Première propriété : Les créateurs, les littéraires et les philosophes, qui comme moi, créent des signes pour leur usage personnel puis pour s’exprimer aux autres, savent bien que le sens précède le signe. Nous pouvons créer ou non autant de signes que nous voulons et les associer à notre champ sémantique, par une décision volontaire pour satisfaire divers objectifs, principalement pour réduire la polysémie, pour nous exprimer plus précisément et plus distinctivement, pour exprimer une découverte dans notre monde mental, pour distinguer ce que nous voulons dire de ce qui existe déjà, et éviter les confusions avec d’autres théories qui emploient les mêmes termes. La création de nouveaux signes est délicate afin de ne pas risquer d’introduire de nouvelles confusions tout en conservant une certaine logique avec l’esprit de la langue. En général nous avons recours aux racines de langues anciennes comme le latin et le grec, aux langues étrangères, à la combinaison, la réduction des syntagmes, l’addition de préfixes ou de suffixes afin de former des dérivés. Ainsi (fontales) pour fonctions mentales, (infralingue) pour pensée infra linguistique, (anespace) pour espace non spatial. Pour distinguer nos fonctions mentales, j’ai finalement préféré choisir neuf chiffres présentés dans une carte heuristique, les termes existant dans la langue prêtant trop à confusion.
Deuxième propriété : Le signe est arbitraire et culturel, la syntaxe conventionnelle, d’où le foisonnement des langues, étrangères les unes aux autres. Alors que le sens est universel, s’impose à nous comme des couleurs et des saveurs, des nuances de qualités, parce qu’il est le produit de nos fonctions mentales qui sont universelles, et que nous les partageons avec les autres êtres vivants, et qu’il obéit à leurs propriétés formelles, non à notre volonté. De ce fait, notre champ sémantique se développe principalement à notre insu, d’une façon automatique, conséquence des aventures continues de nos expériences. Nous pouvons certes favoriser une démarche créatrice enrichissante, sans pour autant maîtriser ni pouvoir modifier les mécanismes mentaux créateurs de notre sens.
Troisième propriété : Notre champ sémantique est un multi continuum qualitatif plus ou moins flou. Il n’est donc pas possible de le recouvrir intégralement de signes. En plus des signes de notre langue vernaculaire, acquis lors de notre enfance, nous avons volontairement disposé ça et là de nouveaux signes dans les zones et les pics que nous distinguons bien, et qui nous servent à penser ; Mais comme ce sont des désignatifs ponctuels, la plus grande partie de notre champ sémantique est vide de signes, comme une grande plage plantée de quelques piquets.
Quatrième propriété : nous associons des signes à notre champ sémantique, et non du sens à des signes. La relation qui lie le signe au sens n’est pas réciproque. C’est ce que montre l’expérience du « mot sur la langue » quand nous ressentons le sens et peinons à trouver le signe qui puisse l’exprimer, alors qu’à l’inverse dès que nous rencontrons un signe appartenant à notre lexique personnel, nous éprouvons immédiatement le sens auquel nous l’avons associé.
Cinquième propriété : Le sens et le signe ne sont pas seulement distincts par leur nature et leur structure, ils sont indépendants. C’est ce que prouve encore l’expérience très commune, et pour certains de nous, fréquente, du « mot sur la langue », qui à elle seule invalide la théorie de Ferdinand de Saussure.
Sixième propriété : le signe est collectif, partagé ou partageable par tous les membres d’une même communauté linguistique, alors que le sens est personnel et propre à chacun d’entre nous. Ceci est facilement scientifiquement démontrable en faisant des tests sur un ensemble de personnes sélectionnées par avance et réparties en deux groupes, le premier composé de monistes matérialistes et le second de dualistes ou d’idéalistes, avec des termes ou signes tels que (conscience) et (quale). Le premier groupe répondra que la conscience émerge de notre cerveau et qu’un quale est une illusion appartenant à l’ère préscientifique, alors que le second répondra que notre conscience appartient à notre entité mentale non physique indépendante de notre cerveau et qu’un quale est la seule réalité phénoménologique tangible que nous éprouvons.
Septième propriété : Le sens ne peut être réduit à un seul concept, parce que d’une part il procède d’une accumulation d’expériences toujours présentes dans notre mémoire auxquelles il reste relié, et d’autre part parce qu’il noue avec une multitude d’autres sens des relations complexes. Il ne pourrait donc être saisi dans sa totalité que dans une perception globale holistique absolue qui nous échappe, car même dans la pensée infralingue holistique non verbale, le contenu de notre conscience est protégé par des filtres qui le préserve de sombrer dans une complexité inintelligible. Cette septième propriété implique entre autres la sixième.
Huitième propriété : Le sens du terme (sens) est partagé par tout notre champ sémantique, qualifiant tous les sens de nos (termes) y compris lui-même, et inversement relié et nourri par tout notre champ sémantique. C’est un sens premier, métalinguistique, une qualité générale du sens, qui de ce fait ne peut être défini par le langage, et qui demande à être éprouvé mentalement comme un quale. D’où les difficultés des physicalistes, qui nient l’existence des qualia, ces quanta d’expérience pure, dépourvus de tout rôle dans le traitement de l’information, comme ils disent, à appréhender le langage et le sens.