Qualité de vie liée à la santé/Qualité de vie et épuisement des aidants

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Qualité de vie et épuisement des aidants
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Chapitre no 12
Leçon : Qualité de vie liée à la santé
Chap. préc. :Qualité de vie et problématiques suicidaires
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Qu’est-ce qu’un aidant ? Définitions modifier

“Toute maladie est un événement qui a la valeur de crise pour le sujet qui la vit, aussi bien que l’entourage des proches avec lesquels ce sujet atteint partage son expérience” (Vannotti, Celis-Gennard, 1997).

En France, on estime qu’il y a entre 8 et 11 millions de personnes qui accompagnent et soutiennent un proche malade, en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Ces personnes, non professionnelles, sont qualifiées d’aidantes. Le terme aidant non-professionnel, souvent associé à la notion d’aidant familial, se distingue de l’aidant professionnel par l’absence de formation et de diplôme. Apparu il y a une trentaine d’années, ce terme renvoyait à l’aide apportée aux personnes âgées avant de s’étendre aux personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies chroniques. Un aidant non professionnel désigne alors une personne qui intervient auprès de quelqu’un considéré comme dépendant ou en perte d’autonomie (i.e. personne en situation de handicap, personne âgée, personne malade) dans l’accomplissement d’actes de la vie courante. Ces actes peuvent concerner la prise de rendez-vous médicaux, la gestion financière, la prise de médicaments, les repas, la toilette, les sorties ou encore les courses. Selon la charte européenne de l’aidant familial établie par la COFACE (Confédération des Organisations Familiales de l’Union Européenne), “l’aidant familial est la personne non-professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne”.

Généralement, les aidants sont souvent associés aux membres de la famille et notamment aux parents ou aux enfants. Or, un aidant est avant tout une personne choisie par l’aidé (e.g. ami, voisin). Par conséquent, il est important de tenir compte des différentes notions associées aux aidants non professionnels ainsi qu’à leur définition, en fonction de ce que l’on souhaite aborder ou étudier :

Proche aidant : ce terme met en avant la proximité physique. Il est le plus utilisé au Québec lorsque l’on fait référence aux aidants.

Aidant familial : l’aidant familial correspond à un membre de la famille mais il peut être élargi au champ des voisins ou amis. Dans ce cas, on parle alors d’aidants familiers.

Aidant naturel : ce terme est souvent associé au terme d’aidant familial car il renvoie l’idée que l’aide familiale est naturelle. Cependant, certains argumentent qu’il n’y a rien de naturel à aider son proche.

Aidant formel/informel : la définition peut être bien différente selon les sources. Elle dépend globalement des paramètres suivants : nombre minimal d’heures de prise en charge par semaine, durée minimale de la période de prise en charge, inclusion ou non de telle ou telle tâche ou type de soins, etc.

Entraidant : ce terme récent renvoie au sens double de la relation avec l’idée de solidarité.

De plus, il est important de distinguer l’aidant principal de l’aidant secondaire qui se différencie par le degré d’implication de l’aide et de la proximité de la relation aidant-aidé. L’aidant principal est au cœur du dispositif de soutien du proche, tandis que l’aidant secondaire est perçu comme un allié de l’aidant principal à travers l’apport d’un soutien moral et l’accomplissement de certaines tâches.


La place et le rôle des aidants dans la prise en soin modifier

Il est nécessaire de souligner l’importance des aidants dans la prise en soin des personnes, sans qui le système de santé ne pourrait fonctionner. En effet, ils participent à l’évaluation des symptômes, en rendant compte de leur évolution et répercussion au quotidien, qu’ils soient comportementaux, cognitifs ou psychologiques, et permettent ainsi d’ajuster la prise en charge. Du fait de leur présence, ils favorisent également le maintien à domicile des personnes, avec la mise en place d’aides adaptées. De plus, le rôle d’aidant peut jouer un rôle protecteur dans la dépression chez l’aidé (MollaoAlu et al., 2013).

Toutefois, si les aidants sont des acteurs majeurs de la prise en soin en contribuant au soutien et au rétablissement de leurs proches, il peut y avoir un retentissement négatif de l’aide sur les personnes dépendantes (e.g. augmentation des symptômes, agitation, anxiété) (Isik et al., 2018) notamment lorsque les aidants sont épuisés, ainsi que des répercussions négatives sur la qualité de soin (e.g. maltraitance) (Lestrade, 2014). En effet, l’aide peut avoir des retentissements physiques et psychologiques négatifs sur les aidants tels que des troubles de l’humeur (e.g. anxiété, dépression), des troubles du sommeil, de la fatigue, une baisse de l’estime de soi, la stigmatisation, etc.

Afin de pallier ces difficultés, des mesures ont été mises en œuvre, avec une optique de soutien et de reconnaissance des aidants. Par exemple, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement votée en 2015 permet aux aidants de disposer d’un statut juridique reconnu, leur octroyant ainsi des droits, des formations et des aides financières. De plus, la stratégie de mobilisation et de soutien “Agir pour les aidants 2020-2022” lancée en 2019, a pour objectif de répondre aux besoins quotidiens des proches. Elle vise l’accès à de nouveaux droits sociaux, le renforcement de leur suivi médical, la mise en œuvre de solutions de répit, ainsi que la facilitation de leurs démarches administratives et de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.


Qualité de vie des aidants modifier

Quelques chiffres… modifier

 
Nombre d'articles publiés dans PubMed sur la qualité de vie et les aidants par années de publications des articles

La prise en compte de la qualité de vie est une des stratégies visant l’amélioration de l’accompagnement des aidants, car elle est interdépendante entre les aidants et les aidés. Comme en témoigne le graphique ci-contre, les recherches liées aux aidants et à la qualité de vie publiées sur PubMed se sont accentuées depuis les années 2000. À ce jour, on compte 13 602 articles dans la base de données PsycInfo avec les mots clés “Quality of life” et “Caregivers or family members or relatives or informal caregivers”, ce qui souligne un fort intérêt pour ces thématiques en psychologie. Cependant, on observe un intérêt différent en fonction des pathologies, en témoigne le nombre d’articles publiés dans la base de données PsychInfo:

● Avec les mots clés “Quality of life” et “Caregivers or family members or relatives or informal caregivers” et “Cancer” 1760 articles (1975-2022).

● Avec les mots clés “Quality of life” et “Caregivers or family members or relatives or informal caregivers” et “Alzheimer’s disease” 1109 articles (1985-2022).

● Avec les mots clés “Quality of life” et “Caregivers or family members or relatives or informal caregivers” et “Multiple Sclerosis” 191 articles (1989-2021).


En effet, l’intérêt porté aux proches aidants était initialement lié aux problématiques associées au vieillissement, dont les maladies neurodégénératives telle que la maladie d’Alzheimer. Toutefois, depuis quelques années, le champ s'élargit à d’autres pathologies car ces dernières n’impactent pas la qualité de vie de la même façon. Par exemple, dans le champ de la psychiatrie, les maladies comme la schizophrénie entraînent à la fois une stigmatisation des patients et une stigmatisation des aidants (Singh, 2016). De plus, la qualité de vie est liée aux exigences demandées aux aidants quant aux soins qu’ils prodiguent aux patients, et selon la maladie, ces soins seront plus ou moins importants (Szebehely & Trydegård, 2012).

Le retentissement du fardeau sur la qualité de vie modifier

Lorsque l’on souhaite étudier la qualité de vie des aidants, il est important de la mettre en relation avec la notion de fardeau. Le fardeau, ou burden en anglais, correspond à la charge ressentie par les proches aidants et peut compromettre leur qualité de vie ainsi que leur santé. Ce concept comprend deux dimensions, le fardeau objectif et le fardeau subjectif. Le fardeau objectif désigne les conséquences pratiques (matérielles, économiques, administratives) auxquelles les aidants doivent faire face. Tandis que le fardeau subjectif, qui est le plus utilisé, désigne le retentissement physique, social et émotionnel de l’aide, c’est la manière dont l’aidant perçoit son proche malade. Il comprend également le sentiment d’impuissance, de culpabilité, d’emprisonnement, la solitude mais aussi des sentiments de satisfaction, d’estime de soi ou de reconnaissance de la part de l’entourage.

Afin d’illustrer les retentissements physiques et psychiques du fardeau sur la qualité de vie ainsi que les éléments prédicteurs de celui-ci, nous proposons une présentation succincte d’études qui s’y sont intéressées, à travers différentes pathologies : le cancer, la maladie d’Alzheimer et la sclérose en plaques.

Dans le cadre du cancer, les facteurs associés au fardeau de l’aidant qui impactent la qualité de vie sont les changements de la santé mentale et de la santé physique. Dans un article de Cubucku (2018), 91% des aidants de patients atteints de cancers déclarent que l’aidance a eu un impact sur leur état psychologique et 8% sur leur santé physique. Même si la qualité de vie des aidants de patients atteints d’un cancer en phase terminale n’est pas significativement liée à celle des patients, Lee (2016), a montré que les facteurs ayant influencé la faible qualité de vie des aidants sont la détresse émotionnelle et un faible soutien social. De plus, des facteurs environnementaux peuvent affecter la qualité de vie des aidants tels que la satisfaction à l’égard des soins, les revenus, le fonctionnement familial (Choi et al., 2016). Enfin, les soins peuvent favoriser l’émergence de symptômes dépressifs et d'un bien-être dégradés (Fitzpatrick & Vacha-Haase, 2010), ce qui suggère une détérioration de la qualité de vie (Pessoti et al., 2018).

Concernant la maladie d’Alzheimer, nous notons que la fatigue chronique et les troubles du sommeil sont plus fréquents chez les aidants concernés par cette maladie (Zvěřová, 2012). De plus, la consommation de psychotropes par cette population est également importante; parmi les aidants interrogés dans l’étude PIXEL, un tiers d’entre eux consommaient un somnifère et un tiers un anxiolytique (Thomas, 2002).

Enfin, à propos des aidants de personnes atteintes de sclérose en plaques (SEP), Buchanan et Huang (2012) ont montré que la perception négative de l’aide par les aidants est significativement liée à l’épuisement émotionnel, à la relation conjugale et au niveau d'éducation de l'aidant. De plus, Akkuş (2011) montre que les principaux prédicteurs du fardeau sont le désespoir, le conflit dans la prise de décision, les déficits d'activités et de loisirs et l'isolement social de la personne atteinte de SEP.

Les professionnels de la santé ont alors un rôle à jouer dans l’accompagnement des aidants et doivent être sensibles à l'impact de la prestation de soins sur les besoins émotionnels des aidants. Pour cela, il est primordial de savoir repérer et évaluer leurs besoins ainsi que leurs attentes, avec la mise en place de services adaptés, si besoin. Également, si la plupart des études mettent en avant les aspects négatifs du fardeau, il est important de préciser qu’il existe aussi une dimension positive de ce dernier, insuffisamment explorée. Par exemple, l’aide peut renforcer l’estime de soi et apporter un sentiment d’utilité, surtout lorsque l’aidant est un-e conjoint-e. L’aide peut également procurer un sentiment de gratification et de bien-être (Motenko, 1989). Par conséquent, il serait intéressant d’étudier davantage ces aspects positifs et les liens qu’ils peuvent entretenir avec la qualité de vie.

Évaluation de la qualité de vie chez les aidants et ses limites modifier

À ce jour, les échelles utilisées pour évaluer la qualité de vie chez les aidants sont des échelles génériques, dont la SF-36. Elles sont souvent associées à des évaluations complémentaires dont des échelles d’évaluation du fardeau comme l’échelle de Zarit ou la CRA (Caregiver Assessment Scale). Concernant les échelles spécifiques, il y en a peu. Nous pouvons citer la Caregiver Quality of Life Index-Cancer (CQOLC) qui évalue la qualité de vie des aidants de personnes atteintes d’un cancer mais dont il n’existe pas de validation française (Weitzner, 1999). Ou bien, la S-CGQoL validée en 2011, qui permet d’évaluer la qualité de vie de proches aidants accompagnant des personnes ayant une schizophrénie (Reine et al., 2011).

Cependant, si l’évaluation de la qualité de vie des aidants est un bon indicateur pour faciliter et améliorer la prise en charge des aidants et des aidés, elle est néanmoins limitée en termes d’outils. En effet, la plupart des études centrées sur la qualité de vie des aidants, s’appuient sur des échelles génériques qui ne sont pas suffisamment représentatives du vécu et de l’aide, spécifiques à chaque individu et à chaque pathologie. C’est le cas de l’échelle SF-36 qui, malgré la prise en compte de plusieurs dimensions, reste centrée sur la santé et semble plus adaptée aux patients. De plus, certaines dimensions comme la relation avec les soignants ou bien les relations sociales en général, ne sont pas suffisamment explorées alors qu’elles ont une place importante dans la qualité de vie des aidants (Reine et al., 2011). Enfin, la plupart des échelles spécifiques évaluant la qualité de vie des aidants ne présentent pas de propriétés psychométriques satisfaisantes.

Références modifier

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Bloch, M., Hosking, A., Barreyre, J., & Jaeger, M. (2012). Les aidants informels. Vie Sociale (Paris), (4), 7-200.

Buchanan, R. J., & Huang, C. (2012). Caregiver perceptions of accomplishment from assisting people with multiple sclerosis. Disability and rehabilitation, 34(1), 53–61. doi:10.3109/09638288.2011.587091

Choi, Y. S., Hwang, S. W., Hwang, I. C., Lee, Y. J., Kim, Y. S., Youn, C. H., ... Kim, H. M. (2016). Factors associated with quality of life among family caregivers of terminally ill cancer patients. Psycho-Oncology, 25, 217–224. doi:10.1002/pon.3904

Cubukcu, M. (2018). Evaluation quality of life in caregivers who are providing home care to cancer patients. Support Care Cancer, 26, 1457–1463. doi:10.1007/s00520-017-3968-1

Fitzpatrick, K., & Vacha-Haase, T. (2010). Marital Satisfaction and Resilience in Caregivers of Spouses with Dementia. Clinical Gerontologist, 33(3), 165-180. doi:10.1080/07317111003776547

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Isik, A. T., Soysal, P., Solmi, M., & Veronese, N. (2018). Bidirectional relationship between caregiver burden and neuropsychiatric symptoms in patients with Alzheimer’s disease : A narrative review. International Journal of Geriatric Psychiatry, 34(9), 1326‑1334. doi:10.1002/gps.4965

Lee, Y. J., Hwang, S. W., Kim, J. E., Choi, Y. S., Kim, Y. S., Kim, H. M., ... Kim, S. J. (2016). Quality of life discordance between terminal cancer patients and family caregivers: a multicenter study. Support Care Cancer. doi:10.1007/s00520-016-3108-3

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Pessotti, C., Fonseca, L., Tedrus, G., & Laloni, D. (2018). Family caregivers of elderly with dementia Relationship between religiosity, resilience, quality of life and burden. Dementia & Neuropsychologia, 12(4), 408-414.doi:10.1590/1980-57642018dn12-040011

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Weitzner MA, Jacobsen PB, Wagner H, et al. (1999). The Caregiver Quality of Life Index-Cancer (CQOLC) scale: development and validation of an instrument to measure quality of life of the family caregiver of patients with cancer. Qual Life Res 1999;8:55—63. doi:10.1023/a:1026407010614

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