Littérature de jeunesse en anglais : Vaclar Tille, Petit Tom/Aventures dans le jardin

Chapitre 5 : Aventures dans le jardin
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Les aventures de Petit Tom dans le jardin

Sa marraine lui dit tout sur l'enfer et le Paradis.

La marraine de Tom comprit alors qu'il fallait qu'elle arrête de lui raconter des contes de fées et décida de lui raconter d'autres histoires, vraies, bien plus belles que les imaginaires.

Pendant la journée, Petit Tom récupéra de ses aventures du matin en attendant avec impatience la soirée et ce que sa marraine lui raconterait. Après le diner, elle lui parla du monde extérieur et de sa méchanceté ; la justice et les récompenses pour les bonnes actions étaient réservées au monde d'après. Les hommes justes, qui supportaient les épreuves du monde avec patience, vivraient au Paradis de la vie éternelle, dans un monde de plaisirs où poussent des fleurs magnifiques, où murissent des fruits délicieux et où les anges volent et chantent dans le ciel. Ceux qui avaient mené de mauvaises vies et commis des crimes étaient au contraire emportés par de méchants esprits et punis.

Tom fut très impressionné par cette description et se mit à rêver de visiter le Paradis. Mais il avait vraiment peur d'avoir commis de vilaines actions et de se faire emporter par les petits diables. Il demanda à sa marraine comment faire pour respecter la justice et gagner le Paradis. Elle lui promit de lui enseigner le moyen de bien agir.

Comme il était tard, ils allèrent se coucher et Petit Tom rêva toute la nuit du paradis, se voyant sillonner les bois en écoutant le chant des anges.

Or, le lendemain matin, quand sa marraine se réveilla, elle constata qu'il faisait doux et clair. Elle ouvrit la fenêtre et laissa pénétrer dans la maison les parfums du vieux tilleul, des œillets et des roses. Puis elle alla dans la cuisine sombre, alluma le feu et mit à cuire un pot de pommes de terre pour le repas de midi, en le suspendant par le crochet au-dessus du foyer. Elle dit à Tom qu'elle partait au village et lui recommanda de ne plus recommencer ses explorations au risque de se mettre en danger en son absence. Il promit de ne pas faire le tour de la maison ; il s'assit au pied de son Œuf de Pâques sous le sapin et rédigea le compte rendu de ses récentes expériences.

Mais après le départ de sa marraine, poussé par la curiosité, il eut envie de voir d'où venaient tous ces parfums. Il alla jusqu'au rebord de la fenêtre et admira le ciel bleu et le soleil doré. Il écouta les merles et les grives chanter dans les lilas et tous ces parfums enchanteurs emplirent son âme de joie. Sans réfléchir aux conséquences de ses actes, il eut l'impression qu'il devait sortir et partir à la découverte de ce monde magique. Il s'agrippa aux branches de la vieille vigne le long de la fenêtre, se laissa glisser tout doucement parmi les petites feuilles vertes et transparentes, et sauta au centre d'un œillet rouge aux pétales bien ouverts. C'était comme s'il atterrissait dans un nuage parfumé. Il sautilla de pétale en pétale, les pressa à deux mains en se disant qu'il était surement arrivé au Paradis. Oui, c'était surement le Paradis décrit si joliment par sa marraine. Toutes ces lumières, ces couleurs et ces odeurs ! Quel plaisir d'admirer cette immense forêt de bouquets rouges, blancs et roses surgissant de cette plaine verte infinie, d'où émergeaient aussi d'autres bouquets semblables.

Quand Tom grimpa au bord de la fleur pour mieux regarder, elle se pencha et il tomba dans l'herbe, sans casse. Il avança en sinuant au milieu des touffes d'herbe et arriva au bord d'un chemin semé de petits cailloux durs et brillants.

Petit Tom dans le jardin de Myrmex, sur le rosier, dans un massif de coquelicots et au milieu des fraises.

Le cœur joyeux, il se mit à crier de bonheur et but les gouttes de rosée accrochées aux brins d'herbe en se disant à lui-même : « Je suis au Paradis, au pays de la vie et du plaisir éternels. » Il aurait voulu traverser le chemin pour aller de l'autre côté, où poussaient de grands arbres aux larges couronnes – les rosiers de sa marraine – et il lui tardait d'en apprendre plus sur les belles choses qu'il y découvrirait peut-être.

Mais ce n'était pas facile de traverser le chemin. Il tombait dans les trous et trébuchait sur les grains de sable qui lui semblaient des rochers insurmontables. Une fois arrivé au milieu du chemin, il vit une grande créature noire à six pattes avec deux cornes sur le point de le dépasser. Il stoppa net et mit instinctivement la main sur la poignée de sa dague mais la créature s'arrêta en même temps que lui en le regardant de ses yeux globuleux tout en levant ses cornes en l'air.

Petit Tom continua courageusement et reconnut immédiatement une fourmi. Au début, elle recula puis se précipita sur Tom en lui disant :
-- Prince, quel plaisir de vous retrouver. J'ai jadis rendu visite à votre père pour lui apporter un message de mon peuple le remerciant de son hospitalité et de son accueil quand notre ville avait été attaquée. Je m'appelle Mirmex et j'ai bien connu votre père. Quelle tristesse quand nous avons appris l'inondation et la destruction de votre ville.

Tom fut enchanté de rencontrer quelqu'un avec qui parler sur un pied d'égalité et se mit à lui raconter immédiatement ses aventures récentes. Mais Mirmex s'excusa en lui disant qu'elle avait trop de travail pour s'arrêter. Il lui proposa de l'accompagner et Tom fut surpris d'apprendre que Mirmex avait du travail à accomplir dans le Paradis de sa marraine. Mirmex était déjà partie en avant et Tom eut du mal à la rattraper.

Ils traversèrent le chemin et avancèrent à travers les touffes d'herbe jusqu'au pied des rosiers le long desquels Mirmex grimpa rapidement. Tom aperçut sur les tiges une foule de fourmis transportant un morceau de terre entre leurs antennes. Mirmex revint le trouver et lui dit en lui montrant le sommet :
-- Il y a un grand obstacle là-haut. La tige est entièrement couverte d'une sorte de graisse épaisse et nos ouvrières n'arrivent pas à la franchir pour atteindre les feuilles. Nous essayons de construire un pont pour y accéder mais nous n'y arrivons pas vraiment.

Petit Tom lui promit de les aider. Quatre ouvrières le soulevèrent au-dessus de leur tête jusqu'au passage dangereux du tronc. Il s'assit sur une épine recourbée et vit que les fourmis mettaient des mottes de terre sur la graisse pour construire un pont. Mais la couche était trop épaisse et les pattes des fourmis de devant étaient retenues prisonnières. Tom sorti sa dague, fit un pas hors de l'épine, dégagea les fourmis et creusa un passage dans la graisse. Les fourmis y déposèrent du sable et réussirent à passer en si grand nombre que les feuilles furent bientôt recouvertes de corps noirs.

Tom réussit malgré tout à les suivre et trouva un siège sur un bourgeon. Il les regarda travailler. Les fourmis sur les feuilles déchiraient de petits morceaux ronds qu'elles envoyaient à terre à leurs camarades qui les attendaient. Ces dernières les posaient sur leur tête comme des parasols et comme un long courant, les transportaient à toute vitesse jusqu'à la barrière. Tom se demandait ce qu'elles allaient en faire et appela Mirmex qui passait à proximité. Mirmex lui répondit qu'elle n'avait pas le temps de lui répondre mais lui expliquerait tout par la suite.

Tom demanda à Mirmex de le descendre sur le sol car il voulait continuer son exploration du Paradis. – Avec plaisir, lui répondit-elle. Mais peut-être auriez-vous besoin d'une monture pour faire le tour du jardin.
Et avant que Tom ait le temps de lui répondre, un superbe coursier vert se posa sur le bourgeon. Tom sauta sur son dos, le criquet ouvrit ses ailes, s'envola jusqu'au sol puis, à grands bonds, le transporta jusqu'aux massifs de coquelicots.

À l'ombre verte des grandes tiges, il faisait bien frais. Il se promena dans cette gigantesque forêt surmontée de fleurs rouges et blanches pareilles à d'immenses lampes. Tout était d'une beauté enchanteresse. Quand Mirmex le rejoignit, Tom lui en parla avec enthousiasme mais Mirmex l'interrompit :
-- Ce n'est qu'un désert inutile. Il y en a beaucoup trop dans ce jardin ; mais suivez-moi et je vais vous montrer un endroit vraiment exceptionnel. Mirmex se précipita à travers le rang de carottes, les plants de fraisiers et sous les framboisiers et les groseilliers, puis s'arrêta.
Voilà, c'est ici que se trouve ce que vous appelez le Paradis. Ici poussent les tiges de nourritures les meilleures du monde et elles poussent en si grand nombre que des villes entières pourraient s'y alimenter. Le seul problème consiste à trouver le moyen de les transporter. Vous pouvez vous arrêter là et, si un jour vous voulez visiter notre ville noire, vous trouverez toujours ici plusieurs de nos ouvrières qui me transmettront votre souhait. En attendant, profitez bien de votre séjour !

Mirmex s'éloigna à toute vitesse et Petit Tom descendit de sa monture pour aller regarder de près ces fruits merveilleux.
Il rampa le long des tiges et vit de nombreux seaux suspendus aux feuilles. Il y enfonça sa dague et vit qu'ils étaient remplis d'un nectar excellent. Il coupa plusieurs tiges qui tombèrent à terre. Il partit ensuite vers un autre buisson couvert de globes rouges qui brillaient comme du verre.
Il brisa une des tiges, elle contenait un suc acide délicieux. Il redescendit et mit de côté une réserve de boissons qui durerait plusieurs jours.
Il continua à chercher de quoi manger et trouva, dans les feuilles au-dessus de sa tête, les fraises, qui, à ses yeux, ressemblaient à d'énormes bosses. Il choisit la plus grosse et se mit à couper la tige avec son coutelas ; la tige se courba et la fraise tomba lourdement par terre dans l'herbe : Tom eut à peine le temps d'éviter sa grosse masse en sautant de côté. La fraise lui cogna l'épaule et le renversa tête en avant dans l'herbe mais il ne regretta pas son malheur. Avec son coutelas il arracha les graines jaunes et découpa des grandes tranches juteuses dans le fruit, se régalant d'énormes bouchées succulentes.
Il n'avait jamais rien mangé d'aussi bon. Quand il fut repu, il décida de rester dans ce Paradis et de s'y installer. Il en avait complètement oublié sa marraine et comme elle serait triste de ne pas le retrouver.

Il se dit qu'il ferait bien une petite sieste et rassembla des brindilles pour construire sa maison, mais sa monture s'approcha de lui à cet instant en piétinant impatiemment et en frottant sa tête contre lui comme pour lui dire de se dépêcher. Quelle drôle d'idée de recevoir des ordres de la sorte ! Mais il enfourcha son coursier immédiatement et le criquet fit un énorme bond et passa sous la barrière, comme s'il était poursuivi.
Tom fut griffé par les herbes et eut du mal à rester en selle mais le criquet n'en tint pas compte ; il se dépêcha encore plus en direction du ruisseau et se cacha dans l'oseille sur la rive. Soudain, une ombre immense recouvrit toute la terre. Tom vit deux ailes gigantesques et un bec ouvert. Il tomba par terre et le criquet disparut, emporté par une énorme pie-grièche. Roulant dans la poussière devant la cabane de sa marraine, Tom aperçut l'oiseau perché sur un arbuste près de la barrière. Tenant le pauvre criquet dans son bec, il sauta dans les branches et empala le pauvre insecte sur une épine pointue et s'envola. Percé par l'aiguille, le criquet se débattait pour se délivrer, en battant des ailes et en secouant ses pattes en l'air désespérément, mais sans succès. Il était retenu par l'épine enfoncée dans son thorax.
Petit Tom le regardait se débattre, muet de terreur. Pourquoi tout ça ? Il repensa aux mauvais esprits évoqués par sa marraine, ceux qui emportaient les malfaisants pour les torturer et cela l'emplit encore plus de terreur car il avait tiré avantage de la bonté de sa marraine et allait être puni.
Il se doutait bien que cette énorme créature ailée était venue pour l'empaler sur l'épine, pour le punir et le faire souffrir et que c'était un simple hasard si le criquet avait pris sa place.

Petit Tom dans la cuisine noire

Il se demanda où il était. Tout, autour de lui, n'était que désolation. Il rampa jusqu'à la petite marche devant la porte de la cabane, se faufila par une petite fente dans les planches et se retrouva dans un grand couloir sombre.
Poussant un soupir de soulagement, il se dit qu'il allait enfin échapper à la punition terrible qui l'attendait et que le mauvais esprit ne pourrait pas l'atteindre.
Il n'avait pas compris qu'il était dans l'entrée de la cabane de sa marraine mais il lui semblait bien qu'il était dans une maison d'homme. Il continua à avancer et trouva une autre fente par laquelle il put entrer dans la cuisine
. Il faisait sombre mais au fond, il y avait un grand feu brulant dans la cheminée. Il ne savait pas ce que cela représentait et avança jusqu'à la lumière, trottant dans la poussière jusqu'au foyer où il trouva un petit trou dans le mortier. Tant pis pour les blessures infligées à ses mains par le mortier coupant, il rampa jusqu'au foyer sous la cheminée et s'arrêta, sidéré.
Devant lui s'étirait une plaine noire couverte de suie au milieu de laquelle se trouvait un trépied retenant un énorme pot entouré de flammes. Le feu craquait et sifflait ; des étincelles jaillissaient dans le noir, aussi grosses que la tête de Tom et des nuages de vapeur s'élevaient de la cheminée. Sous le couvercle du pot se faisait entendre un bruit de pétarade et de bouillonnement, comme si plusieurs voix en colère se querellaient.

Le cafard

Tom se sentit attiré par cette lumière violente. Impossible de détourner le regard. Le cœur opprimé d'une grande peur, il savait qu'il ne pouvait échapper aux mauvais esprits et qu'il devait être puni d'avoir trompé sa marraine. Un diable allait probablement venir l'attraper et il eut l'impression que le diable était vraiment là, terrible, deux fois plus grand que lui, revêtu d'une armure brillante, doté de grandes moustaches, il avait jailli de l'ombre et se tenait devant lui, le regardant bien en face jusqu'à ce que son cœur flanche. Tom se sentit perdu mais bien décidé à se défendre de toutes ses forces.

Il dégaina son coutelas et attendit. Le cafard dressa ses antennes et se précipita sur lui. Petit Tom l'attendit de pied ferme et, quand l'animal approcha, il enfonça son petit coutelas pointu dans sa gorge jusqu'à la garde. Le cafard s'effondra, mort, et le renversa sous son poids.

Où la marraine retrouva son Petit Tom.

Quand sa marraine revint déjeuner, elle le chercha partout dans la cabane, en vain. Elle l'appela, fouilla dans tous les coins, au milieu des buches de bois près du foyer et même dans son horloge, en vain. Impossible de retrouver Tom.

Toute triste elle retourna dans la cuisine chercher ses pommes de terre et vit un cafard près du four. Prête à le balayer, elle vit quelque chose briller sous l'insecte : c'était la casquette dorée de Tom. Elle déposa Petit Tom au creux de sa main et le transporta avec tendresse dans la grande pièce. Elle l'appela par son nom jusqu'à ce qu'il se réveille, mais il ne la reconnut pas. Il avait la fièvre et répétait sans se lasser : « Éloignez-vous de moi, méchants esprits ! » Il remuait les bras dans tous les sens et essayait d'attraper son épée en hurlant, comme pour se défendre.

Il mit beaucoup de temps à retrouver ses esprits et à reconnaitre sa marraine. Il put enfin lui raconter ce qu'il avait vécu. Elle était persuadée qu'il délirait et ne se rendait pas compte de ce qu'il racontait. Elle avait complètement oublié tout ce qu'elle lui avait raconté sur le Paradis et les mauvais esprits.

Elle ne comprit enfin la vérité que lorsqu'il lui montra le jardin et ses pérégrinations. Elle comprit aussi qu'elle ne pouvait pas le garder enfermé toute la journée et que sa maison ne convenait plus à son âme courageuse et curieuse. Elle décida dont de l'emmener avec elle et de lui montrer le monde extérieur pour qu'il puisse en jouir et commencer à gagner un peu d'expérience de la vie réelle.