Le langage (programme français de 2019)/Langage et connaissance

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Le discours, oral comme écrit, constitue un moyen d'accéder à la connaissance. Ainsi, logos, le discours, se retrouve dans des noms de sciences (par exemple, la biologie est un discours sur le vivant). Un tel discours vise précision et exactitude, cependant, le terme "ineffable" (qui échappe à une description langagière, qui, par sa nature, ne peut être traduit par le langage) et la notion qu'il recouvre suggèrent que le langage n'y parvient pas toujours. Le langage peut aussi être objet d'une science, la linguistique. En sciences cognitives (linguistique, philosophie, psychologie…) se pose la question du rapport entre langage et pensée. Les paragraphes sont indépendants entre eux.

Langage et connaissance
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Chapitre no 1
Leçon : Le langage (programme français de 2019)
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Oral et écrit modifier

Dans le Phèdre, de Platon, il est question du mythe de Teuth (dieu égyptien à tête d'ibis, notamment des scribes, assimilé à Hermès). Socrate, qui apparait dans les dialogues de Platon, recourt ainsi souvent au mythe. Teuth, père de nombreuses inventions dont l'écriture, la présente comme un remède de la science et de la mémoire. Cependant, Ammon, dieu-roi, regarde l'écriture avec défiance. Socrate, dans le Phèdre, compare l'écriture à l'image. Or, l'image est considérée par Platon comme une copie du réel. C'est ainsi que l'oral, discours vivant, est figé par le discours écrit, qui ne peut dialoguer. Si un discours oral est attaqué, il peut se défendre par lui-même, ce qui n'est pas le cas du discours écrit. On relève là un premier paradoxe, qui est que ce discours fut écrit, et c'est par l'écrit que la pensée de Platon nous est parvenue (même si Socrate n'a pas écrit). L'historien Moses Finley, dans Démocratie antique et démocratie moderne, qualifie la civilisation grecque de civilisation de l'oralité.

De même, plusieurs cultures sont davantage tournées vers l'oral : la très grande majorité des langues ne s'écrit pas et l'on peut parler de "littérature orale polynésienne", par exemple.

Dans son cours de linguistique générale (1916, posthume), le linguiste Ferdinand de Saussure compare l'écrit à la photographie d'une personne ; ainsi, croire que l'on connaîtra mieux la langue par l'écrit que par l'oral, "C’est comme si l’on croyait que, pour connaître quelqu’un, il vaut mieux regarder sa photographie que son visage". La linguistique actuelle s'intéresse plus à l'oral qu'à l'écrit.

Relation entre mots et concepts modifier

L' Organon d'Aristote est un traité de logique qui se compose de six livres, dont De l'interprétation, qui analyse les énoncés et leur valeur de vérité. Guillaume d'Occan, philosophe médiéval, s'inspire de l'Organon pour écrire sa Somme de logique (une somme désigne une compilation de connaissances). Il introduit cependant une nouvelle conception du rapport entre les mots et les concepts. Les sons vocaux renvoient ainsi, "de manière seconde", aux concepts et impressions psychiques. Il établit une distinction entre le concept, qui "signifie naturellement tout ce qu'il signifie" (dans ce qui semble une tautologie-exemple de tautologie : un chat est un chat- le terme "naturellement" doit se comprendre comme "par nature" ou "par lui-même"), et est nécessaire, et le mot oral ou écrit, qui a une signification du fait d'une convention et est donc contingent (voir les repères "contingent" et "nécessaire").

Expression d'idées abstraites modifier

Berkeley, philosophe du dix-huitième siècle, traite des mots généraux dans son introduction des Principes de la connaissance humaine. Selon ce texte, un nom général signifie un grand nombre d'idée particulière. La dénotation (désignation) est certes limitée, mais elle laisse beaucoup de possibilités. Prenons le nom "triangle" : malgré sa définition, la longueur de ses côtés, ses angles et d'autres propriétés sont variables. Ainsi, le nom qui renvoie à une définition est nécessaire, mais le nom qui renvoie à une idée précise, toujours la même, est "inutile et infaisable". Les noms sont ainsi choisis pour des notions abstraites et non des idées.

Le général et le particulier appartiennent aux repères du programme français de Terminale. Ce texte, critique, revient sur une idée répandue : chaque nom aurait une signification précise et fixe.

Le nom propre comme distinction modifier

Le philosophe du dix-neuvième siècle John Stuart Mill traite du nom propre dans son système de logique. Il a recours à une analogie : le voleur des Mille et Une Nuits qui trace à la craie une marque sur une maison afin de la reconnaître. De même, le nom propre est une marque distinctive afin de reconnaître un nom. Il ne s'applique non à une chose, mais à une idée que nous avons de cette chose. Il n'apporte pas d'information en lui-même, mais permet de distinguer une chose quand elle nous vient à l'esprit.

Stuart Mill a ici recours à l'opposition entre dénotation (sens littéral d'un mot) et connotation (autres sens qui s'ajoutent au sens littéral). Ainsi, le rouge est dénoté comme une certaine longueur d'onde, et peut être connoté comme couleur de la passion, de la violence… La question des noms propres a particulièrement intéressé les philosophes du langage.

Le langage, traduction fidèle de la connaissance ? modifier

Cette question évoquée dans l'introduction conduit Cournot (19e siècle) à répondre par la négative. Dans son Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, il explore la forme du langage par rapport à celle de la connaissance. Le langage est linéaire : or, un mécanisme d'horlogerie ou un tableau, que l'on souhaiterait décrire, sont constitués de pièces interagissant. Il est dès lors impossible de rapporter fidèlement le mécanisme. Chaque unité du langage s'enchaîne, mais une unité linguistique ne peut se raccrocher qu'à deux autres, avant et après, il en résulte que l'on ne peut décrire une interaction globale.

Le langage est parfois décrit comme "chaîne parlée". Cependant, s'il est phonologiquement linéaire, sa syntaxe est organisée autrement. Dans la phrase "Ma cousine que j’ai rencontrée hier, qui m'a beaucoup parlé et qui a adopté un chien est étudiante", l'accord entre cousine et étudiante se fait bien que les deux mots soient assez éloignés entre eux : c’est donc que la logique qui sous-tend la syntaxe n’est pas linéaire.

Rapport entre langage et réalité modifier

Les problèmes de linguistique générale sont une série d'essais du linguiste Emile Benveniste (vingtième siècle). Selon ce dernier, le langage reproduit la réalité, ce qui est à comprendre littéralement : c'est une nouvelle production de la réalité. Le langage est alors qualifié d'"instrument de la communication intersubjective". Le langage est logos (à la fois discours et raison, comme mentionné dans l'introduction de cette leçon). Si Benveniste laisse ouverte en philosophie la question du rapport entre langage et pensée, il déclare qu'en linguistique, on considère que la pensée n'existe qu'avec du langage. "La "forme" de la pensée est configurée par la structure de la langue". Les rapports entre être humain et société sont déterminés par le langage (ainsi, plusieurs mythes mettent en valeur le langage comme pouvoir fondateur), et individu et société se complètent par la polarité je:tu (dans la pensée de Benveniste, "il" est considéré comme une "non-personne" car exclu de l'énonciation : il, c'est l'autre).

Signification, définition modifier

L'anthropologue du vingtième siècle Claude Lévi-Strauss, qui étudia le mythe, réfléchit dans La Potière jalouse à la définition des mots. Il reprend deux dimensions utilisées en sciences du langage qui déterminent le sens d'un mot. La chaîne syntagmatique (un syntagme désigne un groupe de mots, par exemple le "syntagme nominal") détermine les mots qui précèdent et suivent un mot donné. (Sur un schéma, la dimension syntagmatique serait horizontale). L'ensemble paradigmatique désigne l'ensemble de mots que l'on pourrait substituer à un mot donné pour rendre la même idée (par exemple, Le professeur/L'enseignant/Il donna un devoir de philosophie). Sur un schéma, cette dimension serait verticale.

Définir un mot revient à le remplacer par un autre mot ou une locution relevant du même ensemble paradigmatique. Quant au symbole, il entretient le même rapport syntagmatique avec ce qui l'entoure que la chose symbolisée avec ce qui l'entoure dans un autre contexte. Un problème se pose cependant : celui de la circularité du système de signification. C'est un problème bien connu en sémantique (branche de la linguistique qui étudie le sens véhiculé par le langage) et en lexicographie (écriture de dictionnaires). En définissant des mots par d'autres mots, on finit par revenir au mot de départ. Le système des mots est donc qualifié de clos.