FRA3826-Poster:Philologiæ & Mercurii

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Philologiæ & Mercurii

Patrick Chartrand
20/12/2019
Université de Montréal
fr
Outil : Wikiversité et langages de programmation Internet (XML, HTML, PHP, SQL, etc.)
Corpus : Lai du Chevrefoil, Marie de France (2 versions)
Résumé : Un projet de traitement informatique de textes anciens : le cas du Chevrefoil.
Mots-clefs : littérature, numérique, édition, Web, philologie, Moyen Âge, Marie de France


D’une alliance heureuse du génie informatique et de l’érudition textuelle, nouvelles « Noces de Philologie et de Mercure » ! Mercure, le dieu de la communication [...] offre à sa jeune épouse, qui par définition ne peut qu’aimer le logos, un magnifique cadeau de noces : les sept arts libéraux ! La nouvelle Philologie, de son côté, attend aussi beaucoup de l’ordinateur et de sa Toile de réseaux...[1]

Présentation

 
Manuscrit médiéval en latin.

Le projet Philologiæ & Mercurii cherche à conjuguer les technologies de l’information à l’étude des textes médiévaux afin de dynamiser les recherches philologiques et les expériences de lecture d’un corpus ancien. En effet, l’édition numérique permettrait au moyen d’outils informatiques et multimédias de créer une plate-forme Web, notamment consacrée au Chevrefoil de Marie de France ici, où serait présenté chaque manuscrit en format phototypique, accompagné d’un prolégomène offrant des renseignements détaillés sur le corpus à l’étude. Tel que le « Charrette Project » réalisé à l’Université Princeton, le projet présenterait alors des analyses linguistiques et stylistiques pour chaque copie manuscrite, ce qui mettrait à l’avant les différences textuelles entourant une même œuvre d’une version à l’autre. De plus, le choix du Web « soulève toute la question de l’accès au savoir, qui ne saurait être envisagé sous l’aspect d’une consultation passive » [2] : la diffusion sur les réseaux Internet facilite l’accès à des œuvres littéraires, à une culture et à la connaissance pour tous les lecteurs, savants ou non, d’une part, et invite au renouvèlement éventuel des études philologiques déjà publiées par une plus grande collaboration et interaction entre les usagers via une consultation libre et gratuite, d’autre part. Le projet Philologiæ & Mercurii entend notamment se démarquer des autres formules similaires, telles que la base RABELAIS ou le laboratoire « Chrétien de Troyes sur le Web », par une démocratisation de la critique médiévistique au grand public, se concrétisant grâce à une architecture de l’information centrée sur les besoins des utilisateurs en termes d’efficacité et d’agréabilité, entre autres.

Corpus

Le lai du Chevrefoil est parvenu jusqu’à aujourd’hui au sein de deux manuscrits, ceux qui feront partie de la première base textuelle [3][4][5] :

  • le MS H, ou Harley 978, à la British Library;

  • le MS S, ou nouv. acq. fr. 1104, à la Bibliothèque nationale de France.
 
Une enluminure représentant Marie de France.

Remontant jusqu’au temps de la conquête normande de l'Angleterre, l’écriture de Marie de France ne pourrait faire l’objet de recherches et d’analyses philologiques sans une introduction à quelques-unes des conditions historiques qui ont contribuées à l’essor d’une littérature romane anglaise durant la seconde moitié du XIe siècle. Elle, qui a vécu et écrit à la cour du roi Henri II Plantagenêt, a puisé la majeure partie de son inspiration pour ses lais dans la matière de Bretagne [6]. Le poème lyrique du Chevrefoil est effectivement rattaché à la légende de Tristan et Iseult qui, ce faisant, se retrouve inscrit au sein des aires linguistiques et culturelles aussi bien anglaise que française. C’est que le normand insulaire qui s’est institué dans un pays où la situation diglossique lui était favorable a alors commencé à s’édifier autour d’une nouvelle culture dite anglo-normande, entrainant la naissance d’une multitude de textes et d’œuvres littéraires propres et de langue française [7]. Toutefois, au sein de cette florissante littérature qui a été lue, chantée et écoutée tout au long du XIIe siècle en Angleterre, nombre des écrits anglo-normands, et même parmi les plus surprenants, ont été oubliées ou négligées par les anthologues et philologues. Ainsi, Philologiæ & Mercurii cherche à prendre de plus en plus en considération la variété du corpus littéraire anglo-normand en guise d’initiation du projet.

Méthodes

La bidisciplinarité du projet implique pour sa réalisation une utilisation simultanément d’outils reliés à la discipline informatiques ainsi que d’ouvrages et de compétences littéraires. Tout d’abord, les langages de balisage sémantique de texte tels que le HTML et le XML constitueront l’essentiel de l’aspect technologique. « Dans l’édition numérique, le format d’encodage XML/TEI permet de multiplier les niveaux d’information dans un même texte. L’éditeur peut ainsi coder des informations analytiques très diverses » [8] : c’est notamment ce type de programmation qui sera privilégié pour la description des contenus de chaque manuscrit, pour lesquels pourront notamment être définies des balises afin de répondre aux besoins spécifiques d’une philologie médiévale; le HTML n’est effectivement pas extensible. Puis la base de données pour la gestion des documents et des archives sera composée en PHP et MySQL, qui respecteront au mieux la conception d’un projet libre et ouvert. Ensuite, les analyses textuelles – morphosyntaxiques, lexicologiques, orthographiques, etc. – veilleront à respecter les conditions langagières propres à la langue romane comme à « l’ordre des mots [...] à l’inverse du français moderne [ou] au mélange continuel du présent et du prétérit » [9]. Seules l’interprétation, puis la représentation numérique, des textes semblent d’emblée problématiques, car les marques paléographiques et les lettres diacritiques au sein des manuscrits devront être traités, ou laissés de côté, avec leur particularités graphiques selon les capacités logicielles du projet. Donc, certaines procédures à appliquer seront déterminées au fil du développement de la plate-forme Web.

Perspectives

 
Plusieurs types d'appareils et de formats permettent la lecture d'un livre numérique.

Grâce à l’initiative de certains éditeurs comme Tony Hunt et Maureen Boulton, notamment avec leur projet Web de la « French of England Translation Series (FRETS) », la consultation en ligne d’éditions critiques ou de manuscrits numérisés s’accentue depuis les dernières années avec le développement des technologies de l’information, ce qui permet une meilleure diffusion des textes, qui sont plus accessibles et lisibles par une plus large communauté de lecteurs aussi bien grand public que savants. Par le traitement informatique des textes, un document ancien, ou tout autre contenu critique, n’est alors plus l’objet d’un isolement, confiné à la réserve d’une seule institution étrangère, mais à la portée immédiate et en simultanée de tous, c’est-à-dire linguistiquement – via la traduction automatique sur l’Internet –, virtuellement et sous plusieurs formats. De ce fait, la grande diversité et disponibilité d’un même texte change peu à peu la pratique éditoriale : un réseau de lecteurs, chercheurs ou non, se faisant toujours plus large peut dorénavant combler les lacunes en matières de représentations des savoirs, là où l’édition traditionnelle ne suffisait plus en ce qui concerne la diffusion et le traitement textuel. Ainsi, malgré que plusieurs œuvres littéraires aient été laissées-pour-compte, impliquant des lacunes en termes d’exhaustivité des corpus, la reconstitution des collections veillant à la représentativité des textes anciens constitue une part essentielle dans la compréhension des cultures et des différentes sociétés tout au long de l’époque médiévale.

Références

Bibliographie

A. J. Greimas, Dictionnaire de l’ancien français, Paris, France, Éditions Larousse, 2001 .

(en) D. J. Shirt, The Old French Tristan Poems: A Bibliographical Guide, Suffolk, Royaume-Uni, D. S. Brewer, 1980 .

D. Trotter, Manuel de la philologie de l’édition, Berlin, Allemagne, de Gruyter, 2015 .

(en) G. S. Burgess, Marie de France: Text and Context, Athène, Grèce, Presses de l’Université de Georgie, 1987 .

G. Joly, L’ancien français, Paris, France, Belin, 2004 .

J. Casenave, Introduction au langage XML/TEI, Montréal, Université de Montréal, 2018
notes du cours EDN6101 – Édition critique avec la TEI .

J. Casenave et Y. Marcoux, « La réception de l’édition critique numérique : accès multiples pour publics divers ? », Digital Humanities, 2017, p. 412–413 [texte intégral (page consultée le 9 décembre 2019)].

J. Chaurand, Histoire de la langue française, Paris, France, Presses Universitaires de France, 1969 .

J. C. Payen, Les Tristan en vers, Paris, France, Éditions Garnier, 1974 .

(en) J. Duckett, HTML and CSS: Design and Build Websites, New Jersey, États-Unis, John Wiley & Sons, 2011 .

(en) J. Duckett, PHP and MySQL: Server-side Web Development, New Jersey, États-Unis, John Wiley & Sons, 2020 .

(en) K. D. Uitti, « The Princeton Charrette Project », sur Princeton University, (consulté le 9 décembre 2019).

L. Spitzer, « La « lettre sur la baguette de coudrier » dans le lai du chevrefeuil », Romania, vol. 273, 1946, p. 80–90 [texte intégral (page consultée le 9 décembre 2019)].

M. Zink, Littérature française du Moyen Âge, Paris, France, Presses Universitaires de France, 1992 .

N. Desgrugillers-Billard, Œuvre complètes de Marie de France, t. 1, Éditions Paleo, Clermont-Ferrand, 2007a
traduction française .

N. Desgrugillers-Billard, Œuvre complètes de Marie de France, t. 2, Éditions Paleo, Clermont-Ferrand, 2007b
manuscrit Harley 978 du British Museum .

M. Huchon, Histoire de la langue française, Paris, France, Librairie Générale Française, 2002 .

P. Kunstmann, F. Martineau et D. Forget, Ancien et moyen français sur le Web : enjeux méthodologiques et analyse du discours, Ottawa, Canada, Éditions David, 2003 .