Prendre conscience de la question du handicap en entreprise- Conférence : Les stéréotypes : un frein à l’emploi des personnes handicapées par Patrick Scharnitzky
Programme de sensibilisation au handicap
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Transcription textuelle de cette vidéo
modifierIntroduction
modifierBonjour, je suis Patrick Scharnitzky et je suis vraiment ravi de venir vous parler aujourd’hui des stéréotypes existants envers les personnes en situation de handicap.
Mon métier consiste à accompagner les entreprises sur tous les thèmes de la diversité, donc aussi sur le handicap. La question se pose de savoir pourquoi travailler sur cette question des idées reçues, des stéréotypes et des préjugés pour accompagner au mieux les personnes en situation de handicap dans les organisations.
Les entreprises et les organisations ont initialement commencé à travailler sur le handicap autour des processus, autour des process. Par exemple, l’Egalité de traitement, les actions positives, la transparence, les dispositifs d’accompagnement, et cetera.
C’est à dire qu’on a commencé à travailler sur le recrutement. Où trouver ces personnes en situation de handicap ? Comment faire en sorte que l’on puisse élargir le vivier des talents à des personnes qui sont perçues comme étant atypiques du fait de leur handicap ?
Et très vite on se rend compte que ça ne suffit pas. Qu’il faut aussi travailler sur le fond, c’est-à-dire sur l’état des mentalités, des opinions, des valeurs, des attitudes, des biais inconscients, des idées reçues, des stéréotypes, des préjugés envers les personnes en situation de handicap sans quoi il y a toujours un moment où on se confronte à des idées reçues et où tous les process du monde, même s’ils sont bien rodés, ne suffiront pas à faire en sorte que l’on puisse recruter, promouvoir, accompagner dans l’emploi des personnes qui sont en situation de handicap.
Quelle perception de la réalité ?
modifierCes stéréotypes et ces idées reçues sur le handicap, viennent en grande partie du fait que notre cerveau est imparfait, et que sa perception de la réalité est biaisée par deux styles de besoin. Tout d’abord Il faut savoir que la perception est un processus par lequel les individus organisent et interprètent leurs impressions sensorielles afin de donner un sens à leur environnement.
Notre cerveau a besoin, à la fois de comprendre le monde de façon simple. Il doit le simplifier, sans quoi il est incapable de le comprendre. Et dans un même temps, notre cerveau a besoin de se faire du bien. Il a besoin de nous renvoyer une image de nous qui soit positive. Donc dans ces informations qui lui parviennent, il va automatiquement, inconsciemment, implicitement, faire des choix en se centrant sur des informations qui sont faciles et sur des informations qui lui renvoient une bonne image de lui et qui nous font aller bien.
Et ces informations, le plus souvent, ce sont celles qui existent déjà dans la culture, c’est-à-dire celles qui sont transmises par la culture, par l’école, par l’éducation, par les valeurs de nos familles, par les médias, soit par toutes les informations classiquement associées aux groupes. Les personnes en situation de handicap n’échappent pas à cela.
Alors quand on combine les deux et qu’on comprend que le cerveau a besoin à la fois d’aller vite et à la fois de se faire du bien, on comprend pourquoi il a besoin de mettre en place ce que l’on appelle des filtres perceptifs, qui sont des outils inconscients qui choisissent à notre place, dans la réalité les informations qu’il a envie de traiter et sur lesquels il va fonder ses opinions et ses décisions. C’est là que les choses se compliquent, car avoir une vision biaisée de la réalité n’est pas forcément problématique. En revanche prendre des décisions, agir sur des personnes au regard de cette vision fausse et biaisée de la réalité, conduit à des décisions erronées et à des décisions qui sont préjudiciables à ces personnes. Ce qui revient à la définition stricto sensu de ce qu’est la discrimination. Mais de fait, on comprend que cette discrimination n’est pas forcément volontaire ou idéologique. Elle peut être le simple produit du fait que notre cerveau prend le pouvoir si on le laisse faire.
Illustration d’une perception biaisée
modifierSur cette image vous voyez comment de façon très symbolique un objet éclairé d’une façon ou d’une autre ne projette pas la même image sur le mur. Un cylindre est éclairé de deux côtés différents, projetant deux ombres différentes sur deux murs. Si l’on éclaire la base du cylindre, l’ombre projetée à une forme ronde. Si l’on éclaire le côté du cylindre, l’ombre projetée à une forme carrée. Une légende accompagne cette illustration « How something appears is always a matter of perspective… » Imaginez que le mur soit votre cerveau, que ce soit votre mémoire. Votre cerveau voit un objet qui est un cylindre mais en fonction de l’éclairage que la culture, que votre éducation a choisi de porter sur cet objet, ce qui va s’imprimer dans votre cerveau, c’est soit un carré, soit un rond.
En fonction de votre stéréotype, ce qui va s’imprimer sur votre cerveau face à un candidat qui vient passer un entretien d’embauche et qui est en situation de handicap, peut être une image très positive, si l’éclairage est positif au regard de votre éducation, ou bien une image très négative, si inversement, vous êtes dans un environnement où vous avez reçu des messages implicites selon lesquels les personnes en situation de handicap sont moins employables, moins compétentes, moins rapides que les autres. Et de fait, on comprend pourquoi il est inutile de culpabiliser, de se casser la tête de façon morale à essayer de s’auto persuader que l’on est un méchant quand on a des stéréotypes. On est juste le produit de sa culture. En revanche ce qui va nous intéresser, c’est de comprendre comment ne pas utiliser ces stéréotypes.
Comment fonctionne le cerveau ?
modifierIl faut donc comprendre comment le cerveau fonctionne. Nous pensons que notre cerveau fonctionne en additionnant une information A avec une information B, puis une information C et une information D, pour produire notre opinion. En réalité, voici comment il fonctionne : chaque information est filtrée par notre cerveau et influence la manière dont nous recevons l’information suivante. Cela crée une image que notre cerveau va à nouveau filtrer et ainsi de suite jusqu’à construire notre opinion. On pourrait imaginer, quand on accumule des informations sur une personne, en lisant son CV, ou en le recevant en entretien d’embauche, que ces informations s’additionnent les unes aux autres et que la moyenne arithmétique de ces opinions amènerait une opinion générale. Mais c’est méconnaître le fait que ces informations ont une influence les unes sur les autres, et que l’ordre dans lequel on collecte ces informations sur une personne, est assez déterminant.
On a cette idée que la première impression est souvent la bonne. C’est l’information qui arrive en premier qui donne la fameuse idée de la première impression Ça n’a aucun sens, il n’y a aucune raison que ce soit la bonne. En revanche, dans 100% des cas, la première impression influence l’image qu’on a de la personne à l’arrivée. Parce que cette première information, comme vous le montre le schéma que vous avez actuellement, va servir de filtre, de schéma à interpréter la seconde. Et ces deux informations finissent par construire un schéma qui interprète la troisième, et ainsi de suite.
On comprend bien, quand on arrive à la cinquième information, qu’on est absolument incapable de la percevoir de façon objective. On ne peut la percevoir, si on ne fait pas attention, qu’à travers le prisme de l’image que l’on a construit au préalable.
De la perception aux décisions
modifierAlors évidemment, un candidat qui rentre dans une pièce avec un handicap visible, qu’on le veuille ou non, peut activer une image positive ou négative. Je peux aussi avoir un stéréotype très positif, compassionnel, empathique, envers une personne en situation de handicap. Mais auquel cas, ça veut dire que je risque moi-même de passer sous silence un point faible qu’il y aurait dans le CV, ou d’être tolérant avec un écart de langage pendant l’entretien, ou avec un retard. Il y a des handicaps qui justifieraient que l’on ne soit pas à l’heure à un entretien, mais il y a d’autres handicaps qui ne le justifient absolument pas. Pourquoi être plus tolérant avec un candidat qui serait en retard à un entretien d’embauche plutôt qu’avec un autre ? On voit bien comment les stéréotypes vont flécher l’interprétation que je vais faire de cette réalité et que je ne peux pas en avoir une vision objective. Ce n’est pas grave, mais il vaut mieux le savoir que de ne pas le savoir.
En fait, on comprend que ce qui importe ce n’est pas tellement le biais perceptif, ce n’est pas tellement de se tromper dans sa façon de comprendre le monde, de l’interpréter ou de le mémoriser. Ce qui importe, c’est ce que l’on fait de cette information. L’importance des attentes liées aux stéréotypes est la suivante : Il faut empêcher le biais perceptif (opinion) d’agir sur le biais décisionnel (Action).
Deux cas d’école : soit je ne suis absolument pas conscient de cela, ou bien je suis dans le déni du fait que ma perception est biaisée, et auquel cas, c’est un boulevard pour la discrimination. Ça signifie que n’étant pas conscient ou ne voulant pas accepter l’idée que ma vision du monde soit fausse ou potentiellement biaisée, je vais prendre des décisions qui de façon logique seront elles-mêmes erronées sur la base d’une perception qui est fausse. Deuxième cas de figure, et c’est évidemment que c’est ce que l’on cherche à faire quand on accompagne des organisations, c’est de rendre les gens vigilants sur leurs stéréotypes et sur leurs biais, les mettre dans une situation d’humilité, les amener à accepter l’idée que de toute façon, quoiqu’ils fassent, ils sont prisonniers culturellement de leur perception du monde. À partir de là, s’ils ont cette humilité de l’accepter, ils peuvent agir, ils peuvent mettre en place des pare-feux, ils peuvent mettre en place des stratégies pour apprivoiser, domestiquer ces stéréotypes et rendre leur jugement beaucoup plus opérationnel, avec deux effets absolument co-construits et essentiels. Je ne suis pas dans une forme de violence faite à la personne, car je le traite sur la base de ce qu’elle est, et non pas sur la base des stéréotypes que j’ai à propos du groupe auquel elle appartient. Surtout je prends des décisions opérationnelles, efficaces, performantes pour l’organisation pour laquelle je vais travailler.