L'incomplétude mathématique/Présentation de la leçon
L’existence des ensembles indicibles montre le caractère essentiellement incomplet de toute théorie mathématique. Cette incomplétude ontologique n’était pas considérée comme une restriction trop sévère avant que Gödel ait prouvé ses théorèmes d’incomplétude. Les mathématiciens pouvaient espérer que les éléments sans noms des ensembles indicibles n’étaient pas importants, que tous les ensembles « intéressants » pouvaient être définis à l’intérieur des théories existantes. La pratique confirmait cet espoir, parce que les outils connus de construction des ensembles étaient suffisants pour couvrir tous les besoins courants.
Les théorèmes de Gödel ont montré que l’incomplétude mathématique n’est pas seulement ontologique. Toutes les théories mathématiques générales sont incomplètes au sens où elles ne sont jamais capables de prouver toutes leurs vérités. Elles ne peuvent pas apporter de réponses à toutes les questions qu’elles permettent pourtant de poser. Elles ne contiennent jamais assez d’axiomes pour cela.
Le chapitre 6 prouvera que l’incomplétude de la prouvabilité axiomatique est étroitement liée à l’incomplétude ontologique, ce qui n’est pas étonnant, puisqu’une ontologie est fixée par des axiomes. Mais c’est très important pour comprendre que les théorèmes d’incomplétude sont des manifestations de la puissance de l’imagination et de la raison. Ils ne sont pas des preuves d’une insuffisance de la logique, comme cela est admis couramment, d’une façon incohérente, parmi de nombreux autres préjugés, ésotériques ou pseudo-mystiques, qui circulent sur ce sujet.