Recherche:Apprentissage par l'expérience
L’apprentissage par l'expérience est l’adaptation pour les adultes des pédagogies actives à l’école maternelle (Mucchielli).
Il ne s’agit pas d’une méthode, mais d'éducation non formelle (hors de la salle de cours) pour adultes, utilisée principalement dans les pays anglo-saxons (Experiential Learning/Outdoor Education). Ce mouvement fut introduit en France en 1986 sous le nom « Expérientiel » par l’écrivain-géographe Alain Kerjean[1]. Il est considéré par l’Union européenne comme une « voie d’avenir » dans le développement des compétences personnelles et sociales[2].
Définition
modifierL’apprentissage par l'expérience est un processus par lequel une personne développe des compétences personnelles et sociales au moyen d'expériences vécues et analysées (Kerjean 2003). Cette éducation "non-formelle " représente un complément à l’enseignement "formel" dispensé dans les salles de cours, car elle développe des compétences qui ne se transmettent pas[3].
Principes pédagogiques
modifierLe processus d’apprentissage par l'expérience utilise le support de problèmes à résoudre en grandeur réelle « ici et maintenant », le plus souvent dans la nature, et s’appuie sur l’essai-erreur (Kerjean 2002). La spirale expérientielle est une succession de cycles comprenant quatre étapes[4]:
- La formation commence par une expérience concrète à appréhender émotionnellement
- L’expérience émotive est transformée par la pensée en observation et génère la question « que faisons-nous avec ça ? »
- L’observation une conceptualisation abstraite : « comment pouvons-nous faire autrement ? »
- L’hypothèse est ensuite testée en situation concrète et le cycle se poursuit, tel une spirale
L’on retrouve dans ce modèle d’apprentissage les théories de Kurt Lewin (le processus de feedback), de Jean Piaget (interaction par accommodation puis assimilation) et de Carl Gustav Jung (interaction par introversion et extraversion)(Kerjean 2000). Dans le Journal of Management Development, Mc Evoy et Buller[5] identifient dix caractéristiques qui, selon eux, expliquent des résultats d’apprentissage supérieurs. D'autres approches de développement peuvent inclure plusieurs de ces éléments, précisent-ils ; l’apprentissage par l'expérience les inclut potentiellement tous.
- Une intensité émotionnelle
- La sécurité psychologique
- Des conséquences réelles
- Une confiance en soi accrue
- L’utilisation de métaphores
- L’imprévisibilité
- Expérimenter une performance extrême
- Diversité des types de savoirs et de compétences
- Développer la personne globale
- Viser le transfert
Réflexion et action sont intriquées : l’action n’est pas seulement « suivie » d’un débriefing, mais la réflexion est intriquée dans l’action (Kerjean 2006). Même les observateurs bien informés ont du mal à saisir cette nuance. L’objectif est d’apprendre de chaque événement et de constamment tester ce nouveau savoir[6].
Historique
modifierL'apprentissage expérientiel est une idée européenne. En 1941 en Grande-Bretagne, Lawrence Holt, président de la Blue Funnel Line, une compagnie de marine marchande, constate que ses jeunes marins, pourtant plus solides physiquement, résistent beaucoup moins que leurs aînés lorsqu’ils se retrouvent en situation de survie à bord des canots de sauvetage, en pleine bataille de l’Atlantique. Concluant que ce n’est pas la force physique qui fait la différence, mais la force morale, il demande à Kurt Hahn[7] de concevoir à Aberdovey, au Pays de Galles, un programme de « formation accélérée du caractère » intitulé Ouward Bound, l’école du Grand large. C’est à un ancien chef scout, Jim Hogan, et à ses deux lieutenants allemands Chew et Zimmerman, que Hahn confie la mise en œuvre de cette première adaptation aux jeunes adultes, en Grande-Bretagne, des pédagogies actives pour enfants.
Adapté par Francis Scott aux entreprises[8] en 1946, l’apprentissage par l'expérience devient rapidement influent dans les pays anglo-saxons (Bank, Eitington). Cette forme d’apprentissage est le prolongement moderne des idées de Montaigne, Comenius, Locke, Rousseau et du mouvement des Écoles nouvelles, avec par exemple Freinet en France, Maria Montessori en Italie ou John Dewey (Dewey) aux États-Unis. (Skidelsky 1972)
En Europe
modifierLes principales organisations de l’experiential Learning/Outdoor Education sont réunies au sein de l’European Institute for Outdoor Adventure Education and Experiential Learning (EOE)[9].
En France
modifierInspiré de ses expéditions géographiques[10] , mais aussi de ses années de scoutisme, de sa visite à la première Outward Bound School au Pays de Galles et du traité pédagogique de Jean-Jacques Rousseau[11], Alain Kerjean fonde en 1986 Hors Limites – Outward Bound France, et introduit ainsi en France le mouvement Experiential Learning[12] (Kerjean 1990). Il écrit cinq livres de référence sur le sujet[13].
Plus de 10000 jeunes et adultes participent en quelques années à des programmes Expérientiels : INSEAD[14], grandes entreprises, grandes écoles, collectivités locales et universités, Croix Rouge française, programmes d’insertion. Les ouvrages et les articles d’Alain Kerjean rendent accessibles au public français les recherches et publications anglo-saxonnes sur le sujet. Il est souvent cité par les collectivités locales[15] et par les sociologues[16] et consultants[17] dans leurs livres de management ou sur la prise de risque.
Principales étapes de l’apprentissage par l'expérience en France :
- 1986 Fondation du Mouvement Expérientiel en France (Café Procope, Paris)
- 1987 Premiers stages Hors limites pour jeunes et adultes (Gorges du Verdon et Haut-Var).
- 1989-1994 Programme Expérientiel européen à l’INSEAD – Executive Education (Fontainebleau)
- 1991-1994 Programme jeunesse Crusoe pour la Croix Rouge française et construction de la première école Expérientielle (Lozère)
- 1996 Colloque Apprendre par l’expérience, une des manifestations nationales de l’Année européenne de la formation tout au long de la vie (Toit de la Grande Arche-Paris La Défense)
- 1999-2000 Programmes d’insertion (Missions locales) et de formation d’éducateurs (Conseil régional d’Ile-de-France).
- 2004-2005 Projet européen d’Éducation non-formelle à travers des activités de pleine nature (Programme Jeunesse)
- 2004-2007 Conception d’un système de certification des compétences sociales, en coopération avec la Croix Rouge française
- 2008-2011 Programme universitaire de développement de la culture entrepreneuriale pour le Fonds Social Européen, pour mille étudiants de trois universités (Roumanie)
- 2015 Diffusion de l’approche Expérientielle (Centre d’excellence) et du système de certification Mérite des jeunes, en France et en Roumanie
Notes et références
modifier- ↑ Enjeux Les Echos octobre 2002, article « Jouer plus pour travailler mieux »
- ↑ « Pour les adultes, se développent des actions novatrices, telles que celles conduites par l’Outdoor Education, qui propose des exercices transformant le contenu de la formation traditionnelle en visant l’adaptation des comportements plutôt que la connaissance abstraite. » Livre blanc de la Commission européenne « Vers la société cognitive », 1996
- ↑ CentreInffo - articles d’Alain Kerjean publiés dans la revue « Actualité de la Formation permanente »
- ↑ « L’apprentissage par l’expérience » Alain Kerjean – ESF Editeurs 2006
- ↑ The power of Outdoor Management Development, Journal of Management Development, vol 16, n°3, 1997, DOI:10.1108/02621719710164355
- ↑ Revue « Entreprise & Carrières », articles sur les ouvrages d’Alain Kerjean 2002-2003
- ↑ Kurt Hahn (1886-1974), pédagogue juif allemand, réfugié en Grande-Bretagne. Il fonde d’abord en Écosse l’École de Gordonstoun, sur le modèle de son école de Salem, sur les bords du lac de Constance. Il privilégie le support de l’aventure (défis à relever dans la nature) et du service (secours en mer et en montagne).
- ↑ École de Brathay Hall, en Angleterre, dans le Lakes District
- ↑ EOE
- ↑ David Le Breton cite Alain Kerjean dans son livre « Passion du risque » (page 47)
- ↑ L’Émile 1762
- ↑ Avec Guy Rullaud, alors Directeur général de l'IRPOP (Institut de Recherche et de Perfectionnement de l'Organisation Professionnelle), émanation du CNPF devenu MEDEF.
- ↑ Bibliothèque National de France (BNF) :
- ↑ INSEAD : une stagiaire de l’Exécutive Program mentionne sonexpérience Outward Bound en 1984
- ↑ La Gazette des communes, 29/10/2007 article « La preuve par l’expérience », interview d’A.Kerjean
- ↑ Alain Ehrenberg cite Alain Kerjean et les stages Hors limites dans son livre « Le culte de la performance » 1994
- ↑ Alliance des consultants industriels de France : Le manager leader
Annexes
modifierBibliographie
modifier- Bank John, Outdoor Development for Managers, Gower (GB) 1985
- Dewey John, Expérience et éducation, Editions Macmillan (USA), 1963
- Eitington Julius E, Utiliser les techniques actives en formation, Editions d’Organisation, 1990
- Kerjean Alain, Hors limites, Albin Michel, 1990
- Kerjean Alain, Les nouveaux comportements dans l’entreprise, Editions d’Organisation-Les Echos, 2000
- Kerjean Alain, Le manager leader, Editions d’Organisation, 2002
- Kerjean Alain, Le caractère plus important que le C.V., Editions d’Organisation, 2003
- Kerjean Alain, L’apprentissage par l’expérience, ESF Editeurs, 2006
- McEvoy Glen et Buller Paul, The power of Outdoor Management Development, Journal of Management Development, vol 16, n° 3, 1997
- Mucchielli Roger, Les méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF Editeurs
- Skidelsky Robert, Le mouvement des écoles nouvelles anglaises, Maspero, 1972