Littérature de jeunesse en anglais : William Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été/Une troupe de comédiens

Chapitre 2 : Une troupe de comédiens
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Une chambre dans une chaumière : QUINCE, SNUG, BOTTOM, FLUTE, SNOUT, et STARVELING.

QUINCE. — Toute notre troupe est-elle ici ?
BOTTOM. — Vous feriez mieux de les appeler tous l’un après l’autre, suivant la liste.
QUINCE. — Voici le rouleau où sont écrits les noms de tous les acteurs d’Athènes qui ont été jugés dignes de jouer dans notre intermède devant le duc et la duchesse, le soir de leurs noces.
BOTTOM. — Avant tout, bon Pierre Quince, dites-nous le sujet de la pièce ; ensuite, lisez les noms des acteurs, et arrivons ainsi au point principal.
QUINCE. — Eh bien, notre pièce, c’est la très-lamentable comédie, et la tragique mort de Pyrame et Thisbé.
BOTTOM. — Une bonne pièce, vraiment, je vous assure, et bien gaie. — Allons, cher Pierre Quince, appelez vos acteurs suivant la liste. — Messieurs, rangez-vous.
QUINCE. — Que chacun réponde à son nom. Nick Bottom, tisserand.
BOTTOM. — Présent : nommez le rôle qui m’est destiné, et poursuivez.
QUINCE. — Vous, Nick Bottom, vous êtes inscrit pour le rôle de Pyrame.
BOTTOM. — Qu’est-ce qu’il est, ce Pyrame ? un amant, ou un tyran ?
QUINCE. — Un amant qui se tue par amour le plus bravement du monde.
BOTTOM. — Ce rôle demandera quelques larmes dans l’exécution. Si c’est moi qui le fais, que l’auditoire tienne bien ses yeux : je ferai rage, et je saurai gémir comme il faut. (Aux autres.) Cependant mon goût principal est pour les rôles de tyran : je pourrais jouer Hercule à ravir, et le rôle de Déchire-Chat, à tout rompre :
Les rocs en furie,
Avec un choc frémissant,
Briseront les verrous
Des portes des cachots ;
Et le char de Phébus
Brillera de loin,
Et fera et défera
Les destins insensés.
Cela était sublime ! — Allons, nommez les autres acteurs. — Ceci est le ton d’Hercule, le ton d’un tyran ; l’accent d’un amant est plus plaintif.
QUINCE. — François Flute, raccommodeur de soufflets.
FLUTE. — Ici, Pierre Quince.
QUINCE. — Il faut que vous vous chargiez du rôle de Thisbé.
FLUTE. — Qu’est-ce que c’est que Thisbé ? un chevalier errant ?
QUINCE. — C’est la beauté que Pyrame doit aimer.
FLUTE. — Non vraiment, ne me faites pas jouer le rôle d’une femme ; j’ai de la barbe qui me vient.
QUINCE. — Cela est égal ; vous le jouerez sous le masque, et vous pourrez faire la petite voix tant que vous voudrez.
BOTTOM. — Si je peux cacher mon visage sous le masque, laissez-moi jouer aussi le rôle de Thisbé ; vous verrez que je saurai extraordinairement bien faire la petite voix : Thisbé ! Thisbé ! — Ah ! Pyrame, mon cher amant ! ta chère Thisbé, ta chère bien-aimée !
QUINCE. — Non, non ; il faut que vous fassiez Pyrame, et vous, Flute, Thisbé.
BOTTOM. — Allons, continuez.
QUINCE. — Robin Starveling, le tailleur.
STARVELING. — Ici, Pierre Quince.
QUINCE. — Robin Starveling, vous jouerez le rôle de la mère de Thisbé. — Thomas Snout, le chaudronnier.
SNOUT. — Me voici, Pierre Quince.
QUINCE. — Vous, le rôle du père de Pyrame ; et moi, celui du père de Thisbé. — Snug, le menuisier, vous ferez le lion. — Et voilà, j’espère, une pièce bien distribuée.
SNUG. — Avez-vous là le rôle du lion par écrit ? Si vous l’avez, donnez-le-moi, je vous prie, car j’ai la mémoire lente.
QUINCE. — Oh ! vous pourrez le faire impromptu ; car il ne s’agit que de rugir.
BOTTOM. — Oh ! laissez-moi jouer le lion aussi ; je rugirai si bien que ce sera plaisir de m’entendre ; je rugirai si bien que je ferai dire au duc : Qu’il rugisse encore ! qu’il rugisse encore !
QUINCE. — Si vous alliez faire votre rôle d’une manière trop terrible, vous épouvanteriez la duchesse et les dames, au point de les faire crier de frayeur ; et c’en serait assez pour nous faire tous pendre.
TOUS ENSEMBLE. — Cela ferait pendre tous les fils de nos mères ?
BOTTOM. — Je vous accorde, mes amis, que si vous épouvantiez les dames au point de leur faire perdre l’esprit, elles ne se feraient pas un scrupule de nous pendre. Mais je vous promets de grossir ma voix, de façon à rugir avec le doux murmure d’une jeune colombe ; oui, je rugirai de façon à ce que vous croyiez entendre un rossignol.
QUINCE. — Vous ne pouvez absolument faire d’autre rôle que Pyrame ; car Pyrame est un homme d’une aimable figure, un homme bien fait comme on en peut voir dans un jour d’été, un très-aimable et charmant cavalier : ainsi, vous voyez bien qu’il est nécessaire que vous fassiez Pyrame.
BOTTOM. — Allons ! je m’en chargerai. Quelle est la barbe qui siéra le mieux pour le jouer ?
QUINCE. — Eh ! celle que vous voudrez.
BOTTOM. — Je l’exécuterai avec votre barbe paille, ou avec la barbe orange, avec la rouge, ou avec votre barbe couleur de tête française, celle d’un jaune parfait.
QUINCE. — Il y a pas mal de vos têtes françaises qui n’ont pas un cheveu ; vous feriez donc votre rôle sans barbe ? — Mais, allons, messieurs, voilà vos rôles ; et je dois vous prier, vous recommander, vous supplier de les bien apprendre. Demain soir, venez me trouver dans le bois voisin du palais, à un mille de la ville, au clair de la lune : là, nous ferons notre répétition ; car si nous nous assemblons dans la ville, nous aurons à nos trousses une foule de curieux, et tout notre plan sera connu. En attendant, je vais dresser la liste des préparatifs dont notre pièce a besoin. Je vous prie, n’allez pas manquer au rendez-vous.
BOTTOM. — Nous nous y rendrons ; et là, nous pourrons faire répétition avec plus de liberté et de hardiesse. Donnez-vous de la peine, soyez parfaits. Adieu.
QUINCE. — Au chêne du duc ; c’est là notre rendez-vous.
BOTTOM. — C’est assez ; nous y serons, soit que les cordes de l’arc tiennent ou se rompent. (Ils sortent.)