Qualité de vie : limites et conclusion

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Qualité de vie : limites et conclusion
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Difficulté à définir le concept de qualité de vie modifier

De manière générale, la qualité de vie est une notion importante dans les recherches en santé. Depuis quelques années, le nombre d'études portant sur la qualité de vie est en hausse (Figure 1). Malgré cet intérêt croissant, il n'y a actuellement aucun consensus sur la définition de la qualité de vie. Cet aspect met en évidence la première limite concernant le concept de qualité de vie. En effet, l’absence d’une définition communément admise engendre des cadres conceptuels et des modèles différents, voire divergents. Selon certains auteurs l'absence d'une définition uniforme fait de la qualité de vie un concept ambigu par son utilité commune (Moons, Budts et De Geest, 2006). Actuellement, il existe de nombreux débats sur la signification de la qualité de vie et sur ce qui doit être mesuré. Certaines organisations telles que la Haute Autorité de la Santé (HAS), prennent en compte les nouvelles prises en soin et les progrès de la médecine pour l’amélioration de la qualité de vie (HAS, 2018). Or malgré l'intérêt porté sur la qualité de vie en santé, dans de nombreuses disciplines, il n'y a toujours pas de définition uniforme du concept.

 
nombre d'articles publiés sur Pubmed, contenant le terme "quality of life"

Même si plusieurs recherches et travaux portant sur le concept de qualité de vie suggèrent qu’elle devrait être définie en termes de satisfaction à l'égard de la vie (Ferrans, 1996, 1990 ; Zhan, 1992), la plupart des études ont évalué le concept en termes de vie “normale” ou en termes de mesure d'utilité (Haas, 1999). L'Organisation mondiale de la santé (OMS) propose la définition de la qualité de vie suivante : “perception qu'a un individu de sa position dans la vie dans le contexte de la culture dans laquelle il vit et par rapport à ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses préoccupations” (Group, 1998). Cette définition montre que la notion de qualité de vie est subjective. En effet, selon George et Bearon (1981), la difficulté à définir la qualité de vie pourrait s’expliquer par « la difficulté des individus à accorder la même valeur aux choses ». Selon ces mêmes auteurs, cela entraîne, au niveau de la recherche, une limite conséquente en termes d’exploitation et interprétation des résultats.

Limites conceptuelles et méthodologiques de la qualité de vie modifier

Les travaux de recherche sur la qualité de vie concernent très souvent des groupes de patients atteints de maladies spécifiques, en particulier, les différents types de cancer et les maladies chroniques. La hausse de ces recherches a permis de faire évoluer les traitements médicamenteux et donc d’augmenter l’espérance de vie des personnes atteintes de maladies chroniques. De fait, de nombreux instruments spécifiques à chaque maladie chronique sont désormais utilisés pour évaluer la qualité de vie. Toutefois, la difficulté à définir ce concept a des répercussions sur la qualité psychométrique de ces auto-évaluations.

Qualités psychométriques des échelles de qualité de vie modifier

De nombreuses études abordent la question de la validité des échelles de mesure de la qualité de vie. Les domaines de la qualité de vie sont souvent multiples. En effet, la qualité de vie est un concept multidimensionnel. Les outils de mesures se basent sur plusieurs composantes pour évaluer la qualité de vie et se distinguent en deux types : Les échelles génériques de qualité de vie. Elles sont conçues pour être utilisées de façon générale quel que soit la population étudiée. Elles permettent de comparer l’impact d’interventions dans des domaines cliniques différents. Ce type d’échelle a quelques lacunes comme le manque de sensibilité et de spécificité. Les échelles spécifiques sont connues pour mesurer des dimensions spécifiques de la qualité de vie. Elles concernent un domaine et/ou une maladie particulière. Elles permettent d’obtenir une meilleure sensibilité de mesure mais elles ne disposent pas d’une bonne validité. A l’inverse des échelles de qualité de vie générique qui manque de sensibilité et de spécificité, l’échelle de qualité de vie spécifique permet d’obtenir une meilleure sensibilité de la mesure de l’impact d’un traitement. Toutefois, elle ne permet pas la comparaison entre des domaines thérapeutiques différents. Dans de nombreux articles est questionnée la validité de l’échelle de QdV utilisé par rapport à la population de l'étude. C'est un problème de correspondance entre les préoccupations des malades / patients et les items des outils. Une augmentation du score de la qualité de vie chez certains patients entre deux évaluations peut être observée. Toutefois, nous questionnons si ce changement est réellement dû à la qualité de vie ou à d’autres phénomènes psychologiques tels que des processus d’adaptation, par exemple, l’évolution des attentes de la personne ou encore l’ajustement de la personne (Brousse & Boisaubert, 2007).

Subjectivité des individus et qualité de vie modifier

La mesure de la qualité de vie met en évidence le décalage entre les critères objectifs et les critères subjectifs de la qualité de vie de l’individu. Les corrélations entre les critères subjectifs et objectifs de la qualité de vie restent faibles (Franklin et al, 1986). Ce paramètre important à considérer montre qu’une augmentation objective de la qualité de vie ne conduit pas forcément à une meilleure appréciation de la qualité de vie chez un individu (Pedinielli, Rouan et Gimenez, 1995). En d’autres termes, le patient n’accorde pas nécessairement une importance à certains domaines de la qualité de vie communément acceptés et admis dans la littérature. Ainsi une augmentation de la qualité de vie pour un patient via une échelle n’est pas significative compte tenu de la subjectivité et du degré d’importance qu’il accorde aux différentes composantes de la qualité de vie. La reconnaissance de ce critère subjectif de la qualité de vie suppose une absence de référence à une norme. Or, la conception d’un outil psychométrique implique de s’y référer par une définition qui sous-tend un modèle général (Soulas et Brédart, 2012). Cette création et ce concept sous-tendent un indice de qualité de vie idéal à atteindre. La définition de la qualité de vie et l’importance de considérer le critère subjectif de ce concept implique de se fonder sur les représentations et les appréciations des individus sans faire référence à une norme. Cette norme n’est-elle même pas totalement établie, puisque les définitions de la qualité de vie ne font pas toutes consensus. L'introduction de la subjectivité affaiblit la pertinence de la mesure de la qualité de vie, puisqu'elle contraint à minimiser les résultats fournis en considérant que la mesure des critères objectifs est insuffisante pour apprécier la qualité de vie d’un individu (Pedinielli, Rouan et Gimenez, 1995). Nous avons montré qu’il existait des questionnaires de mesure de la qualité de vie dits génériques tandis que d’autres ciblent des composantes plus spécifiques de la QdV. Ces derniers sont parfois plus appropriés pour quantifier et détecter une augmentation ou diminution de la QdV chez certains patients. Cela nous renvoie à la notion de subjectivité de la qualité de vie. En effet, les domaines importants correspondant à une augmentation de la qualité de vie ne sont pas universels et dépendent de la subjectivité de l’individu. Les échelles de mesures se concentrent principalement sur un ensemble limité de domaines. Il serait tout aussi pertinent d’ajouter d’autres domaines importants qui ont du sens pour les individus comme le bien-être, la productivité, l’estime de soi, le contrôle de soi et le sentiment d'optimisme (Cummins et al., 2004). Le concept de qualité de vie quantifié via une échelle n’est donc pas toujours représentatif de la subjectivité des patients (Frossard et al., 1999). L’utilisation d’échelle est utilisée pour un recueil d'informations que l'on veut objectives. Les échelles utilisées sont souvent génériques. Elles tiennent peu en compte le caractère subjectif de la qualité de vie. Or, la mesure de la qualité de vie ne peut être recevable sans se référer à la subjectivité. Cette spécificité subjective de la qualité de vie dans les échelles de mesure est, selon Le Moigne (année) conçue à deux niveaux : Les aspects subjectifs de la qualité de vie qui consistent à intégrer la satisfaction, les émotions, le jugement, l'appréciation personnelle, sans réduire la qualité de vie à des indices indépendants de celui qui en est le témoin. L’impact de la subjectivité sur l’évaluation de la qualité de vie qui consiste à questionner le registre référentiel et le registre modal des échelles (Le Moigne, 2010). Afin d’augmenter la subjectivité des échelles de mesures, certaines recommandations ont été faites et soulignent l’importance d'une démarche de recherche qualitative pour l'élaboration d'outils de qualité de vie, en impliquant notamment les patients par l'intermédiaire d’entretien (Turner, 2007).

Qualité de vie chez les enfants et les adolescents modifier

D’après les travaux de Haraldstad (2019), très peu d’études sur la qualité de vie concernent des populations d’enfants et d’adolescents (Figure 2). Dans une revue de la littérature conduite sur un échantillon de 163 études, seulement 12 % des études incluses portaient sur des enfants ou des adolescents (Haraldstad et al., 2019). Ces résultats indiquent une lacune importante des outils conceptuels d’évaluation de la qualité de vie chez les enfants et les adolescents. Ils nous invitent à considérer avec précaution l’utilisation et la généralisation des échelles portant sur la qualité de vie sur des populations plus jeunes. Il existe donc également des lacunes dans l'évaluation de la qualité de vie chez les enfants et les adolescents. Notamment, concernant les aspects conceptuels, méthodologiques et pratiques à identifier. Ces résultats corroborent également avec certains travaux sur la pertinence et l’adaptabilité des outils de mesure de la qualité de vie appliqués aux enfants et adolescents (Ravens-Sieberer et al., 2006). D’autres travaux témoignent des limites de la généralisation des échelles de qualité de vie aux enfants et aux adolescents en soulignant l’importance de prendre en compte des dimensions annexes telles que l’environnement familial. Plus précisément, en tenant compte de l’importance des activités familiales et de l'affection parentale qui sont des dimensions influençant la qualité de vie liée à la santé (Jimenez-Iglesias et al., 2015). Ces dimensions annexes sont très peu étudiées chez l’adulte car elles ont moins d’impact par rapport aux enfants et adolescents qui sont en développement et évoluent dans un contexte parental/familial.

 
Nombre d'articles publiés sur Pubmed, contenant les termes "child and teenager" et "quality of life"

Une autre limite de la qualité de vie concernant les populations plus jeunes est le développement psychologique. Les enfants et les adolescents se développent et s’adaptent rapidement. En effet, ils changent continuellement et de manière complexe au fil du temps. La qualité de vie d'un adolescent peut mettre davantage l'accent sur les rôles sociaux et l'indépendance, alors que pour un plus jeune enfant, elle peut être davantage axée sur l'activité physique (Drotar, 2004 in Wallander et Koot, 2016). La sensibilité développementale a remis en question la construction de la plupart des mesures pour les enfants, y compris la qualité de vie. Les enfants ont donc aussi leur propre perception de ce qui constitue une bonne vie, qui peut changer avec le temps et à mesure qu'ils grandissent (Koot et Wallander, 2002). Des recherches longitudinales visant à comparer les représentations de la qualité de vie à travers une conception développementale ont été très peu étudiées. Or, selon Casa (2011), il serait pertinent et nécessaire d’évaluer les représentations subjectives de la qualité de vie à différentes étapes du développement de l’enfant. Ainsi, les différents éléments mis en avant plus haut invitent à penser la généralisation des échelles et l’utilisation d’échelles sur différentes populations.

Conclusion modifier

La publication des articles dans Pubmed montre que sur environ 40000 articles sur la qualité de vie (Figure 1), seulement 2500 articles concernent la qualité de vie chez les enfants et les adolescents (Figure 2). Comme cela est mentionné dans la littérature, l’évaluation de la qualité de vie chez les enfants et les adolescents nécessiterait d’être davantage étudiée et ce, longitudinalement. Enfin, les limites concernent principalement la conceptualisation de la qualité de vie et plus précisément sa redéfinition. En effet, la définition de ce concept n’est actuellement pas validée par l’ensemble de la communauté scientifique. Ce qui engendre un questionnement sur la fiabilité des échelles d’évaluations de la qualité de vie, et plus précisément sur la validité, la spécificité et la sensibilité. Ainsi, la qualité de vie étant au cœur de la santé des individus, il serait pertinent et indispensable de re-conceptualiser cette notion et de trouver une définition commune.

Références modifier

Brousse, C., & Boisaubert, B. (2007). La qualité de vie et ses mesures. La Revue de médecine interne, 28(7), 458-462.

Casas, F. (2011). Subjective social indicators and child and adolescent well-being. Child Indicators Research, 4(4), 555-575.

Cummins, R. A., Lau, A. L., & Stokes, M. (2004). HRQOL and subjective well-being: noncomplementary forms of outcome measurement. Expert review of pharmacoeconomics & outcomes research, 4(4), 413-420.

Drotar, D. (2004). Validating measures of pediatric health status, functional status, and health-related quality of life: key methodological challenges and strategies. Ambulatory Pediatrics, 4(4), 358-364.

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Ferrans, C. E. (1990, November). Quality of life: conceptual issues. In Seminars in oncology nursing (Vol. 6, No. 4, pp. 248-254).

Frossard, M., Jasso Mosqueda, G., Suarez, C., Couturier, P., Guyot, F., & Franco, A. (1999). Indicateurs de santé, mesure de la qualité de vie et évaluation médico-économique. Sciences sociales et santé, 17(4), 45-64.

Franklin, J. L., Simmons, J., Solovitz, B., Clemons, J. R., & Miller, G. E. (1986). Assessing quality of life of the mentally ill: A three-dimensional model. Evaluation & the Health Professions, 9(3), 376-388.

George, L. K., & Bearon, L. B. (1981). Quality of life in olderpersons: Meaning and measurement. Journal of Community Health, 6(4).

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Haraldstad, K., Wahl, A., Andenæs, R., Andersen, J. R., Andersen, M. H., Beisland, E., ... & Helseth, S. (2019). A systematic review of quality of life research in medicine and health sciences. Quality of life Research, 28(10), 2641-2650.

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Moons, P., Budts, W., & De Geest, S. (2006). Critique on the conceptualisation of quality of life: a review and evaluation of different conceptual approaches. International journal of nursing studies, 43(7), 891-901.

Pedinielli, J. L., Rouan, G., & Gimenez, G. (1995). Qualité de vie et modifications des conceptions du sujet. Pratiques psychologiques, 2, 3-10.

Ravens-Sieberer, U., Erhart, M., Wille, N., Wetzel, R., Nickel, J., & Bullinger, M. (2006). Generic health-related quality-of-life assessment in children and adolescents. Pharmacoeconomics, 24(12), 1199-1220.

Soulas Thierry, Brédart Anne, « I. Qualité de vie et santé », dans : Serge Sultan éd., Psychologie de la santé. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Licence », 2012, p. 17-40. DOI : 10.3917/puf.sulta.2012.01.0017. URL :https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/---page-17.htm

Wallander, J. L., & Koot, H. M. (2016). Quality of life in children: A critical examination of concepts, approaches, issues, and future directions. Clinical Psychology Review, 45, 131-143.


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