Psychologie des violences conjugales/Prévenir

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Chapitre no 3
Leçon : Psychologie des violences conjugales
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Introduction/Différents types de prévention

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Le rôle du psychologue selon le gouvernement français consiste en l'application de « mesures préventives et curatives »[1]. Il apparaît donc essentiel, dans le cadre de la psychologie des violences conjugales, de se pencher sur les méthodes de prévention de ce phénomène. La prévention est définie par l’OMS (1948) comme « l'ensemble de mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ».

Historiquement, la première campagne nationale de prévention contre les violences faites aux femmes en France remonte à 1989. Entre 2006 et 2016, quatres plans gouvernementaux de lutte contre les violences faites aux femmes ont été déployés.[2] Lors du Grenelle des violences conjugales de septembre 2019, un objectif de prévention est clairement formulé : « éradiquer dès le plus jeune âge les stéréotypes sexistes qui contribuent à la reproduction des violences, et abaisser le seuil de leur tolérance dans la société. » [3]

L’OMS (1948) propose une classification de la prévention en 3 catégories :

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  • La prévention primaire est définie comme « l'ensemble des actes visant à diminuer l’incidence d’une maladie dans une population et à réduire les risques d’apparition ». Elle cible les individus a priori en bonne santé, en l'occurrence la population générale. Ce type de prévention repose ainsi sur la promotion de comportements favorables à une bonne santé et sur la réduction des risques en dénonçant les comportements préjudiciables.

Un exemple de campagne de prévention: Yves Saint Laurent Beauty. En septembre 2020, face aux résultats alarmants d’un sondage sur les violences conjugales chez les jeunes, YSL lance un programme international pour prévenir les violences au sein du couple. Il développe en partenariat avec des associations locales, le programme de prévention “Aimer Sans Abuser”. Lors de courts spots télévisés, des personnalités lisent des témoignages de jeunes femmes victimes de violences conjugales. La campagne vise à sensibiliser les jeune-femmes en diffusant la parole de celles qui préfèrent souvent rester dans le silence, et ainsi les inciter à parler et à se défendre.

La campagne propose des affiches au design efficace, mettant en avant neuf signes pouvant alerter lors d’une relation abusive. Aimer sans abuser  : 9 signes d'alerte, Yves Saint Laurent

  • La prévention secondaire « consiste à identifier le problème de santé à son stade le plus précoce et à appliquer un traitement rapide et efficace  ». Appliquée aux violences conjugales, elle a pour but de réduire la prévalence des violences au sein des foyers et de diminuer les facteurs de risque de répétition de ces violences.

De nombreux facteurs de risque sont associés à l'apparition de violences : conflits familiaux, maltraitance infantile, événement traumatique, grossesse, troubles addictifs au sein du couple, … Il est notable par exemple que la documentation de prévention proposée par Addiction France tient compte du risque de violences conjugales [4].

  • La prévention tertiaire a pour but de réduire la progression et les complications des problèmes de santé. Elle consiste en un ensemble de mesures prises afin de diminuer les incapacités, les invalidités et les inconvénients, ainsi qu’à améliorer la qualité de vie des personnes affectées. Dans le cadre des violences conjugales, la prévention tertiaire cible la prise en charge des victimes, des auteurs et de l’entourage notamment les enfants.

La classification de l’OMS met en lumière que la prévention des violences conjugales ne concerne pas uniquement les victimes, mais englobe un ensemble d'acteurs. Il est aussi essentiel d'adapter les stratégies de prévention au contexte individuel et sociétal. Nous détaillerons dans cette partie sur la prévention des violences conjugales les méthodes et le rôle de la prévention pour chacun des acteurs. Nous aborderons successivement la prévention centrée sur les victimes, la prévention centrée sur les auteurs, la prévention au niveau systémique et la prévention pratiquée par les professionnels de santé. Nous évoquerons pour finir la prévention pratiquée dans les pays anglo-saxons.

Prévention centrée sur les victimes

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Prévention primaire

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Bien que la prévention primaire s’adresse initialement à la population générale, elle peut également être adaptée pour sensibiliser spécifiquement les victimes potentielles de violences conjugales. En fournissant des informations sur les comportements protecteurs et à risque, ainsi que sur les ressources disponibles pour obtenir de l'aide, ces initiatives peuvent aider les victimes à reconnaître et à nommer leur situation, ce qui est souvent le premier pas vers la recherche de soutien.

Adaptation des Outils de Communication :

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Sans nier l’existence de violences envers les hommes, les prévalences montrent que ce sont les femmes qui sont majoritairement touchées par les violences conjugales. En ce sens, nombre de campagnes et actions sont menées à l’encontre des violences faites aux femmes. Nous pouvons noter que le projet de stratégie nationale de santé pour 2023-2033 aborde les « violences au sein du couple » dans la partie 4.1.7 intitulée «Repérer et protéger les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles». Les violences au sein du couple s’avèrent être un problème majeur de santé publique, notamment en termes de protection des femmes victimes de leur conjoint masculin. Dans ce sens, la majorité des travaux de recherche sont ciblés sur les couples hétérosexuels [5].

Cependant, il est important de noter que d’autres populations sont elles aussi à risque de subir des violences au sein du couple, notamment les personnes en situation de vulnérabilité comme les adolescents (plus enclin aux violences réciproques) et les personnes LGBTQIA+. Peu de campagnes de prévention ciblent ces publics. Il est crucial d'adapter les outils de communication à chaque public. Par exemple, des flyers, des vidéos éducatives, des affiches, ou des journées de sensibilisation peuvent être utilisés pour atteindre différentes populations. Un exemple notable est la campagne de sensibilisation de la fédération LGBTI+ adressée aux couples de femmes en 2021, reconnaissant ainsi les besoins spécifiques de ce groupe: "ENFIN UNE CAMPAGNE SUR LES VIOLENCES CONJUGALES ENTRE FEMMES !"[6]

Encouragement à la Parole :

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Les initiatives de prévention primaire visent également à encourager la libération de la parole chez les victimes. En reconnaissant et en nommant les violences conjugales comme inacceptables, ces campagnes contribuent à briser le silence et à inciter les victimes à chercher de l'aide. Sur ce site du gouvernement, vous pouvez retrouver tous les outils de communication qui participent à la prévention des violences et aux meilleurs repérages des victimes : Les outils de communication | Arrêtons les violences [7] En adaptant les stratégies de prévention primaire, il est possible de sensibiliser davantage de personnes concernées par cette problématique, de les encourager à reconnaître leur situation, et de les orienter vers les ressources appropriées pour obtenir de l'aide et se mettre en sécurité.

Prévention secondaire

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La prévention secondaire vise à réduire la prévalence des violences conjugales en dépistant et repérant les signaux. Elle cible tous les individus susceptibles de subir ou faire subir des violences. Bien que les femmes soient les plus touchées (86% des victimes de violences conjugales sont des femmes[8]), il est important de cibler tous les individus potentiellement concernés et de rester vigilants, surtout en présence de facteurs de risque associés.

Repérage précoce

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Il est crucial de reconnaître que les violences conjugales ne se limitent pas aux seules manifestations physiques. Elles peuvent également être psychologiques, économiques, ou se manifester sous forme de cyberharcèlement… Chacune de ces formes de violences sont à observer dans des trajectoires individuelles selon différents paramètres [9]. Trois facteurs sont souvent utilisés pour étudier les dynamiques des violences conjugales :

  • Occurrence : déterminer la chronicité des comportements violents dans la relation (ex : déterminer s’il y a eu un épisode de violence sur une période donnée)
  • Fréquence : S’il y a occurrence, la fréquence permet de déterminer le nombre de comportements violents sur cette période
  • Gravité : prend en considération les conséquences potentielles, au sens large, sur la victime

Les études ont montré que ces paramètres ne sont pas stables dans le temps, qu’ils varient d’une relation à l’autre et même au sein de la même relation. Cependant, de manière générale, la fréquence des violences au sein du couple semble augmenter au fil du temps [10]. Il semble donc important de pouvoir les dépister et les repérer le plus tôt possible.

Les différents acteurs de santé sont concernés par la prévention des violences conjugales. La question du repérage systématique par les professionnels de santé et notamment les médecins généralistes se pose et sera détaillée dans une partie spécifique. D’autres acteurs de la vie civile sont sollicités. Les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ont édité une brochure à destination des entreprises.

Facteurs de vulnérabilité

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Certains groupes de population, tels que les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, celles souffrant de troubles psychiatriques, ou ayant des problématiques d'addictions, présentent des vulnérabilités auxquelles les violences conjugales peuvent se surajouter. Une attention particulière doit être portée à ces personnes, qui peuvent être dépendantes de leur partenaire pour les soins. Notons également que la barrière de la langue est un véritable facteur de vulnérabilité. Les femmes d’origine étrangère et avec des repères culturels autres, se retrouvent encore plus isolées face à ces comportements violents.

Sensibilisation à la diversité

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Il est également crucial de prendre en compte la diversité des situations, notamment en ce qui concerne l'orientation sexuelle. Les personnes LGBTQIA+ peuvent rencontrer des difficultés supplémentaires dans l'identification et la dénonciation des violences conjugales en raison de stigmatisations ou de peurs spécifiques. Une étude a montré que les personnes LGBTQIA+ étaient plus enclines à parler des violences qu’elles subissent à leurs proches ou à des associations qu'à des professionnels de santé [11]. Il semble donc important de sensibiliser la population générale aux violences conjugales et notamment à leur repérage. Des ressources sont disponibles pour toutes les victimes, leur proches, ainsi que les professionnels pour aider aux repérages et à l’orientation des personnes victimes:

Un numéro d’écoute et d’orientation gratuit et anonyme pour aider les femmes victimes de violence est également disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et en 12 langues: 3919

Prévention tertiaire

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La prévention tertiaire s’inscrit dans une perspective curative. Elle vise à réduire les effets et les séquelles chez les personnes victimes de violences conjugales, en mettant l'accent sur leur mise en sécurité. Elle repose sur l'efficacité de la prévention secondaire, c'est-à-dire sur le repérage précoce des victimes.

Mise en sécurité

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En cas de danger imminent, la victime peut contacter le 17 ou le 115. Si le danger n’est pas imminent, il est important que la victime puisse parler de sa situation avec une personne de confiance qui saura l’écouter et l’orienter en fonction de ses besoins. Différentes possibilités se présente à elle : contacter des professionnels de santé, faire appel à des association nationales Les associations de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles | Arrêtons les violences, à des associations locales Liste des associations | Arrêtons les violences ou contacter le 3919.

Signalement des faits à la police ou à la gendarmerie

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Si la victime souhaite porter plainte, les policiers et des gendarmes ont l’obligation d’enregistrer la plainte de la victime (même sans certificat médical). Si la victime ne souhaite pas porter plainte, il est possible de faire une déclaration sur main courante (police) ou un procès-verbal de renseignement judiciaire (gendarmerie). D’autres alternatives s’offrent aussi à la victime : il est possible de signaler des faits de violences conjugales en ligne et d’échanger avec des policiers et gendarmes formés à ce type de violence : Accueil | Service-Public ; Utiliser l’application « Mémo de vie » permet à la victime de sécuriser, dans un coffre-fort numérique, les documents essentiels qu’elle souhaite protéger dont les preuves des événements violents qu’elle a pu subir. L’objectif est de documenter au mieux leur situation, afin de faciliter la plainte (si elle le souhaite) et l’enquête.

Dispositifs de protection juridique et d’aide au victimes

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L’ordonnance de protection (civil) est une mesure juridique qui offre une protection judiciaire à la victime et à ses enfants. Elle comprend des dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale et à l'attribution du logement de couple, attribution d’un hébergement d’urgence, des mesures d’interdictions... En France, elle est délivrée par un juge aux affaires familiales. Le ministère de la justice a créé un guide pratique de l’ordonnance de protection (Aout 2022) que vous pourrez retrouver sur leur site.

Le contrôle judiciaire et l’interdiction d’entrer en contact (pénal) est une mesure qui permet de restreindre la liberté d'une personne soupçonnée d'une infraction pénale (acte interdit par la loi) et passible de sanctions pénales lorsqu'elle encourt une peine de prison. Pour avoir plus d’informations sur le contrôle judiciaire, vous pouvez cliquer sur le lien suivant : Contrôle judiciaire | Service-Public (site web).

Le bracelet anti rapprochement (mesure civile ou pénale) est un dispositif de surveillance électronique qui permet de géolocaliser une personne à protéger et un auteur réel ou présumé de violences conjugales. Si la zone interdite n’est pas respectée, les forces de l’ordre peuvent intervenir et mettre la victime en sécurité.

Le dispositif « Téléphone Grave Danger » (TGD) : Le juge aux affaires familiales ou le procureur de la république, peuvent demander à équiper la victime d’un téléphone portable disposant d’une touche « raccourci » préprogrammée spécifique, permettant à la victime de joindre, en cas de grave danger, un service de téléassistance, accessible 7j/7 et 24h/24. L’objectif de ce dispositif est de prévenir les nouveaux faits de violences que pourrait subir la victime.

Le Pack Nouveau Départ est une aide financière qui permet aux victimes de faire face aux différentes dépenses lorsqu’elles quittent le foyer en attendant de trouver une situation stable et durable. Pour plus d’informations sur le dispositif « Nouveau Départ », consultez le site web suivant : Aide d'urgence et Pack nouveau départ | Égalité-femmes-hommes.

La victime, en cas de départ du domicile, peut demander un hébergement d’urgence auprès du Samu social (numéro 115).

Pour les femmes étrangères victimes de violence, la délivrance et le renouvellement des titres de séjours est gratuit.

Pour plus d’informations sur les différentes mesures : Violences au sein du couple la loi avance (arretonslesviolences.gouv.fr)

En mettant en œuvre ces différentes mesures de prévention tertiaire, il est possible de réduire les effets néfastes des violences conjugales et de garantir la sécurité des victimes.

Prévention centrée sur les auteurs

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En 2019, le gouvernement lance le Grenelle de lutte contre les violences conjugales, qui vise à identifier les améliorations dans la mise en œuvre des initiatives précédentes et à transformer les pratiques professionnelles. Différentes mesures sont prises:

  • Favoriser la libération de la parole et le signalement
  • Protéger des victimes
  • Mieux connaître les profils socio-démographiques des auteurs
  • Évaluer la dangerosité criminologique des auteurs
  • Prévenir les violences conjugales liées aux addictions: dans près d’un quart des cas, il est constaté au moment des faits la présence d’au moins une substance susceptible d’altérer le discernement de l’auteur et /ou de la victime (alcool, stupéfiants, médicaments psychotropes).
  • Renforcer les mesures de suivi de l’auteur et de prévention de la récidive

À l’issue de ce Grenelle, le Gouvernement a annoncé la création de Centres de Prise en Charge des Auteurs (CPCA)[12] afin de favoriser la prévention du passage à l’acte et de la récidive. Ces centres proposent une prise en charge globale et pluridisciplinaire des auteurs de violences conjugales, qu’ils soient volontaires ou placés sous main de justice. Les CPCA s’inscrivent dans une prise en charge globale des auteurs de violences au sein du couple, engagés dans une démarche judiciaire ou volontaire. Cette prise en charge vise à la réalisation d’un parcours articulé autour de différentes actions comme des stages centrés sur la responsabilisation, un accompagnement psychologique, un accès aux soins en matière d’addiction, une réinsertion professionnelle, un accompagnement à la parentalité, etc.

En 2020, face à la crise sanitaire, une observation est faite de l’augmentation des risques de violences conjugales, amenant à une question de la prévention et de la protection des victimes ainsi que de l’éviction du conjoint violent, et nécessitant de la mise en place d’action efficaces.. Deux nouveaux dispositifs initiés par le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes ont été mis en place dès le mois d’avril 2020 :

  • La plateforme de recherche de solutions temporaires d’hébergement des auteurs faisant l’objet d’une procédure d’éviction, pour protéger les femmes et les enfants victimes et leur permettre de rester à domicile, portée par le Groupe SOS[13];
  • Le numéro Ne frappez pas, dédié aux auteurs, aux potentiels auteurs et à leur entourage, porté par la Fédération nationale des associations & centres de prise en charge d’auteurs de violences conjugales et familiales (FNACAV)[14].

Numéro Ne frappez pas: 0 801 90 1911

Prévention plus systémique

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Au-delà de la prévention centrée sur les victimes et de la prévention centrée sur les auteurs, d’autres formes de prévention plus systémiques peuvent aider à prévenir un phénomène qui touche la société dans son ensemble.

Plusieurs mécanismes psychologiques apportent des pistes explicatives sur le développement d’un climat social qui permet aux violences conjugales de perdurer dans le temps. Ces mécanismes interviennent dans d’autres phénomènes de grande ampleur, tels que le réchauffement climatique ou les dangers du tabac, qui ont mis longtemps à se faire une place dans le débat public et à s’imposer comme véridique pour la majorité des personnes alors qu’un consensus scientifique existait déjà depuis plusieurs décennies.

La théorie du désengagement moral de Bandura se base sur les théories de l’agentivité et stipule que les individus peuvent désengager sélectivement leur propre jugement moral dans certains contextes selon un mécanisme proche de la dissonance cognitive [15]. Ce désengagement serait une forme d’autorégulation de l’individu lui permettant de conserver une cohérence interne pour ne pas ressentir de culpabilité lorsqu’il s’autorise à suspendre sa morale. Ce désengagement moral peut prendre plusieurs formes : justifier leurs actions au service d’une cause que la personne estime juste, minimiser les effets négatifs de ses actions, diluer sa propre responsabilité dans celle des autres, diaboliser ses adversaires… Bandura a élargi ce concept pour décrire comment la suspension de la moralité à l’échelon d’une société peut conduire à des guerres, des génocides, des crimes contre l’Humanité. Les mouvements de prise de conscience féministe et anti-raciste de la décennie 2020 participent certainement de ces phénomènes existant de longue date qui ont mis du temps à être pris au sérieux et considérés à l’aune de leur ampleur véritable. Dans le domaine des violences conjugales, des chercheurs suisses ont montré que le désengagement moral participe à la capacité des auteurs de violence conjugales à reconnaître ou non les faits qui leur sont reprochés [16].La prise de conscience et la sensibilisation sur le fait que ce type de processus peut être à l’œuvre dans l’inertie de la société et des individus à prendre conscience d’un phénomène est un axe de prévention métacognitif qui semble important à prendre en compte.

Un autre axe de compréhension vient de la psychologie sociale avec l’identification des biais cognitifs et leur implication dans de nombreux fonctionnements des individus au sein des groupes qui peuvent aller jusqu’à imprégner des phénomènes sociétaux tout entiers. Parmi ces biais cognitifs, « l’effet du témoin » aussi appelé « effet Kitty Genovese » a été décrit suite à un fait divers de 1964 dans lequel Kitty Genovese a été assassinée et violée en pleine rue à New-York après avoir couru et appelé à l’aide pendant de nombreuses minutes, sans qu’aucun des témoins ne l’aide ni n’appelle les secours [17]. Ce fait divers a suscité l’incompréhension des citoyens américains et conduit aux premières expériences de John Darley et Bibb Latané. Ils ont montré que plus il y a de personnes qui assistent à une situation où une personne est en danger, plus le sentiment de responsabilité individuelle à agir diminuait, ce qui conduisait à retarder ou annuler la capacité à intervenir.

Le modèle « Confronting Prejudice Responses » décrit les 5 étapes par lesquelles passe un témoin avant de fournir ou non de l’aide :

  • Remarquer la situation
  • Identifier la situation comme une urgence
  • Reconnaître sa responsabilité personnelle à agir
  • Connaître les moyens d’intervention appropriés pour venir en aide
  • Intervenir concrètement pour aider

Ce modèle permet d’expliquer pourquoi il peut être difficile d’intervenir quand on assiste à des faits violents et une prévention spécifique est nécessaire pour inciter les témoins de violences conjugales à agir et à connaître les meilleures façons d’agir. Ce type de prévention secondaire se développe au sein de l’initiative gouvernementale « Arrêtons les violences » dans lequel un axe intitulé « Je suis témoin » permet de s’informer sur ce que chacun peut faire lorsqu’il est témoin de violences sur autrui dans la sphère publique et privée [18].

Par ailleurs, une revue de la littérature québécoise a mis en lumière certains mécanismes qui amplifient et contribuent à un climat social permissif à l’égard des personnes qui commettent des violences sexuelles [19]. Trois grandes thématiques sont identifiées :

  • L’adhésion aux mythes du viol qui regroupent toutes les fausses croyances concernant les violences sexuelles dont la fonction est de normaliser ou justifier les violences sexuelles,
  • L’adhésion à la hiérarchie des genres qui renvoie à l’idée que les femmes et les hommes ont un statut social différent : paternel et proactif pour les hommes, protecteur et bienveillant pour les femmes,
  • L’adhésion aux rôles de genre traditionnels qui renvoie à l’idée que les sexes sont différents par essence dans leurs attributs, leurs intérêts et leurs rôles (ex : les femmes doivent être gentilles et conciliantes et les hommes autonomes et autosuffisants).

Au niveau systémique, ces facteurs entraînent une attribution du blâme plus forte aux victimes et plus faible pour les auteurs, une plus forte remise en question de la crédibilité des victimes, un niveau d’empathie plus faible pour les victimes. Ils amènent à fournir aux victimes un soutien plus faible ainsi qu’une moindre reconnaissance de la sévérité des gestes commis et de leurs conséquences et à attribuer des sanctions plus clémentes aux auteurs de violences sexuelles. Pour prévenir la propagation des trois facteurs identifiés, les auteurs proposent de généraliser la sensibilisation aux problématiques des stéréotypes de genre auprès des parents et des professionnels de l’éducation. Ils préconisent également une sensibilisation auprès des policiers et des professionnels de la justice par le biais de la formation continue, auprès des médias concernant les messages véhiculés dans les programmes et la publicité et auprès des adolescents en introduisant la notion de relations amoureuses égalitaires dans le cadre des modules d’éducation sexuelle.

Dans ce sens, en France, de nombreuses actions d’éducation à la vie affective, de déconstruction des stéréotypes sexistes et de prévention des violences sont réalisées chaque année auprès des jeunes, aussi bien dans les écoles et établissements scolaires que hors milieu scolaire (centres sociaux, missions locales, etc.). Elles s’avèrent indispensables pour prévenir l’apparition de violences sexistes, qu’il s’agisse des violences dans les relations amoureuses entre les jeunes, des violences sexuelles, des cyberviolences sexistes ou encore de la prostitution. Au sein de l’Éducation nationale, les « parcours de santé » et « parcours citoyen » en particulier peuvent intégrer la prévention de ces comportements violents.

De plus, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a rendu obligatoire l’intégration dans les formations initiales de plusieurs catégories professionnelles, de la problématique des violences faites aux femmes et permis l’élargissement de l’offre de formation continue et d’outils par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des humains (MIPROF), ainsi que la création de diplômes et de stages de formation par les employeurs publics.

Une initiative de prévention auprès des adolescents a été mise en place en 2022 auprès de 800 collégiens en Essonne, à l’initiative des gendarmes de la Maison de Protection des Familles, en s’appuyant sur des fiches pédagogiques reprenant des situations de relations amoureuses présentant des caractéristiques de diverses formes de violence au sein du couple pour les sensibiliser et être capable de les reconnaître dans leurs propres relations [20].

Auprès des enfants, l’implantation de programmes en contexte scolaire visent principalement à modifier les comportements, à sensibiliser à la violence dans les relations amoureuses et à augmenter les connaissances sur ce sujet. Les interventions déployées régulièrement et sur la durée, qui comportent plusieurs composantes et qui agissent à différents niveaux du modèle écologique, obtiennent de meilleurs résultats quant à l’augmentation des connaissances, à la modification des attitudes et, plus marginalement, des comportements. Des supports visuels comme ceux de la brochure « quand on te fait du mal » permet le dialogue et le repérage de violences dont les enfants ont été victimes ou témoins [21].

En France, les progrès en matière de prévention au niveau institutionnel passent par des initiatives de prévention directe mais également par la multiplication des moyens d’expression sur les violences conjugales dont les personnes ont été victimes ou témoins.

Suite au grenelle des violences conjugales de 2019, un fichier de prévention des violences intra-familiales a été pensé pour favoriser la collaboration et fournir des ressources complémentaires afin de permettre aux autorités et judiciaires de coordonner leurs actions, d’identifier plus facilement et d’appliquer des plans d’action précoces de prévention [22].

Enfin, l’identification des facteurs de risque ou de protection contre les violences conjugales interviennent à différents échelons et dans plusieurs sphères (familiale, professionnelle, communautaire, sociétale) et les leviers pour agir sur ceux-ci se situent dans différents secteurs complémentaires (santé, éducation, loisirs et sports, justice, sécurité, économie etc.). Parmi eux, les facteurs situationnels peuvent exacerber ou accroître la sévérité de la violence conjugale. La prévention de ces facteurs constitue donc un double enjeu de santé en raison des risques liés au facteur en lui-même et de ses conséquences sur les violences interpersonnelles. Ces facteurs ne sont pas la cause première de la violence conjugale mais gravitent autour de plusieurs types de violence et nécessitent d’intervenir spécifiquement. Parmi ces facteurs, la possession d’arme ou l’usage excessif de substance, notamment l’alcool, sont des exemples fréquents. Différentes mesures axées sur les environnements ou sur les personnes sont à considérer pour agir sur ces facteurs [23].

Prévention impliquant les professionnels de santé

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La prévention des violences conjugales engage en premier lieu les professionnels de santé. Dans une publication du 21 novembre 2023, le ministère de la Santé et de la Prévention réitère son fort engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et met à disposition un Guide d’aide au signalement des professionnels de santé sur les violences conjugales élaboré conjointement avec les conseils nationaux des ordres des professions de santé [24].

Tous les professionnels de santé sont concernés dans leur pratique mais les professionnels intervenant en première ligne le sont plus particulièrement : médecin généraliste, médecin urgentiste, pédiatre, gynécologue médical, gynécologue obstétricien, psychiatre, médecin du travail, sage-femme, infirmier(e) des urgences et libéral(e), infirmier(e) puériculteur(trice), chirurgien-dentiste, masseur kinésithérapeute. En France, la Haute Autorité de Santé (H.A.S.) a publié en juin 2019 une recommandation de bonne pratique intitulée « Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple » dans laquelle il est précisé que les professionnels de santé de premier recours devraient interroger systématiquement leurs patientes sur l’existence actuelle ou passée de violences conjugales, même en l’absence de signes d’alerte [25].

Afin de faciliter l'application par les praticiens généralistes de la directive, la commission chargée d’analyser l'impact des recommandations de la HAS a fait appel, en 2022, au soutien de l'équipe spécialisée en sciences comportementales de la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP). Des outils ont ainsi été mis à disposition des professionnels de santé pour les accompagner dans le repérage des femmes victimes de violences au sein du couple. Un outil d'aide au repérage des violences conjugales, à destination des médecins généralistes a été élaboré après une étude pilote [26].

La Haute Autorité de Santé (HAS), en partenariat avec Le Quotidien du Médecin, a orchestré un webinaire intitulé « Les violences conjugales : une nécessité de dialogue pour une détection améliorée », le 22 juin 2023 .

Toutefois, le sujet reste difficile à aborder

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Pour observer l'évolution des pratiques des médecins généralistes, la HAS a institué un baromètre en collaboration avec l'institut BVA : près de 1000 femmes ont été sollicitées en octobre 2022 et en octobre 2023 afin de déterminer si le sujet avait été abordé lors de leur consultation médicale [27]. Les données recueillies par ce baromètre révèlent une stagnation des pratiques. En 2022, tout comme en 2023, un faible pourcentage de femmes rapporte avoir été interrogé par leur médecin généraliste concernant leur relation avec leur partenaire (14 %), et une proportion encore moindre indique avoir été directement questionnées sur d'éventuelles violences conjugales (3 %). Pourtant, parmi les répondantes, une femme sur cinq déclare subir ou avoir subi des violences (physiques, verbales, psychologiques, sexuelles, etc.) de la part de leur partenaire.

Un sujet que les femmes sont pourtant disposées à évoquer

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Contrairement aux appréhensions exprimées par certains professionnels, 96 % des femmes interrogées estiment qu'un questionnement systématique par leur médecin est bénéfique (48 % considérant cela comme une très bonne chose, et 48 % comme plutôt une bonne chose). En réponse à une série de questions, 9 femmes sur 10 jugent même que l'abord de ce sujet durant une consultation est à la fois important, légitime et réconfortant [28].

Le rôle des sage-femmes et des professionnels de la reproduction

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Le rôle des sage-femmes et de tous les professionnels de la reproduction est déterminant pour plusieurs raisons. La grossesse est reconnue comme un moment privilégié pour dépister les violences passées ou actuelles, subies par une femme. Le suivi relativement rapproché sur cette période est propice pour le thérapeute à l’accumulation d’indices et permet d’établir une alliance thérapeutique qui peut amener la patiente à se confier. C’est, de plus, une période à risque pour le début ou l’aggravation de comportements violents.

Le repérage doit débuter lors de la première visite prénatale et se poursuivre au moins une fois par trimestre ainsi que lors de la visite du post-partum. Il doit avoir lieu avec la patiente seule. Lors de cet entretien il est recommandé d’éviter l’utilisation de termes trop « bruts » tels que « viol », « violence », « battue », « agression » et de ne pas porter de jugement. Le repérage de violences chez toutes les patientes consultant un professionnel de la reproduction doit être répété périodiquement. Beaucoup d’éléments doivent conduire le professionnel à rechercher une situation de violence : Des signes de dépression ou des problèmes de santé mentale, l’abus de substances, une demande répétée de test de grossesse alors que la patiente ne souhaite pas être enceinte, des infections sexuellement transmissibles à répétition ou des demandes de tests, l’expression de la crainte chez la patiente quand il lui est demandé d’utiliser un préservatif avec son partenaire.

La notion de repérage doit être présentée à la patiente comme une pratique systématique de l’entretien clinique, et dès le début, elle doit être informée du caractère confidentiel de cet échange, imposé par la loi. Même si la patiente ne révèle pas des actes de violences à son encontre, le simple fait d’en discuter dans un contexte de soins et d’avoir à disposition des documents d’information peut être d’une aide considérable. Proposer à toutes les patientes des documents d’information constitue une stratégie efficace pour aborder le sujet des violences conjugales sans craindre de stigmatisation.

L’implication des pharmaciens dans le dépistage des violences familiales

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L’implication des pharmaciens dans le dépistage des violences familiales est avéré depuis la crise sanitaire liée au COVID-19. Un dispositif d’alerte impliquant directement le pharmacien a alors été mis en place en France en collaboration entre le ministère de l’Intérieur et le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Cette implication exige de faire savoir aux potentielles victimes que la pharmacie est un lieu d’accueil, exempt de tout jugement, où elles peuvent s’exprimer librement. Pour ce faire, des affiches sont disponibles.

La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences a conçu des kits de formation destinés aux professionnels. Ces kits, nommés Anna (pour les violences au sein du couple), Elisa (pour les violences sexuelles), ainsi que Tom et Léna (pour l'impact des violences conjugales sur les enfants), sont recommandés aux pharmaciens. Le cinquième plan de mobilisation et de lutte contre toutes les formes de violences à l'égard des femmes envisage également la formation de ces professionnels, notamment par le biais de l'élaboration de fiches réflexes. Une de ces fiches, élaborée en collaboration avec le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens concerne les procédures de signalement des violences familiales aux autorités policières. Elle détaille les démarches pratiques de prise en charge et la manière dont les pharmaciens peuvent orienter les victimes vers les instances compétentes. Il est envisagé d'élaborer un protocole plus exhaustif, regroupant les méthodes de dépistage, de reconnaissance et d'accompagnement au sein des officines, notamment en ce qui concerne les conseils à dispenser.

Grâce à sa présence étendue sur le territoire et à sa disponibilité constante auprès de la clientèle, le pharmacien s'affirme comme un intervenant important pour le dépistage des violences conjugales. Il bénéficie d'un éventail d'outils pour assurer la prise en charge des personnes victimes de violences conjugales, ce qui lui permet de faire de son officine un lieu de refuge dans les situations d’urgence. Afin d'exercer pleinement son rôle il doit acquérir une maîtrise totale de ces instruments et se perfectionner dans la gestion des situations susceptibles de se présenter à lui.[29]

Une liste de messages clés définis par la HAS

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Une liste de messages clés définis par la HAS récapitule les points importants concernant l’attitude à avoir pour tous les professionnels de santé confronté à la violence conjugale

  1. Manifester son implication envers ce sujet en disposant par exemple des affiches et des brochures à disposition des patients au sein de la salle d’attente
  2. Interroger de manière systématique, même en l'absence de signes évidents, sur la question de la violence au sein du couple, car celle-ci affecte toutes les tranches d'âge et tous les milieux socio-culturels. Un dépistage précoce revêt une importance capitale, car les actes de violence tendent à s'aggraver et à se multiplier avec le temps.
  3. Accorder une attention particulière à cette question lors des périodes de grossesse et de post-partum.
  4. Adopter une attitude empathique et bienveillante. Être dans le non-jugement
  5. Prendre en considération l’incidence sur les enfants résidant au domicile afin de leur garantir une protection adéquate. Toute forme de violence au sein du couple représente une forme de maltraitance pour les enfants qui en sont témoins.
  6. Exposer les caractéristiques propres aux violences conjugales dans le but de décharger la patiente de toute culpabilité et de la soutenir dans ses démarches et spécifiquement : les diverses formes de violences (psychologiques, verbales, physiques, sexuelles, économiques), souvent récurrentes et cumulatives, et le fait que ces violences suivent un schéma cyclique, s'intensifiant et se répétant de façon croissante au fil du temps.
  7. Évaluer les signes de gravité : Si besoin mettre en place des mesures de protection.
  8. Rédiger un certificat médical ou une attestation professionnelle : ces documents peuvent être exploités pour faire valoir les droits de la victime et solliciter une mesure de protection.
  9. Effectuer un signalement : Avec le consentement de la victime, informer le procureur de la République des abus ou des négligences constatés, sans divulguer l'identité de l'auteur des actes. Il est notable que cet accord n'est pas requis si la victime est un mineur ou une personne vulnérable.
  10. Informer et guider la victime en fonction de la situation. Informer la victime de son droit de déposer plainte en soulignant que les actes de violence sont proscrits et passibles de sanctions pénales. Orienter la victime vers des structures associatives, judiciaires et sanitaires susceptibles de lui apporter une assistance appropriée.

A ces fins, il est important de constituer un réseau de professionnels impliqués.

Un questionnaire de dépistage spécifique adapté en pratique courante

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L’outil de dépistage Woman Abuse Screening Tool (WAST) est validé en version française. L’adaptation transculturelle du WAST a montré une bonne validité et une excellente capacité de discrimination entre les femmes victimes de violence conjugale et non victimes. Il comprend seulement 8 questions et est adapté pour le dépistage en pratique courante. Il peut aider les professionnels de santé à repérer de manière précoce les femmes subissant des violences et ainsi optimiser leur prise en charge [30].

Un dispositif innovant qui s’adresse aux futurs professionnels de santé: “Le serious escape Game”

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Un nouveau dispositif de formation sur les violences conjugales s’adressant aux futurs professionnels de santé a été testé : Le dispositif 146. Il est proposé en formation continue à la faculté de médecine de Brest, dans les locaux du Cesim Santé. Il est également mis à la disposition des formateurs qui souhaiteraient l’utiliser en formation initiale. L’enjeu, pour la période à venir, est l’intégration de ce jeu dans le cursus universitaire et l’alignement de la formation en études de santé (pour toutes les spécialités) avec les orientations et les dispositions légales concernant les violences conjugales. [31]

Ouverture sur un modèle anglo-saxon

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L'approche anglo-saxonne de la prévention des violences conjugales met un accent particulier sur la mobilisation communautaire et la transformation des normes sociales pour lutter contre ce fléau [32] [33].

Les Tribunaux Spécialisés

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Les tribunaux spécialisés en violence domestique (Specialized Domestic Violence Courts - SDVC) sont une autre caractéristique importante du modèle anglo-saxon. Ces tribunaux sont conçus pour traiter les affaires de violence domestique de manière plus efficace et sensible. Ils favorisent une approche intégrée où les juges, les procureurs, les avocats de la défense, et les services de soutien aux victimes travaillent en étroite collaboration pour offrir une justice rapide et appropriée. Les SDVC ont démontré leur efficacité en réduisant la récidive et en améliorant la sécurité des victimes grâce à des mesures de protection immédiates et continues​​.

Le Rôle des IDVA

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Les Indépendant Domestic Violence Advisors (IDVA) jouent un rôle crucial dans le soutien aux victimes de violence domestique dans le modèle anglo-saxon. Les IDVA fournissent un soutien personnalisé aux victimes, les aident à naviguer dans le système judiciaire, et coordonnent les efforts entre différentes agences pour assurer que les besoins des victimes sont pris en compte de manière holistique. Leur travail a été essentiel pour réduire la violence et améliorer la sécurité des victimes, en particulier lorsqu'elles sont intégrées dans des approches telles que les Multi-Agency Risk Assessment Conferences (MARAC)​​.


Mobilisation Communautaire et Transformation des Normes Sociales

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La réponse communautaire coordonnée (Coordinated Community Response - CCR) est une stratégie qui vise à réunir différentes parties prenantes, telles que la police, les services de santé, les organisations non gouvernementales (ONG), et les services sociaux, pour élaborer une réponse unifiée et complète aux situations de violence domestique​​. L'objectif principal est de maximiser l'impact des interventions en combinant les ressources et les expertises de chaque agence.

Par exemple, le programme SASA! utilise une méthodologie en quatre phases (Start, Awareness, Support, Action) pour transformer les déséquilibres de pouvoir entre les sexes et promouvoir des relations plus équilibrées et respectueuses au sein des communautés. En encourageant une discussion critique et des actions positives, ce type de programme vise à réduire l'incidence des violences par une approche holistique et participative.

Importance de la Formation et du Soutien des Acteurs Locaux

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Un autre aspect clé de l'approche anglo-saxonne réside dans la formation et le soutien des acteurs locaux. La réussite des programmes repose en grande partie sur l'engagement des leaders communautaires et des institutions locales, qui sont formés pour intégrer de nouvelles idées et pratiques dans leurs rôles quotidiens. Par exemple, dans SASA! Together, les leaders communautaires et les institutions sont activement impliqués pour influencer les normes sociales et soutenir les femmes victimes de violences [34].

Innovation et Évaluation Continue

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Les initiatives anglo-saxonnes mettent également l'accent sur l'innovation et l'évaluation continue. Les programmes sont souvent révisés et améliorés en fonction des retours d'expérience et des nouvelles recherches. Cette flexibilité permet d'adapter les stratégies aux contextes locaux et d'assurer une mise en œuvre efficace. Par exemple, la révision de SASA! a conduit à l'introduction de nouveaux outils et activités, ainsi qu'à une approche plus ciblée sur la prise de décision sexuelle et les dynamiques de pouvoir au sein des couples [35].

Approche Intersectionnelle

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Enfin, une composante essentielle des programmes anglo-saxons est l'approche intersectionnelle, qui reconnaît que les femmes sont affectées différemment par les violences en fonction de divers aspects de leur identité, tels que la race, l'ethnicité, l'orientation sexuelle, et le statut socio-économique. Cette perspective permet de développer des interventions plus inclusives et adaptées aux besoins spécifiques de différents groupes au sein de la communauté. [36] [37]

Notes et Références

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  1. (Psychologue De L’Éducation Nationale | Choisir Le Service Public, n.d.)
  2. (2006-2016 : Un Combat Inachevé Contre Les Violences Conjugales - Sénat, n.d.)
  3. (La Politique De Lutte Contre Les Violences Faites Aux Femmes | Arrêtons Les Violences, n.d.)
  4. [1]
  5. Patard, G., & Ouellet, F. (2021). Violences en contexte conjugal et stratégies de protection adoptées par les femmes. Champ PéNal, 24. https://doi.org/10.4000/champpenal.12900
  6. Fédération LGBTI+, « Enfin une campagne sur les violences conjugales entre femmes ! », sur Fédération LGBTI+, (consulté le 27 juin 2024)
  7. (Les Outils De Communication | Arrêtons Les Violences, n.d.)
  8. https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/violences-conjugales-enregistrees-par-services-de-securite-en-2022
  9. Jaquier Erard, V., et Guay, S. (2013). Les violences conjugales. In M. Cusson, S. Guay, J. Proulx, et F. Cortoni (Eds.) Traité des violences criminelles. (pp. 259-281). Montréal: Hurtubise.
  10. Blondin, O., Ouellet, F., & Leclerc, C. (2018). Les variations temporelles de la fréquence des violences physiques en contexte conjugal. Criminologie, 51(2), 343–373. https://doi.org/10.7202/1051235ar
  11. Lavoie, K., & Thibault, S. (2017). Briser le silence entourant la violence entre partenaires gais. Nouvelles Pratiques Sociales, 28(1), 141–159. https://doi.org/10.7202/1039178ar
  12. Robert Courtois, Valérie Roy et Lorene Causse, « État des lieux de la recherche en France concernant la prise en charge des auteurs de violences conjugales en lien avec l’évolution des politiques publiques », Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, vol. 182, no  2, 2024-02, p. 172–178 (ISSN 0003-4487) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-06-28)]
  13. mdroulers, « Hébergement d’urgence : faire face aux violences faites aux femmes », sur Groupe SOS, (consulté le 28 juin 2024)
  14. « Fédération Nationale des Associations et des Centres de prise en Charge d'Auteurs de Violences conjugales et Familiales », sur FNACAV (consulté le 28 juin 2024)
  15. Bandura, A. (2016). Moral disengagement: How people do harm and live with themselves. Worth Publishers.
  16. https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/227814/1/RICPTS_2018-04%20-%20Tome%201%20-%2015-Garcet%26Schoonbrodt.pdf
  17. https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0003-066X.62.6.555
  18. https://www.arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-temoin
  19. https://di.uqo.ca/id/eprint/1550/
  20. https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/sur-le-terrain/immersion/2024/des-cartes-pedagogiques-pour-sensibiliser-sur-les-violences-conjugales-entre-adolescents
  21. https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/Documents-pdf/2022-quand-on-te-fait-du-mal_ponti-memoire-traumatique-hdweb.pdf
  22. https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/gendinfo/actualites/2023/lancement-du-fichier-de-prevention-des-violences-intrafamiliales
  23. https://www.oecd.org/derec/49872444.pdf
  24. « Professionnels de santé : lutter contre les violences conjugales - Ministère du travail, de la santé et des solidarités », sur sante.gouv.fr (consulté le 27 juin 2024)
  25. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-09/fs_femmes_violence_agir_092019.pdf
  26. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-11/outil_daide_au_reperage_des_violences_conjugales.pdf
  27. « Violences conjugales : la HAS appelle les médecins à se saisir pleinement du sujet », sur Haute Autorité de Santé (consulté le 27 juin 2024)
  28. « Violences conjugales : la HAS appelle les médecins à se saisir pleinement du sujet », sur Haute Autorité de Santé (consulté le 27 juin 2024)
  29. Halouze, E., Faure, S., & Moinard, E. (2020). Le pharmacien face aux violences conjugales. Actualités Pharmaceutiques, 59(601), 24‑28. https://doi.org/10.1016/j.actpha.2020.10.019
  30. Guiguet-Auclair, C., Boyer, B., Djabour, K., Ninert, M., Verneret-Bord, E., Vendittelli, F., & Debost-Legrand, A. (2021). Validation de la version française d’un outil de dépistage des violences conjugales faites aux femmes, le WAST (Woman Abuse screening Tool). Bulletin d’épidémiologie hebdomadaire, 2, 32
  31. Antin, R. S. (2022). Le serious escape game 146, un outil de formation sur le thème des violences conjugales. Sages-Femmes, 21(1), 43‑49. https://doi.org/10.1016/j.sagf.2021.11.011
  32. Hilder, S., & Bettinson, V. (2016). Domestic violence. Dans Palgrave Macmillan UK eBooks. https://doi.org/10.1057/978-1-137-52452-2
  33. Flood, M. (2011). Involving Men in Efforts to End Violence Against Women. Men And Masculinities, 14(3), 358‑377. https://doi.org/10.1177/1097184x10363995
  34. Michau, L., & Namy, S. (2021). SASA ! Together : An evolution of the SASA ! approach to prevent violence against women. Evaluation And Program Planning, 86, 101918. https://doi.org/10.1016/j.evalprogplan.2021.101918
  35. Michau, L., & Namy, S. (2021). SASA ! Together : An evolution of the SASA ! approach to prevent violence against women. Evaluation And Program Planning, 86, 101918. https://doi.org/10.1016/j.evalprogplan.2021.101918
  36. Hilder, S., & Bettinson, V. (2016). Domestic violence. Dans Palgrave Macmillan UK eBooks. https://doi.org/10.1057/978-1-137-52452-2
  37. Flood, M. (2011). Involving Men in Efforts to End Violence Against Women. Men And Masculinities, 14(3), 358‑377. https://doi.org/10.1177/1097184x10363995