Présentation de la philosophie/Annexe/Texte de Kant

Texte de Kant
Image logo représentative de la faculté
Annexe 1
Leçon : Présentation de la philosophie

Annexe de niveau 13.

Précédent :Sommaire
Suivant :Texte de Descartes
En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Annexe : Texte de Kant
Présentation de la philosophie/Annexe/Texte de Kant
 », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.




« La philosophie n'est véritablement qu'une occupation pour l'adulte, il n’est pas étonnant que les difficultés se présentent lorsqu'on veut la conformer à l'aptitude moins exercée de la jeunesse. L'étudiant qui sort de l'enseignement scolaire était habitué à apprendre. Il pense maintenant qu’il va apprendre la Philosophie, ce qui est pourtant impossible car il doit désormais apprendre à philosopher. Je vais m'expliquer plus clairement : toutes sciences qu'on peut apprendre au sens propre peuvent être ramenées à deux genres : les sciences historiques et les sciences mathématiques. Aux premières appartiennent, en dehors de l'histoire proprement dite, la description de la nature, la philologie, le droit positif, etc. Or dans tout ce qui est historique l'expérience personnelle ou le témoignage étranger, - et dans ce qui est mathématique, l'évidence des concepts et la nécessité de la démonstration, constituent quelque chose de donné en fait et qui par conséquent est une possession et n'a pour ainsi dire qu’à être assimilé : il est donc possible dans l'un et l'autre cas d'apprendre, c’est çà dire d'imprimer soit dans la mémoire, soit dans l'entendement, ce qui peut nous être exposé comme une discipline déjà achevée. Ainsi, pour pouvoir apprendre aussi la Philosophie, il faudrait d’abord qu’il en existât réellement une. On devrait pouvoir présenter un livre, et dire : « Voyez, voici de la science et des connaissances assurées; apprenez à le comprendre et à le retenir, bâtissez ensuite là-dessus, et vous serez philosophes. » : jusqu'à qu'on me montre un tel livre de Philosophie, sur lequel je puisse m'appuyer à peu près comme sur Polybe pour exposer un évènement de l'histoire, ou sur Euclide pour expliquer une proposition de Géométrie, qu’il me soit permis de dire qu'on abuse de la confiance du public lorsque, au lieu d'étendre l'aptitude intellectuelle de la jeunesse qui nous est confiée, et de la former en vue d'une connaissance personnelle future, dans sa maturité, on la dupe avec une Philosophie prétendue déjà achevée, qui a été imaginée pour elle par d'autres, et dont découle une illusion de science, qui ne vaut comme bon argent qu'en un certain lieu et parmi certaines gens, mais est partout ailleurs démonétisée. La méthode spécifique de l'enseignement en Philosophie est zététique, comme la nommaient quelques Anciens (de dzètein, rechercher), c'est-à-dire qu'elle est une méthode de recherche, et ce ne peut être que dans une raison déjà exercée qu'elle devient en certains domaines dogmatiques, c'est-à-dire dérisoire. »
— Emmanuel Kant, Annonce du programme des leçons de M.E. Kant durant le semestre d'hiver (1765-1766), Traduction de M. Fichant, Édition Vrin, 1973, pages 68-69.