17-12-2 (Z 6 CND 17-12), « acier 18-10 au molybdène », « acier 18-10 D », « acier 18-10 Mo »
    • 316L = X2CrNiMo17-12-2 (Z 2 CND 17-12), « acier 18-10 bas carbone au molybdène ».

En visserie, on parle d'inox A2 pour le 304L/X2CrNi18-9 et d'inox A4 pour le 316L/X2CrNiMo17-12-2.

Les aciers à outil

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Les aciers à outils sont utilisés pour la coupe, le poinçonnage. Ils doivent avoir une dureté très importante, et sont fragiles. Ils ont une très forte teneur en carbone et sont fortement alliés, par exemple :

  • X38CrMoV5-3 (anc. Z 38 CDV 5) ;
  • X100CrMoV5 (anc. Z 100 CDV 5) ;
  • X165CrMoV12 (non normalisé EN, anc. Z 160 CDV 12).

Les aciers rapides

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Les aciers rapides sont des aciers à outil conservant leur dureté même à haute température : le chauffage n'annule pas la trempe. Ils portent ce nom car ils sont utilisés pour les outils de coupe à haute vitesse : fraises, outils de tour, forets de perceuse. Dans ce domaine, ils sont remplacés quasiment partout par des outils en carbure (céramique très dure) qui permettent de travailler encore plus vite, mise à part pour les forets et certains outils de forme (outils ayant une forme spéciale) ; mais ils sont toujours utilisé pour des outils travaillant sans enlèvement de copeau.On parle d'ARS (aciers rapides spéciaux) ou de HSS (de l'anglais high speed steels).

Les aciers rapides contiennent tous les éléments d'alliage suivants : tungstène, molybdène, vanadium et cobalt. On les désigne donc par le préfixe HS suivi de la teneur en % de ces éléments, par exemple :

  • HS2-9-1-8 : acier rapide contenant 2 % de W, 9 % de Mo, 1 % de V et 8 % de Co ;
  • HS6-5-2 (anc. Z 85 WDCV 06-05-04-02).

Traitements de surface

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On peut modifier la surface d'une pièce afin d’avoir des propriétés différentes du cœur de la pièce. Cela permet d’avoir une pièce moins chère que si elle avait les propriétés à cœur, ou bien d'associer différentes propriétés. par contre, cela induit une dépense énergétique supplémentaire, et éventuellement la manipulation et le rejet de produits toxiques.

Les principaux traitements sont :

  • trempe superficielle : pratiqués sur les aciers riches en carbone (C40) éventuellement faiblement alliés (34CrMo4, 41Cr4, 42CrMo4), cela consiste à chauffer la surface (par exemple au chalumeau) sans chauffer le cœur, puis à effectuer une trempe ; on a ainsi une surface martensitique, très dure, et un cœur ferritique ;
  • cémentation et trempe superficielle : pratiqués sur les aciers bas carbone (C10, C22) éventuellement faiblement alliés (16MnCr5, 16NiCr4, 18CrMo4, 20Mn5, 20MnCr5), cela consiste à enrichir la surface en carbone avant de faire une trempe superficielle ; le cœur est ainsi un acier bas carbone ;
  • nitruration : cela consiste à former des nitrures par réaction chimique avec des éléments d'alliage (chrome, aluminium) ; les nitrures sont des céramiques très dures, on a donc un durcissement de la surface ; cela se pratique sur des aciers faiblement alliés (30CrMo12, 41CrAlMo7, 51CrV4) ;
  • galvanisation : cela consiste à tremper une pièce dans un bain de zinc en fusion (420 °C) ; la couche de zinc ainsi formée protège contre la corrosion atmosphérique ; ce procédé est utilisé sur des aciers au carbone d’usage général (à ferrer les ânes) ;
  • peinture : donne un aspect esthétique, protège contre la corrosion ; la pièce peut être préparée par un traitement de phosphatation (création d'une couche de phosphate de fer par réaction chimique, facilitant l'accroche de la peinture).

Désignation numérique

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Outre la désignation selon le comportement mécanique (type S235) ou la composition chimique (type 25CrMo4, X2NiCrMo17-12-2), les nuances ont aussi une désignation numérique européenne — c’est le Werkstoff Nummer (numéro de matériau) de la norme allemande. Cette désignation est à cinq chiffres du type 1.xxxx. Les deux premiers chiffres après le 1 indiquent le type d'acier, les deux derniers sont un numéro de référence dans ce type. Par exemple :

  • 1.0037 = S235 ;
  • 1.0540 = C50 ;
  • 1.2363 = X100CrMoV5 ;
  • 1.2367 = X38CrMoV5-3
  • 1.3247 = HS2-9-1-8 ;
  • 1.3343 = HS6-5-2 ;
  • 1.4404 = X2NiCrMo17-12-2 ;
  • 1.6773 = 36NiCrMo16 ;
  • 1.7218 = 25CrMo4.

Les fontes

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Les fontes, lorsqu'elles sont chauffées, ne se transforment pas intégralement en austénite : en raison de leur forte teneur en carbone, il reste des carbures. Par ailleurs, elles présentent une certaine proportion d'eutectique.

Leur principal intérêt est la faible température de fusion et la fluidité, qui permet de fabriquer des pièces moulées à faible coût : pièces d'art, inserts de cheminée, plaques d'égoût, tuyaux de grande dimension. En outre, par rapport à l'acier, les fontes présentent une grande stabilité dimensionnelle et la capacité à absorber les vibrations : pièces de suspension de voiture, bâtis de machines-outil.

On distingue :

  • la fonte de première fusion : elle est issue directement du haut fourneau, elle peut être destinée à fabriquer de l'acier ou bien à être transformée en fonte de seconde fusion ; on parle aussi de fonte brute (pig iron) ;
  • la fonte de seconde fusion, ou fonte élaborée (cast iron) : fonte utilisée pour fabriquer des pièces.

En raison de la forte teneur en carbone, on peut avoir la formation de précipités de graphite à la place de carbures. La formation de graphite est favorisée par une vitesse de refroidissement lente et la présence d'éléments dits graphitisants : cuivre, nickel, silicium. Le graphite est intéressant car c’est un lubrifiant, il facilite donc l'usinage. Par contre, l'eutectique fer/graphite est habituellement un eutectique lamellaire ; cette forme de lamelles provoque des concentrations de contrainte et donc une fragilisation. Certains éléments, en particulier le magnésium et des terres rares, permettent d’avoir un eutectique globulaire, et donc une fonte ductile, malléable. On a quatre grands types de fontes :

  • les fontes blanches (FB) : fontes à cémentite, l'eutectique s’appelle la lédéburite, c’est un eutectique globulaire ; elles sont peu chères (pas d'élément d'alliage) et très dures (grande quantité de carbure) donc utilisée pour les pièces esthétiques ou les pièces de broyage ;
  • les fontes grises : fontes à graphite,
    • fontes à graphite lamellaire (FGL) : pièces de grande dimension (stabilité dimensionnelle, absorption des vibrations), pièce de frottement (faible coefficient d'adhérence, de glissement),
    • fontes à graphite sphéroïdal (FGS) : pièces automobiles et canalisations (bonne résistance mécanique, bonne ductilité, facilité d'usinage) ;
  • les fontes malléables à cœur noir ou à cœur blanc, obtenues par traitement thermique des fontes blanches (un recuit long et refroidissement lent transforme la cémentite en graphite) : domaine d'application similaire aux fontes grises, mais moins chères.

La désignation européenne symbolique commence par EN-GJ, puis suit une ou plusieurs lettres indiquant le type de fonte :

  • EN-GJN : fonte blanche (no graphite) ;
  • EN-GJL : fonte à graphite lamellaire ;
  • EN-GJS : fonte à graphite sphéroïdal ;
  • EN-GJMB, EN-GJMW : fontes malléables à cœur noir (B, black) ou à cœur blanc (W, white).

suit la résistance à l'extension Rm en MPa, éventuellement l'allongement à la rupture A%. Par exemple :

  • EN-GJS-400-18 : fonte à graphite sphéroïdal de résistance à la traction 400 MPa et présentant un allongement à la rupture de 18 %.

La désignation numérique a un préfixe similaire mais sans la lettre G ; le numéro est composé de quatre chiffres :

  • EN-JL 1030 = EN-GJL-200 ;
  • EN-JS 1030 = EN-GJS-400-15.

À retenir

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Il s'agit d'un chapitre destiné à donner une culture générale sur les différents types d'acier et leur élaboration. Il ne s'agit pas de connaître par cœur toutes les nuances. On s'attachera toutefois à se souvenir des équivalences entre les appellations usuelles, les nuances et les application principales :

  • TC = S235, acier au carbone de construction (bas carbone, faible coût, soudable, mais limite élastique modérée) ;
  • tôle bleue = C75 ou C90, acier au carbone trempé (haute limite élastique) ;
  • corde à piano : fil métallique en acier trempé type C90 (haute limite élastique), utilisé pour faire des ressorts ;
  • stub, arbre de douille à bille = barre cylindrique rectifiée d'acier trempé (haute limite élastique) : tiges de vérin, arbre de transmission de puissance, arbre devant résister à la flexion ;
  • 304 = « 18-10 », acier inoxydable austénitique à 18 % et chrome et 10 % de nickel ;
  • 316 = « inox marine », acier inoxydable austénitique 18-10 au molybdène, pour milieu marin ;
  • 304L et 316L : comme précédemment, mais à bas carbone (soudable) ;
  • ARS = HSS, acier rapide (acier à outil à haute limite élastique, gardant la trempe malgré l'élévation de température) ;
  • fonte blanche = fonte à cémentite (faible coût, dureté) ;
  • fonte grise = fonte à graphite
    • fonte à graphite lamellaire (FGL, stabilité dimensionnelle et absorption des vibrations),
    • fonte à graphite sphéroïdale (FGS, fontes ductiles).

Il est important de connaître le rôle des principaux éléments d'alliage de l'acier :

  • chrome, nickel, molybdène à faible teneur : favorise la trempe ;
  • chrome, nickel, molybdène à forte teneur : anti-corrosion.

Il faut également être capable de distinguer à la dénomination numérique s'il s'agit d'un acier (1.xxxx), d'une fonte (EN-JL/S xxxx) ou d'un autre matériau, et de savoir distinguer à la désignations symboliques s'il s'agit d'un acier d’usage général, d'un acier faiblement allié, d'un acier fortement allié, d'une fonte blanche, d'une fonte à graphite lamellaire ou sphéroïdale ou d'un autre matériau.

Autres alliages

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Il existe d'autres alliages où le fer est majoritaire :

  • Invar : alliage à 64 % de fer et 36 % de nickel (désignation symbolique FeNi36), il a un coefficient de dilatation linéaire α très faible ;
  • 45 permalloy : alliage à 55 % de fer et 45 % de nickel (FeNi45), il a une perméabilité magnétique μ très élevée, il est utilisé pour les blindages magnétique et pour la lecture de bandes magnétiques ;
  • alliages fer-chrome (p. ex. FeCr20) et fer-chrome-aluminium (FeCrAl, p. ex. FeCr20Al5) : alliage réfractaire résistant bien à la corrosion à haute température.

Voir aussi

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