Littérature de jeunesse en anglais : Vaclar Tille, Petit Tom/Petit Tom

Chapitre 1 : Petit Tom
bouton image vers le chapitre précédent Sommaire




La veuve qui cueillait des herbes la veille de Noël

Dans une petite cabane en bois à l'ombre d'un bois, tout près d'un ruisseau bruyant, vivait une pauvre veuve, seule. Elle passait la journée à ramasser et à faire sécher des plantes et des herbes, avec lesquelles elle préparait depuis la nuit des temps des remèdes très utiles aux villageois et à leur bétail quand ils tombaient malades. Mais les villageois ne lui rendaient visite que lorsqu'ils avaient besoin de ses remèdes qui étaient si puissants et efficaces qu'on murmurait dans son dos que c'était une sorcière.

Les villageois colportaient aussi d'étranges bruits à son sujet car personne ne savait quand elle était arrivée et quand elle s'était installée dans cette demeure isolée à l'écart du hameau. Nombreux étaient ceux qui disaient qu'elle descendait d'une race de chevaliers qui, dans les temps passés, demeuraient dans leur grand château au fond des bois, au sommet de la colline qui se dressait au-dessus de sa cabane. Mais plus aucun chevalier n'y habitait actuellement, ni depuis des années et des années et le château était en ruines depuis plus longtemps que ne remontait leur mémoire. En fait, la seule chose qui restait du château et dont les vieux aimaient à parler à leurs petits-enfants, était une petite chapelle à la lisière de la sombre forêt ainsi qu'un puits très, très ancien et maintenant comblé et recouvert par la végétation.

Mais la veuve ne souffrait pas de la solitude et ne souhaitait nullement de l'aide pour s'occuper de sa maison et de son jardin qu'elle adorait, ou même du champ où paissait sa vache Speckle. Quand elle recevait un visiteur malade ou malheureux, elle cessait immédiatement et avec plaisir la tâche qui l'occupait pour lui donner le conseil ou le médicament qui le soulageait et le guérissait à coup sûr, car elle connaissait toutes les misères humaines et toutes les maladies et savait quelles simples utiliser pour chaque cas.

À l'intérieur de la petite cabane, tout était aussi propre et bien rangé que dans les châteaux de l'aristocratie où de nombreux serviteurs s’occupaient de l'entretien. Au-dessus du toit de paille un vieux tilleul étirait ses branches amicales et toute la journée on entendait résonner le bourdonnement joyeux d'essaims d'abeilles reconnaissantes autour des bourgeons et des fleurs parfumées.

Les grandes poutres verticales des murs de la cabane étaient proprement frottées de terre rouge et les intervalles recouverts de chaux blanche. Entre les petites fenêtres et la porte, des fleurs rouges et jaunes étaient peintes avec des feuilles vertes tandis que, jaillissant de terre, une bande de fleurs bleues faisait tout le tour de la maison.

Sur le rebord de la lucarne poussaient des œillets rouges et roses et, sur le petit balcon, sous le sommet du toit avec ses balustrades et poteaux en bois découpé, pointaient des fleurs et herbes séchées, têtes de coquelicots, épis de blé jaune, sauge et toutes sortes d'herbes et d'épices aux odeurs étranges. Tout ceci avait été ramassé au clair de pleine lune avant que la rosée ne les recouvre.

En plus de toutes ces belles choses, le jardin était plein de roses, de réséda et de guimauve. En bordure de la barrière poussaient des groseilliers, des mûriers et des framboisiers ; au milieu du jardin se trouvait un massif de fraises appétissantes rouges, bordé de rangées de choux, de laitues et de haricots. Contre les murs de la cabane, entre les fenêtres, jusqu'au bord du toit, grimpaient des pieds d'une vieille vigne noueuse portant des grappes de raisin délicieuses.

La cabane ne comportait qu'une seule grande pièce, une petite chambre et la cuisine noire avec un grand foyer et une large cheminée. Vue de dehors, cette maison ressemblait à celles des autres villageois ; mais à l'intérieur, se trouvait un mobilier d'autrefois. Dans un coin, un lit en bois poli recouvert d'un empilement de couvertures et d'édredons blancs et duveteux. Au milieu de la pièce, une table ronde entourée de chaises au bois poli bien lissé. Contre le mur, un vieux coffre joliment sculpté pour ranger les vêtements, une pendule à poids de cuivre et coucou pour sonner les heures et, entre les deux fenêtres par lesquelles on apercevait les fuchsias en fleurs et d'autres plantes, un buffet à linge ancien, rare, orné de fleurs et d'oiseaux et d’incrustations en argent.

Mais son bien le plus précieux était un petit autel sculpté en ivoire, pas plus grand qu'une pomme mais avec deux petites portes qui s'ouvraient sur une petite stalle sur laquelle était assise la Sainte Vierge tenant Jésus dans ses bras devant un bœuf jaune et un âne gris les surveillant depuis leur mangeoire et leur envoyant une haleine chaude.

À gauche, les bergers étaient agenouillés, entourés de leur troupeau laineux ; sur la droite arrivaient les trois rois et leur couronne dorée, vêtus de robes, l'un en violet, l'autre en rouge et le troisième en vert. Le roi noir souriait de toutes ses dents blanches pendant qu'ils offraient leurs cadeaux. Tous ces personnages étaient presque vivants ! Le visage de la Vierge était beau avec ses yeux bleus et ses sourcils noirs, et le bébé était tout rose ; il tenait entre ses mains une petite pomme d'or.

C'était une œuvre d'art précieuse et rare qui, d'après ce qu'on avait dit à la guérisseuse, était un vestige des biens du château perché sur sa colline boisée dominant la cabane. Il aurait été rapporté de la Terre Sainte par un des chevaliers.

Toute la journée, la guérisseuse avait fort à faire entre le ménage, la collecte des herbes, leur séchage et la fabrication des médicaments. De semaine en semaine, elle n'était jamais oisive. Mais le dimanche après-midi, une fois ses tâches terminées, elle prenait le petit autel et le déposait sur le buffet entre les fenêtres. Elle s'installait devant, dans un fauteuil en cuir confortable et se lisait des pages d'un vieil ouvrage, couvert d'ornements en cuivre repoussé et de pierres de couleur incrustées dans la couverture. Il contenait les histoires de la patiente Griselda, du siège de Troie, de Siegfried, Brunswick, Blanik et de nombreux autres héros courageux. Autour de la lettrine de chaque histoire étaient représentés des chevaliers, des hommes d'armes, des châteaux enchantés et des scènes représentant des pays étranges d'au-delà des mers.

En regardant les images de son livre et les petits personnages de l'autel, la vieille dame repensait aux jours passés de son enfance de petite fille joyeuse, jouant avec ses amis à des mariages et baptêmes en faisant-semblant devant ce petit autel ; sa grand-mère, assise dans le même fauteuil, leur lisait des histoires dans le vieux livre, en parlant de la célébrité de leur ancien château ancestral, des voyages que les chevaliers entreprenaient en Terre Sainte tandis que leurs épouses demeuraient au château, occupées à broder soie et batiste pendant que les enfants jouaient dans le jardin du château.

Ses pensées revivaient ses années passées, sa jeunesse, son mariage et sa vie d'épouse comblée et enfin la naissance de ses deux bébés ; puis les souvenirs tristes venaient l'envahir, la mort de son mari et de ses enfants, sa solitude sans famille et sans argent, avec pour seule possession cette petite cabane à l'ombre des bois où elle allait essayer de gagner sa vie.

Souvent, elle restait là, les ombres de la nuit rassemblées autour d'elle ; et plus elle vieillissait, plus lourdes se faisaient ces tristes pensées. Tous les ans, elle se sentait devenir plus faible et commençait à avoir peur du moment où elle ne serait plus capable d'assumer le ménage, et le ramassage des herbes dans les bois et les champs. En hiver, quand le jardin était recouvert de neige et que les congères la coupaient du village, elle s'attristait encore plus de sa solitude, dernière de sa race, avec personne à qui raconter ses ennuis, personne comme compagnon.

Le messager du roi des Gnomes

C'est ainsi qu'une année où la neige s'était accumulée presque jusqu'au toit, c'était la veille de Noël, elle avait rapporté de la forêt, comme les autres années, un petit arbre de Noël qu'elle avait planté dans une boite pleine de terre ramassée en forêt, et commencé à le décorer. Elle suspendit aux branches des coquilles de noix dorées au milieu de guirlandes de papier multicolore. Puis elle attacha de toutes petites chandelles de cire dans les branches et pela quelques pommes. Quand elle alluma les petites bougies elle se mit à repenser aux danses et jeux d'antan autour de l'arbre de Noël. Le feu brûlait joyeusement dans le grand foyer avec ses carreaux de verre vert. La pièce était chaude et pleine de parfums de menthe et de lavande. Et bientôt, assise devant l'arbre, elle finit par s'endormir, la tête couchée sur ses mains posées sur le buffet.

La vieille dame rêvait qu'elle était redevenue petite fille, portant sa robe du dimanche, ses tresses retenues par un ruban rouge, agenouillée devant le petit autel. Tout à coup elle vit la Vierge lui sourire et le bébé lui tendre la pomme d'or ; les moutons se mirent à bêler, les bergers à se courber et les trois rois à balancer leur encensoir en se dirigeant vers elle sur la surface brillante du buffet. Elle les entendit même l'appeler par son nom et lui parler.

La vieille dame se réveilla en sursaut, mais les voix semblaient l'appeler doucement comme de très loin. Elle regarda autour d'elle mais ne vit personne. Toujours ce bruit faible de voix, et, au pied de l'arbre maintenant, se trouvait un minuscule bonhomme en veste rouge, comme si un des trois rois était sorti pour la réveiller, à sa grande surprise. Elle se pencha vers lui, avec l'impression de le connaître depuis toujours.

Le petit homme grimpa jusqu'au bord du vieux livre sur le buffet, la salua, tira sur sa barbe noire et prit la parole. « Bien chère madame, mon peuple vient de m'envoyer vers vous pour vous demander une faveur au nom de notre roi. Un prince vient de naître et nous souhaiterions célébrer son baptême devant ce petit autel, qui est sans prix à nos yeux. Notre royaume est situé dans les couloirs souterrains du vieux château, jusqu'au puits près de la petite chapelle et même sous votre cabane. Nos ancêtres étaient les serviteurs de vos ancêtres, les chevaliers du château et surveillaient leur trésor. Dans votre petit autel figurent les visages de nos anciens rois.

La vieille dame fut ravie d'apprendre que les gnomes voulaient utiliser son autel et donna immédiatement son accord pour qu'ils viennent célébrer le baptême de leur prince. Le messager s'inclina et descendit rapidement du buffet pour disparaître par un petit trou près du foyer. C'est alors que, venue de derrière le foyer, une procession merveilleuse apparut immédiatement, comme elle n'en avait jamais vu.

Le baptême de petit Tom

En tête, venaient les fifres et un groupe de musiciens, soufflant dans de curieuses trompettes arrondies et frappant sur des tambours comme un bourdonnement d'insectes en vol. Derrière eux, le vieux roi et la jeune reine s'avançaient dans leurs longues robes avec des ailes de papillons, une couronne en or et pierres précieuses sur la tête.

Puis venait la nourrice, portant le petit bébé couché sur un oreiller de toiles d'araignées en argent, attaché par un cheveu en or. À la suite s'avançaient de nombreux dignitaires avec de superbes capes et, à la fin, des hommes et des femmes du peuple fourmillant au sol, pas plus grands que de minuscules insectes.

Quand la procession du petit peuple atteignit la chaussure de la vieille dame, ils grimpèrent hardiment le long de sa jupe jusqu'à sa poitrine et sur ses bras qui reposaient sur le buffet. Elle se mit à rire en voyant cette foule immense trotter de la sorte et fit bien attention à ne pas bouger, retenant sa respiration, de peur de les blesser.

Quand ils eurent fini de se rassembler autour de l'arbre, un vieil homme prit le petit prince dans ses bras et commença un long discours pour les spectateurs agenouillés. La vieille dame ne comprenait rien car on aurait dit un bourdonnement de mouche contre une vitre, mais à la fin, ils s'écrièrent tous ensemble : « Longue vie à notre prince Tom ! Que son règne soit heureux ! » Les jeunes filles se mirent à danser autour de l'arbre et tout le petit peuple se mit à sauter, rire et crier de joie. Le roi et la reine, suivis par la nourrice portant le petit prince, avancèrent sur le vieux livre qui formait une véritable plate forme pour remercier la dame de sa gentillesse. Puis le roi la supplia de devenir la marraine du prince et de continuer à aimer son petit peuple comme l'avaient fait ses ancêtres. La vieille dame le lui promit, avec plaisir, car elle aimait beaucoup le petit peuple qui lui rappelait aussi joliment les jours où son peuple était riche et célèbre.

La reine se mit à enlever les langes dont le bébé était entouré, pendant que le vieux roi et l'herboriste bavardaient sur les jours dorés d'antan. Le roi lui raconta les histoires rapportées par ses ancêtres, du temps de la vie brillante au château, comment les gnomes s'étaient nichés dans les douces tapisseries suspendues près du foyer en marbre, comment ils passaient leurs journées à nettoyer et polir les pierres précieuses et les objets en or dans les pièces souterraines, comment les nuits de pleine lune, ils dansaient gracieusement avec les fées et comment, chevauchant les grillons, ils combattaient en de fougueux tournois.

Chaque fois qu'un nouveau prince naissait au château, les gnomes tissaient dans la nuit de beaux rêves qu'ils étiraient dans les rayons de lune sous le baldaquin du lit de la reine et surveillaient le bébé dans son berceau d'argent.

La vieille dame l'écoutait, ravie, tout en admirant le rassemblement des gnomes, éclairé par la lumière tremblante des chandelles presque entièrement consumées. Les plus jeunes étaient grimpés dans les branches de l'arbre et se balançaient sur les guirlandes en papier ou s'asseyaient sur les coquilles dorées et les pommes rouges. Des fillettes se laissaient glisser sur la surface lisse du buffet pendant que les vieux à cheveux gris marchaient calmement en groupes autour de la base de l'arbre. Ils étaient si nombreux qu'il était impossible de les compter.

La vieille dame regarda cette foule multicolore de petits personnages en mouvement jusqu'à ce que ses paupières tombent de sommeil. Elle était déjà à demi-endormie quand elle entendit le roi lui dire au revoir comme dans un rêve : « Bien chère madame, votre race nous a protégés pendant des siècles et aujourd'hui nous souhaiterions vous récompenser. Les grands trésors de notre famille ont disparu depuis longtemps mais dans le vieux puits asséché, il reste encore beaucoup d'or que nous avons gardé de génération en génération, bien propre et bien rangé. Dans les fondations du puits, à hauteur de la 5° rangée en partant du sommet, vous trouverez une pierre gravée d'un fer à cheval. Derrière cette pierre, vous trouverez l'argent caché par vos ancêtres ; pensez à remettre ensuite la pierre à sa place pour ne pas déranger notre royaume souterrain. »

Ce que la marraine de Tom trouva dans le puits près de la chapelle.

Quand elle se réveilla, tout était calme et sombre dans la pièce. Les chandelles de l'arbre était éteintes, le coucou de la pendule sonnait douze coups et, venant du village, le son des cloches se faisait entendre pour célébrer joyeusement l'arrivée de Noël. De l'autre côté du ruisseau, elle apercevait des lanternes se balancer sur la place du village et le peuple se rassembler pour aller à l'église, mais elle ne se sentait pas la force d'aller à la messe de minuit. Puis elle repensa en souriant à tout ce qu'elle venait de voir mais se dit en soupirant qu'il ne s’agissait que d'un rêve et elle partit se coucher.

Au réveil, elle alla traire Speckle et, tout en buvant le bon lait chaud, elle repensa en riant à son rêve. Mais son rêve la poursuivit et finalement elle jeta un coup d’œil à l'emplacement dans le foyer d'où était sortie la procession des gnomes. Elle ne trouva qu'un simple trou dans le sol, assez large pour le passage d'un chat. Elle se dit – « Et pourquoi ne pas aller jusqu'au puits près de la chapelle ? »

Elle se couvrit les épaules avec une peau de mouton bien chaude, laine à l'intérieur, broderies de fleurs à l'extérieur, comme en portent les gens de la campagne, et se mit en route en emportant une binette et une lanterne.

Il avait bien gelé et les champs étaient couverts de neige ; elle scintillait au soleil. La neige s'était entassée jusqu'au toit de la chapelle et des glaçons transparents pendaient aux tiges des ronciers au-dessus du puits. Elle repoussa les buissons, pénétra dans le puits, enleva tous les déchets jusqu'au cinquième cercle de pierres.

Elle se moqua d'elle-même et de ses croyances dans les rêves ; mais son cœur battait à toute vitesse quand elle alluma la lanterne et dégagea le gravier, pour regarder les pierres une à une. Elle se dit – « Quand je n'aurai trouvé aucune pierre gravée d'un fer à cheval, je serai enfin convaincue que tout ceci n'était qu'un rêve. » Mais en touchant la mousse humide sur une des pierres, elle sentit un petit creux et lorsqu'elle eut fini de nettoyer la surface, elle découvrit le dessin d'un fer à cheval.

La pierre était grosse et lourde et ses mains tremblaient en enfonçant la lame de sa binette dans la fissure ; mais, oh surprise, la pierre n'était pas cimentée comme les autres et s'enleva facilement. Quand elle eut fini de la tirer, elle découvrit des pièces d'or qui brillaient autant que si elles venaient d'être frappées. Elle détacha son tablier, y mit les pièces et referma le paquet. Mais c'était si lourd qu'elle eut du mal à le soulever.

Elle aurait bien aimé explorer le royaume des gnomes car un tunnel s'enfonçait dans le sol mais elle se souvint de la demande du roi, remit la pierre à sa place et rentra vite chez elle avec son trésor.

Et la voilà donc libérée des soucis et tracas concernant ses années de vieillesse. De tout son cœur elle remercia les petits hommes qui avaient pris soin de son avenir et décida de continuer à vivre dans sa petite cabane jusqu'à sa mort.