Linguistique DMS/Le référent

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Le référent
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Chapitre no 3
Leçon : Linguistique DMS
Chap. préc. :Le signe
Chap. suiv. :Le concept
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Le référent

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    Il ne suffit pas de dire que des référents existent quelque part par principe, il faut savoir s’ils existent vraiment et comment ils existent, quelle est leur nature et s’ils sont universels ou personnels. Or deux grandes classes de référents se présentent à nous qui ne possèdent pas les mêmes propriétés : ceux dont la réalité est physique et ceux dont la réalité est purement psychique ou mentale. C’est là que nous entrevoyons la nécessité pour une langue formelle qui permettrait de mieux nous exprimer dans un langage, d’affecter des indices aux signifiants selon la classe de référents à laquelle ils correspondent et de conserver sans indice tous les termes syntaxiques, et opérateurs logiques ou à fonction relationnelle, qui conservent une utilité dans les deux classes, afin d’échapper à notre tendance naturelle de comprendre et de raisonner de la même manière pour toutes ces classes.
    En ce qui concerne la classe des référents mentaux, deux cas se présentent : ceux que nous vivons et éprouvons, ainsi notre conscience, nos émotions, notre capacité de juger et de décider, notre pouvoir de distinction, notre confiance en nous même, par exemple. Ce sont des ressentis. Ils existent bien en nous, mais ils sont personnels et incommunicable, car nous ne pouvons pas les montrer du doigt comme un arbre ou un chien. Ils sont fonction de notre aventure de vie, de nos apprentissages, de nos croyances, de notre expérience plus ou moins aiguë de nous-mêmes et de notre niveau d’évolution mentale, car si nous sommes ataraxiques nous vivons dans un tout autre monde que celui qui ne l’est pas. Donc si nous pouvons supposer, par cohérence logique, que nous partageons certains aspects communs de ces référents, il nous faudra admettre que nous les partageons avec des nuances de qualité, qu’il y aura peu de référents universels dans ce domaine, et que même dans ce cas nous resterons formellement incapables de le vérifier. Ce sont donc des référents personnels qui témoignent de la réalité de notre vie mentale. Pour toute cette classe de référents, donc pour les signes que nous leur avons associés, comme nous l’avons déjà remarqué pour le (signifiant), le sens que nous donnons à ces signes est la réalité mentale qu’ils signalent. Il y a donc là pour nous indistinction entre signifié et référent.
    Les référents mentaux que nos n’éprouvons pas comme des ressentis mais dont nous distinguons les propriétés conceptuelles, sont des abstractions, des concepts, des idées et des théories concernant principalement les activités et les structures inconscientes, subconscientes, et inaccessibles de notre monde mental, comme la théorie freudienne en psychologie, les théologies, les théories philosophiques, linguistiques, etc., et tous les concepts qui les accompagnent, que nous sommes obligés d’imaginer, faute de mieux, dans une quête de connaissances. La plupart de ces théories sont fausses et inappropriées, il ne nous appartient pas ici de juger de leur validité, mais d’examiner la nature et les propriétés de leurs référents. Ce sont des concepts imaginés et construits selon les opérateurs logiques applicables ou non à leur domaine. Certains hommes vont leur accorder foi et d’autres pas. Ces derniers vont les nier, mais même en les niant ils vont affirmer la réalité de leur existence dans le domaine conceptuel, même s’ils les qualifient de fantasmes comme Dieu et ses anges. Il en est ainsi de toutes nos croyances. Ce domaine imaginaire particulier n’existe que dans la pensée des hommes, il n’existe pas sur un plan métaphysique ou astral, quelles qu’en soient nos croyances, et il n’a aucune réalité tangible dans nos mondes physique et mental, c’est de l’imaginaire plus ou moins cohérent avec l’ensemble de nos expériences et de nos percepts de tous nos mondes. Pour conclure, le référent ici, c’est quoi ? Et bien c’est l’ensemble des pensées des hommes, et ce monde des pensées et des croyances des hommes est aussi, ou plus complexe, et nous est personnellement plus inconnu, que la réalité des deux autres mondes : le monde physique et notre monde mental personnel. Notre signifié est alors ce que nous pensons de la pensée des hommes dans chaque domaine et chaque section particulière de cette pensée, par exemple : ce que nous pensons du divin, de la morale, d’une théorie comme celle de Freud ou de Sartre, et de chaque élément ou concept particulier de ces sections, etc., il y a ici disjonction entre notre pensée et celle de l’ensemble des hommes, entre signifié et référent. Par cette disjonction nous prenons conscience de notre identité et de notre altérité face aux autres. Évidemment nous ne pouvons percevoir ce référent, donc nous l’imaginons, ce qui implique qu’ici ce référent ne peut être que personnel tout comme notre regard sur lui, notre signifié. Dans cette sous classe il nous reste encore deux cas extrêmes à examiner : les concepts des sciences abstraites comme la logique et les mathématiques, et notre conceptualisation de nos propres ressentis.
    Les mathématiques et les théories logiques sont des sciences des possibles d’un domaine d’application défini, ce sont des moyens, des systèmes hypothético-déductifs, qui permettent de valider des conclusions relativement aux données et aux hypothèses initiales. Les succès et la grande fiabilité de ces méthodes de penser pour résoudre des problèmes physiques, font que les pensées des hommes convergent ici vers le même référent. Cependant nous ne sommes pas tous des médaillés Fields, donc nous n’allons pas tous percevoir ces moyens avec la même acuité ni la même justesse, signifié et référent restent personnels et ne peuvent être partagés à un haut niveau de convergence que par peu d’hommes.
    En ce qui concerne les abstractions et la conceptualisation de nos ressentis mentaux, en général au-delà de la conscience ordinaire, c’est l’inverse qui se passe, le référent collectif est très pauvre, incohérent et confus, alors que notre signifié est très riche et très pertinent, quand nous avons une perception claire de nos états mentaux, ce qui nous permet de les conceptualiser. Nous ne pouvons pas alors nous faire comprendre des autres, sauf de ceux qui ont accédé à ce même haut niveau de perception mentale. C’est ce qui se passe quand deux holistiques ataraxiques se rencontrent, et ils peuvent alors élaborer une extension du langage en commun pour exprimer ce qu’ils perçoivent et ce qu’ils conceptualisent. 
    Pour les référents appartenant au domaine physique les choses apparaissent a priori plus simples. Tout d’abord, puisque nous sommes des entités mentales sémantiques, nous projetons ces référents hors de notre être, vers l’environnement extérieur même quand il s’agit de notre corps et nous pouvons les montrer du doigt pour faire disparaître toute ambiguïté. Cependant, le monde physique n’est qu’une hypothèse cohérente, ici trois écoles se déchirent : les monistes physicalistes, les dualistes, et les idéalistes, et leurs représentations du monde divergent, donc leurs signifiés et leurs référents aussi. Pour le premier la réalité du chien n’est que biologique, pour l’autre le chien possède aussi une conscience indépendante de la biologie de son corps, pour le troisième le chien n’est que conscience et la physicalité des choses est un leurre. Nous pouvons essayer de commencer à dépasser cette difficulté en convenant que le référent ne peut pas être pensé mais seulement perçu par notre système sensoriel, seulement l’image que celui-ci nous fournit est un quale, notre réalité mentale la plus tangible, et donc que ce quale, qui ne fait pas plus partie de la nature que les couleurs que nous percevons, fait partie intégrante de notre pensée, donc du signifié. Cette nature extra sensorielle est alors celle, hypothétique, qu’étudie la physique, que nous ne pouvons que distinguer sans la penser ni la percevoir. Nouvelle difficulté : la distinction est un pouvoir de notre fonction mentale analytique qui s’exerce sur le monde, qui est donc au cœur de notre réalité mentale, et qui procède en concevant des qualités distinctes, dont nous ne pouvons pas nous passer. Nous voyons ici qu’à mesure où nous avançons dans notre analyse, cet hypothétique référent devient de plus en plus fantomatique, pour disparaître complètement afin d’échapper à ce que nous pensons de la chose, en se réduisant au point de fuite de notre ignorance qui n’est encore qu’un élément de nous-mêmes. La position de Ferdinand de Saussure, qui ne considère que deux choses pensées, le sens et le signe que nous lui associons, nous paraît donc la plus prudente et la plus raisonnable pour toutes les classes que nous avons précédemment examinées.