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Le masque Sowei

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Fig. 1. Masque Sowei (source : https://w.wiki/4WL9)

Ce travail de recherche, consiste à faire la présentation d'un masque africain dans son contexte artistique religieux et culturel. J’ai choisi le masque Sowei pour deux raisons. D'une part, parce que ce masque fait exception à une règle générale dans l’utilisation du masque en Afrique noire, puisqu'il est l'un des rares à être portés par des femmes. Ensuite, parce que la région dans laquelle est porté ce masque se situe au Liberia, en Sierra Leone, et donc proche de la Guinée Conakry où j’ai eu l'occasion de vivre pendant de deux ans. Le travail sera structuré en cinq parties. Après cette introduction, vient la présentation du masque, avec ses différents aspects symboliques. Succède ensuite en deuxième partie, la présentation générale du peuple Mendé dans lequel se rencontrent les sociétés secrètes féminines nommées Sande, qui utilisent le masque Sowei dont il est ici question. La troisième partie quant à elle constitue une présentation du rituel d'initiation propre aux sociétés Sande. Puis, la quatrième partie sera l'occasion de présenter deux autres masques associés au masque Sowei et utilisé à l'occasion des cérémonies Sande. Pour conclure enfin, je ferais part, dans une cinquième dernière partie, d'une réflexion personnelle que m'aura suscité la réalisation de ce travail.

Le masque Sowei

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Fig. 2. Masque Sowei avec fibres attachées (source : https://w.wiki/4WLB)

Bien qu'il soit fabriqué par des hommes, le masque Sowei est uniquement utilisé par des femmes durant les cérémonies d’initiation des jeunes filles par des sociétés secrètes féminine dites Sande, parfois aussi appelé Bundu. Le masque comme c’est le cas généralement en Afrique noire a pour fonction de donner vie aux esprits. C'est donc sans doute là une des raisons pour lesquelles dans ces sociétés animistes, il n'est traditionnellement pas porté par les femmes qui, contrairement aux hommes, donne déjà vie aux esprits au travers de l'enfantement. Dans le cas du masque Sowei et de son rituel, il s'agit de faire revivre l'esprit de la société Sande, un esprit féminin symbole de fécondité qui sortirait des eaux. Comme peut en témoigner les photos ci-contre (figure 1,2,3), le masque Sowei est de type heaume (porté à la manière d'un casque) et représentant une tête de femme au large front bombé.

Les caractéristiques communes aux différents masques Sowei, que l’on peut trouvé photographiés sur de nombreux sites Web[1], sont liées aux symboles de beauté, de richesse et de bonne éducation. Selon diverses sources d'informations, voici un récapitulatif de ces caractéristiques suivies du symbole qui leur est associé. La petite bouche est fine et le petit menton triangulaire est signe de sagesse et de beauté. Les yeux clos en amandes font référence au monde des esprits, mais également à une attitude d’humilité et de réserve. Les plis du cou sont une marque de beauté et de prospérité tout en faisant référence aux remous produit lorsque l'esprit sort de l'eau. Le front grand et proéminent symbolise l'intelligence et la sagesse. La coiffure sophistiquée serait signe de richesse et de noblesse. La peau lisse et noir entretiendrait le mystère. En signalant encore que les masques Sowei comportent rarement des marques de scarifications. Celles-ci peuvent parfois être présentes sur les pommettes du visage, mais n'y seraient présentes que dans un seul but esthétique, et donc sans signification symbolique.

Comme le montrait la photo ci-contre (figure 2 & 3) et comme on peut l'entendre et le voir sur des vidéos présentes sur le Web[2][3], le masque est accompagné d'une parure en fibre qui dissimule le corps de la personne portant le masque. Ces fibres sont reliées au masque grâce aux perforations effectuées à la base du masque, bien visible sur les deux images ci-dessus. Comme autre spécificité de ce masque, apparaissent aussi les perforations à la base des oreilles qui devaient sans doute servir pour y accrocher des boucles d'oreilles, toujours pour des raisons esthétiques. Nous pouvons enfin remarquer sur la photo de couverture que sous les fibres, la porteuse du masque est habillée d'un pantalon, de chaussures ou de chaussons de telle manière qu'aucune partie du corps ne soit visible.

Le peuple Mendé

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Fig. 3. Photo publié en 1915 capturant les participants d'une cérémonie Sande ou Bundu avec la présence de masques Sowei (source : https://w.wiki/4WL4)

Selon l'Encyclopédie en ligne Encarta, le peuple Mendé, serait probablement descendant des anciens Mani, l’un des peuples mandingues constitutifs de l’ancien empire du Mali. Après s’être longtemps opposé à l’hégémonie des royaumes côtiers dirigés par les Baga, Temne et Landuman, ce peuple se serait définitivement fixé dans son habitat actuel à la fin du XVIII siècle, à cheval sur le nord-ouest du Liberia et le sud-ouest de la Sierra Leone. Le territoire des Mendés est situé en zone tropicale humide, couvert de forêts secondaires, de prairies et de savanes arborées traversé par de nombreuses rivières riches en alluvions. Le riz et l’igname prédomineraient dans les productions agricoles et constitueraient l’alimentation de base. L’économie de ce peuple reposerait essentiellement sur la production de ses plantations de bananes, des produits dérivés de l’hévéa ainsi que sur la collecte de noix de kola et noix de Palme. L’organisation familiale des Mendé reposerait sur des patriclans. Les mariages y seraient de type polygynie, est de résidence virilocale. Le village Mendé constituerait la division politique de base. Il serait scindé en quartiers, dirigés chacun par un ancien. Les villages réunis, en nombre variable, constitueraient une chefferie qui autrefois pouvait être rassemblé en confédérations et régies par une sorte de chef supérieur assisté d’un conseil.

L’identité du peuple Mendé se façonnerait par des enseignements prodigués par deux sociétés secrètes d’initiation à grades, le Poro réservé aux hommes et le Sande ou Bundu destiné aux femmes. Ces rites à forte connotation identitaire seraient intimement liés à la religion traditionnelle, qui en dépit de la pénétration des religions importées, telles que le christianisme et l’islam, resterait fortement implanté dans le peuple Mendé. Ces deux types de sociétés secrètes agiraient comme institutions centrales dans la vie économique et politique du peuple Mendé. La langue Mendé appartiendrait au groupe des langues mandé de l’Ouest de la famille des langues Niger-Congo incluses dans l’ensemble nigero-khordofanien.

Le rite d'initiation

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Selon Alldridge (Alldridge, 1901), la hiérarchie de la société Sande serait composée de trois niveaux « Digbas, le plus bas ou premier degré, Normeh, le diable Bundu ou deuxième degré, et Soweh, la femme de tête, troisième degré ». Seules les femmes du troisième degré pourraient officiellement porter le masque. Le ou les masques seraient gardés avec des ustensiles et produits médicinaux dans un coffre appelé Kunde. Celui-ci serait entreposé dans la maison de la personne la plus importante de la société appelée Wa jowei et qui serait secondée par deux autres femmes de haut rang. Une étude ethnographique réalisée en 1978 par Ruth B. Phillips (Ruth, 1978) explique en détail le rituel d'initiation des jeunes filles organisé par les sociétés Sande. Le rituel secret se déroulerait en grande partie en brousse et aurait pour but d'éduquer les jeunes filles pour les préparer à leurs vies futures tout en les intégrant dans le monde des adultes.

L'éducation porterait principalement sur les aptitudes à acquérir pour être une bonne épouse et une bonne mère de famille, tout en enseignant la modestie, la diligence et le respect envers les aînés. Avant le rituel, il est impératif que la jeune fille soit restée vierge. La période d'exil en forêt sera l’occasion de vérifier leurs virginités et de pratiquer l'excision du clitoris qui selon une croyance répandue en Afrique noire serait un résidu du sexe masculin, alors que le prépuce chez le garçon le serait du sexe féminin. Pour le garçon comme pour la fille, il est nécessaire de retirer ces parties du corps dans le but de devenir un homme ou une femme à part entière. Durant le rituel d'initiation, les jeunes filles reçoivent un nouveau nom qu’elles garderont pour le restant de leurs jours. La participation au rituel, serait généralement une condition de reconnaissance en qualité de femme adulte et une condition d'acceptation pour le mariage qui en général succède peu de temps après l'initiation. L'initiation pour la jeune fille, se déroulerait toujours dans son village natal et serait l’occasion de créer des liens très serrés entre les initiées.

Si le masque s’appelle Sowei, mais l'esprit qu’il incarne (ngafa) et donc le personnage du masque qui le symbolise porte le nom de Ndoli jowei. Le peuple Mendé croit que l'esprit de chaque personne persistent après la mort pour rejoindre les esprits des ancêtres. Les esprits peuvent résider dans différents endroits tel que la forêt ou l'eau et peuvent apparaitre aux vivants sous différentes formes. Les esprits doivent être traités avec beaucoup de sagesse et de respect pour éviter de grands désastres. Le rituel d'initiation durerait de un à deux mois et se déroule généralement durant la période de vacances scolaires. Durant ce temps, le Ndoli jowei apparaitrait à trois moments clef pour ponctuer le rituel, focaliser l'attention du village et informer celui-ci du bon déroulement des opérations.

La première apparition s'effectuerait deux ou trois jours après que les jeunes filles soient parties en brousse pour être excisées et est connu sous le nom de gbε gbi ou plus simplement yaya. À ce moment, le Ndoli jowei apparaitrait en compagnie de femmes initiées pendant que les jeunes filles resteront en brousse. Lors de cette apparition le Ndoli jowei ne dansera pas, mais viendrait simplement prévenir le village que l'excision fut bien effectuée pour repartir en brousse avec les vivres offerts par le village. Deux semaines après le yaya, le Ndoli jowei apparaitrait de nouveau au village pour avertir que jeunes filles seraient de retour au village le jour suivant. Durant cette apparition, une collecte d’argent et de vivres serait organisé au près des familles des initiées et un repas spécial comportant de plantes médicinales, le gani, serait confectionné et apporté aux initiées. Après avoir mangé le gani, les initiées reviendraient au village, habillées de parures comportant de nombreux objets décoratifs et symboliques pour saluer leurs familles, passer la journée au village et retourner ensuite dans la brousse afin de continuer leur enseignement. Viendrait ensuite le ti Sande gbua, un ou deux mois après le gani qui serait le retour définitif au village.

À ce moment, les femmes nouvellement initiées seraient habillées de blanc tout comme les anciennes. C'est alors trois jours de fête au village sous le symbole de l'unité, avec la pratique de chants, de danses et une nouvelle récolte de fonds. C'est à cette occasion et en compagnie du Ndoli jowei que le kunde pourrait exceptionnellement se montrer en public. Suite au premier jour de festivités, les nouvelles initiées se donneraient rendez-vous à la rivière pour un bain purificateur, là où l'esprit est serait sorti de l'eau. Suite à ce bain, elles sont libérées de tous interdits liés à la période d'initiation. Elles s'enduisent alors le corps d'huile et s'habillent avec de nouveaux vêtements pour repartir en ville, équipées d'une natte en pailles. Avant le bain de purification le Ndoli jowei aura disparu et ne pourra plus renter en contact avec les nouvelles initiées jusqu'à sa nouvelle réapparition lors des prochains rites d'initiations. D'autres sorties peuvent aussi être organisées lors d'une circonstance exceptionnelle telle que le décès d'un membre important de la société, la visite d'un haut dignitaire ou une trahison des règles du Sande par un homme. Dans ce dernier cas, le Ndoli jowei viendrait alors désigner le coupable et le conduire au chef du village pour qu’il y soit puni. Lorsqu'un nouveau masque (kpowa jowei) est fabriqué, une cérémonie est nécessaire pour qu’il puisse acquérir ses propriétés surnaturelles.

La danse du Ndoli jowei comme on peut la voir sur les vidéos disponibles sur le Web est effrénée et constituée de petits pas rapides suivis parfois de circonvolutions du corps tout entier. Dans une version moderne de ce qui semble être une apparition du Ndoli jowei lors d'une fête privée urbaine[4] on voit le Ndoli jowei accompagné d'une ligba ou initiée de haut rang qui prendra soin de lui. Elle est équipée une natte de paille qu'elle pourrait utiliser pour cacher le Ndoli jowei en cas de nécessité. La musique qui accompagne le Ndoli jowei comme il nous est ici composée de chants polyphoniques féminins accompagnés de segbura, un idiophone formé d'une calebasse et d'un filet de perles joué par les chanteuses. Les chants peuvent être aussi accompagnés de sangbei et de kili autres percussions à membranes cette fois pouvant être joué par des femmes bien que généralement jouées par des hommes comme en est la coutume en Afrique noire.

Autres masques liés au Sowei

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Il existe deux autres masques utilisés dans les cérémonies Sande et qui sont directement liés au masque Sowei. Il s'agit d'un masque Gonde et d'un autre intitulé Samawa. Le premier masque est une parodie du Sowei et sert principalement de faire valoir pour ce dernier. Il serait bien souvent constitué d'un ancien masque Sowei jugé trop vieux ou trop abîmé et transformé afin de lui donner une apparence ridicule. Le gonde serait habituellement de couleur alors que le Sowei serait toujours noir. Le masque appelé Samawa, serait pour sa part une satire du masque Sowei. Ce serait un masque masculin ridicule qui aurait pour fonction de renforcer l'importance de la femme durant les cérémonies Sande qui prennent place, rappelons-le, à l'intérieur de sociétés patriarcales.

Réflexion personnelle suite à ce travail

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Durant la réalisation de ce travail j’ai été surpris par différentes choses que j'aimerais partager en guise de conclusion. Tout d’abord, je trouve impressionnant que les femmes du peuple Mendé aient pu s'organiser pour créer un rituel féminin pratiquement unique à toute l'Afrique noire. Je regrette cependant, de n'avoir pu trouver lors de mes recherches quelconques explication à ce phénomène. J’ai été surpris ensuite de constater que ces cérémonies ne sont pas dépourvues d'humour. Aussi, il me plairait de savoir si des masques satiriques et parodiques sont choses courantes en Afrique noire. Enfin, je fus aussi très surpris de découvrir des vidéos de la cérémonie Sande sur le Web. Cela m'a interpellé sur deux aspects en rapport à évolution de nos sociétés. Tout d'abord, Internet est aujourd'hui devenu un outil incroyable en matière de partage d'informations, offrant dans ce cas, plusieurs visualisations du Ndoli jowei dont j'ignorais le nom et même l’existence avant de faire ce travail. Je fus ensuite surpris de voir apparaitre un Ndoli jowei, dans lors d'une fête privée urbaine. En plus de représenter la réincarnation d'un esprit avec toute l'importance que cela semble avoir pour le peuple Mendé, dans d'autres circonstances le masque et la parue peuvent donc aussi être utilisés dans un contexte plus folklorique.

Références

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  1. « sowei mask at DuckDuckGo », sur duckduckgo.com (consulté le 5 décembre 2021)
  2. « African Art (Epi. 4) | Conversations With A Curator » (consulté le 5 décembre 2021)
  3. THE LIGHT SURGEONS, « Sowei mask: Spirit of Sierra Leone », (consulté le 5 décembre 2021)
  4. « sowei Dance » (consulté le 5 décembre 2021)

Bibliographie

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  • Alldridge T.J. The Sherbo and its Hinterland, London, 1901
  • Frances Harding, ed., The Performance Arts in Africa: a Reader, London; New York: Routledge, 2002.
  • Ruth B. Phillips, Masking in Mendé Sande Society Initiation Rituals, from Africa, Journal of the International African Institute, Vol. 48, No. 3 (1978), p. 265