Mécanique pour l'enseignement technique industriel/Introduction
Le but de ce cours est d'étudier le comportement de systèmes industriels : mécanismes et structures. Il s'agit d'un point de vue « partie opérative » et non pas « commande » : on étudie les pièces qui effectuent les mouvements et produisent les efforts, ou bien supportent les efforts, mais pas la partie commande électrique ou hydropneumatique.
Les objectifs sont :
- de comprendre la pratique professionnelle ; si l’on sait pourquoi on « fait comme ça », on retient plus facilement, on risque moins de se tromper ;
- d’avoir des outils pour résoudre des problèmes concrets : que faire lorsque l’on est face à une situation inhabituelle ?
- permettre de communiquer avec des ingénieurs, avoir un « vocabulaire commun » ;
- permettre éventuellement une poursuite d'étude : plus on avance dans les études, plus on doit prendre des décisions sur des situations surprise (et moins on est les pieds dans l'atelier ou sur le chantier).
Par rapport à l'enseignement du baccalauréat professionnel en France
modifierPar rapport à l'enseignement du baccalauréat professionnel en France, il ne s'agit pas de la partie mathématiques-physique-chimie, mais de la partie accolée à l'épreuve technologique portant le nom, selon le bac,
- « analyse et exploitation des données techniques » (TU, TCI, MEI),
- « étude d'un ouvrage » (ROC-SM),
- « étude du comportement mécanique d'un système technique » (EDPI),
- …
Il n'y a pas au programme de cours spécifique de « mécanique », celui-ci est délivré avec les cours de technologie et de dessin technique.
Les programmes français ne prescrivent pas non plus de progression pédagogique année par année. Nous considérons ici que l'enseignement commence en première professionnelle, donc qu'est acquis le programme de physique de seconde professionnelle (programme du BEP), c'est-à-dire les modules :
- transport
-
- T1 : comment peut-on décrire le mouvement d'un véhicule ?
- notion de référentiel,
- états de repos et de mouvement,
- trajectoires rectiligne, circulaire et quelconque,
- reconnaître un mouvement à partir de l'enregistrement ;
- T2 : comment passer de la vitesse des roues à la vitesse du véhicule ?
- relation entre fréquence et vitesse linéaire ;
- T1 : comment peut-on décrire le mouvement d'un véhicule ?
- hygiène et santé
-
- HS1 : comment prévenir les risques liés aux gestes et postures ?
- centre de gravité, poids et sa représentation graphique, condition d'équilibre,
- actions mécaniques extérieures,
- levier, moment et couple.
- HS1 : comment prévenir les risques liés aux gestes et postures ?
Ces notions seront cependant rappelées afin que le cours soit relativement indépendant.
On a aussi besoin de la notion mathématique développée en 1re :
- Géométrie
-
- Vecteurs 1 : éléments caractéristiques d’un vecteur (direction, sens et norme), construire la somme de deux vecteurs, lire sur un graphique les coordonnées d’un vecteur, représenter, dans le plan rapporté à un repère orthogonal, un vecteur dont les coordonnées sont données.
Par rapport à d'autres diplômes français
modifierCe cours s'applique aussi en grande partie aux cursus technologiques, bien que le formalisme soit différent (en particulier utilisation des torseurs) :
- baccalauréats sciences et techniques industrielles (STI, ex-F1 à F6), épreuve « étude des constructions »
- BTS industriels :
- industrialisation des produits mécaniques (IPM, ex-productique mécanique),
- maintenance industrielle (MI),
- conception de produits industriels (CPI, ex-bureau d'étude mécanique), épreuve « modélisation et comportement des produits industriels » (anciennement épreuve « étude de produit », « avant-projet de produit industriel »),
- conception et réalisation de chaudronnerie industrielle (CRCI, ex-réalisation d'ouvrages chaudronnés), épreuve « conception des appareils, calculs avant-projet, mécanique »,
- …
Seul le niveau des épreuves change, et en particulier le niveau d'indépendance : réponse sur papier libre plutôt que « texte à trous », certaines formules ne sont plus fournies, … On fait également plus appel aux vecteurs et aux torseurs, pas tant pour la résolution que pour la représentation.
Notes pour les enseignants
modifierApproche générale
modifierIl s'agit d'un cours de mécanique newtonienne du solide.
Ce cours aborde la mécanique en essayant de minimiser la part mathématique. En effet, l'enseignement technique est souvent choisi par des élèves n'appréciant pas les mathématiques d'une part, et d’autre part, nous nous attachons à séparer la partie modélisation/compréhension de la partie calcul. Lorsque cela est possible, nous utilisons la résolution graphique plutôt que la résolution analytique, celle-ci étant réservée aux cas simples (typiquement, deux équations à deux inconnues). Nous essayons d’aborder le sujet par la technologie, la description de dispositifs, appareils, machines, …
Plutôt que d'étudier des lois complexes comme on le fait dans l'enseignement général, nous étudions des lois simples (essentiellement linéaires, g est constant et souvent pris à 10 m⋅s-2, …), mais sur des systèmes complexes (assemblages de nombreuses pièces d'une structure ou d'un mécanisme).
Organisation de la formation
modifierLe cours se décompose en cinq blocs, ou modules, à enseigner sur deux ans (première professionnelle et terminale professionnelle en France) :
- analyse fonctionnelle ;
- cinématique ;
- statique ;
- dynamique et énergétique ;
- résistance des matériaux.
L’analyse fonctionnelle est le prérequis pour tous les modules ; on peut toutefois faire une première approche minimale — par exemple en se limitant aux liaisons pivot, sphère-plan, linéaire-rectiligne, appui-plan et encastrement — pour aborder les autres modules, puis terminer le module plus tard. Le module statique est le prérequis pour les modules dynamique et énergétique et résistance des matériaux. En dehors de ces contingences, on a une certaine liberté dans le plan de formation.
On peut bien sûr utiliser le plan proposé :
- 1re année :
- analyse fonctionnelle,
- cinématique,
- statique,
- 2e année :
- dynamique et énergétique,
- mécanique des fluides,
- résistance des matériaux.
Cette progression présente l'avantage de présenter d’abord ce qui se voit — les mouvements (cinématique) — et donc de s'habituer à l'abstraction avant de passer à ce qui ne se voit pas directement — les forces, les contraintes.
On peut aussi utiliser le plan suivant :
- 1re année :
- analyse fonctionnelle minimale,
- statique,
- résistance des matériaux ;
- 2e année :
- analyse fonctionnelle,
- cinématique,
- dynamique et énergétique,
- mécanique des fluides.
Ainsi, on aborde tout de suite la notion de dimensionnement — calculer les efforts sur les pièces et calculer la résistance des pièces aux efforts. Cela laisse le temps aux autres cours — communication technique et technologies, mathématiques et sciences physiques — de progresser, et l’on aborde la cinématique, la dynamique et l'énergétique lorsque ces sujets ont été traités dans les autres matières.
Ou bien encore :
- 1re année :
- généralités d'énergétique et de dynamique (transmission de puissance),
- analyse fonctionnelle,
- cinématique ;
- 2e année :
- statique,
- dynamique et énergétique,
- résistance des matériaux,
- mécanique des fluides.
Avec cette démarche, on met l'accent sur les actionneurs (vérins, moteurs) et organes de transmission (engrenages, courroies, chaînes, bielles, …). Cette démarche est adaptée aux formations ayant une forte composante en génie mécanique (par exemple pour les métiers de mécanicien de maintenance, dessinateur industriel).
D'autres plans sont possibles… et notamment, on peut suivre le plan proposé par le référentiel du diplôme concerné, ou bien consulter les plans de formation en construction mécanique proposés par l'académie de Poitiers.
Retours d'expérience
modifierLes enseignants sont invités à mettre ici leurs observations et leurs conseils concernant l'enseignement de cette matière au public concerné. Les élèves peuvent également émettre un retour d'expérience — ce qu’ils ont apprécié, ce qui n’est pas passé — à condition de rester positifs — il s'agit de permettre de progresser et pas de se venger.
- Avertissement
L'enseignant baigne par nature dans un environnement changeant et incertain, nécessitant en permanence de s'adapter en temps réel à plusieurs contraintes simultanées[1] :
- le groupe-classe change plusieurs fois par jour si l’on enseigne à plusieurs sections, et de toute manière tous les ans ; par ailleurs, chaque groupe-classe évolue au long de l'année (évolution des élèves individuellement, et de leurs interactions entre eux et avec les enseignants) ;
- chaque groupe-classe est caractérisé par une variabilité des comportements cognitifs (capacité à se concentrer, à assimiler, …) et affectifs (caractère, interactions avec les autres élèves et l'enseignant) ; on parle d'ailleurs « d'écologie de la classe » ;
- un enseignant peut avoir jusqu'à 200 échanges par heure avec les élèves ;
- l'enseignant prend également un nombre important de micro-décisions : écrire ou pas une phrase au tableau, corriger la réponse d'un élève ou le laisser poursuivre, interrompre son explication pour rappeler à l’ordre ou attendre la fin de l'explication, …
- il a des activités très variées et parfois simultanées : présenter une notion, diriger une leçon, solliciter des réponses, surveiller les comportements, renforcer et encourager, mesurer le rendement, veiller sur l'état du matériel, réagir aux interruptions par d'autres enseignants ou le personnel administratif ou de direction, et dans les classes où l’on pratique des activités différentiées, plusieurs modes d'enseignement et d'apprentissage peuvent se dérouler à la fois avec un nombre correspondant de tâches affectives et administratives.
L'enseignant est isolé dans cet univers très sollicitant, stressant. Il en résulte que[1] :
- il lui est difficile de mesurer les effets de son enseignement ; il a peu d'occasions de raisonner de façon froide et réfléchie, de prendre du recul et de se détacher du quotidien ;
- il va faire confiance à des informations venant de pairs, enseignants qui vivent le même quotidien, et va dédaigner les recherches en pédagogie (« on voit qu’il n'a jamais été en classe, celui-là ») ;
- il établit des routines et fonctionne de manière intuitive, toute remise en cause de sa manière de faire risque de lui faire perdre la maîtrise de la situation ;
- il recherche des solutions spécifiques, des trucs, plutôt que des principes généraux et universels.
En un sens, cette section participe à ces défauts : il s'agit de témoignages individuels sans recul, et qui par ailleurs risquent fort de ne pas être transposables. Plus que des recettes à appliquer, il faut y voir pour l'enseignant l’occasion de comparer sa pratique à celle des autres, et en retour de partager la sienne pour permettre aux autres de faire de même, et donc de prendre du recul.
J’ai enseigné de 2007 à 2012 à des apprentis en alternance en baccalauréat professionnel et BTS.
Étant salarié d'un centre de formation d'apprentis privé, la condition pour enseigner était d’avoir au minimum le niveau du diplôme enseigné (cela a changé depuis la « mastérisation ») et d’avoir cinq ans d'expérience professionnelle dans une entreprise. J’ai donc débuté l'enseignement sans aucune formation pédagogique ou didactique, sans avoir pu rencontrer le collègue que j’ai remplacé, et avec six sections différentes…
Constatation initiale
En France, les élèves choisissent rarement la filière professionnelle par passion, mais plutôt par dépit. Ce sont majoritairement des élèves en échec scolaire en sortie de 3e, qui ont donc des lacunes datant parfois de la 6e, et ont parfois un problème d'estime d'eux-même. Il y a souvent un rejet des matières générales — en ce qui nous concerne les sciences physiques et les mathématiques — et un goût pour le concret plutôt que l'abstrait. Le milieu familial n'est parfois pas propice aux études. Avec la quasi-suppression de fait du BEP, et dans de nombreux domaines du CAP, des personnes qui auparavant seraient allées travailler dès 16 ans se retrouvent à devoir rester en milieu scolaire jusqu'à 18 ans ou plus (selon les redoublements), ce qui est pour eux peu motivant.
Il est intéressant de s'interroger sur le pourquoi cette situation d'échec, puisque l'enseignant y est confronté. J’ai bien sûr mon opinion là-dessus, mais elle ne vaut, au fond, pas mieux que celle de n’importe qui. Je me contenterai de dire que le collège met peu en avant les matières manuelles, et que vis-à-vis de la moyenne — l'accolement de notes obtenues dans des matières disparates —, on peut rattraper une mauvaise note en math par une note de français, mais pas par une note de travaux manuels.
Mais certains élèves sont en échec car leur environnement familial ne leur a jamais imposé de contrainte ; ils ont depuis tout petit la télévision et la console de jeu dans la chambre, se servent quand ils veulent dans le réfrigérateur, … Ils n'ont donc jamais fait d'effort pour apprendre ni même écouter, sont même initialement incapables de subir la moindre frustration, comme ne pas consulter son portable pendant une heure, ne pas aller aux toilettes quand ils le veulent, … Ces « intolérants à la frustration », comme les appelle Didier Pleux[2], ne respectent pas leur camarades, répondent à l'enseignant, perturbent la classe, et contrairement aux élèves « manuels », ne présentent pas nécessairement de goût pour le travail concret que leur ouvre l'enseignement technique et l'apprentissage. Il faut pourtant les rendre « employables »…
Sur mes classes, certains suivent sans problème, certains décrochent dès le départ et je ne réussis pas à les raccrocher — ils sont trop découragés dès le départ ou bien ont délibérément décidé de ne pas travailler la matière, et je ne trouve pas la « clef » pour les intéresser et les motiver —, et d'autres ont des difficultés mais ont une marge de progression. Il est bien plus facile de personnaliser sur les petites sections, et donc de limiter le décrochage.
Alternance
Mes élèves étant salariés, la sanction ultime — le renvoi — est synonyme de rupture de contrat donc de chômage. Cela limite les problèmes d'absentéisme et d'incivilité, presque inexistants de fait, mais génère d'autres problèmes :
- du fait de l'alternance (15 jours au CFA, 15 jours en entreprise), les cours sont concentrés : dans les périodes de formation, ils ont 35 h de cours par semaine, ce qui est lourd, et une semaine d'absence équivaut à deux semaines de cours perdus dans un système classique ;
- les élèves n'ouvrent pas leurs cours durant les périodes où ils sont en entreprise, ce qui rend difficile de maintenir une dynamique ;
- certains élèves peuvent acquérir une forme d'arrogance : « ce que vous enseignez ne sert à rien en entreprise » ;
- ceux qui vivent chez leurs parents ont un quasiment un demi-smic d’argent de poche[3], ce qui peut poser problème dans leur sens des valeurs ; cas extrême, un élève a réussi à obtenir un prêt — ses parents ont accepté de se porter garants, et la banquier a accepté de le lui délivrer — pour s'acheter une Audi…
- la densité des horaires, la fatigue du travail en journée et le besoin — légitime — de se détendre rendent souvent illusoire le travail personnel les soirs et week-end ;
- on rencontre deux fois par an les tuteurs de l'entreprise employant l'apprenti ; par contre, on ne rencontre pas les parents, y compris des apprentis mineurs.
Premier abord
Lors du premier contact, je me présente puis je demande à chacun de se présenter. À titre personnel, je donne mon âge, ma situation familiale et un mon cursus (formation, expériences) : d’une part cela leur donne un exemple des informations qu’ils peuvent transmettre dans ce type d'exercice, et cela permet de me situer socialement et professionnellement et donc d’éviter qu’ils ne « fantasment » à mon sujet.
Lors qu’eux se présentent, je leur demande a minima leur nom, le nom de leur entreprise, ce que fait leur entreprise (principales activités, principaux clients) et ce qu’ils font dans l'entreprise. Cela permet :
- de montrer que je m'intéresse à eux, de créer un premier lien positif, à la faveur du flottement en début de formation (on ne se connaît pas encore, on se teste mutuellement),
- qu’ils aient une première prise de parole, ils hésiteront moins à poser des questions,
- de les mettre tout de suite dans une optique d'avenir : je leur explique que cet exercice est la première étape d'un entretien d'embauche, et que ces informations seront les premières qui figureront dans leur rapport d'activité (épreuve du baccalauréat professionnel).
Puis, je leur demande ce que signifie le mot « mécanique » pour eux et en quoi ils peuvent en avoir besoin ; cela m'amène (maïeutique) à la présentation de la matière et de son intérêt pour eux (contextualisation) :
- dans le cadre de leur activité quotidienne : décoder les documents, comprendre les actions effectuées, communiquer (cf. les compétences des référentiels), comprendre ce que l’on fait pour mieux agir et ne pas se contenter d'appliquer des ordres ;
- de leur profession : effectuer des calculs permet d’éviter des erreurs parfois fatales, avoir une connaissance générale pour être capable d'évoluer (changer de poste, être polyvalent, progresser hiérarchiquement, changer d'entreprise) ;
- de leur entreprise : les métiers, les technologies évoluent, et pour survivre, une entreprise doit évoluer ; le salarié doit donc être capable de s'adapter, et donc avoir une base théorique ;
- et pour avoir des opportunités de poursuite d'études.
Structure des cours
J’ai des séquences pédagogiques de 1 h 3/4, ce qui est excessivement long pour eux. Je fais en général une séance de cours + TD suivie de 3 séances de TD sur le sujet, puis une évaluation (contrôle). Je ne leur demande pas de travail à la maison si ce n'est relire leurs cours et refaire les exercices (ce qu’ils ne font en général pas) — mais peut-être aurais-je dû… En effet, avoir un devoir à rendre, même court, les oblige à se replonger dans leur cours.
Je commence la séance par l'appel. Cela permet :
- en début de formation, de me familiariser avec les noms et les visages ;
- lorsque l’on commence à connaître les élèves à problème, de les localiser dans la salle ;
- d'amorcer la pompe : les élèves terminent leurs discussions et sortent leurs affaires (ou tout du moins devraient…).
J'exige que la table soit dégagée (pas de sac, pas de vêtement) afin que je puisse avoir une vue sur ce qu’ils font (problème de manipulation de téléphone portable essentiellement).
En début de formation (les six premiers mois environ), je coupe la séance, à l’occasion de la fin d'une thématique, après 45 minutes à 1 heure de cours. Je laisse la porte ouverte et autorise les sorties, l’utilisation des téléphones portables, et je m'éclipse 5 à 10 min. Cela permet de casser le rythme ; la reprise est assez difficile, la seconde partie de la séance consiste dans l'idéal à faire des exercices. Je supprime cette coupure par la suite, lorsque leur capacité de concentration s'est améliorée.
La partie cours commence par de la maïeutique : en posant des questions, j'essaie de faire surgir les concepts, afin que ceux-ci paraissent logique. Il serait utile de faire des démonstrations réelles mais je ne dispose que de peu de matériel pour cela. Une fois les notions posées, j'écris au tableau les éléments essentiels, avec peu de texte et beaucoup de dessins.
Pour les exercices, j'essaie de poser plusieurs — idéalement 3 — exercices ayant la même résolution. Si l’on met à part le côté « bachotage », cela permet de leur faire comprendre que des exemples en apparence très différents se traitent de la même manière — notion d'abstraction — et de les mettre en confiance. Notons qu’à l'inverse, cela peut donner l'illusion que l’on peut assimiler en accumulant les exercices plutôt qu'en comprenant les concepts utilisés. Je me place plus dans une approche inductive que déductive.
Je circule dans les rangs pour suivre leur avance dans les exercices, répondre à leur questions, essayer de relancer ceux qui décrochent, et les surveiller, mais les séances d'exercice sont toujours des séances où ils sont dissipés : je n'ai pas réussi à marier personnalisation — m'intéresser à eux individuellement pour les aider dans leur progression — et calme.
Discipline
C'est à chacun de s'adapter en fonction de son public et de sa manière d'être. Pour ma part, tout commence par le respect mutuel et la gestion du rythme :
- respect envers les élèves :
- j'émets des critiques, mais sur leur attention en classe, sur la qualité de leur travail, jamais sur leurs capacités, sur ce qu’ils sont : si certains échouent aux exercices et évaluations, c’est par manque de motivation, d'attention, de travail, mais ils sont tous capable de réussir (le niveau exigé n'étant pas très élevé),
- je fais aussi des compliments lorsqu’ils sont mérités (renforcement positif), l'effet est parfois spectaculaire (en raison du manque d'estime personnel),
- j'accepte d'écouter les critiques qui me sont faites, en faisant bien entendue la part des choses ; j'accepte de me justifier sur mes méthodes ;
- gestion du rythme : c’est un public qui présente des difficultés à se concentrer plus d'1/2 h-3/4 d'h, y compris pour des interrogations écrites ; je limite la durée des parties durant lesquelles j'exige un silence « absolu » (avec des tolérances mineures), c'est-à-dire les cours et interrogation ; un de mes buts est l’augmentation de cette durée d'attention au long de la formation.
Cela permet d’éviter les situations conflictuelles et de maintenir un « niveau de d'ordre acceptable ».
En cas de dérive (comportement inapproprié), je commence toujours par prévenir avant de sévir, sauf dans les cas les plus sérieux (jet d'objet par exemple) où la sanction est immédiate. Les sanctions possible dans notre centre sont : la confiscation d'un objet (en général téléphone portable ou console de jeu portative) avec restitution à la fin de l’heure, de la journée, de la quinzaine, ou bien remise à l'entreprise qui l'emploie ; l'exclusion du cours, l'exclusion avec notification à l'entreprise (et possible retenue sur salaire) ; la mise à pied jusqu'à trois jours avec retenue sur salaire ; nous n'avons pas la possibilité de coller les élèves.
Parmi les cas difficiles à gérer :
- discussions diffuses, de nombreux élèves discutent ce qui crée un chahut continu ;
- refus de la sanction : il arrive qu'un élève refuse de sortir de classe lorsqu’il est exclu ;
- harcèlement à basse intensité : un élève se fait « titiller » — on lui lance des boulettes, on rature ses cours ou on lui dessine des insanités, on efface ses traits constructions faits au crayon à papier, affaires dérobées et cachées, le tout fait bien sûr lorsque j’ai le dos tourné —, faits insignifiants pris individuellement mais qui constituent un véritable harcèlement dans la durée (plusieurs mois) ; je ne m'en aperçois en général que lorsque l'élève craque et s'emporte ;
- un élève sort un couteau en dehors de tout contexte d'agression : il s'agit en général d'un geste machinal (il manipule un objet dans sa poche et il se trouve que c’est un couteau) ou bien de se rendre intéressant devant les copains ; un jour, un « bon » élève sort son couteau pour revisser son compas ;
- un apprenti arrive au CFA en état d'ébriété flagrant ; il a picolé avec ses parents ;
- une apprentie distribue son numéro de téléphone portable aux ouvriers venus pour des travaux ;
- un stagiaire à qui je demande d'enlever sa casquette se retourne vers moi et me dit : « et alors, qu'est-ce que tu vas faire ? »
- un apprenti, mécontent du zéro que je lui ai mis pour avoir été absent au devoir sans justification, m'empêche de sortir de la salle à la fin du cours.
Quelle que soit la méthode que chacun adoptera, il importe à mon avis :
- de s'attendre à l'inattendu ; que la réponse soit tolérante ou ferme, immédiate ou différée, il faut éviter qu'elle se fasse sous l'effet de la colère ou de l'angoisse ;
- d'énoncer les sanctions rapidement — immédiatement, à la fin du cours, au pire dans la journée — afin d’éviter une escalade, mais des sanctions proportionnées — petit écart, petite sanction ;
- de travailler en équipe : avoir le soutien et les conseils des collègues — et de sa hiérarchie —, parler des problèmes afin de gérer les cas difficiles à plusieurs, montrer aux élèves que les enseignants sont soudés et ont un discours cohérent.
Notes et références
modifier- ↑ 1,0 et 1,1 A.M. Huberman, « Répertoires, recettes et vie de classe : Comment les enseignants utilisent l'information », L'Art et la science de l'enseignement, Labor, Belgique, 1986, p. 156-169 (ISBN 2-8040-0199-7)
- ↑ Didier Pleux, De l'Enfant roi à l'enfant tyran, Odile Jacon, 2002, 286 p. (ISBN 978-2738111951)
- ↑ « Apprentissage », sur Service-public.fr