Recherche:Introduction à la bricologie
« Je ne connais pas d’autre manière d’aborder de grandes tâches que le jeu »
— Friedrich Wilhelm Nietzsche, Ecce Homo
Vous avez sous les yeux un essai dans lequel je me suis amusé à m’approprier la métaphore du « bricolage », dans le but d'extrapoler en sciences humaines une nouvelle sorte de discipline scientifique que j’ai baptisé « bricologie ». En adhérant à ma propre création, je suis donc devenu « bricologue », ou autrement dit un chercheur convaincu que le bricolage est partout, tout comme le sociologue a tendance à voir du social partout, l’anthropologue du culturel partout, etc.
Dans un premier temps, je vais présenter les origines de cette démarche pour ensuite parcourir quelques grands thèmes de l’anthropologie revisités sous ce nouveau regard du bricologue. Je conclurai cet essai en défendant les vertus de la bricologie tout en la situant par rapport à différentes sciences et théories que j’ai pu découvrir durant mon cursus universitaire d'apprenti anthropologue.
Je souligne enfin le fait que j’ai pris une attention toute particulière à utiliser le pronom « je » de manière systématique et méthodologique. Car bien que ce travail ne repose sur aucune enquête de terrain, j’ai toutefois pensé que quand on a la prétention de produire une science nouvelle, aussi farfelue soit-elle, il est alors de bon goût d'assumer pleinement le côté « narratif, épistémologique, moral et méthodologique » de ses écrits (De Sardant, 2008, p.169). En outre, chaque usage du pronom de la première personnel du singulier rappellera aux lecteurs de ce travail de recherche qu'il doit être reçu tel un essai des plus subjectif qu'il soit.
Aux origines de la bricologie
modifierDans son livre La pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss fut le premier à utiliser la métaphore du bricolage pour distinguer la « science du concret » ou « science première » de la science moderne :
« La comparaison vaut d’être approfondie, car elle fait mieux accéder aux réels entre les deux types de connaissance scientifique que nous avons distingués. Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l'ingénieur, il ne subordonne pas chacune d'elles à l'obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s'arranger avec les « moyens du bord », c'est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, par ce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d'ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d'enrichir le stock, ou de l'entretenir avec les résidus de construction et de destruction antérieures. L'ensemble des moyens du bricoleur n'est donc pas définissable par un projet (ce qui supposerait d'ailleurs, comme chez l'ingénieur, l’existence d'autant d'ensembles instrumentaux que de genres de projets, au moins en théorie) ; il se définit seulement par son instrumentalité, autrement dit et pour employer le langage même du bricoleur, par ce que «ça peut toujours servir. » (Lévi-Strauss, 1962, p.27)
Ainsi, l’idée de bricolage sortie de son sens commun où elle aurait plutôt une connotation péjorative, fut introduite dans le champ de l'anthropologie avec pour objectif d'exprimer la condition de l'individu premier (mais je pourrais dire ordinaire) qui doit constamment dans sa vie composer et recomposer avec les moyens qui sont à sa disposition. Cette vision des choses très intéressante fut récupérée à de nombreuses reprises par de nombreux autres[1], et principalement dans le contexte du syncrétisme religieux. Roger Bastide (1970) fut l'un des premiers à réutiliser la métaphore du bricolage comme outil pour comprendre les cultes afro-brésiliens à travers l’idée d'un «bricolage intellectuel». André Mary (1993, 2000) l’utilisera à son tour pour mieux décrire la formation du corpus mythico-rituel du Bwiti des Fang du Gabon qui offre à ses yeux une illustration exemplaire des modalités du bricolage syncrétique. André Mary (1994) fut aussi à l'origine du jeu de mots «bris-collage» qu’il inventa dans le but de bien distinguer le syncrétisme religieux post-moderne des syncrétismes religieux exotiques :
« La réhabilitation du syncrétisme à laquelle se livre à sa façon le discours sur la post-modernité est manifestement associée à une version «faible» du bricolage qui l'assimile à un simple collage ou en jouant sur les mots, à un «bris-collage». Lévi-Strauss, il faut le dire, a pu lui-même entretenir la confusion en introduisant, après coup, l'image seconde du kaléidoscope dont les effets de miroir, associés aux mouvements aléatoires de bribes et de morceaux colorés, engendrent des configurations esthétiques fugaces, à la fois très variées, mais nécessairement limitées (Lévi-Strauss, 1962: 49). La référence post-moderne à une culture kaléidoscopique est sans doute une façon d'exprimer un sens aigu de la clôture et de la saturation du jeu des possibles en matière de création, une fascination pour le morcellement des systèmes de sens et un goût prononcé pour les ordres fragmentaires. Dans la mesure où les gravats des discours anciens issus du procès de cassure de la modernité n'ont plus d’être propre, ne sont plus que des formes vides de toute prédonation de sens, des éléments libérés des pré-contraintes de la tradition et du sens de l'historicité, on comprend que seul le jeu des rapprochements contrastés ou incongrus, les procédés de la transposition ou de la citation, puissent désormais engendrer des effets de sens. La dispute sur les métaphores (métissage, moulage, collage ou bricolage) comporte donc un enjeu non négligeable: elle concerne les logiques symboliques mais aussi sociales qui sont à l'œuvre dans les diverses modalités des procès de syncrétisation. Notre expérience des cultes syncrétiques africains nous conduit à soutenir qu’il y a un malentendu profond à prendre prétexte de l'air de famille qui existe entre le syncrétisme post-moderne, tel qu’il se donne à voir notamment dans l'effervescence des nouveaux mouvements religieux américains ou européens, et les syncrétismes exotiques ou disons néotraditionnels de l'Afrique actuelle, du Brésil ou d'ailleurs, pour postuler une continuité profonde des logiques culturelles en présence. »
Le jeu de mots « bris-collage » sera repris par Danièle Hervieux-Léger notamment dans ses recherches sur les sectes, où elle y voit une «nouvelle économie du religieux contemporain» ou un nouveau «marché des significations» (2001). Pierre-Joseph Laurent (2002) s'exprimera aussi sur la nécessité de faire la «distinction entre un bricolage social et un éventuel bricolage culturel» pour décrire adéquatement les stratégies et ruses employées par les Assemblées de Dieu du Burkina Faso. Je pourrais ainsi citer beaucoup d'exemples et pousser mes recherches dans la littérature scientifique autre que francophone, mais une énumération exhaustive serait fastidieuse et hors propos. Dans le seul site internet de la Revue Internationale de Sociologie de la Religion: «Social Compas» j’ai pu ainsi relever la présence de 48 articles reprenant le terme de bricolage. Je vais donc me limiter ici à vous présentant brièvement, parmi ces 48 articles, ceux faisant partie d'un dossier issu d’un colloque intitulé : « Bricolage, Métissage ou Hybridation ? Les concepts du mélange dans l’étude transdisciplinaire des phénomènes religieux »[2]. Le dossier débute par une introduction de Louis-Léon Christians et Olivier Servais (2005) qui situe comme je suis en train de le faire, l'origine et l'évolution du concept de bricolage. Vient ensuite un texte d’André Mary (2005) qui reprenant certains thèmes déjà abordés plus haut. Il approfondit la notion de contraintes inhérentes au bricolage et dont j'aborderai le sujet plus loin dans le texte. Vient ensuite un article de Danièle Hervieux-Léger (2005) qui met l'accent sur le fait que « le bricolage en question s’attache en fait de façon privilégiée à des questions anthropologiques fondatrices de l’humain ». Un autre article de Pierre-Joseph Laurent (2005) qui fait référence à son étude sur le pentecôtiste en société mossi du Burkina Faso (2003). Il nous explique comment certains burkinabais trouvent dans le pentecôtisme ce que j'appellerais un « terrain de bricolage » entre ce que Pierre-Joseph Laurent appelle «la concorde coutumière» et «la modernité insécurisée». Dans sa conclusion, il constate que le bricolage s’opère à la fois au niveau de la structure sociale des acteurs et à la fois au niveau des identités profondes, dans un système qui doit être considéré comme un tout. Vient ensuite un article de Jean-Pierre Hiernaux (2005) sur les croyances populaires de chez nous dans lequel il introduit une nouvelle métaphore apparentée à celle du bricolage :
« Laissant au syncrétisme le rapport entre corpus constitués dans le contact de cultures - ce qui n’est pas exactement notre matière - nous aurons aussi préfére a un usage réducteur du mot "bricolage" la perspective des transactions symboliques. Métaphore économico-juridique sans doute, mais dont les connotations d’arrangement - où l’on transige par des négociations et crée par des accommodements - peuvent évoquer, sous réserve de la limite permanente des mots, le travail des sujets renégociant leurs intériorisations de sens et les reconfigurant face aux provocations - certains diront aux dissonances cognitives - qui résultent de leurs expériences de l’existence. »
Le dossier continue avec un article d'Olivier Servais (2005) qui voit à travers ses études sur les Anishinaabeg de la région des Grands Lacs nord-américains, le bricolage comme une «Gestion cognitive des appartenances religieuses», «une Idéologie par rapport au mode de vie» qui l'amène a distribué les acteurs sociaux à travers quarte différents types de modalités du bricolage. Le dernier article du volume 52 Numéro 3 de Social Compass écrit par Paul Chambers et Andrew Thompson (2005), est consacré sur les identités nationales et religieuses des habitants du Pays de Galle. Reste ensuite deux autres articles issus du colloque, mais qui ont été publiés dans un autre volume du journal suite à un manque d'espace dans le numéro 53. Il s'agit d'un article de Vassilis Saroglou (2005) qui à travers une analyse psychologique nous fait part des dimensions tant individuelles que collectives aux quelles nous amène la métaphore du bricolage:
« Religious bricolage could thus be considered an expression of such a development both at the individual and collective level since it implies: (1) the holding together of religious ideas and practices coming from different if not opposite religious traditions; (2) the contextualization, and thus relativization, of these ideas and practices; and (3) a high flexibility together with some integration when dealing with various and divergent religious beliefs and practices. »
Le dernier article issu du colloque est celui de Léon Christians (2005) qui traite de la reconnaissance des phénomènes de bricolage dans l’espace juridique. Une idée de bricolage qui dans ce cas-ci peut être sorti du contexte religieux pour devenir « un bricolage normatif » et être appliqué par exemple la problématique du mariage entre homosexuelle.
« Far from being only a sociological fact, the "bricolage" between the religious worlds seems to be strengthened by the normative and case law structures of Belgium. Other examples could have been analyzed in the heart of the processes of elaboration of the law itself, notably the bricolage of the figure of the civil marriage by its opening to the homosexual couples (but without any adoption ability) (Christians, 1998b). Some exceptions to this ‘‘normative bricolage’’ framework should be also mentioned, for example, the legal prohibition on the Belgian Catholic schools still to organize special lessons of Islamic religion for their Muslim pupils. »
Cette revue ciblée de la littérature scientifique me semble suffisante pour montrer l'importance, la richesse et la complexité des idées qui peuvent tourner autour de la métaphore Levi-Straussienne du bricolage. La métaphore est importante, car elle «s’attache en fait de façon privilégiée à des questions anthropologiques fondatrices de l’humain» (Hervieux-Léger, 2005) et est d'ores et déjà reconnue par le monde juridique (Léon Christians, 2005). Celle-ci est riche et complexe, car elle peut être vue comme entité plurielle en référence à la typologie d'Olivier Servais (2005) ou dans une catégorisation culturel et social comme le propose Pierre-Joseph Laurent (2002). La métaphore peut aussi être vue comme entité composée comme le fait Pierre-Joseph Laurent (2005) en voyant dans le bricolage à la fois une dimension socio structurelle inséparable d'une autre dimension profondément identitaire et Vassilis Saroglou (2005) qui y voit une dimension individuelle et collective. Malheureusement, derrière l'importance, la richesse et la complexité de la métaphore se cache un problème fonctionnel propre à l’utilisation de toute métaphore. Une métaphore peut être confrontée à une autre comme le fait Jean Pierre Hiernaux dans son article (2005), puis il est toujours permis de discuter de l'interprétation d'une métaphore. Ce fut le cas pour certains travaux d'André Mary (1999, 2000) qui ont été revus et critiqués en détail par une équipe de chercheurs dans un article intitulé «Regards croisés sur le bricolage et le syncrétisme» ( CARMEN 2001). Dans cet article, on y trouve à la fois des éloges mais également une mise en garde quant à l’usage de la métaphore du bricolage. En réponse à cet article et suite à certains débats, André Mary (2001) tentera de conclure la discussion par un article intitulé «Pour en finir avec le bricolage ? ...» Dont voici un extrait qui me semble très parlant :
« La vertu du ‘bricolage’, dans les usages que Lévi-Strauss et Bastide en ont fait, est au moins d’inciter à une réflexion sur les rapports entre métaphores et concepts et sur la construction des rapports analogiques qui président à l’élaboration des modèles d’intelligibilité des sciences sociales. Au-delà des effets de mode et des impasses d’un imaginaire condamné aux jeux de miroir, la dispute sur les métaphores (métissage ou bricolage ? syncrétisation ou créolisation ? plasticité ou hybridité ?) ne peut apporter de progrès heuristique que si les pertinences relativement circonscrites de la métaphore mobilisée permettent de poser des questions discriminantes au corpus des données d’enquête, ou si, pour reprendre une formule de Jean-Claude Passeron, « la comparaison fait disjoncter la métaphore »
Ainsi, c’est peut-être de là que m’est venue la fantaisie de réinventer[3] un nouveau mot pour récupérer l'importance, la richesse et la complexité issue de la métaphore du bricolage tout en créant une rupture avec son passé. En inventant de façon farfelue le mot bricologie et la discipline qui l'accompagne, je me suis ainsi offert la liberté d'explorer un nouveau champ de vision vierge de tout commentaire après avoir quelque part fait «disjoncter la métaphore» d'une façon définitive. De plus, en changeant de vocabulaire et en passant de la métaphore au concept, je libère l’idée de bricolage du domaine de l'anthropologie religieuse auquel elle est étroitement associée (jusque dans les textes de loi, nous l'avons vu). Car si le terme de bricolage a surtout été utilisé en anthropologie des systèmes symboliques, il est aussi utile et utilisé dans d’autres contextes comme nous allons le voir plus loin avec l’idée du "bricolage social" en sociologie ou du "bricolage pédagogique" dans la science de l'éducation ou encore pour rester dans le domaine de l’anthropologie "le bricolage identitaire", avec pour exemple Mathieu Hilgers (2008) et son ethnographie de la ville de Koudougou :
« L'incidence d'une représentation sociale sur les pratiques n'implique pas que celles-ci forment un ensemble totalement et durablement cohérent pas rapport à cette représentation. Les bricolages, métissages, clivages et autres mécanismes qui rendent les pratiques partiellement hybrides soulignent à quel point les logiques pratiques sont faites d'à-peu-près en partie indéterminées »[4].
Ou dans le compte-rendu d'un exposé d'Olivier Servais où il aborde le sujet comme tel :
« La construction de l'identité s'effectue dorénavant selon un ensemble de dispositifs choisis qui ne renvoient plus à des monolithes idéologiques, tout comme les valeurs ont, elles aussi, basculé du collectif (religion, autorité, devoir…) vers l'individuel (liberté, épanouissement, tolérance…). Ce qu’Olivier Servais appelle "bricolage identitaire" se traduit lors d'un engagement volontaire par une priorité accordée aux affinités relationnelles et à l'action concrète, locale. La notion de sens, si elle n’est pas nécessairement présente dès le début de l’engagement, apparaît au fur et à mesure pour devenir centrale dans l’implication du jeune. »
Ces deux dernières citations montrent que le point de vue apporté par l’idée de bricolage et donc par la bricologie, puisque j’ai déjà pris la liberté d'abandonner la métaphore, constitue de nos jours, dans des contextes bien différents, une aide efficace pour comprendre la construction d'une identité humaine. Mais je voudrais maintenant pousser le raisonnement plus loin et utiliser le point de vue sur le monde qu'offre la bricologie pour penser l'homme ordinaire comme un bricoleur, contraint dans de nombreuses situations (si pas toutes) à s'en sortir pour le mieux avec, comme le dit Lévis-Strauss (1962), les « moyens du bord ». Des moyens du bord qui sont rappelons-le, « un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux ».
Bricologie rayon outils et matériaux
modifierLa création et l’utilisation d’outils ne sont pas le propre de l'homme. Car si l’on en croit les écrits de Dominique Lestel dans son livre « Les origines animales de la culture » (2003, p.62), une « centaine d'animaux » sont susceptibles de produire et utiliser des outils. Mais faut-il encore définir ce qu'est un outil. Dominique Lestel (ibid, p.63-66) aborde brièvement la question et met en évidence la difficulté de trouver une définition qui ne soit ni trop stricte ni trop englobante. Plutôt que de rouvrir ici le débat, je vais plutôt trancher la question en proposant ici une définition très large et très générale issue du CNRTL et qui servira de référence le temps de cet essai. Outil : « Moyen ; ce qui permet d'obtenir un résultat, d’agir sur quelque chose »[5]. Ainsi, beaucoup d'animaux sont capables comme l'homme de dénaturer les matériaux qu’ils trouvent dans la nature pour se les réapproprier à leurs fins. Les fourmis sont capables d'édifier de véritables cités complexes pour se protéger de leurs prédateurs (Weber 1991), et certains chimpanzés peuvent fabriquer des outils pour aller à la pèche aux fourmis (Lester, 2004). Certaines parties du corps pourraient aussi être considérées comme des outils. Par exemple, les mains préhensiles des hommes et des grands singes sont à elles seules, une paire d’outils naturels très puissants dans la manipulation d'objets ou dans la manipulation d'autres outils. Aucun ours (excepté Wini l'ourson) ne serait capable de transformer et d’utiliser une brindille comme le fait le chimpanzé pour s'accaparer du miel qui pourrait rester inaccessible dans un tronc d'arbre[6] Concernant l'allusion fait sur Wini l'Ourson on pourrait aussi ouvrir un débat anthropologique sur le fait que dans les médias destinés aux enfants (mais pas seulement) on trouve de nombreux cas «d'anthropopsychologisation» du monde comme il fut encore le cas dans le film Wall-E (Stanton 2008) où l’on y voit un robot «tomber amoureux»... . L'ours, par rapport au grand singe, est donc limité dans l’utilisation des extrémités de ses membres. Quant à l’homme par rapport au grand singe, il s’en distingue en grande partie grâce à sa station debout qui libère l'usage de ses deux mains y compris durant sa locomotion. Grâce à cette faculté, l'homme peut facilement transporter et manipuler avec précision tout un tas d'objets, d'outils. Cet avantage sur les autres animaux fait sans doute partie des raisons pour lesquelles l'homme a réussi, plus ou moins selon la culture dans laquelle il grandi, à prendre distance par rapport à la nature au point de la résumer pratiquement, dans certain cas, à un objet d'exploitation. Grâce à ses deux mains libres et à ses pouces préhensiles, l'homme peut ainsi produire une «quantité toujours croissante d'outils. Cette activité a une telle importance dans l'évolution de l'homme qu'elle en a fait pratiquement l’objet principal de l'archéologie. Grâce à cette discipline, on a appris par exemple comment dans la préhistoire l'homme a détourné la nature dévastatrice du feu pour en faire une source de chaleur, un éclairage nocturne[7], et ainsi de suite jusqu'à l'invention de l'écriture avec laquelle l’homme a quitté l'ère de la préhistoire pour entrer dans celle de l'Histoire. De nos jours et surtout dans les sociétés occidentales, un ensemble complexe et impressionnant d’outils semble devenu indispensable à l'homme. Cet ensemble important d'appareillages, pour être construit et pour fonctionner, nécessite de dénaturer et combiner une foule de matériaux empruntés à la nature, dont une quantité importante de combustibles fossiles. La production d’outils de nos jours a atteint au niveau planétaire une telle importance qu'elle est à l'origine de problèmes écologiques extrêmement graves tels que le réchauffement climatique ou la sixième extinction massive des espèces vivant sur sa planète.
Avec ses outils, l'homme a donc réussi à s'émanciper de sa condition animale, mais aussi, et cela est remarquable, de sa propre nature. Car si l'homme est un être terrestre à ses origines, force est de constater qu'on peut le rencontrer aujourd’hui en milieu terrestre certes, mais aussi aquatique, aérien et même lunaire ou spatial. Ainsi de dépassement en dépassement, de découverte en découverte, d’invention en invention, les hommes en sont arrivés à revoir leur passé dans une perspective évolutionniste. Contrairement aux animaux qui répètent de génération en génération un cycle de vie ou de survie adapté à leur environnement, les hommes en sont venus à concevoir leur vie comme incluse non plus dans un cycle, mais une spirale évolutive tracée sur une ligne du temps. Dans cette évolution, les changements sont perceptibles à l’échelle d'une seule vie humaine, et ce, probablement depuis la découverte des Nouveaux Mondes. Certaines périodes de transitions furent plus marquantes que d’autres. Ce fut le cas de la révolution du néolithique que Lévi-Strauss (1962, p.22) présente en quelques mots :
« C'est au néolithique que se confirme la maitrise, par l'homme, des grands arts de la civilisation: poterie, tissage, agriculture, et domestication des animaux. Nul, aujourd'hui, ne songerait plus à expliquer ces immenses conquêtes par l'accumulation fortuite d'une série de trouvailles faites au hasard, ou révélées par le spectacle passivement enregistré de certain phénomène naturel. Chacune de ces techniques suppose des siècles d'observations actives et méthodiques, des hypothèses hardies et contrôlées, pour rejeter ou pour les avérer au moyen d'expériences inlassablement répétées »
Remarquons que le texte de Lévi-Strauss est rédigé dans un style qui illustre bien, je trouve, l’état d’esprit qui régnait dans les milieux des sciences en ce début des années soixante[8]. Le style, tout comme l’époque, était empreint d’assurance dans le discours scientifique (Nul, aujourd’hui, ne songerait plus à expliquer), d’admiration envers l’idée de progrès (immenses conquêtes) et de confiance en la méthode (hypothèses hardies et contrôlées). Un style aussi grandement imprégné de rationalisme : «des siècles d’observations actives et méthodiques», «expérience inlassablement contrôlée». L’assurance dans l’écriture est telle qu’elle pourrait presque faire oublier que la révolution du néolithique commença il y a plus de dix mille ans à une époque, où pour peu que je sache, l’homme n’avait pas encore développé un système d’écriture. Les conditions d'émergence de la révolution du néolithique apparaissent ici comme des faits, alors qu’elles ne sont sommes toutes, que des spéculations théoriques basées principalement sur des découvertes archéologiques. Spéculations théoriques qui, par nature et selon la règle épistémologique de base proposée par Popper, sont appelées à être revues au fur et à mesure des nouvelles investigations, comme ce fut le cas lors de la parution d’un des premiers grands ouvrages d’Alain Testar au sujet des chasseurs cueilleurs (1982, p.201) :
« Il faut donc corriger l’impression qui se dégage de la seule considération des chasseurs-cueilleurs sédentaire. Il est exact que le caractère révolutionnaire attribué au néolithique a plus à voir avec l’établissement d’un système sédentaire à stockage qu’avec l’agriculture elle-même : c’est ce que démontrent les sociétés de la côte nord-ouest, de la Californie et les autres. Mais il est également important de remarquer que dans de nombreuses régions – et peut-être dans la plupart – ce système ne se réalise que grâce au développement des techniques agricoles. La raison en est que l’agriculture transforme de façon plus radicale la nature que ne la font la chasse ou la cueillette: cette remarque est aussi banale qu’importante. »
En lisant le livre d'Alain Testar on se rend compte que développement de l'agriculture n'aurait donc pas pu se faire sans le développement d'une certaine sédentarité et que cette sédentarité n'aurait pu se développer sans un système de stockage des aliments. Réciproquement, le stockage est difficilement concevable dans une vie de nomade tout comme une agriculture disons, plus intensive. Cet exemple illustre bien le fait que dans l’évolution de l’homme, toutes les créations d’outils ou de techniques sont étroitement liées entre elles et qu’il est souvent difficile de savoir ce qui a donné naissance à quoi. C'est sans doute la raison pour laquelle Testar en arrive à nommer « système », l’ensemble des outils, techniques et comportements qui furent à l'origine de la révolution du néolithique. Il y a donc une relation très étroite entre toutes les inventions et découvertes de l'homme. Cela reste toujours d'actualité, car même dans le domaine de la recherche fondamentale, les chercheurs voient leur champ d’action limité aux outils dont ils disposent. Ceci est aussi vrai que le fil à couper le beurre n’aurait pu être inventé sans l’invention première du fil. Dans une perspective d'évolution chronologique, l'histoire de l'outillage humain pourrait ainsi être représentée par une pyramide inversée, sorte d'arbre phylogénétique dont les branches s'entrecroiseraient sur un plan horizontal. Dans cet arbre, chaque apparition d’un nouvel outil dépendrait toujours des outils existant à l'époque de sa création, tout comme la création de nouveaux outils permettrait la création de nombreux autres outils à venir. L’invention du fil à couper le beurre n'aurait pu se faire sans l'invention du fil et du beurre, tout comme l'invention du fil associé à la découverte de l'électricité a permis d'inventer le câble conducteur qui, associé à d'autres découvertes et inventions, a permis d’établir de nouveaux systèmes de communication à grandes distances. Il est enfin utile de faire la distinction entre découvertes et inventions. Car il arrive que de nouveaux outils se découvrent par hasard comme ce fut le cas, et pour ne citer que les plus connus, de la radiographie au rayon X et du four à micro-onde[9], alors que d'autres sont inventés sans que l’on en voit immédiatement leur utilité. Comme ce fut apparemment le cas du moteur électronique selon cette anecdote relevée dans un livre sur la physique quantique écrit pas John Gribbin (2007, p.65) :
« Il y a plus de cent cinquante ans, lorsque Michael Faraday a inventé le moteur électronique, un politicien lui a demandé à quoi pouvait bien servir son invention. Faraday a répondu qu’il ne lui avait pas encore trouvé d'application pratique, mais qu’il était sûr que les politiciens, eux, allaient trouver une manière de la taxer ! »
Tout cela relativise donc fortement les propos de Lévi-Strauss selon lesquels les hommes «révolutionnaires» du néolithique ont profondément transformé le paysage humain suite à des «siècles d'observations actives et méthodiques, des hypothèses hardies et contrôlées, pour rejeter ou pour les avérer au moyen d'expériences inlassablement répétées». À mon sens, il serait plus prudent, voir plus juste, de dire que depuis ses origines, l'homme, cet animal dénaturé comme nous dit Vercor (1951), a toujours voulu dépasser sa condition en se bricolant un monde artificiel dans un processus constant d'accumulation d’outils dont le premier, au sens matériel du terme, pourrait être le nid. (Lester, 2004, p.73)
« Barbara Fruth et Gottfried Hohmann mettent en avant l’idée selon laquelle la construction des nids ne doit pas seulement être considérée comme une activité de manipulation d'outils, mais que le nid constitue l'outil originel par excellence. Les capacités physiques et mentales des primates que nous voyons aujourd’hui manipuler des outils qui paraissent être si proches de ceux que l’on trouve chez les hominidés se sont développées grâce à lui. La construction de nids devient ainsi une étape importante dans l'évolution des hominidés. »
Au terme de ce chapitre, où j’ai abordé l'évolution humaine d'un point de vue matériel avec les lunettes du bricologue, j’ai tenté de mettre en évidence à quel point l'univers matériel de l'homme d’aujourd’hui (mais nous pourrions nous poser la question pour d’autres animaux) est le résultat d’un processus évolutif complexe d'interactions et d'interdépendances qui s’apparentent au bricolage, et ce y compris dans la sphère de la recherche. Lévi-strauss le reconnaît lui-même dans son ouvrage (1962, p.29) lorsqu’il dit de l’ingénieur :
« Pas plus que le bricoleur, mis en présence d’une tâche donnée il ne peut faire n’importe quoi ; lui aussi devra commencer par inventorier un ensemble prédéterminé de connaissances théorique et pratique, de moyens techniques, qui restreignent les solutions possibles. La différence n’est donc pas aussi absolue qu’on serait tenté de l’imaginer ; elle demeure réelle, cependant, dans la mesure où, par rapport à ces contraintes résumant un état de civilisation, l’ingénieur cherche toujours à s’ouvrir un passage et à se situer au-delà, tandis que le bricoleur, de gré ou de force, demeure en deçà, ce qui est une autre façon de dire que le premier opère au moyen de concepts, le second au moyen de signes. »
Quant à situer l’ingénieur dans un passage vers l’au-delà au moyen de concept et le bricoleur en deçà au moyen de signes, je trouve l’idée très présomptueuse et je fais encore une fois l’effort de la replacer dans son contexte historique. Reste que l’idée de contrainte me paraît très séduisante et demande à être développée avec ce que j’ai trouvé de mieux comme antonyme dans ce contexte, à savoir les ressources. Car qu'est-ce qui peut nous contraindre ou nous ressourcer si ce n’est les outils et matériaux que nous avons sous la main et, dans certain cas nous pourrions dire, dans les mains. Et si en début de chapitre, je définis par le mot outils tous les moyens d'obtenir un résultat, d’agir sur quelque chose, c’était bien dans l’idée d'attirer l'attention sur le fait que les outils et matériaux peuvent être aussi bien d’ordre physique que psychique. D'ailleurs, ne dit-on pas d'une personne munie d'une grande force ou habilité physique ou de grandes capacités intellectuelles qu'elle est bien outillée pour effectuer certaines tâches. Dans un contexte intellectuel, les outils seront identifiés en tant que théories et les matériaux en tant qu’informations.
Bricologie rayon contraintes et ressources
modifierÀ de nombreux moments de mon existence, voire en permanence si j’y fais attention, je dois composer dans mes rapports sociaux avec un nombre incalculable de contraintes et de ressources qui influencent ma volonté, pour ne pas dire mes rêves et mes fantasmes. Dans le but de classer ces contraintes et ressources, je ferrai une distinction entre d’une part les contraintes et ressources internes à savoir les propriétés propres à l’individu et les contraintes et ressources externes et donc extérieures et indépendantes de l’individu.
Contraintes et ressources internes
modifierParmi les contraintes et ressources internes, j’y verrai tout d’abord, les contraintes et ressources internes d’ordre physique liées aux capacités de nos cinq sens ou aux capacités physiques telles que la force, la taille, la souplesse, etc. Nous retrouvons ici une grande part de ce qui est inné et héréditaire chez les êtres vivants et qui sont des facteurs déterminants dans la théorie de Darwin sur l’évolution des espèces. Car dans le cadre de sa théorie sur la sélection naturelle, les animaux les mieux outillés de par nature survivent mieux et se reproduisent, alors que ceux qui le sont moins périssent dans la compétition qui s’opère dans l’accès aux ressources vitales.
Ensuite, je vois les contraintes et ressources internes d’ordre psychique liées à mes capacités cognitives et intellectuelles qui me limitent dans mes analyses, ma conceptualisation et ma créativité, etc., en y incluant bien sûr mon état émotionnel qui a trop souvent tendance à être oublié dans le contexte des sciences sociales, alors qu’on ne devrait pas oublier ce que nous rappelle Olivier Houdé (2004, p.103) dans son ouvrage sur la psychologie de l’enfance:
« D’un point de vue évolutionniste, on pense ici au rôle classiquement imputé à l’émotion dans la survie, à savoir la peur face à un danger conduit les animaux, dont l’homme, à le fuir et donc à l’éviter. On peut dès lors avancer, en terme darwinien, que l’évolution (phylogenèse) a dû façonner un cerveau qui ressent des émotions nécessaires pour inhiber les comportements inadaptés, y compris lorsqu’il s’agit de logique. C’est peut-être cela la forme optimale de l’adaptation biologique et non pas, comme le pensait Piaget, l’intelligence logique en tant que telle. Le cerveau humain n’est pas, à l’image d’un ordinateur, un calculateur froid et logique »
Toutes mes propriétés physiques et psychiques déterminent ainsi en partie mes capacités d’accès à l’information, mais celle-ci ne pourra m’être utile dans la durée qu’en fonction de ma capacité de mémorisation qui, elle aussi, fait partie des contraintes et ressources psychiques avec lesquelles je dois bricoler. Concevoir, comprendre, apprendre nécessite ainsi un ensemble de processus complexes utilisant à la fois notre système sensoriel, notre mémoire et nos capacités de raisonner et de s’émouvoir, le tout coordonné par une unité centrale qu'est le cerveau. Un cerveau qui est vu par Olivier Houdé (2004), dans la conclusion de son livre, comme le siège d’un « cheminement biscornu de l’intelligence humaine (capacités précoces et erreurs tardives, pour beaucoup non prévues par Piaget), la compétition entre stratégies cognitives dans le cerveau, ainsi que le rôle de l’inhibition et de l’émotion. ». Et encore une fois, face à ces propos, je me sens plus proche du monde du bricoleur que celui de l’ingénieur.
Contraintes et ressources externes
modifierSi les contraintes et ressources internes font souvent l’objet d’une impasse en anthropologie et en sociologie, les contraintes et ressources externes font par contre l’objet de grands débats. Parmi les multitudes de facteurs externes, j’opérerai, à nouveau, une distinction entre contraintes et ressources externes d’ordre physique et contraintes et ressources externes d’ordre psychique. Parmi les contraintes et ressources externes d’ordre physique (mais il serait plus précis de dire physique, chimique et biologique), j’y vois des phénomènes physiques comme la gravité terrestre, l’obscurité de la nuit, l’ensemble des matériaux et outils dont nous avons déjà parlé dans le premier chapitre, etc. J’y vois aussi des phénomènes chimiques comme la présence de substance toxique, psychotrope, phéromonale, etc. Et j’y vois enfin des phénomènes d’ordre biologique comme la présence d'organismes vivants pathogènes, parasites ou prédateurs, etc.
Viennent enfin les contraintes et ressources externes d’ordre psychique, principaux centres d’intérêt des sciences sociales et culturelles. Il est bien ici question de la présence d’autres êtres humains, du partage de savoir ou de relations de pouvoir conscientes ou inconscientes, etc. Et il faut bien garder à l’esprit que toutes ces interactions se réalisent dans un jeu de contraintes et de ressources qui rendent chaque être vivant, et plus particulièrement, chaque être humain, extrêmement imprévisible.
Bien sûr en parlant de contraintes et ressources avec lesquelles l'homme doit bricoler, je ne prétends pas ici aborder un sujet nouveau. Bien des auteurs ont déjà abordé le sujet chacun à leur manière et, encore une fois, il serait fastidieux de les reprendre tous un par un pour développer leurs pensées. C'est donc de façon arbitraire que je vais aborder le sujet à travers certains auteurs dont la pensée m'a semblé intéressante à commenter. Je commencerai par Claude Javeau puisqu’il a écrit un livre consacré à la matière qui nous intéresse ici et qui s’intitule: « Le bricolage social ». Dans le début de son ouvrage, Claude Javeau (2001, p.34) propose le terme de sociotope dans le but de rassembler ce que j’appellerais un ensemble de contraintes extérieures à l'acteur social. Il nous en fait part en prenant pour exemple la situation d’un couple qui pourrait s'embrasser fougueusement dans une situation et pas dans une autre :
« Les acteurs sociaux sont donc tenus de bricoler leurs comportements à partir de ressources qui tiennent compte des variations existantes, pour chaque catégorie de comportement, selon ce que je me permettrai d'appeler les différents sociotopes auxquels ils risquent d’être confrontés. Lesquels peuvent tantôt refréner une manifestation affective, tantôt au contraire la promouvoir. Le comportement amoureux n'échappe pas à ce traitement. Si dans certains milieux, on est tenu de modérer ses transports, on est, dans d'autres, tenus de les accentuer, afin de ne pas passer pour «tiède» ou «indifférent» en la matière. La notion de sociotope, évidemment inspirée de celle de biotope, me paraît mériter une attention un peu soutenue. Chacun de nous, acteur du social, appartient à un milieu porté à des modes de différenciation que d'un point de vue épistémologique j'appellerai «canonique» : l'environnement géographique, la branche d'occupation, la nature des relations domestiques, l'appartenance civique, religieuse ou «culturelle», etc. Ce milieu n’est pas nécessairement celui où nous sommes nés, il peut représenter une étape sur la trajectoire d'une vie. Le passage d'un milieu à un autre ne s'opère pas sans diverses procédures de «traduction’ : on renonce à certaines manières de se comporter pour en adopter d'autres, ce qui peut entraîner, dans certains cas, un sentiment de culpabilité capable de se déclencher à l’occasion des retours en arrière, des retrouvailles avec un passé que l’on avait voulu occulter (par exemple, reparler une langue que l’on avait tout un temps banni de ses relations avec autrui). Je baptiserai sociotope ce milieu tel qu’il est observable à un moment donné, mais en tenant compte de sa dimension dynamique : il se trouve sur une trajectoire et constitue le cadre de traductions, lesquelles sont une des variantes de ce que d'une manière générale on appelle « transactions » (voir référence, supra). Les sociotopes sont les expressions localisées des habitus dans ce qu’il présente de dynamique. Bourdieu lui-même a toujours reconnu que les acteurs pouvaient changer d'habitus. »
Nous voyons dans cet extrait que l’idée de sociotope en raison de son analogie avec le concept de biotope circoncit les contraintes et les ressources à ce qui est extérieur à l'individu. Cette idée devient ensuite confuse lorsque Claude Javeau la redéfinit en utilisant le concept d'habitus de Pierre Bourdieu puisque lui par contre, dans sa définition [« structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes »], met bien en évidence le coté à la fois interne et externe des contraintes et des ressources. Voici pourquoi, pour parler des contraintes et ressources externes, je préfère de loin le terme d’environnement de George Simmel qui selon Philippe Boudes (2009) aurait influencé les deux principaux courants fondateurs de la sociologie de l’environnement que sont l’écologie humaine étasunienne et la morphologie sociale française. L'avantage du terme d'environnement est qu’il se précise lorsqu’il est associé à un adjectif. On pourrait ainsi parler d’environnement social, culturel, symbolique ou économique à l’image des quatre capitaux de Pierre Bourdieu. Capitaux dans lesquels je vois, en bon bricologue, un ensemble de contraintes et ressources qui favorisent ou non la volonté de l’individu et auxquelles je me suis toujours demandé pourquoi Bourdieu n'y avait jamais ajouté le capital physique. Nous reviendrons sur cette idée plus tard.
Reste enfin ce vieux débat entre structuralistes et interactionnistes sur la question de savoir si ce sont les hommes qui font et influencent la société ou si c’est la société qui fait et influence les hommes. Cette question récurrente à une époque fut le thème repris par Norbert Elias dans son ouvrage « la société des individus » (1991) dans lequel il reprend la métaphore d'Aristote des pierres et de la maison:
« Les pierres que l’on taille et assemble pour construire une maison ne sont qu'un moyen, la maison est la fin. Ne serions-nous donc nous-mêmes, individus, rien d’autre que des moyens, qui ne vivent et n'aiment, ne luttent et ne meurent que pour servir la fin qu'est l’ensemble social ? »
En pensant aux pierres qui, de nos jours, sont devenues des briques que l’on colle les unes aux autres dans le but de créer des édifices, il m’est impossible, tout bricologue que je suis, de ne pas y voir un « brique-collage », dans lequel il n’y aurait pas de maison sans briques mais aussi pas d’utilité aux briques sans maison. En sachant bien que dans le cas des hommes et de la société, le tout influence le tout dans un mécanisme d’interaction et de réciprocité constant et permanent. Ainsi, le sociologue dira que la société forme les individus tout comme les individus forment la société et l’anthropologue dira que l’homme crée la culture comme la culture crée l’homme. Amin Maalouf (1998, p.79), quant à lui, nous dit:
« L'influence est réciproque, je le sais ; la société façonne la religion qui, à son tour, façonne la société »
Cette idée d'interdépendance entre les hommes et les structures et entre les structures elles-mêmes dans le cas d’Amin Maalouf me semble évidente. Et cet avis se renforce encore suite à la démonstration d’Olivier Corten et Annemie Schauss (2004) qui nous prouvent dans leur ouvrage que le droit n'est rien d’autre qu'une idéologie :
« L'idéologie juridique apparaît dans ce contexte comme une idéologie autonome, dans la mesure où une personne déterminée peut très bien y adhérer tout en adhérant par ailleurs à une idéologie libérale, ou à une idéologie socialiste, ou encore à une idéologie religieuse particulière. L'idéologie juridique, et c’est là l'une de ses grandes forces, influence des personnes qui possèdent des opinions très différentes sur l'échiquier politique. Il est vrai que, à l'inverse, une personne peut être libérale, socialiste ou catholique sans adhérer à une 'idéologie juridique', mais il s'agit vraisemblablement d'une hypothèse assez rare. Le droit permettrait, précisément parce qu’il est le résultat de confrontations ou de discussions menées entre des personnes porteuses d'idéologies différentes, de se constituer en une sphère autonome particulièrement attractive, le droit étant souvent perçu comme restant 'au-dessus de la mêlée. »
Le droit comme le résultat de confrontations entre les hommes dans une sphère autonome, n’est-il pas un bricolage d'idées aboutissant à un ensemble de normes auxquelles les hommes vont devoir se confronter. Un ensemble de normes qui peut être vu comme un ensemble de contraintes et de ressources avec lequel l’homme doit bricoler. Ce bricolage perpétuel dans un pays démocratique est le résultat de nombreux compromis entre les citoyens d'une même entité juridique et il s'opère à tous les niveaux comme j’ai pu m'en rendre compte lors de mon dernier travail de terrain au cœur d'un cabinet ministériel. Ce sont dans les cabinets ministériels, selon les dires du ministre, que se conçoivent 80 % des textes de loi, et ce milieu m’est apparu comme le siège d'une activité contre la montre où la contrainte de temps renvoie sans cesse à l’idée du bricolage. Pour terminer ce chapitre, j’aurais envie de dire que l’interdépendance, et la réciprocité, entre l'homme et son environnement existe pratiquement à tous les niveaux. Nous l'avions déjà ressenti lorsque nous avions pris du recul par rapport au texte de Lévi-Strauss pour nous rendre compte que le contexte historique joue grandement sur la perception et l'interprétation des auteurs. Dans un travail d'analyse d'un texte d'Augusto Boal (1996) intitulé «théâtre de l'opprimé», je m’étais déjà rendu compte à quel point l'auteur d'un livre, et la société qui l'entoure se trouvent constamment dans un processus d'interaction et d'influence réciproque. Et nous pourrions aussi parler, puisque le sujet est d’actualité, du problème du réchauffement climatique et des processus d'interaction et d'influence réciproque entre l’homme et la nature.
La bricologie pour un changement de paradigme
modifierAinsi, je vois des hommes qui bricolent leurs aspirations parmi leurs contraintes et ressources, en utilisant des outils et des matériaux qu’ils ont sous la main. De ce bricolage peuvent naitre de nouveaux outils qui lui permettront d'amplifier ses capacités, ses fonctions, pour réduire ses contraintes et augmenter ses ressources quand les nouveaux outils ne sont pas pervers et destructeurs. Je vois ce processus de construction d’outil comme un processus récursif, un cercle vicieux qui ne cesse d'amplifier dans un phénomène auquel j'attribue le nom de progrès et qui semble si intiment lié à la nature humaine ; cette nature propre à l'homme de vouloir constamment dépasser les limites de sa propre condition. Mais deux questions me viennent à l’esprit : Cette capacité de repousser ses propres limites à travers la création d'outil, d’où vient-elle ? Et pourquoi est-elle propre à l’homme ? Augusto Boal (2002), avance une théorie parmi d'autres pour répondre à ma première question:
« Le théâtre est la première invention humaine, celle qui permet et promeut toutes les autres inventions. Le théâtre naît lorsque l'être humain découvre qu’il peut s'observer lui-même et, à partir de cette découverte, commence à inventer d'autres manières d'agir. Il découvre qu’il peut se regarder dans l'acte de regarder- se regarder en action, se regarder en situation. En se regardant, il comprend ce qu’il est, découvre ce qu’il n’est pas et imagine ce qu’il peut devenir. Il comprend où il est, découvre où il n’est pas et imagine où il peut aller. Une composition tripartite se crée: le moi-observateur, le moi-en-situation, le moi-possible (le non-moi, l'autre). »
Quant à la deuxième question, j’ai trouvé chez David Le Breton (1998) et dans l’introduction de son livre consacré à l'anthropologie des émotions, quelques éléments de réponse:
« Le théâtre est la première invention humaine, celle qui permet et promeut toutes les autres inventions. Le théâtre naît lorsque l'être humain découvre qu’il peut s'observer lui-même et, à partir de cette découverte, commence à inventer d'autres manières d'agir. Il découvre qu’il peut se regarder dans l'acte de regarder- se regarder en action, se regarder en situation. En se regardant, il comprend ce qu’il est, découvre ce qu’il n’est pas et imagine ce qu’il peut devenir. Il comprend où il est, découvre où il n’est pas et imagine où il peut aller. Une composition tripartite se crée: le moi-observateur, le moi-en-situation, le moi-possible (le non-moi, l'autre). »
Quant à la deuxième question, j’ai trouvé chez David Le Breton (1998) et dans l’introduction de son livre consacré à l'anthropologie des émotions, quelques éléments de réponse:
« À sa naissance et dans les premières années de son existence, l'homme est le plus démuni des animaux. À l'inverse des ces derniers qui reçoivent de leur hérédité spécifique la somme d'instincts nécessaire à leur survie et à leur adaptation au milieu, la venue au monde d'un enfant est celle d'un organisme prématuré, ouvert, disponible, et qui reste tout entier à façonner. Cet inachèvement n’est pas seulement physique, il est aussi psychologique, social, culturel. Le petit d'homme requiert d’être reconnu comme existant par les autres pour pouvoir se poser comme sujet ; il a besoin de l'attention et de l'affection de son entourage pour se développer, éprouver le goût de vivre, et acquérir les signes et les symboles qui lui permettent de se doter d'un moyen de comprendre le monde et de communiquer avec les autres. À sa naissance, l'horizon de l'enfant est infini, ouvert à toutes les sollicitations, alors que les conditions futures de la vie de l'animal sont pour l'essentiel déjà là, inscrites dans son programme génétique, pratiquement immuable au sein d'une même espèce. Chez l'homme, en revanche, l'éducation vient suppléer aux orientations génétiques qui n'assignent aucun comportement préétabli, ni ne déterminent son intelligence. La nature de l'homme ne se réalise que dans la culture qui l'accueille. Au contraire de l'animal, l'enfant nouveau-né est face à un immense champ de possibles : toutes les conditions humaines sont virtuellement devant lui puisqu’il dispose exactement de la même constitution physique que l'homme néolithique. L'enfant de l'âge de pierre continue à naitre à chaque instant dans tous les endroits du monde, avec la même possibilité d'ouverture, la même aptitude à entrer dans le système de sens et de valeur du groupe qui l'accueille. »
Mais à la lecture de cette citation, une partie me pose problème : « La nature de l'homme ne se réalise que dans la culture qui l'accueille ». À mon sens, circonscrire l'homme à la culture est une dérive propre au milieu de l’anthropologie (francophone pour le moins). Je l'avais déjà relevé dans la sociologie francophone en parlant des capitaux de Pierre Bourdieu. La sociologie comme l'anthropologie, ont ainsi tendance je trouve, à boycotter la composante biologique de l’être humain. À mon sens, cette dérive prive ces deux disciplines de nombreuses ressources heuristiques (outils, matériaux - théories et idées) disponibles dans les autres sciences. D'autre part, cette vision culturaliste de l'humanité est très occidentale. Dans la vision animiste du monde tel que peuvent l’avoir certains Amérindiens, c’est le corps qui est le siège de l'identité humaine et non l'esprit comme a pu le remarquer Eduardo Viveiros de Castro (1996) en reconnaissant le « perspectivisme amérindien ». Dans ce contexte, la question du physique devient donc centrale et les idées de Bourdieu incomplètes. Enfin, parallèlement à cela, l'enseignement que nous apporte Lucienne Strivay (2006) dans son approche anthropologique sur les enfants sauvages, met les culturalistes face à certaines questions délicates. Dans son ouvrage consacré aux enfants ayant été privés de contacts avec la société des hommes durant leur développement, soit par abandon soit par séquestration, elle en arrive à cette conclusion.
« L'enfant sauvage reste au creux d'une réflexion globale sur l'homme qui ne peut se satisfaire d'aucuns cloisonnement doctrinal ou pragmatique de la recherche. L'anthropologie ne peut être que transdisciplinaire et doit intégrer les conceptions de la nature parce qu’elles appartiennent aux cultures. Ces enfants qui ne pleurent pas, ne rient pas, sont insensibles au chaud et au froid et ne développent généralement pas d'appétence sexuelle ont été privés aussi, au moment clé de réceptivité dans leurs développements de la dimension structurante du symbolique. Comme Kamala, lorsqu'elle se mit à parler toute seule, s'adressait à l'arbre ou à la maison, »
Et pour reprendre sa citation de Marc Groenen (1996, p.162):
« Et l'enfant sauvage n'est donc pas un enfant qui aurait régressé à un état précédant la culture. La conséquence est de première importance, puisqu'elle invite à repenser l'anthropologie sur d'autres bases que celles offertes pas le couple nature-culture »
Puis il y a aussi, ce qu'on a appelé la « quatrième blessure narcissique de l’homme ». Des recherches en primatologie ont prouvé que des grands singes éduqués comme des hommes grâce au langage des sourds et muets en sont arrivés a développer des fonctions cognitives et symboliques assez complexes que l’ont croyait jusqu’à lors réservées à l’homme. Au départ de ces découvertes, Dominique Lestel (2004) en arrive à cette réflexion:
« Une conséquence de la prise de conscience de cette situation est de mettre en cause la coupure méthodologique et épistémologique classique qui veut que l'éthologie étudie les sociétés animales et l'ethnologie les sociétés humaines. À partir du moment où les sociétés animales deviennent d'authentiques sociétés avant d’être animales et où les animaux deviennent des sujets problématiques, ce sont des peuples animaux que nous devons étudier et ce sont des méthodes à caractère ethnologique qui sont les plus adéquates pour mener cette tâche à bien. Inversement, la description des sociétés humaines doit inclure l'animal qui s'y trouve de plein droit. »
À ce stade d’investigation, il devient difficilement supportable je trouve, de concevoir le monde social et culturel comme un îlot réservé aux hommes, tout comme il est difficile de comprendre pourquoi une science quelle qu’elle soit en soit arrivée à résumer pratiquement l’être humain au mot culture. Cette situation me fait penser à « La ferme des animaux » de George Orwell (1945), où « Tous les animaux sont égaux, mais (il semble que cela ait été rajouté) il y en a qui le sont plus que d'autres? ». Enfin, en me posant toutes ces questions, je ne fais rien d’autre que d’appliquer à la lettre ce que Pierre Bourdieu (1980) a un jour préconisé pour l’anthropologie :
« L'anthropologie ne peut s'accomplir comme science qu’à condition de prendre aussi pour objet les actes et les instruments de la pratique scientifique et, plus précisément, le rapport que le chercheur entretient avec son objet. »
Et voici pour la petite histoire, ce qu’il écrit dans le même texte 21 lignes plus loin :
Une véritable compréhension des pratiques suppose un double mouvement, qui conduit au-delà de l'objectivisme, moment inévitable (symbolisé en ethnologie par l'œuvre de Lévi-Strauss), et du subjectivisme (représenté sous une forme limite par la phénoménologie sartrienne) : il s'agit d'objectiver les structures objectives (par exemple, les régularités statistiques des pratiques) ou incorporées (par exemple, les catégories sociales de perception), ce qui suppose une mise à distance fondée sur l'emploi de techniques d'objectivation ; mais il s'agit aussi d'objectiver l'objectivation, c'est-à-dire les opérations qui rendent possible l'accès à cette " vérité objective " et le point de vue à partir duquel elles s'opèrent, afin de surmonter la distance inhérente à l'objectivation. Et de découvrir ainsi qu’il y a une objectivité du subjectif, que la représentation que les acteurs se font de leur pratique et que le chercheur, armé de ses instruments d'objectivation, doit mettre en question pour saisir les structures objectives, fait encore partie de l'objectivité. Les illusions collectives ne sont pas illusoires et les mécanismes les plus fondamentaux, tels ceux de l'économie, ne pourraient fonctionner sans le secours de la croyance qui est au principe de l'adhésion accordée aux jeux sociaux et à leurs enjeux.
Face à ces questions objectives de Bourdieu sur l'objectivité d'objectiver l'objectivation des techniques d'objectivation, je me dis qu’en sociologie aussi, il serait intéressant de prendre « pour objet les actes et les instruments de la pratique scientifique et, plus précisément, le rapport que le chercheur entretient avec son objet. », car à quoi bon faire science si c’est pour exprimer ses idées dans un langage inaccessible. Voici donc exprimées en quelques lignes, les raisons pour lesquelles j’ai eu envie en créant la « bricologie » d’opérer un changement de paradigme et me libérer de la sorte de certaines dérives de l’anthropologie et de la sociologie. Ainsi, vous l’aurez compris, la « bricologie » ne se définit pas par un domaine mais bien par une approche. Grâce à cela, la « bricologie » peut rompre avec la tradition de consanguinité observable dans certains milieux académiques dans lesquels j’ai vu trop souvent des gens se complaire à faire circuler en vase clos des idées et théories qu’ils ont tous en commun. La bricologie par contre dans son approche, plaide pour une interdisciplinarité et le bricologue est conscient que plus il aurra d’outils intellectuels (théories et information venant de tout azimute) plus il lui sera facile appréhender et de comprendre la réalité. De plus, la « bricologie » puisqu’elle n’est pas liée à un domaine , peu rompe avec une dérive de type « homocentrisme », chose impossible pour une science comme l’anthropologie par exemple dont le centre d’intérêt est inclus dans la racine étymologique de son intitulé. Quant à la posture ethnocentrique, la tendance actuelle exprimée par Benoît de L’Estoile (2007, p.24), semble plaider pour un passage de l’universalisme assimilationniste vers un universalisme différentialiste ou pluraliste où « l’universalité réside dans la somme des identités particulières »:
« La diversité culturelle est aujourd’hui posée comme une valeur commune à toute l’humanité. Elle a en effet été reconnue solennellement par la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée à l’unanimité par l’Unesco au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Celle-ci proclame, dans son article premier, la diversité culturelle comme étant patrimoine commune de l’humanité »
C’est un fait, le monde change, les mentalités évoluent, dans un processus dynamique, constant et bien souvent imprévisible à long terme. Mais le changement s’opère au présent et si pour les hommes l’avenir restera toujours incertain, on peut toutefois observer au jour le jours des signes de changement pour se faire une idée sur l’avenir.
La bricologie comme discipline avenir ?
modifierParmi les découvertes et inventions de l’homme, nous avons déjà parlé de l’écriture qui à elle seule sépare l’existence de l’humanité en deux ères que sont l’histoire et la préhistoire. L’écriture a permis à l’être humain d’étendre sa mémoire sur un support autre que sa matière grise et de communiquer à distance, dans l’espace et dans le temps. L’écriture permet le transfert du savoir accumulé par l'homme aux générations futures. C’est un véritable amplificateur de culture. Et voici que depuis peu, une récente invention a bouleversé les capacités intellectuelles de l’homme. Il s’agit bien là de l’ordinateur qui, à lui seul, peut être une véritable extension du cerveau humain. En termes de mémoire bien sûr et d'une façon bien plus puissante que l’écriture, mais aussi, et dans un rapport de puissance égale à la mémoire en termes de calcul. De nos jours, en Occident, mais aussi de façon plus modeste dans le restant du monde, l’outil informatique est devenu inévitable et incontournable. Cet outil placé en réseau est en train de changer le monde des hommes, et notamment en ce qui concerne l'apprentissage. Ici aussi la métaphore du bricolage a fait surface pour exprimer la façon avec laquelle les enseignants doivent jongler avec les nouvelles possibilités pédagogiques qu’offrent l'informatique et le réseau Internet. Pierre-André Caron, (2007) nous en fait par dans un article:
« Le Web 2.0 replace l'internaute au centre des usages via le partage et la collaboration entre individus (O'Reilly, 2005). Les nouvelles applications, blog, wiki, réseaux sociaux, tags collaboratifs, moteur de recherche, illustrent cette dénomination et dessinent de nouveaux usages fondés sur des utilisateurs actifs. Ces utilisateurs construisent de façon communautaire non seulement leur environnement mais les conditions d'utilisation de cet environnement. L'utilisation de ces applications à des fins éducatives entraîne dans le domaine des environnements informatiques pour l'apprentissage humain un changement de paradigme (Downes, 2005). Ce changement a de multiples conséquences sur le type d'infrastructure qu’il est possible de proposer à des enseignants pour accompagner leur travail. [...] Pour décrire l'usage enseignant des applications Web 2.0, un paradigme différent est nécessaire. Les acteurs en sont des petites organisations d'enseignant ne disposant pas d'ingénieur pédagogique, utilisant des applications conçues et administrées de façon indépendante de la pédagogie qu’il désire mettre en place. Cette démarche qui consiste à faire « avec les moyens du bord » (avec les applications Web disponibles) s’apparente plus à une démarche de bricolage qu’à une démarche ingénieriste. « Le bricoleur ne subordonne pas les tâches qu’il mène, à l’obtention de matières premières et d’outils, conçus et procurés à la mesure de son projet : son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord » (Levi Strauss, 1962). Ce parallèle entre l'enseignant et le bricoleur est établi depuis longtemps pour décrire le mode de création pédagogique des enseignants "toujours à la recherche d’une voie moyenne entre l’artisan et l’ingénieur" (Simondon, 1989). Il peut être étendu à l'enseignement par des moyens informatique dans la mesure où le bricolage ne se définit pas par son produit, mais par son mode de production : « réutiliser, au besoin en les détournant de leur destination première, des textes, des situations, des matériaux » (Perrenoud, 1983). La plateforme de formation Moodle, plateforme proposant une approche modulaire de la construction d'un environnement numérique, peut ainsi être qualifiée de « excellent exemple of software designed for bricolage ». (Berggren et al, 2005). Choisir une application Web 2.0, parce qu'elle est disponible et parce qu'elle se rapproche des fonctionnalités qu’il désire utiliser constitue pour l'enseignant une activité que nous pouvons décrire par du bricolage pédagogique. »
Propos que l’on peut recouper avec ceux de Jacques AUDRAN (2000) qui nous dit que:
« Il est possible que l’on assiste à une complexification du métier d’enseignant, conduisant ce dernier à insérer dans sa pratique éducative une forme de « bricolage » au sens où l’entend LEVI-STRAUSS (1962), c’est-à-dire une démarche de découverte liée à l’avancement des ses projets réalisés avec les moyens du bord, et qui constitue une sorte de formation dont la genèse se situe dans la perception croissance du potentiel pédagogique de la situation, par l’emploi des outils technologiques à des fins d’ajustement aux pratiques. Le recours à la métaphore de l’enseignant-bricoleur est fréquent (BRICHAUX, 1997). »
C’est ainsi dans les potentialités qu’offre l’outil informatique combiné au réseau Internet, que Pierre Lévy (1994) y voit la possibilité d’émergence d’une intelligence collective qu’il distingue dans un article disponible en ligne (2007) de « la transmission traditionnelle des récits et des savoir-faire notamment à travers les caractéristiques qui suit:
« Un des caractères les plus saillants de la nouvelle intelligence collective est l'acuité de sa réflexion dans les intelligences individuelles. Les actes du psychisme de l'humanité deviennent presque directement sensibles aux personnes. Certaines formes de mondes virtuels permettent quasiment d'exprimer, de visualiser en temps réel les diverses composantes de psychismes collectifs. »
Jean-François Noubel (2004, p.21) prolonge cette idée pour en arriver à définir l’intelligence collective comme tel:
« Capacité d'un groupe de personnes à collaborer pour formuler son propre avenir et y parvenir en contexte complexe ».
Et de ce concept, il propose d’en retirer une nouvelle discipline :
« la science de l'Intelligence Collective a pour objet l'étude et l'optimisation des propriétés émergentes intérieures-subjectives et extérieures-objectives des collectifs, et ce dans le but d'augmenter leur capacité d'existence, d'évolution et de plénitude. Ce faisant, elle invente les outils d'une gouvernance universelle (globale, locale, transversale, transculturelle...) tout en développant aussi des savoir-faire pratiques et immédiats pour les organisations d'aujourd'hui à travers une éthique de la collaboration. »
De cette discipline, nous avons déjà un exemple concret d’application depuis la création de Wikipédia qui déjà s’impose sur le net en tant qu’outil encyclopédique. Cinq étudiants de sciences politiques nous en parlent dans leur ouvrage intitulé « La révolution Wikipédia » et produit sous la direction de Pierre Assouline (2007, p. 139) :
« La contribution à Wikipédia pourrait devenir un exercice classique des salles de classe et des campus universitaires, au même titre que la dissertation ou l’exposé. Mais il faudra sans doute attendre pour cela une nouvelle génération de professeurs, eux-mêmes mieux formés à la réflexion critique sur les outils issus des nouvelles technologies de l’information. »
Quant à Marc Foglia (2008, p.200), il s’interoge sur Wikipédia et se demande si c’est un « Média de la connaissance démocratique ? », et voici une partie de ses conclusions :
« Les responsables de Wikipédia ont raison de souligner que l’encyclopédie n’est pas une expérience démocratique, anarchiste ou libertaire, et de mettre l’accent sur la singularité de l’encyclopédie par rapport aux schémas de pensée établis. La rupture technologique s’accompagne en effet de continuités certaines dès que l’on quitte le terrain des processus éditoriaux pour envisager celui de la sociabilité, des valeurs et des modes d’organisation du travail. Il n’en reste pas moins vrai que l’encyclopédie libre reste le creuset d’une formidable expérience culturelle, sociale, voire politique. Le système de coopération de Wikipédia illustre les succès que peut obtenir une société libérale tout en reposant également sur une inspiration et des idéaux collectivistes. Beaucoup plus qu’une encyclopédie, Wikipédia, dont le financement repose exclusivement sur des dons, est l’ONG mondiale de la connaissance. »
À ce stade de développement et arrivant au bout de mes pérégrinations autour de la métaphore du bricolage, j’en arrive donc à me dire que ma fantaisie de créer, le temps d’un essai, une nouvelle discipline scientifique, n’est pas si farfelue car finalement, d’autre l’on proposé et fait avant moi. Il y avait donc là une nécessité, et je ne suis pas seul à la ressentir. Dans les découvertes que j’ai faites tout au long de l’élaboration de ce travail, je vois apparaitre l’amorce d’une nouvelle ère dans l’histoire de l’humanité. La révolution numérique couplée au lieu d’épanouissement qu’offre le cyberespace semble en effet un terrain fertile vers la réappropriation de la connaissance par le peuple. Car vers quoi pourrait aboutir une intelligence collective si ce n’est que sur la fin de l’élitisme et du corporatisme qui caractérise aujourd’hui, de façon variable selon les pays et les institutions, l’état de la science actuelle. Ainsi, après la sécularisation et le transfert de la notoriété centrale d’une église élitiste vers une science élitiste, il se pourrait donc que l’on soit sur le chemin d’un nouveau transfert de notoriété d’une science élitiste vers une science populiste. Cette révolution est en route, Joël de Rosnay nous en parle en faisant référence à «La révolte du pronétariat » (2006):
« Classe d’usagers capables de produire, de diffuser et de vendre des contenus non propriétaire, mais aussi de permettre un accès largement gratuit à l’information. S’organisant en une seule entité, le Web peut faire émerger une intelligence et même une véritable conscience collective. Il met ainsi en question les relations de pouvoir verticales qui régissent aujourd’hui les sphères de l’économie et du politique »
Et cette révolution ne s’opère effectivement pas seulement dans le domaine de l’éducation et du savoir car Thierry Crouzet nous en parle en d’autres termes dans son livre: « Le peuple des connecteurs : Ils ne votent pas, ils n’étudient pas, ils ne travaillent pas... mais ils changent le monde» (2006) où il s’identifie et se présente comme membre d’un groupe en rupture avec les règles hiérarchiques et autres normes de la «pensée établie ». Un groupe dans lequel:
« De récentes découvertes scientifiques leur ont fait comprendre que notre société reposait sur des fondement inadéquats. Pourquoi une autorité centralisée alors que le réseau démontre tous les jours qu’il s’auto-organise sans aucun chef. »
En finir avec la hiérarchie, voilà une idée qui me séduit énormément et qui permettrait enfin de rendre obsolet « le principe de peter » (Peter & Hull 1969, p.26) selon lequel: «Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence».
Tout ceci n’est donc pas une utopie et depuis Richard Stalman et l’apparition du logiciel libre et du « copy left », nous pouvons trouver de nombreux exemples d’organisations alternatives. Juste pour citer un exemple, je ferai ici référence à l’ouvrage de Christophe Lazaro (2008) dans lequel il nous fait part, à travers son travail ethnographique, de l’organisation interne d’une communauté de producteurs et utilisateurs de logiciels informatiques. Chercheur spécialisé en droit des nouvelles technologies, Lazaro dans son ouvrage m’a fait prendre conscience de la problématique des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle. J’ai en effet réalisé que ce droit reposait sur une grande injustice puisque la reconnaissance des auteurs et de la propriété intellectuelle est tributaire du support sur lequel repose l’œuvre ou les idées, car c’est somme toute la seule preuve tangible de paternité d’une œuvre. Ainsi le musicien, l’écrivain, l’artiste ou le penseur qui n’a pas les moyens de mettre son œuvre sur un support matériel est susceptible d’être dépouillé de ses droits par une personne peut scrupuleuse qui en aurait les moyens. Ceci ouvre un grand débat éthique, tout comme le fait que l’ouvrage de Lazaro n’est pas accessible librement alors qu’il traite justement du monde du libre où tout se partage dans un esprit de collectivité. Je ne crois pas que Lazaro ait dû payer des gens pour avoir accès aux informations qui composent son ouvrage, ni même pour le temps que ces gens lui ont consacré pour les lui transmettre. Pourquoi dès lors, l’ouvrage de Lazaro n’est il pas accessible librement ? Lazaro en tant que chercheur reconnu a bien dû pourtant recevoir un financement pour ses recherches. Où se situent donc les raisons pour lesquelles il ne met pas le fruit de son travail en libre accès ? Dans le prestige ? Dans l’appât du gain ?
La mort de la bricologie et les vertus du bricologue
modifier« Redécouvrir le sérieux d'un enfant qui joue »
— Friedrich Wilhelm Nietzsche, Par delà le bien et le mal
Laissez-moi-vous poser une devinette. Qui a dit un jour : « Il n’y a pas d’anthropologie, il n’y a que des anthropologues» [10]? Cette citation, à l’heure de conclure, je vais la récupérer pour l'adapter au contexte de la bricologie et commettre un acte infanticide en affirmant: « il n'y a pas de bricologie, il n'y a que des bricologues ».
Si j’étouffe ici dans l’œuf la discipline que je viens à peine de créer, c’est pour rester dans ma logique et ne pas tomber dans les pièges que je viens de condamner. Car qui dit discipline dit institution, représentants de l’institution, et ouverture à toutes les dérives que j’ai déjà abordé (hiérarchie, élitisme, corporatisme … ). La bricologie, de par sa nature et de part ce qu'elle défendait, était donc une discipline mort née. Mais qu'importe, de cet exercice est né le bricologue. Dont je suis peut-être encore à l’heure où vous me lisez, toujours l'unique spécimen. Il me reste donc en guise de conclusion à résumer l'identité du bricologue que je me suis forgé tout au long des pérégrinations que nous avons faites ensemble. Pour m'aider dans cette tâche, je ferais cette fois référence, une fois n’est pas coutume, à l'ouvrage d’un philosophe. Il s’agit de Pierre-François Dupont-Beurier et de son livre «La petite philosophie du bricoleur» (2006). Ce livre m’a permis de faire une analogie entre le bricoleur et le bricologue et je dirais de façon général que le bricoleur est au matériel ce que le bricologue est à l'immatériel. Le bricoleur tout comme le bricologue, est un passionné qui consacre son temps à la construction d'un monde « meilleur ». Le bricoleur comme le bricologue sait qu’il doit faire avec ce qu’il a sous la main. Ils savent tous deux qu’ils sont tributaires des contraintes, ressources, outils et matériaux dont ils disposent et qui leur parviennent, parfois, souvent, par le fruit du hasard. Ils savent que leur liberté réside dans la qualité des matériaux et des outils dont ils disposent. Le bricoleur et le bricologue n’hésiteront pas à tester les outils et matériaux avant de les utiliser. La scie sauteuse ou la théorie de l 'évolution ne seront convoitées qu’à partir du moment où elle n’aura pas été détrônée par un outil plus performant ou un modèle amélioré. La qualité du bois et de l'information sera comparée et les provenances vérifiées si possible. Dans son regard sur le monde, le bricoleur comme le bricologue n’est pas à la recherche du réel mais bien des possibles.
Mais la différence fondamentale entre le bricoleur et le bricologue, c’est que pour le premier les outils et les matériaux ont un prix bien déterminé et il ne peut les dupliquer sans frais alors que pour le second, ses outils et ses matériaux (que je pourrais résumer ici par les théories et les informations) peuvent être être utilisé simultanément par autant de personnes qu’il existe d'êtres humains sans concurrence ni frais. Ainsi, dans la réalisation de ses activités, le bricoleur se voit obliger de s'inscrire dans un système économique, le bricologue pas. Ceci n’est pas sans avantage comme nous l’avons déjà abordé en partie dans le chapitre précédent. Navigant dans l’immatériel, parfois dans le transcendant, le bricologue peut s’offrir le luxe de rompre avec l’égocentrisme, l’intérêt individuel pour abonder dans une dynamique de partage et de solidarité. Dans ce contexte, un bon bricologue aura tendance à accumuler la plus grande quantité d’outils et ne manquera jamais une occasion de s’en procurer de nouveaux quel que soit le domaine investigation. Pour un bicologue, toutes les sciences sont utiles, tous les modes d’expression peuvent être efficaces, tous les points de vue valent la peine d’être entendu. C’est pourquoi le bricologue préfère la singularité à la catégorisation et voudrait en finir avec ses étiquettes qui séparent les hommes et créent des tensions. Il préférera parler de penseurs plutôt que de courants de pensée, et comme l’écrit, Pierre-François Dupont-Beurier (2006, p.122):
« Méfions-nous du goût pour les typologies! Une typologie ne nous apprend jamais rien sur les homme et leurs passions, elle se borne à les décrire. Au mieux, elle fait voir, mais elle ne peut faire comprendre; elle est un constat, non une explication. Voilà pourtant qui semble pouvoir s’oublier facilement! Combien de fois avons-nous pris un effet pour une cause? »
Quant à la méthode du Bricologue, je vous le donne en mille, c’est celle que je vous inflige depuis le début de ce texte et que Pierre-François Dupont-Beurier (2006, p.76) résume talentueusement comme ceci:
« Ce que nous montre le bricoleur [et le bricologue], c’est la puissance heuristique du tâtonnement. Seule peut être créatrice une logique de la récupération qui use d’ajustements et de modifications, qui va dans toutes les directions, qui fonctionne continuellement par essais et erreurs. »
Vous ne saviez pas où j’allais en lisant ce texte? Je dois vous l’avouer, moi non plus. Mais pour donner sens à tout ceci et conclure en musique, je vous invite alors à écouter la chanson d’Alpha Blondy (1992, p.11) ou de Chango family (2002, p.2) pour vous aider à saisir l’émotion qui fut le moteur de ma recherche tout au long de ce travail. Vous y entendrez cette phrase de François Rabelais (1534) :
« Sciences sans conscience n'est que ruine de l'âme »
Notes
modifier- ↑ Je me suis limité ici, faute de temps aux auteurs de langue française, mais il va de soi que la métaphore du bricolage fut utilisée par des anthropologues d’autres cultures linguistiques et notamment celle du Brésil qui reçu l’influence à la fois de Claude Lévi-Strauss et de Roger Bastide qui avaient pour point commun d’avoir chacun fait du terrain au Brésil. Juste pour exemple vous pouvez trouvez en ligne à l’adresse http://www.afroasia.ufba.br/pdf/afroasia_n28_p45.pdf un très beau travail réalisé par Milton Guran, anthropologue et photographe brésilien.
- ↑ Colloque qui eu lieu à l’université de Louvain la Neuve en novembre 2003 et qui donna suite à un numéro du journal Social Compass spécialisé dans la sociologie des religions intitulé « Au-delà du syncrétisme : le bricolage en débat » (2005)
- ↑ Je dis réinventer car si ce mot n'existe dans aucun dictionnaire, une recherche sur google m'a suffit pour réaliser que le mot bricologie avait déjà été inventé et réinventé par de nombreux internautes.
- ↑ Thèse qui selon l'auteur sous-tend l'ouvrage de Bernard Lahire: La culture des individus: dissonances culturelles et distinction de soi, la découverte, Paris, 2004.
- ↑ URL: http://www.cnrtl.fr/definition/outil
- ↑ C'est en regardant le film « Ilhas das flores» ( Furtado 1989), que j’ai réalisé l'importance du pouce préhenseur chez l'humain. Ce documentaire est pour moi un des exemples sur lesquels je peux m'appuyer pour dire que l'humour sous la forme, quand il est bien agencé, peut être compatible avec le sérieux sur le fond et même le grave comme c’est le cas dans ce film.
- ↑ A propos de l'évolution des premiers hommes dans leurs techniques de survie, je vous renvoie à un excellent livre de vulgarisation écrit avec tant d'humour par Roy Lewis (1960) et intituler pour les dernières versions française: 'Pourquoi j’ai mangé mon père»
- ↑ 1962 fut l'année de la première édition de «La pensée sauvage», au beau milieu des «trente glorieuses», dans une période de grande croissance économique d’après guerre s’étalant 1945 à 1974.
- ↑ Si j’ai bonne mémoire, la radiographie au rayon X fut découverte par accident lorsqu'un chercheur déposa une pellicule photo à proximité d'un émetteur d'onde. Il en va de même avec la micro onde où pour cette fois ce fut un sandwich qui fut déposé près de l'émetteur.
- ↑ La réponse est Michaël SINGLETON.
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