Les Caractères/De l’Homme, paragraphe 119, commentaire no 1
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Introduction
modifierEn 1668, le philosophe français Jean de la Bruyère réalise son conte philosophique, pour lequel il sera connu, nommé les Les Caractères. Cet œuvre critique les défauts et les faiblesses de l’Homme de son époque. Un paragraphe focalise sur l'égoïsme et sur la gloutonnerie d'un homme fictif qui s'appelle Gnathon.
Questions possibles
modifier- Comment l'auteur dénonce-t-il les défauts de l’Homme de son époque à travers Gnathon ?
Le portrait d'un personnage détestable
modifierUn homme grossier aux manières repoussantes
modifierPremièrement, ce personnage est représenté comme un homme grossier aux manières repoussantes. Sa gloutonnerie est évoquée par la présence du champ lexical de la nourriture conjointement aux pronoms personnels, reliant son identité avec la nourriture qu'il mange, comme « le repas est pour lui », « il manie les viandes » et « il se rend maitre du plat ». Les deux dernières citations utilisent des verbes au présent de l'indicatif, évoquant l'habitude de ses actions.
De plus, on remarque la voracité de ce personnage par sa tenacité de manger malgré son manque de politesse à travers la gradation « remanie, démembre, déchire ».
Il y a aussi un manque des connecteurs logiques, ou la parataxe, de lignes 2 à 11, indiquant son avidité. Ce comportement pourrait être aussi considéré vulgaire, voire bestial, sachant la présence des termes du monde animal utilisés pour décrire les alentours de Gnathon comme « râtelier », la métaphore « suit à la trace » qui fait allusion à son comportement bestial, ainsi que « mangent ses restes » qui implique que Gnathon ne partage pas et est en effet un amasseur.
Une personnage égoïste
modifierDeuxièmement, Gnathon est par définition égoïste, les autres personnages du texte ne sont pas définis lors il est omniprésent comme le sujet de tout action. Par exemple, « il occupe », « il oublie » et « il […] s'attache ». On remarque aussi l’usage des tournures réfléchies ou possessifs pour mettre en evidence ses possessions, comme « son usage, ses valets, son service » et « sa réplétion ».
En outre, des tournures exceptives présents dans le texte permettent d'exprimer l'identité unique de Gnathon face aux autres, par exemple dans la gradation « [il] ne se contraint pour personne, [il] ne plaint personne, [il] ne connait de maux que les siens ».
Une misanthrope inquiétante
modifierEnfin, Gnathon exhibe une misanthropie inquiétante à travers la construction du texte, où on déduit la hierarchie dans les priorités du personnage. Par exemple, à la première ligne, « soi » est écrit avant « tous », impliquant une différence d'importance aux yeux de Gnathon. On remarque aussi que les autres hommes sont représentés sans identification, par exemple « deux autres », « toute la compagnie », « tous les hommes » et « genre humain ». Ceci a pour conséquence son indifférence à la haine, évoqué par l'expression « avec l'extinction du genre humain ». Cette absence n'est pas limitée à la haine mais aussi à d'autres aspects de la vie.
Une critique mordante des défauts humains
modifierL'absence de savoir-faire
modifierUne particularité du portrait de Gnathon est son absence de savoir-vivre. On observe donc un personnage sans limite, défini par ses excès. Ceci est démontré par la forte présence des pluriels comme « les viandes », « les sauces » et « ses valets », ainsi que la redondance pour accentuer son portrait exagéré, par exemple « il pâlit et tombe ».
De plus, il y a une absence de logique dans la succession des actions de Gnathon de distinguer les gens qui l’entourent. L'auteur dépeint une déformation morale de l'âme humain mais aussi celle du corps. On remarque que le corps domine le texte, de manière grotesque, par exemple « il roule les yeux en mangeant ». Ses actions ont pour but double : « dégoûter » et « dégoutter ». La paranomase démontre que lorsque Gnathon mange, il a pour conséquence inattendue d'irriter les gens qui l’entourent.
La sociabilité mise à mal
modifierD'autre part, outre son manque d'éducation, Gnathon est représentatif d'un comportement humain particulièrement blâmable puisque son attitude consiste à faire fi de toutes les règles de vie en communauté. En effet, alors que le repas devrait être le symbole de la convivialité et de la sociabilité, ces valeurs sont mises à mal par le personnage dans le texte. On note ainsi que le personnage, au lieu de se fondre dans le groupe, se met en avant, ce que justifie la syntaxe de plusieurs phrases où les autres sont toujours mentionné après lui, notamment à l'aide de la conjonction « et ». On peut ainsi relever les formulations « Gnathon […] et tous les hommes ensemble », « pour lui et pour toute la compagnie » ou encore les expressions signalant sa priorité sur l'action comme « les conviés […] mangent ses restes » et « on le suit ».
Par ailleurs Gnathon ne laisse aucune place aux autres puisqu'il agit comme s'il voulait transformer les lieux publics en lieux privés, ce que prouve le comparatif de supériorité à la forme négative, forme qui en fait un comparatif d'égalité, que l'on trouve aux lignes 12 et 13. La phrase « [il] ne souffre pas d'être plus pressé au sermon ou au théâtre que dans sa chambre » montre ainsi son sans-gêne quelque soient les circonstances.
Enfin le rejet d'autrui est confirmé par l’agressivité dont faire preuve le personnage, et que la dernière phrase semble condenser grâce aux procédés de l’accumulation et de l'allitération. La sonorité percutante [p] est ainsi d'autant plus perceptible qu'elle se répète dans une phrase longue qui énumère toutes les actions que Gnathon refuse de faire pour les autres, concentré uniquement sur sa propre personne puisqu'il « ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion et sa bile ».
Le danger de l'amoralité
modifierLe danger de l’amoralité peut être d'abord indiqué par son matérialisme, c'est-à-dire une préoccupation de tout chose matériel. Il y a donc une présence d'un vocabulaire concret du confort comme « lit », « chambre », « hardes » et équipages. Ils ne servent qu'à Gnathon matériellement.
Ceci implique une manque de spiritualité. En effet, le texte fait référence à la pratique catholique de l’indulgence à la dernière phrase « il rachèterait volontiers de l’extinction du genre humain », où il est si matérialiste qu'il compense pour ses pếchés en « rachétent ». Le verbe est fonctionnellement une polysémie : il a pour double sens, Gnathon achète encore des objets, malgré le fait qu'il les possède déjà, évoquant son matérialisme, et à l'autre sens, il obtient sa rédemption financièrement.
Ironiquement, sa richesse est contrastée par ses tendances voleurs. En effet, le terme « tout ce qu[e] » indique la totalité de ce qu'il vole et l'expression « sous la main » évoque un image d'appropriation : il dérobe les autres. Le complément circonstanciel de lieu « sous » donne symboliquement la notion que Gnathon domine tout. Le syntaxe de la phrase est aussi particulière, l'objet est placé au premier qui implique une prémeditation, ou un action involontaire.
Cette absence de morale nous mène de croire que Gnathon a un comportement inhumain, voire monstreux. En effet, il y a la forte présence des négations aux verbes de réflexion comme « ne connait […] que », « ne plaint personne » et « n'appréhende que » ou de mouvement « ne vit que », « ne […] épargne aucune » et « ne pleure point ». Ces négations démontrent l’incapacité de Gnathon de s'agir normalement dans un environnement social, soulignent son manque de compétences sociaux, voire d'humanité. Gnathon représente donc un danger social, ou « anti-honnête homme » que La Bruyère et d'autres philosophes français de son époque, Les Lumières, opposent à travers leurs œuvres.
Conclusion
modifierEn conclusion, La Bruyère nous décrit le portrait d'un personnage détestable qui a pour but de représenter les traits les plus négatifs de l'Homme, afin de créer une critique mordante des défauts humains, particulièrement l'incapacité de vivre ensemble et son danger social. A travers cela, l’auteur est capable de dénoncer les défauts de l’Homme de son époque.