Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde/Les discours du roman

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Un roman n'est pas seulement un récit qui raconte une histoire, il est aussi un discours qui véhicule des valeurs (idéologiques, morales, philosophiques…). De plus, il n'est pas seulement le discours de l'auteur mais fait entendre des discours multiples à travers les personnages qu'il met en scène. Ces discours communiquent une vision du monde qui peut renvoyer à des normes communément admises ou qui peut proposer de nouveaux modèles de pensée et d'action. Pour voir comment un roman transmet ces valeurs, on s'intéressera aux différents pôles de l'échange littéraire, de la production à la réception.

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Le contexte de la production modifier

Le système de valeurs d'un roman dépend :

  • des circonstances biographiques qui peuvent être liées å la fiction romanesque: Guilloux et Malraux, par exemple, se sont physiquement engagés contre le fascisme dans les années 1930 ;
  • du contexte social et politique dans lequel est écrit un roman: ainsi, les romans de Balzac témoignent des tensions de la Restauration, entre repli conservateur et essor de la bourgeoisie ;
  • du climat culturel et intellectuel de l'époque où vit et écrit le romancier: le siècle des Lumières, en particulier, a bouleversé les systèmes de croyances jusqu'alors en vigueur, et les romans du temps en portent la trace.

L'instance de la narration modifier

Le romancier communique des valeurs par l'intermédiaire d'un narrateur. Mais celui-ci peut s'effacer au profit des personnages et de l'histoire.

Les commentaires du narrateur modifier

Le narrateur peut intervenir dans le récit en énonçant des maximes, en formulant une opinion, en commentant l'action, en évaluant les actions et les pensées des personnages, que ce soit pour les approuver ou pour les condamner. Soit il apparaît alors comme le relais des idées et valeurs de l'auteur, soit il représente un point de vue qui est mis à distance et que ne partage pas l'auteur.

Le narrateur effacé modifier

Le narrateur peut aussi réduire son rôle au minimum et se contenter de montrer les personnages qui parlent et agissent, laissant le lecteur déduire idées et valeurs de l'histoire relatée et des discours rapportés. C'est le cas dans le roman épistolaire (où des personnages échangent leur correspondance), ou dans les romans à la troisième personne de style impersonnel, comme chez Flaubert.

Les points de vue dans la fiction modifier

Les personnages véhiculent leurs propres valeurs, qui ne sont pas nécessairement conformes à la vision du monde de l'auteur. Un roman représente ces valeurs des personnages de trois façons.

Leur manière de voir modifier

Le romancier la rend particulièrement sensible quand il a recours à la focalisation interne (point de vue narratif qui consiste à adopter la perspective d'un personnage).

  • Il faut alors repérer le ou les personnages dont le romancier adopte le point de vue.
  • On se demandera si le regard du personnage est permis au interdit, aimant ou cruel, humble ou dominateur, etc.
  • Il faut voir enfin s'il y a divergence, concurrence entre les points de vue de personnages différents (notamment dans le roman épistolaire).

Leur manière de parler et de penser modifier

Il existe différents modes de reproduction du discours des personnages, qu'il soit intérieur ou prononcé.

  • Au discours direct, le narrateur respecte le mode d'énonciation des paroles rapportées, signalées par des tirets ou des guillemets. La manière de parler du personnage peut être révélatrice de sa vision du monde.
  • Au discours indirect, les paroles du personnage sont intégrées au discours du narrateur, par la subordination.
  • Au discours indirect libre, les propos du personnage sont Fransposés dans le système d'énonciation du récit (généralement, temps du passé et troisième personne), mais sans subordination, avec leurs accents propres (phrases interrogatives ou exclamatives par exemple). Il est moins facile de distinguer les jugements de valeur du personnage de ceux du romancier.

Leur manière d'agir modifier

Il est important de voir pourquoi un personnage agit, d'identifier ses mobiles et l'objet de sa quête mais aussi de voir comment il agit :

  • un personnage peut régler sa conduite sur une norme sociale ou morale ;
  • il peut aussi ne se conformer qu'à ses propres valeurs, ou mépris des lois établies.

La fin du roman sanctionnera soit la réussite, soit l'échec de son entreprise. Un succès tend à légitimer les valeurs qui ont déterminé ses actions.

Les effets sur la réception modifier

Les valeurs que porte un roman dépendent enfin du rapport que le lecteur entretient avec l'univers de la fiction. Quand le lecteur est sous l'effet d'une emprise affective, il tend aussi à adhérer aux valeurs affichées ; mais il peut à l'inverse être invité à une lecture distanciée, quand le romancier bouscule ses habitudes de lecture.

La participation du lecteur modifier

Pour provoquer cette participation, un roman entretient l'illusion référentielle qui fait oublier qu'il s'agit d'une fiction:

  • l'intrigue est linéaire et concerne des personnages vraisemblables ;
  • elle s'inscrit dans un cadre spatio-temporel et dans un univers social et mental familiers au lecteur.

Ce type de roman vise à susciter des émotions fortes : angoisse et terreur, révolte et indignation…

La conscience critique du lecteur modifier

Pour éveiller cette conscience critique, le romancier peut au contraire rappeler constamment la nature fictive de l'histoire relatée :

  • il rompt avec la linéarité narrative et crée des personnages peu vraisemblables ;
  • il dévoile ou exhibe les artifices de la composition ;
  • il joue des effets de l'intertextualité et de la parodie.

Ce type de roman tend à valoriser plutôt les conduites originales, voire à contester les normes établies.

Au total, on peut dire qu'un roman est par définition polyphonique: on ne peut résumer à un message unique la diversité des valeurs qu'il véhicule, en raison même de la multiplicité des voix qu'il donne à entendre et de la diversité des perspectives qu'il adopte.