Introduction à la simulation numérique/Nature et enjeux des simulations
Introduction
modifierLes simulations numériques permettent de mettre en jeu un ensemble de lois — de lois physiques, bien sûr, mais pas uniquement — pour observer des phénomènes dont on espère qu’ils apporteront des informations utiles. On voit déjà l'étendue du domaine, puisque chacun de ces termes peut révéler de nombreuses interprétations et de nombreux contextes.
Il y a, en effet, de nombreuses simulations qui s'appliquent à de nombreux objets : la « nature » d'une simulation, c’est la réponse à la question « qu'est-ce qui est simulé ? ».
Cela est très lié aux enjeux des simulations numériques, lesquels dépendent, encore une fois, du contexte. Selon l'étendue du système étudié, selon les informations qu'on cherche, la simulation devra mettre l'accent sur une propriété ou une autre.
Ce chapitre présente quelques exemples courants de simulation numérique, qui en concernent les différents aspects, afin notamment de convaincre le lecteur de l’intérêt de ces méthodes.
Quelques exemples
modifierLes simulations sont très utiles dans l'aéronautique, où elles permettent d'évaluer le profil d'un appareil : cela est infaisable à la main, tant les calculs sont nombreux et complexes. D'ailleurs, on sait les calculs tellement complexes qu’il est impossible de faire entièrement confiance à la machine : on refera toujours des essais en soufflerie réelle, si la simulation numérique est prometteuse. On ne se préoccupe donc pas tellement de la précision. De plus, seule une certaine zone nous intéresse : celle qui est immédiatement au contact, à la surface, de l'appareil : loin de l'appareil n'a aucun intérêt, et dans l'appareil... non plus. Aucun constructeur ne s'en prive.
En relativité générale, les simulations numériques (on parle de « relativité numérique ») rendent compte de l'inobservable : la courbure de l'espace-temps, par nature immatérielle. Ces expériences permettent aussi d'embrasser des échelles hors de la portée humaine : des milliards de parsecs, des milliards d'années, des milliards de milliards de tonnes par millimètre cube... Difficile dans ce cadre de « refaire l'expérience pour de vrai ». Les contextes concernés, par exemple :
- on pense qu’il y a un trou noir situé à tel endroit, la simulation nous dira comment se comportent les étoiles alentours, prédiction que l’on pourra vérifier (Albert Einstein Institute);
- on lance l'univers à t≈0 et on le regarde évoluer, pour vérifier les lois de la physique, ou l'influence d'une hypothétique matière noire sur l'univers (expériences Horizon du Max Planck-Institute) ;
- dans le même état d'esprit, on étudie la collision de galaxies ;
- on étudie les déformations de l'espace temps pour permettre la visualisation de phénomènes non observables (Alain Riazuelo : passage dans un « trou de ver », Jean-Pierre Luminet : trou noir avec disque d'accrétion...)...
Pour une raison physique (appelée « instabilité gravitationnelle ») la précision est ici importante, mais limitée par notre connaissance, déjà imprécise, des positions, dimensions, vitesses et constitutions des objets étudiés.
En météorologie, on tente d'observer les variations des grandeurs thermodynamiques à la surface d'une planète. Les plus puissants calculateurs actuels sont incapables de donner des prédictions fiables au delà d'une semaine. La confrontation avec l'expérience est inévitable.
En mécanique automobile, les simulations numériques permettent d'évaluer l'usure et les contraintes sur les pièces. Des tests pourront être faits en situation réelle.
En physique des particules, on peut ainsi prédire le résultats de collisions et éventuellement découvrir de nouvelles particules — ou montrer qu’elles n'existent pas. Notons que la prise en compte de la physique des particules en conjonction avec la relativité générale permet des simulations astrophysiques, et permettent l'observation, en temps réel (mais le ralenti est plus intéressant) de la formation d'une supernova (Max Planck-Institute).
En électronique, la simulation numérique possède un spectre d’applications assez étendu :
- simulation complète de circuits électroniques (Paul Falstad) ;
- simulation de semi-conducteurs (échauffement, efficacité, tensions de seuil...) ;
- évaluation des topologies de réseau pour la distribution d'électricité ou le câblage de circuits...
En biologie, la mise en équation des problèmes permet différents niveaux de simulation :
- simulation de l’évolution d’une épidémie ;
- évaluation du temps de vie moyen d'un produit dans l'organisme ;
- étude des réponses musculaires aux influx neuronaux ;
- simulation de réseaux de neurones ;
- études de molécules biologiques, recherche de médicaments automatisée (FightAIDS@home) ;
- prédiction de l'évolution de populations bactériennes par algorithmes génétiques suivis ;
En chimie, il est également possible de faire intervenir l'ordinateur :
- prédiction de réactions (acide/base, oxydoréduction, SEAs, alcènes...) ;
- simulations de femtochimie (suivi des réactions à l'échelle de la femtoseconde, ENS Ulm) ;
- évaluations des enthalpies et entropies de réactions lorsque celles-ci sont dangereuses ;
- prédiction de la géométrie de molécules complexes ;
En physique quantique, on peut effectuer de nombreuses simulations de natures diverses : oscillateurs harmoniques, orbitales atomiques (Paul Falstad)...
De même, l'isolation d'une maison, la consommation d'un moteur, la durée de vie d'une ampoule, la stabilité du système solaire, la sécurité d'une voiture lors d'un crash, la solidité d'un pont... peuvent être mises en équation.
Nature et enjeux des simulations
modifierBien souvent, ces problèmes sont impossibles à résoudre manuellement — ou très pénibles. Dans le premier cas, cela signifie presque toujours qu’il n'existe pas de solution mathématique complète : l'ordinateur ne pourra donc pas la trouver non plus. Seulement, et c’est le plus important :
Toute simulation numérique est une approximation d'un problème réel, soit parce que celui-ci n'admet pas de solution analytique, soit parce que l'ordinateur possède une précision limitée par nature.
Cela impose quelques précautions : concernant les systèmes chaotiques notamment (la météorologie en est un bon exemple, rappelons que c’est Lorentz qui initia la théorie du chaos en observant l'effet d'une approximation sur une simulation numérique de météo !). Une simulation numérique ne donnera ainsi pas toujours l'évolution réelle d'un phénomène — bien souvent, heureusement, elle donnera des résultats « subjectivement similaires ». Si elle est bien construite, les ordres de grandeur au moins sont cohérents. Enfin, rappelons :
Les simulations numériques permettent de rendre compte de phénomènes passés, présents ou futurs, rendant visible des quantités inobservables. Elles constituent une présentation approximative des phénomènes effectifs, qui permettent d’en tirer des informations pertinentes.