La mondialisation des pauvres
Armelle Choplin est maître de conférences en géographie à l’université Paris Est- Marne la Vallée, spécialisée dans la production urbaine en Afrique et dans le Monde Arabe. Elle s’intéresse notamment aux différences entre les villes planifiées et la réalité du terrain. Elle est actuellement détachée à l’Institut de Recherche pour le Développe- ment.
- Auteur : Armelle Chopin, Olivier Pliez
- Année : 2018
- Titre : La mondialisation des pauvres, loin de Wall Street et Davos
- Pages : 108
- Mots clés : Méditerranée; Afrique; Chine; mondialisation; pauvres; urbanité; bottom of the pyramid; ciment; diaspora; contrebande;
Olivier Pliez est géographe, directeur de recherche au CNRS, chercheur au Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités Sociétés, Territoires de l’université de Toulouse, et spécialiste du Sahara.
Cet ouvrage a été publié dans un contexte où la mondialisation est au coeur du dé- bat public, notamment autour de la question de son impact sur les territoires les moins développés. Ce livre cherche à contrer l’idée que les pauvres sont soit exclus de la mondialisation, soit en sont les victimes, en montrant que non seulement les pauvres sont très bien intégrés dans la mondialisation, mais qu’en plus, la mondialisation ne pourrait avoir lieu sans eux.
Résumé
modifierQuelle place ont les pauvres dans la mondialisation ? C’est la question à laquelle tente de répondre cet ouvrage, à l’encontre des à-priori. En effet, les auteurs notent que la mondialisation est perçue comme un phénomène pénalisant fortement les pauvres (comme définis par la Banque Mondiale, c’est à dire ayant accès à moins de 1,9 dollar par jour), qui en sont exclus ou qui la subissent. La thèse défendue ici est que les pauvres sont bien intégrés à la mondialisation, qui ne prend pas place uniquement dans des espaces riches et hyperconnectés, mais aussi dans des lieux considérés comme en marge. De plus, selon les auteurs, les pauvres sont des acteurs majeurs de la mondialisation.
Pour répondre à cette question, les auteurs ont choisi de s’intéresser à deux lieux : le pourtour méditerannéen, et notamment le monde Arabe, et l’Afrique sub-saharienne, après avoir explicité leurs choix méthodologiques.
En effet, le premier chapitre traite de la méthodologie abordée : la notion de non-lieu, développée par Marc Augé, est complétée par celle d’hyper-lieu de Michel Lussaut, qui désigne les lieux catalysant un haut niveau de mobilité. Se pose alors une question méthodologique : faut-il se concentrer sur un lieu, sans prendre en compte la complexité des interconnexions, ou prendre une échelle plus globale, en prenant de la distance avec le terrain ? Ici, les auteurs choisissent une analyse multisituée, qui suit les flux.
Leurs conclusions sont que tant dans le monde arabe qu’en Afrique subsaharienne, les flux de mondialisation sont nombreux, intenses et adaptatifs. Par exemple, à l’issu du durcissement des politiques migratoires, en 1985, le quartier de Belsunce, à Marseille, a été délaissé par les Algériens au profit d’Istanbul, puis de Dubaï et enfin de Yiwu. Ces tendances sont soutenues par des initatives publiques, comme la One Belt One Road, méga-axe de transport chinois. Les flux de marchandises suivent les migrations humaines (des Africaines profitant d’un mariage dans un autre pays pour ramener des vêtements par conteneur, aux diasporas étrangères (libanaises, chinoises, indiennes), en passant par les Algériens émigrant à Dubaï ou Yiwu pour y conseiller leurs compatriotes sur les mar- chés). Les produits sont très diversifiés : alimentaires ou non alimentaires, beaucoup de produits suivent des itinéraires transnationaux : en Afrique par exemple, des mèches de cheveux aux 4x4, en passant par le ciment. Ce commerce n’est pas toujours légal : ainsi, les réseaux commerciaux réseaux libyens sont issus de la contrebande de produits subventionnés, et la contrebande dynamise des villes comme Salloum, tandis que le marché de Yiwu, en Chine, vend beaucoup de contrefaçon.
Ainsi, les pauvres sont acteurs d’une mondialisation très dynamique, qui s’adapte en permanence aux contraintes.
Commentaires
modifierCe livre est intéressant à bien des égards. D’abord, comme le soulignent les auteurs, la mondialisation est un sujet souvent interpreté à travers des idées reçues, notamment lorsque l’on s’intéresse aux lieux moins riches. En effet, la mondialisation est perçue comme un phénomène Nord contre Sud, avec une domination des espaces riches et bien connectés sur les espaces plus marginaux ou moins riches. C’est d’ailleurs le nom d’une des parties du livre de Christian Grataloup, Le monde dans nos tasses : "Délices du Nord, labeur du Sud". Cependant, cette interprétation ne suffit pas à comprendre le phénomène. Bien que les pauvres soient "souvent des microentrepreneurs par défaut", il n’en est pas moins qu’ils sont impliqués dans des processus globaux, de manière très dynamique. Ainsi, ce livre permet de remttre en question la vision occidentale de la mondialisation, qui considére les pauvres victimes passives, et de voir que ceux-ci sont bien les acteurs de leur mondialisation.
De plus, le choix de suivre les flux, mais aussi de s’intéresser à des produits particu- lier, à des personnes particulières, donne une cohérence et une authenticité à l’ensemble, qui donne l’impression d’écouter un récit de voyage, en prise avec le terrain, et non une théorie de bureau. Cependant, la contrepartie est que la vision globale manque ; après avoir lu ce livre, on est conscient de nouveaux enjeux, mais on ne peut pas expliquer ou schématiser le fonction de la mondialisation des pauvres en général.