Ondes sismiques et structure interne de la Terre/Hypothèses mathématiques simplificatrices

Début de la boite de navigation du chapitre
Hypothèses mathématiques simplificatrices
Icône de la faculté
Chapitre no 1
Leçon : Ondes sismiques et structure interne de la Terre
Retour auSommaire
Chap. suiv. :Ondes sismiques et paramètres élastiques
fin de la boite de navigation du chapitre
En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Ondes sismiques et structure interne de la Terre : Hypothèses mathématiques simplificatrices
Ondes sismiques et structure interne de la Terre/Hypothèses mathématiques simplificatrices
 », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.

Hypothèse de sphéricité

modifier

Le but essentiel de la géophysique interne est de dégager l'existence et d'étudier les propriétés des divers milieux qui composent l'intérieur de la Terre, et de décrire les méthodes mises en œuvre pour arriver à une connaissance assez précise de la distribution, en fonction de la profondeur, de la densité (c'est-à-dire de la masse volumique) des roches qui constituent le matériau terrestre. Il est clair que cette densité fournit des indications, malheureusement ambiguës, sur la composition chimique et minéralogique des roches en question. Nous avons en vue ici un modèle moyen de la Terre, et nous ferons donc différentes hypothèses simplificatrices en indiquant, le cas échéant, dans quelles circonstances l'une ou l'autre de ces hypothèses cesse d'être valable.

Nous supposons ainsi que la mécanique des milieux continus peut s'appliquer à travers l'approximation des milieux continus. Cette hypothèse implique que les propriétés du matériau se décrivent au moyen de fonctions continues, ou du moins continues par morceaux. En particulier, isolons par la pensée un élément de matière, de volume δV suffisamment petit pour être considéré mathématiquement comme élément différentiel, mais assez grand pour contenir de nombreux atomes ou molécules, et ainsi obéir aux lois de la physique macroscopique. La masse de cet élément de matière est δm et le centre de l'élément se trouve au point P. En vertu de l'hypothèse de continuité, on peut alors définir la densité au point P par

 

Cette fonction sera elle-même continue par morceaux à l'intérieur de la Terre.

Nous admettons que les propriétés physiques ne dépendent que de la profondeur z, et non des coordonnées géographiques. En d'autres termes, nous cherchons à construire un modèle de Terre possédant une symétrie sphérique. Cette hypothèse implique en particulier que toutes les surfaces d'égale densité (isopycniques), d'égale pression (isobares) et d'égale température (isothermes) sont confondues avec les surfaces d'égale pesanteur (équipotentielles), c'est-à-dire avec les surfaces de niveau.

Les images renvoyées par les sondes spatiales montrent en effet que la Terre, vue d'une distance suffisante, est une boule sphérique presque parfaite. Réduite à l'échelle d'un globe de 30 centimètres de diamètre, la rugosité de la surface topographique et l'asphéricité produite par la rotation de la Terre, donnent lieu à des écarts par rapport à la forme sphérique parfaite inférieurs à 0,4 millimètre. Ainsi, un modèle sphérique constitue sans nul doute une bonne première approximation, qui pourra éventuellement servir de base pour construire des modèles tridimensionnels plus réalistes.

Cependant, le fait que la Terre tourne sur elle-même engendre un potentiel axifuge qui a pour effet de produire un renflement à l'équateur et un aplatissement aux pôles. La figure d'équilibre ainsi produite dépend faiblement de la constitution interne du globe, mais ne s'écarte que très peu d'un ellipsoïde de révolution autour de l'axe polaire. En désignant par a le grand demi-axe, par c le petit demi-axe de cet ellipsoïde, et par R le rayon équivolumétrique (a2c)1/3, nous avons : a ≅ 6 378 km, c ≅ 6 356 km et R ≅ 6 371 km. On en déduit un aplatissement géométrique de l'ordre de 1/300 :  

La valeur précise de cet aplatissement fournit des renseignements sur la constitution interne de la Terre. La forme des surfaces de niveau théoriques, résultant de l'action simultanée de l'attraction gravifique et de la force axifuge, peut être déduite de la théorie des figures d'équilibre due à Clairaut, Laplace et Lyapounoff.

Hypothèse d'équilibre hydrostatique

modifier

Une autre hypothèse, rejoignant dans une certaine mesure celle de symétrie sphérique, stipule que l'état de tension qui règne à l'intérieur de la Terre est très voisin de celui qui y règnerait si toutes les roches étaient fondues. En d'autres termes, pour construire un profil de densité, on suppose que les contraintes se réduisent à une simple pression, par nature isotrope, dont la valeur s'obtient au moyen de l'équation d'équilibre hydrostatique :

 ,

où P est cette pression, z la profondeur, ρ la densité, et g l'accélération gravifique.

Connaissant la densité au centre, c'est-à-dire en z=R, et à la surface, c'est-à-dire en z = 0, l'accélération gravifique à une profondeur quelconque est fournie par l'expression :

 ,

où G = bokmål est la constante de gravitation de Newton. L'établissement de l'équation d'équilibre hydrostatique est très simple. Pour ce faire, considérons un cylindre vertical de section droite S s'étendant de la surface extérieure z=0 jusqu'au centre z=R. À l'intérieur de cette colonne de matériau, considérons un petit volume dont le centre est situé en P à la profondeur z, dont la face supérieure se trouve en z–½∆z et la face inférieure en z+½∆z. Pour que ce petit volume de matière ne se mette pas en mouvement, c'est-à-dire pour qu'il y ait équilibre statique, son poids ρg S ∆z doit être contrebalancé par la force due à la différence des pressions ∆P agissant sur les faces supérieure et inférieure, soit S ∆P. L'équation annoncée plus haut, à savoir dP = ρg dz, en découle en faisant tendre les surfaces supérieure et inférieure l'une vers l'autre à la profondeur z.

L'hypothèse de l'équilibre hydrostatique se justifie en rappelant que lorsqu'on soumet un solide à des forces extérieures engendrant des contraintes de cisaillement dont les valeurs dépassent les forces de cohésion internes du matériau, ce dernier cesse de résister à tout effort qui tend à le faire changer de forme, et selon sa nature et l'environnement dans lequel il est plongé, il se casse ou subit un phénomène de fluage. Ce seuil de résistance est, pour les roches non fissurées courantes, de l'ordre d'un kilobar (1 kb = bokmål). On se fait une idée plus précise de ce que cette contrainte représente en notant qu'elle correspond à un poids de dix kilogrammes-force distribué sur une section plane d'un millimètre carré. Il s'ensuit que les différences |σ2 – σ1|, |σ3 – σ2|, |σ1 – σ3| des axes principaux du tenseur des contraintes caractérisant l'état de tension du matériau en un point, ne peuvent pas dépasser des valeurs de l'ordre d'un kilobar.

D'autre part, la contrainte moyenne σ = ⅓ (σ1 + σ2 + σ3) représente, au signe près, la pression moyenne ou octaédrale 〈P〉 = –σ dont la valeur n'est pas limitée par le seuil de résistance de la roche à la profondeur z, mais croît en valeur absolue avec le poids de la colonne des roches situées au-dessus de cette profondeur (Notons qu'en physique et en géophysique, il est d'usage de compter positivement les contraintes normales qui tendent à étirer les corps, c'est-à-dire les tractions, et négativement celles qui tendent à les comprimer, c'est-à-dire les pressions. En mécanique des sols, on utilise en général une convention de signe contraire). L'état hydrostatique étant caractérisé par les relations σ1 = σ2 = σ3, la pression octaédrale se confond pour un tel état avec la pression hydrostatique P, encore appelée pression lithostatique s'il s'agit de roches. Par conséquent, l'hypothèse d'un équilibre hydrostatique correspondra d'autant mieux à la réalité que σ sera grand par rapport à la plus grande des valeurs

 , pour  

Il est clair que nous pouvons utiliser l'équation d'équilibre hydrostatique pour estimer l'ordre de grandeur de σ à différentes profondeurs et utiliser, pour ce faire, des valeurs constantes pour la densité et la gravité, pourvu que ces dernières représentent des estimations réalistes pour la Terre. En prenant ainsi ρ = bokmål et g = bokmål, on trouve P = bokmål à z = 30 km, P = bokmål à z = 300 km, et P = bokmål à z = 3 000 km. Ces valeurs montrent que les conditions réelles à l'intérieur de la Terre (sauf dans les couches les plus externes) ne peuvent pas s'écarter très fort de l'équilibre hydrostatique. La détermination de la pesanteur de la Terre au moyen de l'observation des orbites de satellites artificiels a effectivement montré que sans être une figure d'équilibre parfaite, la forme de la Terre ne s'écarte que légèrement d'une telle figure. L'hypothèse d'un équilibre hydrostatique global est nettement moins justifiée dans le cas de corps planétaires solides beaucoup plus petits que la Terre. Dans le cas de la Lune, par exemple, la pression centrale est seulement d'environ cinquante kilobars, pression atteinte dans la Terre vers cent kilomètres de profondeur.

Hypothèses d'homogénéité locale et d'isotropie

modifier

Une autre simplification des modèles résulte du fait que les outils employés pour arriver à une connaissance quantitative des propriétés physiques de la Terre possèdent nécessairement un pouvoir de résolution limité tant dans l'espace que dans le temps. En effet, toute mesure constitue une moyenne de la propriété étudiée dans un certain volume pendant un certain intervalle de temps. Or, la plupart de nos connaissances quantitatives sur la structure interne de la Terre sont basées sur des méthodes sismiques utilisant comme moyen d'investigation des ondes élastiques dont les longueurs d'onde Λ sont comprises en gros entre un kilomètre et plusieurs milliers de kilomètres. La résolution spatiale obtenue dans la détermination géophysique des propriétés des roches profondes est donc de l'ordre de ΛModèle:3, c'est-à-dire au mieux 1 km3. Par contre, les roches auxquelles on a directement accès, essentiellement les roches de surface, peuvent être étudiées par des méthodes de laboratoire qui permettent d'en acquérir une connaissance à l'échelle de bokmål au moyen du microscope ou de la microsonde, et même à l'échelle de bokmål au moyen du diffractomètre à rayons X. Il est important de garder à l'esprit la différence entre les échelles considérées par le géophysicien d'une part, le pétrographe et le minéralogiste d'autre part, si l'on ne veut pas commettre parfois de grossières erreurs dans l'interprétation pétrologique des données fournies par la géophysique interne.

Le fait de considérer des moyennes sur des volumes de roches ayant des dimensions généralement bien supérieures à un kilomètre cube nous permet, la plupart du temps, de faire deux hypothèses simplificatrices supplémentaires sans lesquelles nous ne serions sans doute pas arrivés aux connaissances que nous possédons actuellement sur la structure interne de la Terre. Il s'agit des hypothèses d'élasticité isotrope et d'homogénéité locale, essentielles dans la formulation de la sismologie classique.

Les roches solides, qui constituent la majorité du matériau terrestre, sont constituées d'assemblages de grains de minéraux divers ayant des dimensions linéaires en général micrométriques à millimétriques, mais pouvant parfois atteindre le centimètre et davantage. Ces grains tiennent ensemble grâce à des ciments formés de grains beaucoup plus petits dont la nature chimique est souvent la même que celle des grains dont ils assurent la cohérence. Les minéraux eux-mêmes sont faits d'assemblages de cristaux, de microcristaux ou de verres. Un cristal est caractérisé par des propriétés de symétrie bien spécifiques qui font que certains de ses attributs physiques dépendent de la manière dont il est orienté. Ainsi faut-il déterminer en tout 21 paramètres distincts pour arriver à décrire correctement les propriétés élastiques d'un cristal du système cristallin triclinique, et pouvoir étudier la propagation des ondes élastiques (phonons) dans un cristal pareil. Lorsqu'on augmente le nombre d'éléments de symétrie, le nombre de paramètres élastiques indépendants diminue. Ainsi, pour le système cristallin monoclinique, ce nombre n'est plus que de 13, pour passer à 9 dans le système orthorhombique, à 7 ou 6, selon la classe cristalline envisagée, dans les systèmes quadratique (tétragonal) et trigonal, à 5 dans le système hexagonal, et à 3 dans le système cubique.

Un matériau parfaitement isotrope, comme c'est le cas de la plupart des verres, est caractérisé par seulement deux paramètres élastiques distincts. À l'intérieur de la Terre, les cristaux dans les assemblages minéraux et rocheux ne sont généralement pas orientés selon une direction préférentielle, mais plutôt de manière aléatoire. Il en résulte que l'effet élastique global du volume de roches échantillonné par le passage d'ondes sismiques est isotrope en très bonne approximation, sauf cas d'espèce. Ces cas d'espèce se rencontrent notamment dans des régions du globe où un métamorphisme important a donné lieu à une schistosité des roches à grande échelle, et dans des régions où des courants de matière ont pu orienter ou réorienter une partie des axes cristallins dans une direction privilégiée. On pense aussi actuellement que le matériau (essentiellement du fer) composant le noyau interne de la Terre, à savoir la région qui s'étend du centre à environ 1 220 km de rayon, est légèrement anisotrope. Le comportement élastique anisotrope dans ces régions fait le sujet de nombreuses études sismologiques spécialisées, et fournit des indications très importantes concernant divers processus tectoniques ou autres qui s'y passent ou s'y sont passés. Néanmoins, à l'échelle du globe tout entier, il s'agit d'un effet plutôt marginal qu'il convient de négliger en première approximation dans la construction d'un modèle sphérique pouvant servir de référence. En effet, l'anisotropie à l'intérieur de la Terre se chiffre tout au plus à quelques pourcents par rapport à une valeur de référence obtenue en supposant le matériau isotrope (alors que l'anisotropie dans les monocristaux peut se chiffrer en dizaines de pourcents et davantage).

D'autre part, s'il est relativement facile de montrer, par des études sismologiques appropriées, que les vitesses des ondes sismiques varient avec la direction de propagation et que, par conséquent, le matériau est anisotrope, il est presqu'impossible en pratique de déterminer la valeur des paramètres élastiques, voire seulement le nombre exact des paramètres en cause. Pour faire la théorie de la propagation des ondes sismiques dans un milieu anisotrope, on suppose d'habitude qu'il s'agit d'aléotropie (=isotropie transverse). Il existe alors un plan dans lequel toutes les directions sont équivalentes — le plus souvent le plan horizontal par suite de la stratification naturelle — les propriétés n'étant pas les mêmes dans la direction de l'axe vertical. On montre que ce dernier type de symétrie revient en fait à celui du système cristallin hexagonal, et que par conséquent il existe cinq paramètres élastiques distincts pour l'isotropie transverse. Si la notion d'isotropie concerne l'invariance d'une propriété lors d'une rotation quelconque, une autre notion fondamentale, celle d'homogénéité, concerne l'invariance d'une propriété lors d'une translation quelconque. Nous avons vu qu'une roche typique, considérée à une échelle suffisamment petite, se présente le plus souvent comme un assemblage inhomogène. Cependant, en raison du pouvoir de résolution limité des ondes sismiques, on ne peut mesurer que des valeurs moyennes qui font apparaître le milieu comme plus homogène qu'il n'est en réalité. En fait, la pression résultant du propre poids du matériau terrestre comprime celui-ci au fur et à mesure que la profondeur augmente. Il s'ensuit que même si la Terre était composée d'un matériau homogène d'un point de vue chimique et minéralogique, ce qui est loin d'être le cas, les propriétés physiques ne pourraient pas être uniformes. Toutefois, on admet que les hauteurs d'échelle pour les variations des propriétés moyennes sont grandes par rapport aux longueurs d'onde des ondes sismiques ordinaires. On a pu vérifier a posteriori cette hypothèse essentielle de la sismologie classique. Sauf cas de transitions brusques, on admet donc qu'il y a homogénéité locale.