Méthodes d'éducation physique en Europe aux XIX° et XX° siècles/Les gymnastiques allemandes

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Dans la première partie du XX° apparaît en Allemagne le concept de gymnastik. Si le turnen prend source dans l'histoire de l'unité allemande, celui-ci s’enracine dans la tradition artistique du pays et deux influences, rattachées au théâtre et à la danse d'une part et à la musique d'autre part, singularisent les gymnastiques expressives et les gymnastiques rythmiques. En France la gymnastique rythmique, initialement inspirée du maintien américain, se présente comme une synthèse de ces deux courants.

Les gymnastiques allemandes
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Chapitre no 5
Leçon : Méthodes d'éducation physique en Europe aux XIX° et XX° siècles
Chap. préc. :Le sport
Chap. suiv. :La méthode naturelle française
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Les gymnastiques expressives

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La fin du XIX° voit proliférer sur la côte est des U.S.A. des écoles de maintien où la bonne société s'initie à l'élégance de l'attitude et du comportement. Geneviève Stebbins s’y réfère alors à la gymnastique suédoise et au français Delsarte (1811-1871), ancien acteur d'opéra comique. Devenu professeur d'art dramatique celui-ci conteste le caractère conventionnel du jeu scénique et base son enseignement sur la signification émotionnelle des gestes. De. cette nouvelle formation professionnelle de l'acteur nait une gymnastique esthétique et médicale pour tous, basée sur l'éducation de la respiration et la relaxation : relâchement, contraction et respiration sont les éléments fondamentaux de la vie (Stebbins). Le retour au pays des turners émigrés aux U.S.A. importent en Allemagne ces techniques physiques nord-américaines.

Le maintien y est ainsi introduit par une élève de Stebbins, Hedwig Kallmeyer, adepte de la spontanéité du geste et des sentiments qu'il provoque : la volonté ne s'éduque pas sans appel à la vie émotionnelle. Celle-ci influencera l'évolution féminine de la méthode suédoise à travers Hilma_Jalkanen. Les bases scientifiques de ce courant sont dues à Beth Mendesiek, docteur en anatomie et en physiologie qui ajoute à sa dimension émotionnelle une dimension rationnelle en vulgarisant en termes simples les connaissances théoriques utiles à la compréhension du travail, car il est nécessaire de savoir pour pouvoir. Une de ses élèves fonde l'école de Loheland en 1912, véritable communauté avec mysticisme propre (retour sur soi) et environnement spécifique (cuivre, courbes, alimentation). Sur le plan technique, notons :

  • la station pieds parallèles à écartement du bassin, genoux mi-fléchis, bassin en rétroversion et le relâchement libre des bras et des épaules,
  • le rythme universel de la respiration,
  • l'amélioration du maintien par des positions tenues jusqu'à la douleur (musculation isométrique).

A la même époque Isadora Duncan (1878-1929), autodidacte empirique née à San Francisco qui danse en Europe à partir de 1895 avant de se fixer à Moscou en 1921 bouleverse la danse académique européenne. Pour elle, l'esthétique, conséquence d'un état de grâce intérieur et de communion avec la musique - il faut danser la musique et non en musique - ne doit donc pas être recherché a priori. Elle rejette donc toutes les conventions classiques (pointes, tutu, cinq positions...) car la danse n'est que l'expression du bonheur. Faute de technicité propre, son école qui ne vaut que par sa personnalité ne lui survit pas. Mais la recherche de libération totale dans la danse influencera, entre autres, Malkowski en France et Laban en Allemagne.

Rudolph von Laban (1879-1972) reprend dans un premier temps à Duncan le rejet des conventions classiques : pour lui aussi le geste expressif est la manifestation d'une libération totale de l'âme et du corps. Puis découvrant que le geste est aussi le langage du primitif et de l'enfant et que la perte de ce mode d'expression frustre et mutile l'adulte contemporain, il entreprend d’en réhabiliter l’usage. La mise en œuvre d’un moyen d'expression collectif l'amène à fixer de nouvelles conventions, indispensables à la communication mutuelle. Celles-ci reposent sur l'étude des qualités expressives du geste et la conquête des trois plans de l'espace. Il valorise l’usage du sol, élément du plan vertical haut-bas. Il s'expatrie en 1938 en Grande-Bretagne où il rejoint la modern dance de Kareen Weanher.

A la même époque, en Allemagne, Mary Wigman débouche sur une gymnastique expressive fondée sur des facteurs d'exécution exceptionnels (force, détente, souplesse) pour repousser les limites de l'expression. Son enseignement, très rigoureux, est divisé en trois périodes d'un an : maîtrise du corps propre, de l'espace puis de l'improvisation sur thème musical.

Les gymnastiques rythmiques

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Comme la précédente est née de l’enseignement du théâtre et de la danse la gymnastique rythmique, issue de l'enseignement de la musique s'est structurée sous l'influence de musiciens.

Jacques-Dalcroze (1865-1950) professeur d'harmonie et de solfège au Conservatoire de Genève. Remarquant en 1892 que l’acquisition des rythmes musicaux est facilitée chez les élèves par une mimique corporelle inconsciente des pieds ou de la tête, il envisage d’accélérer les apprentissages musicaux par participation du corps. Des nécessités de la pédagogie de la musique naissait une nouvelle éducation physique élargie bientôt à un système général d'éducation avec la découverte qu'il n'est pas possible de créer des harmonies sans un état intérieur harmonieux. Celle-ci comporte quatre phases :

  • la phase gymnique vise l'amélioration des facteurs d'exécution (force, souplesse...),
  • la phase motrice vise l'amélioration de la disponibilité gestuelle (concentration, coordination, mémoire gestuelle),
  • la phase rythmique vise l'amélioration du rythme corporel et du sens musculaire du temps et de l'espace. Elle est évaluée à travers l’expression physique de la lecture théorique d'une partition (ou plastique animée, différente de la danse et la gymnastique). Mais Dalcroze met en garde contre les tentatives prématurées : il s'agit d'un moyen d'évaluation et non une finalité.

Böde (1881-1971), élève du précédent, critique sa méthode qualifiée de nouveau drill. Il lui reproche la confusion permanente entre la notion abstraite de métrique et la notion biologique de rythme et à partir de l'observation des travailleurs et des enfants il établit que le mouvement est total (et non analytique et localisé), rythmé (et non mesuré) par une succession propre de contractions et de relâchements, central (il rayonne vers l'extérieur à partir du centre de gravité du corps). Il est à l'origine d'une gymnastique moderne visant l'enrichissement de la vie interne et la revitalisation de l'être à travers un enseignement qui insiste sur trois points :

  • tout mouvement part d'une demi-flexion de la hanche, car cette articulation proche du centre de gravité qui mobilise le tiers de nos muscles entraîne la totalité du corps,
  • tout mouvement répond à un rythme à trois temps : préparation, impulsion, retombée parfois préparatoire à un autre mouvement. Premier et dernier temps doivent retenir l'attention pédagogique, le second n'étant qu'une conséquence,
  • la capacité de décontraction est la condition de la bonne intégration neuro-musculaire du geste.

Medau (1890-1971) est un autre défenseur du mouvement organique total : nous n'avons pas le droit d'utiliser comme une machine le tout sacré du corps humain ... les mouvements localisés... souvent répétés conduisent à une blessure de l'âme et du corps. Féru de folklore allemand et ibérique, élève de Dalcroze (1917) puis de Böde, il travaille avec son épouse, de formation suédoise mais également élève des précédents. Ils enrichiront le répertoire d'exercices de Böde par des exercices avec partenaire et en groupe. L’école Medau qu’ils dirigent à Cobourg forme des cadres féminins d'E. P. à travers le turnen au sol et aux agrès, l'athlétisme, la natation, la musique, le folklore et une gymnastique rythmique caractérisée par les points suivants :

  • l'éducation initiale passe par celle de la respiration et de la posture (cf. Ling),
  • le mouvement fait ensuite appel à la notion de ressort (Federn) dont le travail est caractéristique de la méthode,
  • l'éducation au mouvement est facilitée par l'utilisation d'engins légers qui décrispent le débutant et libèrent le mouvement en décentrant son attention : c'est l'apport majeur de Medau à la gymnastique rythmique.

Ces gymnastiques sont le fondement de l'E.P. féminine allemande et entrent après-guerre dans la définition des nouvelles méthodes par Carl Diem. Elles sont aussi à l'origine d'un sport qui se détachera de la gymnastique sportive, la gymnastique moderne devenue gymnastique rythmique sportive. Ses origines théâtrales (Delsartre) et musicales (Dalcroze) expliquent son aspect spectaculaire.

Prolongements en France

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Alors qu'elle n'a pas encore 20 ans Irène Popard ( 1894-1950) découvre par elle-même le sport et les écoles de maintien à l'occasion d'un séjour aux U.S.A. lié à ses études d’infirmière. Dès son retour en France, elle s'inscrit au cours supérieur de Paris dont elle en obtient le diplôme en 1914. Pendant la guerre elle contribue alors à introduire l'éducation physique chez les Éclaireuses de France de la région parisienne et après l'armistice développe sa propre école. Entre les deux guerres elle y forme des générations de monitrices et connaît la gloire lors des fêtes fédérales de la Fédération féminine française de gymnastique et d'éducation physique (FFFGEP) et autres évènements majeurs.

Malgré d'importants soucis elle présente encore en 1949 à l'Opéra de Paris à la demande de Serge Lifar La Naissance des couleurs puis disparaît prématurément l'année suivante à 56 ans. Son école maintenue par une de ses anciennes élèves, Jeannine Lorca qui assure simultanément la direction des compagnies Popard et Lorca, évolue au contact des méthodes allemandes (Medau...). Développant l'utilisation des engins légers (ballons, massues, cerceaux...) elle devient un des berceaux de la G.R.S. française avant que l'établissement situé avenue de la Grande Armée ne disparaisse lui-même en 2001.

La rythmique féminine française d'Irène Popard emprunte à Georges Demenÿ ses mouvements continus, complets et arrondis, à Dalcroze son éducation rythmique et sa plastique animée, à Duncan sa conception de la danse libre et l'usage de voiles vaporeux lors des représentations. Dans le prolongement de Demeny, et en accord avec Wigmann, elle pousse très loin un souci de souplesse articulaire (ponts, grands écarts) qui lui vaudra parfois les critiques de la Faculté. Mais l'ensemble forme un tout original qui a le mérite de promouvoir en France une méthode d'éducation physique spécifiquement féminine.