Parasites dans l'écosystème/Effet des parasites sur la structure des communautés
Par communauté, on entend un ensemble d’organismes appartenant à des populations d’espèces différentes, et entretenant entre eux un réseau de relations. Les parasites font partie de ce réseau de relations, et y apportent des modifications importantes. Les deux parties qui suivent visent à montrer différentes modalités de modification de la structure des communautés initiées par les parasites. Deux aspects sont abordés : l’impact des parasites sur les communautés d’hôtes (hôte étant à prendre au sens free-living), et l’impact des parasites sur la communauté de parasites au sein d’un hôte. Ces effets passent souvent par une action du parasite sur une espèce possédant une importance fonctionnelle élevée au sein de sa communauté. Ce concept d’importance fonctionnelle a été développé après que Paine (1969) aie proposé celui de keystone species. Une espèce keystone est habituellement haut placée dans le réseau trophique, et peut modifier en profondeur la composition spécifique de la communauté. Hurlbert (1971) a remarqué que les éléments permettant de quantifier la keystoneness d’une espèce étaient minces. Il a donc forgé le concept d’importance fonctionnelle (Hurlbert 1997), défini pour chaque espèce comme la somme, sur l’ensemble des espèces présentes dans la communautés, des changements provoqués par le retrait de l’espèce en question. On pourra toutefois remarquer que, si le concept d’importance fonctionnelle est plus formel que celui de keystoneness, il n’en est pas nécessairement plus facilement quantifiable.
Effet des parasites sur les communautés hôtes
modifierD’après Poulin (1999), les parasites peuvent influer de trois manières différentes sur les communautés. Les parasites d’hôtes, à travers leur action directe sur les hôtes. On sait d’après Crofton (1971) que le parasite diminue la fitness de son hôte. Cet effet « debilitating » du parasite peut être responsable de la perte d’importance fonctionnelle d’une espèce hôte au profit d’une autre, modifiant ainsi la structure de la communauté. La première méthode a déjà été rencontrée, puisqu’il s’agit de la compétition apparente présentée dans le chapitre précédent Un même parasite peut avoir un impact pathologique différent selon les espèces hôtes, et de ce fait influencer leurs importances relatives. Deux autres modalités d’interaction existent : une influence négative sur une espèce possédant une grande importance fonctionnelle, et une modification du phénotype de l’hôte d’une manière qui modifie son importance fonctionnelle pour d’autres espèces. Le premier type d’interaction est présenté figures 2a et 2b. Le parasite possède une action négative sur une espèce ayant une importance fonctionnelle. L’influence du parasite se répercute sur les autres espèces, permettant de modifier la structure de la communauté. L’espèce hôte — H1 dans les figures 2a et 2b — est un « point de levier » pour modifier la structure de la communauté. La deuxième possibilité concerne une modification du phénotype d’un hôte, qui se répercute sur ses interactions avec les autres espèces, induite par le parasite. Cette situation est présentée figures 2c et 2d. L’arrivée du parasite modifie le phénotype d’un hôte, et altère certains traits impliqués dans ses interactions avec d’autres espèces. Dans l’exemple donné, l’altération subie par H1 (augmentation du phénotype « noir ») permet à H2 et H3 de gagner en importance. Plutôt que de toucher une espèce avec une importance fonctionnelle importante, comme vu précédemment, le parasite va modifier l’importance fonctionnelle d’une espèce hôte pour les autres espèces avec laquelle elle se trouve en interaction.
Interactions au sein des communautés de parasites
modifierLa partie précédente a été consacrée à l’étude des actions possible d’un parasite sur un ou plusieurs hôtes. Il faut toutefois considérer qu’au sein d’un même hôte, la coexistence de parasites est possible et fréquente. Il est donc naturel de décrire les effets qu’un parasite donné peut avoir sur les autres parasites exploitant le même hôte. Pour les interactions entre parasites au sein d’un hôte, on peut imaginer deux modalités : l’une passant par la modification du phénotype de l’hôte, l’autre passant par une compétition pour la ressource entre les parasites. Ces différentes interactions vont structurer la communauté de parasites de l’hôte considéré,comme il est montré figure 3.Les figures 3a et 3b représentent le phénomènede modification du phénotype de l’hôte par le parasite (phénotypes “induits”, assez semblables à ce que décrit Dawkins (1999) avec les phénotypes étendus). L’acquisition d’un phénotype par l’hôte, ou la modification de l’importance d’un phénotype existant, va modifier la permissivité pour certains parasites, et jour conséquemment un rôle structurant pour la communauté parasitaire. Une autre interaction possible entre différents parasites au sein d’un hôte est illustrée dans les figures 3c et 3d. Elle implique qu’un parasite vienne perturber d’autres parasites en compétition pour une même ressource. Dans le premier cas, P2 et P3 sont en compétition pour la ressource — on peut imaginer deux parasites exploitant le même micro-habitat. P2 est plus abondant que P3. À son arrivée dans l’hôte, P1 va entrer en compétition avec P2 et P3, en ayant des effets beaucoup plus conséquents sur P2. De fait, on assiste à une diminution de l’abondance relative de P1 au profit de P1 et P3. Ce mécanisme est très similaire à celui, déjà décrit figure 1, de compétition apparente. On peut aussi envisager des situations ou P1 et P3 ne sont pas en compétition entre eux, mais avec P2. Ces interactions sont des compétitions directes entre différentes espèces. Il existe aussi des cas de prédation entre différentes espèces parasites, comme rapporté par Sousa (1993) pour les stades larvaires de différents digènes. Les mécanismes qui sous-tendent ces processus sont assez divers. On peut supposer que l’établissement d’une espèce avant l’autre lui permet de coloniser l’espace, et d’empêcher ainsi les autres de s’installer sur “son” territoire. Des caractéristiques biologiques des différentes espèces impliquées peuvent aussi influer.