Prendre conscience de la question du handicap en entreprise -Focus sur le handicap, partie2

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Focus sur le handicap, partie2 modifier

Durée de la vidéo: 9 minutes 55 secondes modifier

Le texte ci-dessous est la transcription textuelle de l’information contenue dans cette vidéo.

Prise de conscience handicap 5


Transcription textuelle de cette vidéo modifier

Etude « Stéréotypes et Handicap » modifier

Que disent les études concrètement à propos des stéréotypes ? Il se trouve que j’ai piloté pour l’IMS, qui est un réseau d’entreprises, en 2011, une très vaste étude sur les stéréotypes existants envers les personnes en situation de handicap. L’idée, c’est un questionnaire anonyme en ligne, soumis à plusieurs centaines de managers de quatre grandes entreprises.


Deux parties dans cette étude, une première partie où on a mesuré concrètement l’état des stéréotypes envers les personnes handicapées, ce qui n’avait jamais été fait en France, et dans un deuxième temps, on a essayé d’identifier les facteurs qui pourraient permettre d’apprivoiser ces stéréotypes, en tout cas de réduire leur impact négatif sur les carrières et sur les interactions professionnelles.


Représentation sociale du handicap modifier

La première observation intéressante, première question qui est posée, directement, on proposait le mot handicap et les managers devaient écrire trois mots ou plus, qui leur venaient à l’esprit par rapport à ce mot handicap. Aussitôt après, on leur demandait, eux-mêmes de qualifier chacun de ces mots comme étant soit positif, soit neutre, soit négatif, puis on a juste compté. Sur 2975 évocations libres associées au mot “HANDICAP”, un peu plus de 1300 ont fait des évocations négatives, un peu plus de 700 ont fait des évocations positives et 500 des évocations neutres. Presque 50% des mots qui sont évoqués, sont des mots qu‘eux-mêmes ont jugés négativement. Ça veut dire que spontanément, quand j’entends le mot handicap, ce qui me vient à l’esprit, à hauteur de 50% des évocations, c’est du négatif. C’est beaucoup. On ne peut pas avoir la naïveté d’imaginer que cette évocation automatique soit sans conséquence sur la façon dont je vais interagir avec une personne que je ne connais pas et qui manifestement est en situation de handicap.


Stéréotypes : évocations libres modifier

La deuxième étape était vraiment de mesurer purement ce qu’est le stéréotype. C’est à dire quelle est votre image des personnes en situation de handicap. Même chose, ils évoquent des mots, ensuite on a qualifié les mots et on les a regroupés à travers des thèmes. Sur cette slide vous avez les trois thèmes majoritaires qui apparaissent avec leur fréquence d’apparition.


Le premier thème c’est vraiment des évocations positives pour 33,3% des personnes interrogées. C’est une bonne nouvelle ! Deux thèmes qui apparaissent, on les a déjà évoqués tout à l’heure, le premier celui de la combativité, du courage. « Les personnes en situation de handicap, vraiment chapeau, je suis admiratif… ». Cela est une qualité pour l’entreprise car c’est un signe de motivation et d’engagement.


La deuxième dimension, c’est celle des relations humaines. Ça devient un peu plus suspect. On nous dit, les personnes en situation de handicap sont forcément sympathiques, chaleureuses, accueillantes, souriantes … On est là, peut-être un peu dans un phénomène de compensation. « J’ai cette image un peu négative, alors qu’ils sont tellement combatifs, ça doit être tellement dur pour eux, que forcément ils sont un peu gentils, un peu sympathiques ». Je caricature mais à peine.


Le deuxième thème qui apparaît, qui est plus problématique, et qui pourtant paraît positif, c’est tout le discours très compassionnel sur le fait que les personnes en situation de handicap sont forcément des victimes pour 25,1% des personnes interrogées. Les mots qu’on nous a donnés sont forts. On nous dit qu’ils sont isolés, discriminés, mis à l’écart, maltraités… Évidemment on entend ça sur un versant, du côté du verre à moitié plein. On se dit qu’il y a des managers qui sont sensibilisés, qui ont conscience que ce n’est pas simple d’être en situation de handicap. D’abord, ils ne le savent pas vraiment. « Est-ce que vraiment j’ai ce sentiment là quand je suis en situation de handicap ? Difficile à dire… pas toujours en tout cas. Surtout, si vous regardez le verre à moitié vide. Vous comprenez qu’à force, d’avoir ce discours compassionnel, empathique, inconsciemment vous renforcez l’idée que vous êtes dans un groupe où la vie est dure. Si la vie est dure, ça veut dire qu’on a de bonnes raisons de penser qu’on est moins compétent, ou moins ceci, ou moins cela… Et sans le vouloir, on renvoie un message contre-productif. On finit par dire aux gens : «  Vous êtes tellement isolés que vous avez besoin qu’on vous aide. Si vous avez besoin qu’on vous aide, c’est que vous êtes inférieurs à nous ». CQFD (Ce qu’il fallait démontrer). C’est tout le problème de toutes les politiques d’accompagnement. Dès qu’on accompagne officiellement un groupe, on rend officiel le fait que ce groupe a besoin d’être accompagné. Et si on a besoin d’être accompagné, c’est qu’on est moins fort que les autres. C’est la même mécanique que le débat qui existe autour de la journée des femmes. Est-ce qu’il faut maintenir la journée des femmes, car ça renvoie un message qui consiste à dire que puisque c’est la journée des femmes c’est qu’elles ont besoin de ça, donc elles sont inférieures aux hommes. Ou est-ce qu’il faut arrêter car on a peur, justement que ça les stigmatise. Et en même temps, si on fait plus cette journée, on rate l’espace de réflexion autour de la journée des femmes. Le débat reste ouvert et il n’y a pas de bonnes opinions dans l’absolu.


Enfin le troisième thème, c’est tous les contenus de stéréotype qui sont négatifs pour 23,9% des personnes interrogées. Et là on retrouve une seule dimension qui englobe tout ce qui est dit, quelques soient les mots que l’on utilise, c’est vraiment la question de l’inemployabilité, avec un registre lexical assez varié. Ils sont moins fiables. Ils sont plus lents. Ils n’arrivent pas à travailler aussi bien. Ils sont fragiles. Ils sont moins adaptés aux contraintes professionnelles. Vous voyez cette espèce de stéréotype un peu à deux visages ? Ils sont formidables. Ils sont courageux mais je ne peux pas les faire travailler. Il y a cette espèce de double discours, où d’un côté on essaye de se dire « Ce n’est pas bien ce que je pense, et vraiment ces gens-là sont admirables au sens propre du terme… Mais concrètement, moi je ne peux pas les faire travailler dans mon entreprise. » Vous voyez bien comment ce double stéréotype, négatif et positif, a un impact sur l’image que les personnes en situation de handicap ont d’elles-mêmes.


Des différences d'appréciation modifier

Si on regarde maintenant dans le détail, on avait une question intéressante alors évidemment on regrette, après coup, de ne pas l’avoir posée sur tous les critères du handicap et pardon pour les susceptibilités lexicales mais on a fait exprès de prendre des mots du langage courant. On a basiquement proposé différents groupes et on a demandé au sujet de les évaluer sur une échelle de 1 à 9, allant de ,1 une opinion très négative, à 9, une opinion très positive. La moyenne de l’échelle, vous l’avez avec le trait vertical qui est à 5,5. Tous les scores qui sont au-dessus renvoient à une image qui est positive et tous les scores qui sont en dessous renvoient à une image qui est négative. De façon très intéressante, le groupe qui est le moins bien jugé, c’est le groupe des dépressifs. Ce qui ressort de plus en plus dans les études, c’est que le handicap qui est le plus difficile à gérer, en tout cas perçu comme tel par les managers, et qui génère des stéréotypes les plus négatifs, c’est le handicap psychique. Pour une raison simple, c’est qu’on n’y comprend rien. On n’est pas formé. On ne sait pas d’où ça vient. On ne sait pas où ça va. On ne sait pas qu’elles sont les compétences qui sont impactées. On ne sait pas quand est-ce que ça va s’arrêter. On ne sait pas quelles conséquences ça peut avoir sur les équipes, et la psychologie humaine déteste ne pas comprendre. Quand on ne sait pas, quand on ne comprend pas, on est en stress. On est dans ce que l’on appelle un état de perte de contrôle, et on ne veut pas perdre le contrôle de la situation. Alors quand je suis en stress, en perte de contrôle, je mets à l’écart. Avoir un stéréotype très négatif envers le handicap psychique, c’est une façon de mettre à l’écart. C’est ce qu’on appelle en psychologie sociale, un effet mouton noir, un effet brebis galeuse. Celui qui contamine le troupeau, je le mets à l’écart, justement pour ne pas qu’il le contamine. C’est une façon de mettre à distance le handicap psychique parce qu’il nous fait peur. Le seul moyen de domestiquer cela, c’est de le dédramatiser et de se cultiver sur le handicap psychique.


Perception du handicap psychique modifier

Dans cette étude faite l’an dernier, dans une très grande entreprise, on a voulu creuser cette question du handicap psychique. On constate que les managers, à très grande majorité, nous disent que ça leur fait peur à 85% pour les troubles bipolaires, à 49% pour les dépressifs et à 74% pour les névrosés. Quand on leur demande pourquoi cette peur, ils répondent à 91% qu’ils ont peur de mal agir, à 94% qu’ils ne savent pas gérer au quotidien, qu’ils ne le comprennent pas à 88%, qu’ils ont peur de la réaction de la personne à 86% et qu’ils ne connaissent pas son origine à 75%. On voit bien, finalement, que c’est à la fois une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle. Ce n’est pas si compliqué que ça de domestiquer la peur. Il faut juste apprendre, avoir des informations. Par exemple, quand vous dites à quelqu’un le mot schizophrène, tout le monde voit le crime dans Psychose de Hitchcock, avec celui qui assassine la personne qui est dans sa douche. C’est tellement loin de la réalité, un schizophrène est une personne qui a une particularité psychique, mais qui, pour beaucoup de postes, beaucoup de métiers est totalement adapté. Dites le mot schizophrène à n’importe quel manager ou recruteur, sur un CV ou lors d’un entretien, je peux vous garantir que dans 100% des cas on va écarter sa candidature. C’est juste une affaire de culture.


Des réactions ambivalentes modifier

Enfin, ce qui est intéressant dans cette étude, c’est de voir cette espèce de bipolarité des réactions par rapport au handicap psychique. On a demandé d’observer dans leur environnement les réactions des personnes par rapport au handicap psychique. On a autant de réactions positives que négatives. Ça veut dire qu’il y a une dimension émotionnelle forte dans la gestion du handicap. On ne peut pas rester neutre. Soit on est dans le rejet, soit on est dans l’empathie. On est toujours dans une forme de polarisation émotionnelle, dans la façon dont on va interagir avec les personnes en situation de handicap. Les émotions sont des accélérateurs du recours aux stéréotypes. Quand je suis dans une émotion forte, je perds de ma lucidité. On le voit bien quand on s’énerve vite en voiture, surtout quand c’est le soir et surtout quand il pleut. Quand on est dans une émotion forte, la tristesse, la colère, y compris la joie, on a une partie de nos ressources mentales dont on ne dispose plus. Sans ces ressources mentales, on ne peut pas tellement être lucide, ni être rationnel dans nos jugements. Toutes nos émotions accélèrent nos pensées magiques, dans lesquelles, on retrouve les stéréotypes. Encore une fois, dédramatisons le handicap, cultivons-nous sur le handicap. Rendons-le beaucoup plus banal qu’il ne l’est, et tout ira beaucoup mieux.