Plasticité phénotypique



La plasticité phénotypique est la capacité d'un organisme à exprimer différents phénotypes à partir d’un génotype donné selon des conditions environnementales[1].

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Ce mécanisme est à opposer à la « canalisation », qui permet un retour au point d'équilibre après une perturbation environnementale, et à la « robustesse », qui est une insensibilité aux variations environnementales[2].

La plasticité phénotypique peut être « inflexible » lorsque les changements phénotypiques observés sont irréversibles, contrairement aux plasticités « flexibles ». Elle peut être adaptative, maladaptative ou neutre[3].

Longtemps considérée comme indépendante du génotype, la plasticité possède en fait une base génétique[1].

Norme de réaction

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La norme de réaction est la relation entre les phénotypes possibles produits par un génotype donné et la gamme de valeurs d'une variable environnementale à laquelle il est exposé[2]

Il existe deux modèles[4] :

  • relation linéaire simple décrite par des coefficients de régression linéaire du phénotype en fonction de la variable environnementale d’intérêt
  • régression polynomiale (relation non linéaire)

Les normes de réaction peuvent varier selon deux paramètres : la pente et l'ordonnée à l'origine (cas linéaire). La pente estime la variation phénotypique selon un gradient environnemental, elle mesure ainsi la plasticité phénotypique.

Pour que cette représentation soit la plus réaliste possible, il faudrait considérer n paramètres environnementaux.

Polyphénisme

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Le polyphénisme est un cas particulier de plasticité phénotypique. On parle de polyphénisme lorsqu’un seul génotype produit deux ou plusieurs phénotypes discrets à la suite d'un signal environnemental. C'est une adaptation à des variations fiables et prédictibles de l’environnement, comme la saisonnalité, pour lesquelles les individus présentent plusieurs phénotypes adaptés aux différentes saisons. Ces phénotypes « discrets » sont induits soit par un environnement discontinu soit par le dépassement d'un seuil. Le polyphénisme se caractérise en général par un passage par des mues. Ce changement développemental (« developmental switch ») qui mène aux phénotypes alternatifs est régulé par les hormones comme l’ecdysone chez le papillon Araschnia levana[3].

Quelques exemples du rôle de la plasticité phénotypique

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  1. Les réponses plastiques à court et long termes peuvent contribuer à une occupation plus complète des divers habitats dans la nature[5]. Par exemple, les plantes peuvent s’adapter au stress environnemental. En effet, les différents traits des plantes peuvent varier en fonction de l’environnement dans lequel elles se trouvent. On peut observer alors une réponse sur le plan anatomique, morphologique et en allocation en nutriments. Les traits d'histoire de vie clés peuvent aussi varier en fonction de l'environnement, les plantes autoincompatibles peuvent même passer à une autofécondation. De plus, elles peuvent répondre aux conditions environnementales en ajustant aussi bien leurs phénotypes que ceux de leurs progénitures. Ces ajustements s’opèrent à travers le changement de la qualité et de la quantité de graines produites.
  2. La plasticité phénotypique intervient aussi au niveau des interactions entre espèces. Cela implique l'existence de signaux provoquant des modifications phénotypiques. La plasticité peut donc provoquer des changements directionnels du phénotype (coévolution, course aux armements) ou non (dus au stress). On définit alors une norme d’interaction : le phénotype est déterminé par le génotype des individus interagissant et les conditions environnementales dans lesquels ils sont. La simplification de ce système revient à considérer une des deux espèces comme une composante environnementale biotique. Les variations des phénotypes réciproques (coévolution) sont dus soit à la plasticité phénotypique et aux adaptations fixes, soit à la plasticité seule. Il peut aussi y avoir une influence de la plasticité phénotypique sur la chaine trophique. Par exemple, la prédation entraine une diminution de la consommation de plantes par les herbivores qui essaient d’échapper aux prédateurs. Par conséquent, la biomasse des plantes augmente[1].
  3. Les espèces invasives sont-elles plus plastiques que les espèces résidentes[1]?
  4. L’apprentissage pourrait être une forme de plasticité phénotypique[1].

Coûts et limites de la plasticité phénotypique[6]

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Le bénéfice de la plasticité réside dans la capacité à pouvoir produire la meilleure concordance possible entre le phénotype et l’environnement dans de nombreux environnements. Néanmoins des contraintes écologiques et évolutives tendent à limiter la plasticité (incapacité à produire l’optimum) et à la rendre coûteuse.

Afin d’exprimer cette plasticité, ces organismes doivent développer toute une machinerie physiologique dans le but de détecter les variations environnementales et de modifier leur phénotype. De ce fait, les coûts des phénotypes des organismes plastiques sont supérieurs à ceux des organismes fixes, et leur fitness se voit ainsi réduite.

Il existe donc bien un coût de la plasticité phénotypique sinon tous les organismes l’exprimeraient.

Dans la littérature, on trouve cinq hypothèses concernant les coûts :

  • Coût de la maintenance : coût énergétique du mécanisme de réception et de régulation
  • Coût de la production :
    • économie du coût réalisée dans la non production du phénotype dans un environnement non inducteur.
    • également vu comme le coût de l’erreur de production d’un caractère dans le mauvais environnement.
    • pour un même phénotype, on considère un coût de production seulement si coût est supérieur pour les organismes plastiques que pour les organismes fixes.
  • Coût d’acqusition de l’information : l’énergie dépensée dans la détection de l’environnement ne peut être allouée à d’autres processus (alimentation, reproduction…)
  • Instabilité développementale : l’imprécision dans la production du phénotype peut entraîner une diminution de la fitness
  • Coût génétique :
    • Linkage : les gènes bénéfiques sont liés aux gènes couteux pour d’autres traits
    • Pleitropie : les gènes plastiques peuvent avoir un effet négatif direct sur plusieurs autres traits que le trait plastique
    • Epistasie : les locus régulateurs qui produisent la plasticité peuvent modifier indirectement l’expression d’autres gènes

On peut distinguer quatre limites à la plasticité :

  • Limite de la fiabilité de l’information : production de phénotypes mal adaptés à leur environnement ou initialement correct mais devenus mal adaptés à la suite d’autres changements environnementaux.
  • Limite du temps de latence : nécessité de mise en place de processus développementaux entre la variation environnementale et la réponse plastique.
  • Limite de gamme développementale : un organisme généraliste est moins performant qu’un spécialiste dans son domaine de prédilection
  • Le problème épiphénotype : la plasticité ajoutée au phénotype pourrait être inefficace comparée au même élément intégré pendant le développement précoce.

Globalement, les coûts sur la fitness sont relativement faibles et autant favorables que défavorables vis-à-vis de la plasticité phénotypique[7].

Trois hypothèses peuvent expliquer cette faiblesse :

  • les coûts sont faibles ou absents la plupart du temps
  • ils sont uniformément présents chez tous les génotypes
  • ils sont visibles uniquement sous certaines conditions (ex : stress)

Évolution de la plasticité phénotypique[1],[6],[8],[9]

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La plasticité phénotypique dépend de signaux environnementaux captés par les organismes, qui induisent les réponses plastiques. D’autre part, certaines variables environnementales sont des facteurs de sélection qui agissent sur la fitness des phénotypes plastiques alternatifs. Le principal bénéfice tiré de la plasticité est la capacité à améliorer la correspondance entre le phénotype et l’environnement lorsque celui-ci varie, ce qui est plus efficace que la production d’un seul phénotype quel que soit l'environnement rencontré[6]. Ainsi, s’il n’y avait aucun coût à la stratégie plastique, on s’attendrait à ce que les organismes présentent une gamme de phénotypes plastiques pouvant répondre au mieux à chaque variation de l’environnement, et donc qu’ils aient une fitness maximale dans toutes les situations. Dans ce cas, la stratégie plastique serait beaucoup plus favorisée qu’aucune stratégie fixe[9].

Cela n’est évidemment pas le cas, et la première forme de contrainte qui peut s’exercer sur l’évolution de la plasticité est le coût énergétique et matériel nécessaire au maintien de la machinerie sensitive et régulatrice permettant la détection précise des signaux et la mise en place de réponses (modifications physiologiques, morphologiques, comportementales…) adéquates[9],[8]. Lorsque la correspondance entre le phénotype exprimé et les variables de les conditions environnementales ne sont pas optimales,on peut estimer la fitness moyenne de la stratégie grâce aux fitness des phénotypes alternatifs dans les différents environnements. On pourra alors comparer cette fitness à celle des différents phénotypes fixes rencontrés dans les mêmes environnements, pour déterminer théoriquement si la plasticité sera favorisée ou non dans les conditions étudiées[9]. Il apparaît que si la fitness globale du phénotype plastique est supérieure à la fitness maximale de chaque phénotype non plastique (correspondant donc à l’environnement pour lequel il est le mieux adapté), alors la plasticité phénotypique sera effectivement avantageuse et pourra être maintenue chez cet organisme[8]. Autrement dit, pour une même valeur de trait, les coûts de la plasticité réduisent la fitness des organismes plastiques par rapport à celle des organismes ayant un phénotype fixe[6]. Cela signifie que la machinerie responsable des réponses plastiques de l’organisme est assez efficace, c’est-à-dire qu’il est capable de prédire suffisamment précisément les différents environnements, et de s’y adapter en conséquence[9].

L’avantage conféré par la stratégie plastique dépend aussi de la fréquence des environnements que peuvent rencontrer les individus. En effet, si un environnement a est plus fréquent qu’un environnement b, alors la plasticité ne sera favorisée que si les prédictions sont très précises, pour contrecarrer la différence de proportion qui empêche une récurrence de se former ; et si pour l’environnement b (par exemple), le désavantage de produire un phénotype plus adapté à a est faible, ou l’avantage conféré par la production du phénotype le plus adéquat est très grand (bénéfices supérieurs aux coûts). Ainsi plus la variation environnementale sera disproportionnée en regard des occurrences des divers environnements (écarts de fréquence importants), moins la plasticité sera avantageuse et donc moins elle sera retenue par la sélection[9]. Finalement, si les réponses plastiques, en plus d’être coûteuses, sont mal adaptées ou sans avantage suffisant par rapport aux exigences de l’environnement, la sélection naturelle ne les retiendra pas, et elles auront tendance à disparaître. De cette manière, les organismes n’exprimeront des phénotypes plastiques coûteux que si les bénéfices compensent ces coûts. On voit donc bien que les coûts et limites de la plasticité peuvent réduire l’avantage qu’elle confère en comparaison à celle d’une plasticité parfaite hypothétique, et ils participent donc à contraindre son évolution[6].

Les organismes sessiles -comme les plantes- ne pouvant pas se déplacer lorsque les conditions environnementales changent, bénéficient des mécanismes plastiques qui leur permettent de faire face à l’hétérogénéité environnementale[8], qu’elle soit spatiale ou temporelle.

La plasticité phénotypique peut aussi apporter des bénéfices aux espèces impliquées dans des interactions antagonistes ou mutualistes. C’est le cas lorsque les réponses d'un individu à des signaux produits par une espèce interagissant sont le résultat d'une stratégie plastique. On retrouve ce phénomène chez une espèce de daphnies (Daphnia lumholtzi) qui peuvent répondre aux signaux chimiques émis par l’un de ses prédateurs : la daphnie peut produire des structures défensives (structure tranchante en position antérieure et épine allongée en position postérieure ) lorsqu’elle détecte la présence du prédateur, structures qui sont absentes en situation de contrôle sans prédateur[1].

Il peut arriver que la seconde espèce impliquée dans l’interaction réponde aussi à la première en modifiant son phénotype de manière plastique. Il s’agit d’un mécanisme de rétroaction positive (comme la course aux armements), qui peut conduire à la coévolution des deux espèces. La sélection tendra dans ce cas à maintenir la plasticité phénotypique comme moteur de coévolution entre individus.

Notes et références

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  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 et 1,6 Agrawal, A. A. (2001). "Phenotypic Plasticity in the Interactions and Evolution of Species." Science's compass (Vol. 294) pp 321-326
  2. 2,0 et 2,1 Nijhout, H. F. (2003). "Development and evolution of adaptative polyphenisms." Evolution & Development (Vol. 5 No. 1) pp 9-18
  3. 3,0 et 3,1 Stearns, S., C. (1989). "The Evolutionnary Significance of Phenotypic Plasticity." Bioscience (Vol. 39 No. 7) pp 436-445
  4. Nussey, D. H. ; Wilson, A. J. ; Brommer, J. E. (2007). "The evolutionary ecology of individual phenotypic plasticity in wild populations." Journal Compilation (Vol. 20) pp 831-844
  5. Sultan, S. E. (2000). "Phenotypic plasticity for plant development, function and life history." Trends in plant science (Vol. 5 No. 12) pp 537-542
  6. 6,0 6,1 6,2 6,3 et 6,4 DeWitt, T. J. ; Sih, A. ; Sloan Wilson, D. (1998). "Costs and limits of phenotypic plasticity." Tree (Vol. 13, No. 2) pp 77-81
  7. Van Buskirk, J. ; Steiner, U. K. (2009). "The fitness costs of developmental canalization and plasticity." Journal of Evolutionary Biology (Vol.22) pp 852-860
  8. 8,0 8,1 8,2 et 8,3 van Kleunen, M. ; Fisher, M. (2005). “Constraints on the evolution of adaptative phenotypic plasticity in plants.” New Phytologist. (Vol. 166) pp.  49-60
  9. 9,0 9,1 9,2 9,3 9,4 et 9,5 Moran, N.A. 1992. "The evolutionary maintenance of alternative phenotypes." Am. Nat. (Vol. 139) pp.  971–989.