Recherche:Chimie ionique dans les grandes profondeurs marines - issue des carbonates

Résumé : La chimie associée aux grands fonds marins dans les abysses est très particulière.Elle est basée pour une bonne part sur les travaux de J.Murray , intitulés « carbonate commpensation depth » ou CCD. Cette chimie n’implique que des « ions » carbonatés , les cations calcium ainsi que les « ions » Hydronium.Le bilan des charges ioniques correspondantes conduit à une « inéquation» où la concentration en ions calcium est nécessairement supérieure à celle des anions .La présence d’électricité dans ces grands fonds est aussi abordée et discutée.Les résultats ,relatifs à cette chimie ionique particulière, va dans le sens d’ une acidification ; ce qui correspond aux résultats d‘expériences réalisées par des équipes Canadiennes.

Les recherches concernant les océans de la planète sont pour une bonne part focalisées sur le « carbone » et son influence sur la vie humaine et animalesque. A l’heure actuelle un programme de recherche important ,intitulé : « Océan- carbone- EPOCA » regroupe 5 pays et 19 institutions autour de ce thème. Ces recherches sont pluridisciplinaires et incluent : La Paléontologie, la biologie, la Bio-géochimie ,la Physique et la chimie. Nous nous limiterons à ne présenter ici que certains aspects de la chimie associée aux « ions » émanant de la dissolution du « carbonate de calcium » dans les grands fonds marins et ce jusqu’aux « abysses» .

I- La chimie « ionique » en milieu marin - issue des carbonates

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J .Murray [1] a montré, que lorsque les océans atteignent des profondeurs de 4500 à 5 000 mètres, où la pression isostatique devient de l’ordre du millier d’atmosphères, le « carbonate de calcium » - CO3Ca (cristallin à l’origine) peut alors se dissoudre totalement dans l’eau de mer . Cette dissolution conduit ainsi à un milieu marin partiellement « ionisé » [2]; Cette solubilité peut ainsi aller jusqu’à la disparition totale du carbonate de calcium, selon la réaction suivante : <CO3Ca>+CO2 dissous+ H2O ⇄ Ca2++2 HCO3- (1)

<CO3Ca> est le carbonate de calcium dans l’état cristallisé.

CO2 est dissous dans l’océan.

La profondeur des océans à laquelle cette transformation se produit est appelée : « carbonate compensation depth - CCD ». La dissolution ,dans sa complétude, conduit donc à un ensemble « d’ions » dispersés dans l’eau de mer, sous la forme :

Ca2+ et HCO3- ;

cette transformation est aussi appelée « isocline » .

La réaction (1) est équilibrée , et par conséquent « réversible », ce qui induit le concept de « variance »*. Cette réaction obéit au principe de « Le Chatelier » où les déplacements d’équilibres sont possibles et ce, jusqu’à dissolution complète du « carbonate» .

Une autre réaction équilibrée impliquant l’anion CO32- est la suivante :

HCO3-  + H2O ⇄  H3O+  +  CO32-

On écrira cette réaction sous la forme simplifiée suivante :

HCO3-  ⇄ H+ + CO32-  (2)

La littérature fait état des concentrations en anions, tels que HCO3- et CO32- . La proportion entre ces deux types d’anions est de l’ordre de 89% en faveur des ions bicarbonates : HCO3- . Quant à la teneur en cations Ca2+ , elle semble ne pas être connue précisément; cette dernière a cependant de l’importance pour la compréhension du mécanisme de fonctionnement de la pompe biologique marine [3]. (Ce point sera discuté plus loin dans le texte).

Remarque : Il faut noter, qu’à l’échelle atomique, les ions sont souvent solvatés, c’est-à-dire, entourés dans leur plus proche voisinage par des « ions » de signe opposé. Toutefois , les liaisons impliquées, dans ce dernier cas ,sont plus faibles que celles qui agissent afin d’assurer l’électroneutralité globale du milieu marin , et ce en vertu du principe de conservation des charges.

II-Bilan des charges ioniques en dessous du CCD et conséquences

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Nous désignons par le mot « bulk »(terme souvent utilisé en thermodynamique) l’ensemble constitué par l’eau de mer en dessous du CCD en y incluant les trois types d’ions suivant : HCO3- , CO32- et Ca2+ ainsi que l’ion Hydronium : [H+] = H30+=x . Les concentrations sont exprimées en nombre d’ions par unité de volume ; elles sont ,classiquement représentées, par des « crochets » tels que l’ion l’Hydronium : [H+] . Rappelons qu’en « acidimétrie » on dispose de la relation fondamentale suivante : [H+][OH-]= 10-14 ).

Plus généralement, les concentrations sont représentées sous la forme de puissances négatives telles que : n.10-p: , p est ici un entier positif, n est un pré-facteur inférieur à 10. En raison des imprécisions sur les valeurs des concentrations , nous nous bornerons à ne prendre en compte que les termes correspondant à n=1 . Le bilan des charges entre anions et cations conduit à l’équation suivante :

2[Ca2+]+[H+]=   + [HCO3- + 2 CO32- (3)

Les facteurs 2, intervenant dans l’équation ci-dessus ,viennent du fait que c’est le signe de la nature de l’atome concerné qui est impliqué dans ce cas. Le second membre de l’équation (3) montre que [H+] ne peut être égal à zéro, ce qui impose [H+] ≠ 0

Dans ce qui suit , et afin d’alléger l’écriture nous posons formellement :

x=[H+] ; y=CO32- ; z=HCO3- ; k= Ca2+

Sur la base de la relation (3 ) et du fait que les concentrations sont données par des puissances négatives de : x,y,z et k nous utilisons les « bijections » suivantes où x est l’antécédent de 10-x et ainsi de suite :

x→10-x ; y→ 10-y ; z→10-z ; k→10-k et enfin 14→10-14

Remarque : une application est bijective si et seulement si tout élément de son ensemble d’arrivée a un seul antécédent.

L’équation (3) ,paramétrée en x,y,z et k , devient alors :

x2+x  -14

Le discriminant ∆ de cette équation du second degré est tel que :

∆= 2+56

∆ étant positif, avec un déterminant nul, la solution est donnée par l’équation suivante:

x=k-(y+ )

c’est-à-dire sous une forme plus explicite avec les symboles suivants :

[H+]= [Ca2+] -   (4)

Classiquement ,dans une échelle logarithmique, le pH s’étend de 0 à 14. Toutefois, selon l’équation (3) , la limite x= [H+]=0 ,n’est pas possible du fait de l’infinitude qui en résulte. C’est pourquoi dans cette analyse on est amené à limiter l’intervalle de pH considéré. Nous choisissons arbitrairement cet intervalle comme étant compris entre 0, 1 et 14 unités pH . Au sens mathématique du terme ceci est défini comme une « coupure » (dite de dedeking) entre x=0, 1 et x=14 unités pH .

Remarque : S’il s’agit d’une coupure pour x<0, 1 , il faut alors utiliser la méthode de Newton-raphson pour obtenir une plus grande précision [8]

Revenons au membre de droite de l’équation (4) où la concentration en ions Hydronium est donnée par la différence entre la concentration en cations [Ca2+] et la somme suivante des concentrations en anions :  

Puisque la concentration [H+] =x est d’évidence une grandeur positive ,comprise entre

x=0,1 et 14 , on en déduit ,que la différence entre la concentration en cations [Ca2+] et la somme des concentrations en anions   est aussi positive. Ainsi,on est amené , selon l’équation (4) et par conséquent à l’inéquation suivante :

k>(y+z/2) .

Soit , sous une forme plus explicite : [Ca2+] >   (5)

La concentration en [Ca2+]=k doit donc être supérieure à celle des anions. C’est un résultat qui a son importance pour le transport ionique de matière en dessous du CCD 5. Remarque : L’inéquation qui précède correspond à la définition du « lemme » en mathématique. Un lemme découle d’un ‘’résultat intermédiaire antérieur (l’équation (4) ) sur lequel on s’appuie pour conduire une démonstration d’un théorème plus important’’ qui dans le cas qui nous intéresse est donné par l’inéquation (5) .

III-Discussions

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En fait pour satisfaire l’électroneutralité du milieu marin, il faut que les concentrations des différents ions suivants : HCO3- , CO32- et Ca2+ ainsi que l’ion Hydronium ne soient pas nulles [4]. En outre Il faut ,rappelons le, un excès en concentration pour les cations [Ca2+]= k par rapport aux deux types d’anions. Toutefois, il se peut que, dans les abysses, le principe de conservation des charges électriques soit mis en défaut, du fait de la formation possible d’arcs électriques intenses et très fugaces , (évidemment invisibles à de telles profondeurs). Il a été effectivement montré que des déformations importantes pouvaient se manifester jusqu’à la formation de « rides »,de « fosses » et de « mamelons » dans les abysses [6].

J.Murry [1] avait signalé que des dépôts carbonatés ,inattendus ,pouvaient se former dans ces abysses, en-dessous du CCD . Par ailleurs, et en ce qui concerne l’acidimétrie , il est essentiel de situer le pH des eaux marines par rapport aux concentrations en anions carbonatés et en cations calcium. Des analyses du pH de l’eau de mer dans les couches profondes de l’océan pacifique ont été réalisées au Canada . Ces études montrent que , sur une période de 5 ans, l’acidification de l’eau de mer peut se manifester jusqu’à 500 m de profondeur. Ce résultat laisse supposer que pour des eaux marines plus profondes (en dessous du CCD) une acidité puisse subsister. Indépendamment des résultats Canadiens, on peut être surpris par l’écart important de pH entre celui des eaux marines, qui est voisin de x = 10-8 , et les valeurs des concentrations des anions « carbonatés » concernés ainsi que les cations « calciums » correspondants. En effet , ces concentrations sont en fait de l’ordre de 10-5 et 10-6 . Notons que cette constatation va dans le sens des résultats expérimentaux obtenus par les équipes Canadiennes, bien que les profondeurs ,correspondant au CCD, soient nettement plus importantes que celles résultant des mesures canadiennes.

En conclusion, cette étude a permis ,en se basant sur « l’acidimétrie », de définir une gamme de pH spécifique ainsi qu’une suite de concentrations des différents « ions » concernés où , par le biais de la condition d’électroneutralité, on est conduit à une inéquation démontrant que la concentration en ions « calcium » doit être supérieure à celle des anions. Toutefois, si les concentrations en anions étaient supérieures à celles des cations, alors, l’électroneutralité ne pouvant plus être satisfaite, un excès de charge charge électrique pourrait subsister jusque dans les abysses.


Addendum

En raison des imprécisions sur les valeurs numériques des concentrations des ions concernés , on fait appel aux calculs d’erreurs . Bien que l’inéquation : k>{y+z/2} soit ,du point de vue algébrique, incontestable , il s’avère nécessaire de commenter ce qui conduit à la relation (4) : x=k-{y+z/2} . L’erreur sur la valeur de x est notée ∆x . Les erreurs étant additives l’erreur totale sur x est telle que : ∆x= ∆k+∆y+∆z/2 .

Cette additivité des erreurs peut conduire ,dans certains cas, à une grandeur qui soit loin d’être négligeable. Ce serait évidemment le cas si l’erreur ∆x était supérieure à la différence suivante : k-{y+z/2} ; ce qui est extrêmement peu probable.


Références

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[1] J. Murray , fusion data science-Linkedln , Univercity of Liverpool.

[2] C. Billmann , Thèse, 1993 , Rennes

[3] océanic carbon cycle – en / Wikipédia

[4] B. franlklin , Millikan.

[5] océanic carbon cycle – en / Wikipédia

[6] V. Romanovsky , Physique de l’Océan, 1966, p. 117

[7] Pacific ocean working group on ocean « acidification »

[8] M. Blétry et M. Presset , chimie des solutions, ed. BOECK, p.330

[9] Thermodynamique des Matériaux , P.J. Desré, F. Hodaj , p.109

  • La « variance » est le nombre de paramètres – température, pression hydrostatique- que l’on peut faire varier sans risquer de détruire l’ équilibre correspondant. Cette variance est telle que : v= n+2-φ .

n est le nombre de constituants intervenant dans la réaction équilibrée

φ est le nombre de phases impliquées pour cet équilibre.

Variance de la réaction équilibrée (1) est v= 5 ; variance de la réaction (2) est v= 4. On notera que les variances impliquées dans ces équilibres sont élevées [9].


P.J. Desré Grenoble