La belle au bois dormant/La fin des rouets

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La fin des rouets
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Chapitre no 6
Leçon : La belle au bois dormant
Chap. préc. :Le magicien
Chap. suiv. :Quinze années de bonheur
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La belle au bois dormant/La fin des rouets
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LE Roi ne perdit pas un instant pour agir suivant le conseil du magicien. Le lendemain, il fit une proclamation et ordonna que des copies en fussent faites et apposées sur toutes les portes des églises, dans toutes les places publiques des villes de son royaume.

Voici le texte de cette proclamation :
 Attendu qu'une certaine fée malicieuse, oublieuse des devoirs qu'elle doit au Roi et à la Reine tout-puissants, souverains légitimes de ce royaume, et à la Princesse Primerose leur fille bien-aimée, a, par malice préméditée, et avec l’intention de nuire gravement à la personne de ladite Princesse, en la personne desdits puissants souverains, et d'un certain nombre de leurs loyaux sujets, fait et proféré une prophétie ; à savoir : que la Princesse dans sa quinzième année, se piquera le doigt avec le fuseau d'un rouet et que de cette blessure en résultera pour elle un affreux malheur au désespoir de ses parents bien-aimés ;

 Il est décrété que tous les rouets et instruments à filer quels qu'ils soient, en la possession de tout sujet de sa Très Excellente Majesté le Roi, qu'ils soient manœuvrés à la main ou à la pédale ou par tout autre moyen conjointement avec tous les fuseaux, navettes, broches et tous autres accessoires à cela appartenant, devront incontinent être remis aux Officiers de sa Très Excellente Majesté le Roi, désignés pour les recevoir ;

 Et il est de plus décrété que si quelques personnes négligent d'observer ou d'obéir à cet édit ou ordonnance en détenant illégalement un instrument à filer ou des accessoires en dépendant, ces personnes seront poursuivies conformément aux rigueurs de la loi et seront condamnées à la peine de mort.

 Donné et signé de notre main.

L'affichage de cette proclamation produisit un grand trouble dans tout le royaume. Les gens sortaient de chez eux pour contempler cette décision souveraine car on n'avait jamais vu un édit semblable jusqu'ici, et quoique très peu d'entre eux fussent capables de lire, ils comprenaient qu'il s'agissait de quelque chose de très important.
Ils demandaient donc à des clercs et à des écoliers de leur dire ce qu'il y avait sur la proclamation et payèrent un sou pour ce service, ce dont les clercs et les écoliers furent très contents, étant généralement des personnes nécessiteuses. Il fallait environ trois heures pour lire l'édit et pour l'expliquer ; et l'on doit admettre que tout cela aurait pu être exprimé en peu de mots, mais cette façon de faire n'aurait pas été assez digne pour une proclamation qui était en somme un instrument légal.

Le lendemain, des officiers du Roi parcoururent toutes les villes et tous les villages du royaume. Ils étaient précédés par un trompette qui s'arrêtait au coin de chaque rue et sonnait avec force. Ayant commandé l'attention, ils passaient ensuite devant chaque maison en criant :
– " Apportez vos rouets, vos quenouilles et vos fuseaux, apportez vos rouets."
Et les gens venaient, non sans gémir, les déposer devant les officiers, car le rouet est une chose fort utile dans une maison. Dans ce temps-là, les femmes filaient et chacun portait des habits confectionnés avec le tissu fabriqué dans sa propre maison. Pourtant, personne n'aurait osé désobéir aux ordres du Roi.
Les rouets, les quenouilles et les fuseaux furent ainsi rassemblés. Il y en avait de tous les modèles et de toutes les grandeurs, quelques-uns étaient neufs, d'autres avaient plus de cent ans, et il était rare que chaque maison n'en eût pas au moins un d'une sorte ou de l'autre. Ils furent envoyés dans la capitale du royaume et l'on en fit un tas immense dans un des jardins publics.

Le Roi, la Reine et toute la cour vinrent voir cet amas de rouets auquel on mit le feu. Le peuple aussi accourut en masse, pour assister à cette destruction : les flammes s'élevaient très haut dans le ciel, et le bois, en brûlant, faisait entendre des craquements pareils à des décharges de mousqueterie.
Quand tout fut réduit en cendres, le Roi rit de soulagement, la Reine sourit de même, tandis que la petite Princesse Primerose, qui s'était mise à l'une des fenêtres du Palais Royal pour voir cet immense feu, tendait les bras en poussant des cris de joie.

Mais les braves gens du peuple ne s'étaient pas réjouis à ce spectacle parce que c'étaient leurs rouets que l'on avait brûlés.
– " Il y avait vingt ans que je l'avais, mon rouet, " dit une femme, " et maintenant je n'en ai plus. Comment pourrai-je faire pour vêtir mes six garçons ! "
– " Mon rouet m'avait coûté cinq couronnes d'argent à la dernière Chandeleur," disait une autre, " et il n'est maintenant que flammes et fumées."
– " Qu'est-ce qu'un rouet de brûlé, si cela sauve notre petite Princesse, " dit un homme. " Venez, chère maman, le Roi a agi sagement, il ne veut faire de tort à personne."
Et il avait raison. Le Roi ne songeait qu'à empêcher l'épouvantable prédiction de se réaliser. À peine les rouets furent-ils brûlés que le Roi fit une autre proclamation pour annoncer aux habitants de son royaume qu'il paierait tous les rouets qui avaient été détruits. Et, en outre, il ordonna aux marchands d'acheter dans les pays voisins de la laine filée afin que le peuple pût la tisser sans être obligé de la filer.

Répondre à ces dix questions modifier

 

  1. Quel rôle joue ce chapitre dans cette version du conte ?
  2. Relever quelques expressions caractéristiques du langage juridique.
  3. Citer quelques doublons redondants.
  4. Quelles sont les seules personnes sachant lire ?
  5. Quelle était la formule prononcée en France par le héraut et sa trompette au début d'une annonce officielle ?
  6. Qu'est-ce qui a provoqué la fin de l'utilisation familiale de rouets dans l'histoire européenne ?
  7. La représentation du bûcher des rouets par Rackham est-elle un feu de joie comme dans le texte ?
  8. Pourquoi les femmes sont-elles désespérées par la perte de cet outil ?
  9. Quelles mesures le roi met-il en place ?
  10. Citer un autre autodafé en littérature ?

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