Nouvelles figures de l’utilisateur dans une économie de l’attention/Travail pratique/Analyse des attentes/Hypothèse 1-2

Responsabilisation des plateformes vis à vis des contenus qu’ils exposent modifier

Avec les algorithmes actuels, la responsabilité des messages véhiculés et des publications partagées est centrée sur les créateurs de contenu. Le réseau social est simplement “l’outil” que le créateur de contenu utilise pour véhiculer un message, des informations qu'il a envie de partager. Cette manière de gérer le problème s'inscrit dans une démarche de déresponsabilisation totale de la plateforme qui se dédouane de toute responsabilité lorsqu'un problème survient. Les plateformes les plus influentes qui regroupent des millions d'utilisateurs régulent l'accès à leurs services pour les utilisateurs malveillants, ou tout simplement ceux qui ont fait une erreur, voulu jouer avec les limites, etc. La plateforme se contente alors d'appliquer les sanctions prévues dans le règlement et les conditions d'utilisation. La plateforme se positionne alors en justicier plutôt qu'en justiciable ce qui lui confère une sorte d'impunité intrinsèque à sa position.

Si l'on considère que c’est cette dernière qui choisit de mettre en avant et de rendre visible les contenus, plus que les créateurs cela induit donc une prise de parti : est-ce qu’exposer des contenus controversés/problématiques est une forme d’acceptation de ceux-ci et de légitimation ? On change alors complètement de compréhension de l'espace problème.

Dans une perspective de renversement de la logique actuelle où la responsabilité du contenu proposé incomberait à la plateforme, il survient une série de questions. Si ce n'est plus les utilisateurs qui sont responsables de leur contenu qui contrôle que la sanction est appliquée en cas de manquement. Qui doit être le contrôleur du respect des règles ? On peut imaginer que les plateformes devraient suivre les règles des États dans lesquels leurs services sont disponibles. Mais à nouveau cela pose de nombreuses questions. Est ce l'État qui doit élaborer le contrôle ? Faut il créer une instance particulière dédiée au respect des réglementation en vigueur. Seulement, les contenus des réseaux sociaux sont disponibles à l'international et les règles peuvent différer d'un État à un autre. Mais ce n'est pas ce qui est le plus problématique étant donné que les grands principes réglementaires sont les mêmes concernant la propriété intellectuelle, les contenus violent, dégradant, diffamatoire, etc. La ou il y a un réel enjeu c'est autour des normes sociales existantes qui peuvent être radicalement différentes d'une société à une autre. Les coutumes et les usages font que ce qui peut-être heurter la sensibilité de chacun dépend des cultures et n'est pas forcément identique d'un pays à un autre. Il faudrait donc imaginer une réglementation à géométrie variable en fonction des frontières et des cultures. La question d'un contrôle étatique semble donc illusoire tant ces principes semblent éloignés des usages de l'internet qui en est fait par ses utilisateurs. De plus avec des systèmes tels que les VPN, il est désormais très facile de déplacer sa position géographique artificiellement en simulant une connexion depuis un autre pays. Ce dispositif permet de bénéficier de tous les avantages d'internet lié aux règles et usages de ce pays tiers.

Considérant que l'hypothèse qu'une plateforme soit à la fois responsable et se régule elle-même parait encore un peu trop précoce, on pourrait imaginer un système de contrôle par les utilisateurs. Par exemple, la mise en place d'une carte interactive matérialisant tous les contenus disponibles et accessibles sur une plateforme permettrait de visualiser le flux d'informations qui transitent par notre compte via notre "timeline" (ensemble de contenus qui défilent lorsque l'on passe du temps sur un réseau social). Les contenus bloqués par la plateforme sont écartés de ce flux. Dans cette optique de décharge de responsabilité des producteurs de contenus, on peut imaginer en parallèle l'appel à l'aide de la communauté. C'est ce qu'à fait le jeu Counter-Strike: Global Offensive en proposant une rubrique "Overwatch" aux joueurs d'un certains rang. C'est la solution que l'éditeur de jeux-vidéo Valve à trouvé pour palier aux nombreux tricheurs qui écumaient les serveurs de son jeu. Le fonctionnement est simple, la rubrique donne accès à un clip vidéo de la partie dans laquelle un signalement a été effectué. Le joueur a alors la possibilité de constater si un des joueurs de la partie est en train de tricher ou pas en s'appuyant sur son expérience du jeu et sur les outils fournis pas le jeu. Le joueur expérimenté à la possibilité d'entrainer le bannissement du joueur dans la foulée.

Toutefois, cela pose de nouvelles questions, notamment sur l'identité de ceux qui pourraient endosser ce rôle mais aussi et surtout si les réseaux sociaux accepteraient de mettre en place ce type d'algorithmes ouverts et accessibles à tout. On peut justement se demander si la responsabilité des plateformes ne passerait pas par plus de transparence.


Exemples de cas où les réseaux sociaux ont eu une forme de contrôle sur ce qu'il se passe sur les plateformes :

  • Fermeture du compte Twitter de Trump[1]
  • Compte Twitter d’Andrew Tate[2]
  • Compte Instagram de Booba fermé à cause d'histoires de harcèlement

Réflexions sur ce qu'entraine le contrôle de contenu

  • Les sujets facilement problématiques (ex : la pornographie, la politique...) : les plateformes pourraient potentiellement choisir d’exclure tout type de contenu pornographique, même ceux éthiques et respectant les chartes pour ne risquer aucun souci et aucune dérive. Parallèlement pour la politique. Le problème est que cela entraine une suppression complète d’une offre de contenu pour beaucoup d’utilisateurs alors même que toute une partie du contenu non publié par la plateforme ne posait pas question. A proposer des contenus trop lisses, est ce qu'on ne perd pas l'aspect intéressants des réseaux sociaux pour lesquels on donne son avis et on se confronte ?
  • La Chine a un contrôle quasi intégral sur les réseaux sociaux. La plupart sont exclusivement chinois, et non accessibles depuis des pays étrangers (et inversement, les contenus des pays étrangers ne sont pas accessibles sur l’internet chinois). C’est une atteinte à la liberté d’association et d’expression.

https://nouveau-europresse-com.sid2nomade-1.grenet.fr/Link/grenobleT_1/news%c2%b720211015%c2%b7ILW%c2%b7023


Quelques tentatives de régulation de la modération sur internet :

  • Thierry Breton et l’union européenne : 

    “Ces deux textes législatifs sont parmi les plus importants adoptés par l’Europe ces dernières années. Ils ont pour objectif d’organiser notre espace numérique, auquel nous consacrons 40% de notre temps, si ce n’est davantage. Il s’agit en vérité d’en reprendre le contrôle, sur la base d’un principe général simple : tout ce qui est interdit dans l’espace physique sera interdit dans l’espace numérique. On ne pourra donc plus y proférer des insultes, tenir des propos haineux, diffuser des images pédopornographiques, vendre des produits contrefaits, etc.”[3]

  1. « Donald Trump », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  2. « Andrew Tate », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  3. https://www.capital.fr/entreprises-marches/thierry-breton-commissaire-europeen-les-gafam-vont-devoir-se-plier-a-nos-regles-1437443#:~:text=Quelle%20est%20la%20philosophe%20g%C3%A9n%C3%A9rale,si%20ce%20n'est%20davantage.