Recherche:Pastech/241-2 Presse Rotative

Ce document a été réalisé dans le cadre d'un projet pédagogique appelé PASTECH proposé par l'INSA de Lyon. Nous sommes un groupe de 8 étudiants : Aya Talbi El Alami, Carla Bertoia, Lou Maupu, Manon Anselme-Moizan, Margaux Khatchadourian, Romane Dupont-Rambaud, Serine Bentadj et Ugo Mary.

Introduction

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Le 23 février 1455 dans son atelier de Strasbourg, Johannes Gutenberg réalise ce qu’on considérera comme le premier ouvrage imprimé[1]. Même si comme nous allons le voir, Gutenberg, considéré comme le père de l’imprimerie avec son invention de la presse à bras, n’est pas l’inventeur de la totalité du processus d’imprimerie qui débute dès le XIème siècle en Chine. Il va être l’initiateur d’un changement radical de la société : celui du passage d’une société de l’oralité du Moyen Âge et de ses forums à une civilisation écrite du siècle des Lumières et par la suite des Temps Modernes.

Bien que l’imprimerie soit une révolution technique et technologique pour son siècle, c'est aussi grâce au contexte général qui entoure cette découverte que l’on va assister à un tel changement de paradigme. En effet au XVème siècle, avec l’essor du commerce européen notamment, on voit apparaître une société de plus en plus complexe qui engrange de nombreux changements dans la société.

Commençons par revenir aux prémices de l’imprimerie.

Dès le IIème siècle, on voit apparaître en Chine les premiers procédés d’imprimerie[2]. Ceci permet alors principalement de reproduire des dessins. C’est notamment grâce à la religion bouddhiste que l'imprimerie connaît un premier essor en Asie. Par la suite, jusqu'au Xème siècle, les procédés ne cessent d’évoluer. Rappelons qu’à cette période, la Chine est un puissant empire dans lequel les ressources ne manquent pas, ce qui permet de voir des techniques comme la xylographie (encre appliquée sur un bout de bois et pressée sur du papier) apparaître. De nombreuses imprimeries voient alors le jour en Asie à partir du Xème siècle, utilisant principalement la méthode de la xylographie avant de la remplacer par celle des caractères mobiles en métal au XIIème siècle.

Cependant, cette nouvelle invention ne révolutionne pas la société à cause du traditionalisme de ce pays : jusqu’au XVIème siècle, l’impression est alors réservée au culte bouddhiste .

En parallèle, l’Europe du XVème siècle semble profiter d’un contexte favorable à l’essor de l’imprimerie. Jusqu’alors le savoir et les écrits sont consignés dans des livres par les moines copistes. Ce procédé très long était suffisant du fait du fonctionnement de la société du Moyen Âge. En effet, les échanges économiques n’étant pas encore assez nombreux pour nécessiter de les consigner rapidement, et le fait que la quasi-totalité de la population soit analphabète rend l’usage de l'écrit limité.

Or le XVème siècle voit le commerce international prendre une toute autre allure. On voit apparaître de nombreuses cités commerçantes comme Bruges ou encore Venise; c’est le début de la banque, des grandes découvertes : rappelons que Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492. Par ailleurs, si l’imprimerie voit le jour tout d’abord en Allemagne dans les villes minières, c’est du fait de ce contexte économique favorable qui permet d’avoir les fonds nécessaires pour la création d’ateliers.

A cela on peut ajouter de nombreux autres aspects qui favorisent ce développement : le fort développement des villes à cette époque autour de l’axe Rhénan, la coopération entre imprimeurs et libraires pour faire de l’imprimerie un commerce lucratif et améliorer les techniques d’impression, le marché naissant du livre, la possibilité d’une conservation du savoir, les débuts du protestantisme; pour ne citer que ceux-là.

C’est dans cette période économique favorable que l’imprimerie s’inscrit donc. Le XVème siècle voit alors des ateliers naître un peu partout en Europe, à Venise puis à Paris ou encore à Lyon.

Pour autant, le succès foudroyant de l’imprimerie comme nous venons de le voir ne provient pas d’une seule personne. Le contexte, les inventions qui ont précédé la presse à bras sont autant impliqués dans ce changement de société. On peut parler notamment des inventions de l’écriture et du papier qui, même si bien plus anciennes, y ont contribué.

C’est dans une même démarche  plus approfondie que nous allons par la suite nous intéresser au second changement de paradigme lié à l’utilisation de l’imprimerie : l'émergence de la rotative, en nous questionnant sur la place de la rotative dans l'histoire de l'imprimerie.

La presse et l'émergence de la rotative

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Les évolutions techniques qui ont mené à la rotative

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Exemple de forme imprimante utilisée sur les machines de l'époque

Si l’on remonte au XVème siècle, aux prémices de l’ancien régime, nous pouvons déjà remarquer les premiers avancements majeurs qui seront par la suite décisifs au développement de la rotative.

Tout d’abord, au XVème siècle le monde de l’impression voit apparaître les premières presses dites “Typographiques”[3]. Celles-ci se démarquent en proposant un mécanisme destiné à imprimer textes et illustrations sur du papier. On assiste donc à la réunion de plusieurs technologies : caractères mobiles en relief en plomb ou gravure sur bois, technique d’ancrage uniforme, papier etc.

Ce procédé est mis en place avec l’invention de la presse à bras[3] qui permet d'exercer une pression importante grâce à une platine elle-même actionnée par l’intermédiaire d’un levier.  Afin de réaliser une impression, un ouvrier “pressier” accomplit un geste de manière répétitive : il descend puis remonte une platine à la main afin d’appliquer l’encre sur la feuille, puis il la retourne pour imprimer le verso. Ainsi, ce type de presse mobilise alors beaucoup d’énergie humaine mais son rendement est meilleur qu’auparavant : de 150 à 200 feuilles par heure, soit environ 2 500 par journée de travail[4]. De nombreuses petites améliorations ont été apportées au mécanisme de base tel que l’ajout d’un encrier qui contient l’encre que l’ouvrier dépose, ou encore l’ajout d’un chariot coulissant qui permet à l’ouvrier d’exercer moins d’effort sur la presse (ce qui évitait d'avoir à relever trop haut la platine pour encrer et marger).

Malgré les défauts que présente cette technologie, elle va permettre de marquer un premier changement dans la société : jusqu’alors, la technique ne permettait pas d’assurer une continuité dans l’impression afin d’obtenir une écriture régulière et la production pouvait prendre plusieurs années pour certains livres réalisés par les moines copistes.

Ce système va être à l’origine du développement des presses à cylindres et par la suite de la rotative. Ce qui va pousser la technique à évoluer est que la fabrication de ces formes est très lente, elle nécessite qu’un typographe compose la page à imprimer caractère par caractère, ligne par ligne.

Plusieurs évolutions mineures vont alors donner naissance à la presse Hollandaise (conçue par Willem Janszoon Blaeu à Amsterdam), en 1620, et la presse Stanhope (du nom Lord Charles Stanhope), en 1795, qui, en gardant le principe de fonctionnement de la presse à bras, ajoutent quelques fonctionnalités afin de faciliter l’utilisation et accélérer la production.

Nous pouvons par exemple citer l’ajout d’un contrepoids, dans la presse hollandaise, permettant de relever automatiquement la platine (opération fastidieuse lorsqu’elle est manuelle, car il y avait besoin de dévisser la platine pour pouvoir la relever).

 
Production des livres imprimés par la presse à bras jusqu'à 1800[5]

Ainsi, cela à déjà permis entre le XVIème et le XVIIème siècle de multiplier pratiquement par trois le nombre de livres imprimés.

Cela nous amène donc en 1774, où l’horloger Friedrich Koenig (qui est aujourd’hui un grand constructeur de machines à imprimer sous l'appellation “Koenig & Bauer[6]) se demande s’il n’est pas possible de mécaniser et d’automatiser la plupart des actions encore réalisées à l’époque à la main: l'encrage, le margeage de la feuille, l’impression, l’éjection des feuilles, etc.

C’est avec la presse de Koenig, aussi appelée Presse Mécanique à Cylindres, que la communauté voit apparaître ce qui ressemble pour l’instant le plus à la rotative d’aujourd’hui, et cela grâce à l’apparition d’un élément central : le cylindre rotatif.

En 1814, on voit donc apparaître la première presse réalisée par Koenig actionnée à la vapeur.

La forme typographique réalise un mouvement de va-et-vient sur les cylindres afin d’imprimer les formes souhaitées sur les feuilles.

Cela nécessite ainsi beaucoup moins d’effort d’impression. Avec ce principe de fonctionnement que l’on qualifie à l’époque “d’automatique”, cette nouvelle ère annonce peu à peu l'arrivée de la délégation du manuel à la machine à moteur.

De nombreux fabricants proposent leurs propres modèles tout au long du XIXème siècle et de la première moitié du XXème. La plupart des impressions de livres et journaux sont alors réalisées sur des machines à cylindres.

 
Presse à vapeur de Koenig,1814

Néanmoins, avec les années, les utilisateurs constatent une lenteur générale et de nombreuses vibrations dues au mouvement de va-et-vient de la forme typographique en plomb qui est assez lourde à déplacer pour le moteur de la machine.

C’est alors en 1847 que l’américain Richard Hoe crée la première machine que l’on appellera Rotative: basée sur un procédé de stéréotypie (utilisation de forme imprimante gravée ou moulée en relief), la forme imprimante n’est plus plane mais montée directement sur les cylindres rotatifs. La même année, Hippolyte Marinoni fabrique sa première presse à deux cylindres dite «à réaction».

La rotative de Hoe propose un système de six rouleaux cylindriques alliés à un mouvement rotatif. Elle est basée sur un énorme cylindre central qui porte les formes imprimantes classiques en caractères mobiles, et de six, voire dix cylindres presseurs correspondant à chacune des formes. Elle nécessite autant d'ouvriers margeurs pour l'alimenter en feuilles. La tenue des caractères mobiles sur la courbure du cylindre posait certains problèmes.

En 1846, la firme Hoe élabore la machine « Lightning Press » (baptisée en France « Éclair ») qui présente l'avantage de disposer les éléments typographiques directement sur le cylindre imprimant de manière horizontale : on a donc un cylindre encré et un cylindre de pression. Il n'y a plus besoin de personnel margeur.

Dans les années 1860, Richard Hoe & Cie propose de remplacer la forme typographique par un immense clichage stéréotypique cylindrique.

Aux États-Unis, la rotative de Hoe est perfectionnée en 1865 par l'Américain William Bullock, qui remplace les feuilles par des bobines de papier, selon un brevet déposé cinq ans plus tôt par l’Autrichien Alois Auer. Cette modification augmente considérablement la rapidité de l’impression et réduit le personnel nécessaire ; invention dont il a pu tester l'efficacité en y coinçant malencontreusement sa jambe. Il mourra d'une gangrène, à la suite de cet accident, en 1867. Il faut attendre 1871 pour que Richard Hoe & Cie lance sur le marché une rotative à bande de papier avec coupe intégrée, finalisée en 1875 par Stephen D. Tucker, et présentée à l'exposition universelle de 1876 à Philadelphie.

 
La Marinoni de 1883

En 1884, Marinoni, en s'inspirant des travaux de son ancien associé Jacob Worms (un immigrant allemand qui cherchait à améliorer le processus d'impression rotatif), est le premier à proposer une presse à rotative intégrant à la fois le clichage stéréotypique, des bobines, l'impression en retirage (double face du papier) et le façonnage en ligne (plieuse en cahiers et coupe intégrés). En 1895, il peut se targuer d'imprimer 5 millions d'exemplaires du Petit Journal : un record mondial.

En 1912, la société allemande VOMAG[7] fabrique la première rotative offset, qui se trouve être beaucoup plus souple d'utilisation. La méthode offset consiste à enrouler une plaque (souvent de métal) sur laquelle est gravé ce que l’on souhaite imprimer autour d’un rouleau. Un second rouleau (en caoutchouc) appelé blanchet est ajouté entre le premier rouleau et le papier. Ainsi, la plaque imprimée reçoit l’encre puis la transmet au blanchet qui transmet lui-même l’encre au papier.

Les rotatives offset remplacent définitivement la plupart des rotatives typographiques à partir des années 1970.

La dernière évolution notable est l'apparition de l'impression couleur. Auparavant, les impressions se faisant uniquement en noir.

Nous allons voir que ces évolutions sont souvent dues à un contexte historique qui a mis sous pression la demande d’impression.


Le contexte social qui a mené à la rotative

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[8]C’est l’élargissement et le renforcement de la liberté de la presse qui engendrent ce processus d’évolution dans les métiers de l’impression. Instituée en Angleterre dès 1695, elle se consolide au XIXe siècle avec la réduction de la taxe sur les journaux, qui empêchait une partie de la population d’y avoir accès.

En France, la liberté de la presse est garantie depuis 1789 par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Mais elle est remise en cause pendant tout le XIXe siècle.

Il faut attendre la IIIe République et la loi du 29 juillet 1881 pour qu’elle soit inscrite dans la loi. On observe alors de grands changements : les journaux peuvent paraître librement, sans aucune autorisation. Parallèlement à cela, un large et nouveau public de lecteurs se constitue. Dès 1871, le taux d’alphabétisation de l’Empire allemand atteint 88%. En Italie, il passe de 20% à 50% entre 1861 et 1901.

En France, les lois de Jules Ferry sur l’instruction publique (1881-1882) achèvent un mouvement commencé dès le début du XIXe siècle : juste avant la Première Guerre mondiale, 95 % des Français savent lire et écrire.

Même avant cela, on observe que la demande pour la presse de la part des consommateurs est grandissante puisque le premier kiosque à journaux de Paris est inauguré en 1857 sur les Grands Boulevards. On constate que cette date est proche de l’invention de la rotative. On peut donc lier cette invention au fait que la demande et l’intérêt pour la presse étant grandissants, il a fallu trouver une solution pour pouvoir imprimer plus rapidement et en plus grande quantité.

Lire la presse devient alors un geste quotidien et naturel. Les Français sont à l’époque les plus grands lecteurs du monde. En effet, le tirage des journaux est multiplié par trois entre 1880 et 1914, et plus de 9 millions de journaux sont vendus chaque jour en 1913. Il existe environ 60 titres parisiens et 250 en province.

Les ventes se font principalement par les grands quotidiens populaires, comme Le Petit Journal, journal le plus lu au monde dans les années 1890. Ces journaux cherchent à s’adapter aux besoins et attentes du lecteur en privilégiant les faits divers et les divertissements du moment. En effet les histoires à sensation sont apparues dès les débuts de l'imprimerie (feuilles occasionnelles qui paraissent à intervalles irréguliers, en fonction des événements, et qui étaient vendues par des colporteurs). Elles faisaient partie de la grande tradition de l'imprimerie. Au XIXe siècle, les canards illustrés (feuillets non périodiques diffusant des nouvelles sensationnelles sur des événements ou des faits divers) deviennent très populaires. En 1869, l'affaire Troppmann met les Français en émoi et provoque un changement spectaculaire dans la presse. A cette occasion, Le Petit Journal atteint le seuil des 500 000 exemplaires. L'histoire de ce crime a fait l'objet d'une couverture extraordinaire. Les médias populaires utilisaient les nouvelles, dont la lecture ne nécessitait aucune compétence ou connaissance particulière.

La presse d’opinion est quant à elle moins diffusée. Elle reste néanmoins très influente. Chaque mouvement politique met en place son propre journal et la presse engagée couvre tout l’éventail politique. Cette presse engendre alors une révolution civique: les citoyens ont dorénavant les moyens de lire le journal pour se forger une opinion et participer au débat de la communauté.

Un besoin de production à grande échelle

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[9]Vers les années 1600, les presses européennes étaient capables de produire entre 1500 et 3600 impressions par jour ouvrables. A titre de comparaison, en Extrême-Orient, où le dos du papier était frotté manuellement, l’impression ne dépassait pas les quarante pages par jour.

Avec l’apparition de la presse Stanhope, la capacité de production a quasiment doublé, arrivant à 480 pages par heure. En 1814, lorsque Koenig et Bauer vendent leurs premiers modèles de presse au Times à Londres, les capacités de production atteignent les 1100 impressions par heure. On constate que parallèlement aux innovations techniques, et à l’apparition de nouveaux types de presse, le nombre d’impressions augmente drastiquement.

Dans les années 1820, l’impression sur cylindre et l’utilisation de la vapeur augmentent la cadence des presses mécaniques: le Journal des Débats tire alors entre 4 000 et 5 000 feuilles à l’heure. Ces innovations ne font toutefois pas l'unanimité notamment chez les ouvriers "pressiers" qui voient peut à peut leur métier disparaitre. Mais la presse à grand tirage, lancée par Le Petit Journal sous le Second Empire, exige toujours plus de rendements. Après le temps des presses à réaction, les ingénieurs, en tête desquels se trouve Hippolyte Marinoni, ouvrent celui des rotatives, qui vont devenir les symboles de la presse de masse. Ils rivalisent d’innovation pour se conformer aux contraintes des journaux. La première rotative de Marinoni en 1867, débite la bobine de papier en feuilles qui sont alors imprimées d’un seul coup sur les deux côtés. Le principe ne variera guère dans les décennies suivantes. Des machines aux mécanismes sans cesse plus complexes, capables d’imprimer 15 000 journaux à l’heure en 1870. Comme évoqué précédemment, à l’instauration de la IIIème République, la liberté de la presse est consacrée avec la loi de 1881 qui définit les libertés et responsabilités de la presse et de sa vente. Il s'ensuit un véritable âge d’or de la presse entre 1881 et 1914. En effet, tous les jours sortent jusqu’à 50 000 quotidiens de 12 pages à la veille de la première guerre mondiale[10].

Comme dit auparavant la rotative est considérée comme un symbole d'impression en masse. Dans le film The Post[11] de Steven Spielberg sorti en 2017, une scène spécifique illustre l'incroyable cadence à laquelle les machines impriment des centaines et des centaines de pages entières de journaux, les coupent et les plient en quelques heures seulement. On se rend compte des capacités d'impression d'une telle machine aux nombres de camions chargés prêts à envoyer le journal fraîchement imprimé à tous les points de vente. On peut facilement comprendre en quoi la rotative a permis de révolutionner la presse. Et encore, sur cette vidéo, il s'agit d'une rotative typographique, donc d'une presse assez ancienne et qui a donc une vitesse d'impression plus faible que les rotatives que l'on utilise de nos jours.

La presse est alors surnommée le quatrième pouvoir[12] du fait de son influence sur la société et de sa capacité à concurrencer les pouvoirs législatifs.

On peut penser que l’essor de la rotative et de la presse sont interdépendants puisque jusqu’au XXème siècle et donc jusqu'à la production massive de rotatives, la presse reste un bien rare, bien que les tirages commencent à être importants. A cette époque, la presse détient le quasi-monopole de l’information, ce qui en fait un bien de grande valeur, réservée à une certaine classe.

Cependant, comme dit précédemment avec les lois sur la liberté d’expression et la démocratisation de la presse populaire, les journaux deviennent le lien entre la population française en grande partie rurale et la nation. Les journaux deviennent alors un véritable bien de consommation de masse, juste derrière les biens alimentaires et textiles[13][14].

L’essor de la rotative

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La démocratisation de la lecture de journaux et donc de l’utilisation de rotatives est due à de nombreux facteurs et on peut notamment en retenir deux : le recul de l’analphabétisme, les lois sur la liberté d’expression et la facilitation de la création des journaux.

Tout d’abord, les lois Guizot et Ferry font tomber le taux d’analphabétisme de 17% en 1880 à 4% en 1914. Ces mesures permettent d’augmenter le nombre de lecteurs potentiels de journaux et de périodiques participant ainsi à l’essor de la rotative. Cependant, ce facteur social n’explique pas à lui seul la grande démocratisation des journaux. En effet, en Allemagne par exemple, où le taux d’alphabétisation a toujours été supérieur à celui français, les tirages de la presse ne sont pas comparables à ceux de la presse française. Cela peut être expliqué par le fait qu’en Allemagne, la presse reste un bien réservé aux élites et est très censurée et contrôlée. Au contraire, le système français vise à éduquer les masses par la presse et à diffuser l’idéologie gouvernementale grâce à elle.

De plus, la loi sur la liberté d’expression de 1881 permet au nombre de journaux d’exploser. En effet, il suffit alors d’une déclaration en préfecture pour créer un journal d'autant plus que les journaux sont à cette époque très rentables, d’où l’engouement autour de cette activité.

Cette loi a un réel impact sur les chiffres : avant la loi, on comptait 1300 titres à Paris, alors qu’en 1891, on en dénombre 2000 et 2700 en 1899. De plus, entre 1881 et 1914, la France se situe au premier rang en termes de tirage global des quotidiens par habitant en passant de 73 à 244 exemplaires pour 1000 habitants.

De plus, pour se distinguer des autres journaux, certains font le choix de publier des suppléments le dimanche. Ces suppléments traitent de sujets plus légers et visent des personnes qui ne seraient pas forcément intéressées par les journaux traditionnels.

Le but principal est d’attirer les jeunes et les femmes avec des journaux contenant plus d’images, des caricatures, ou encore des contes. En effet, le public touché par les journaux était alors principalement masculin. Ce choix apparaît prolifique pour les éditeurs mais également pour les imprimeurs puisqu’en plus de leurs tirages habituels qui touchent surtout les “chefs de famille”, leurs suppléments arrivent à convaincre. Par exemple, Le Petit Echo de la mode atteint 500 000 exemplaires de tirage à la veille de la Première Guerre mondiale. Dans la même lignée de diversification, une presse dessinée satirique marquée par l’engagement politique voit le jour, presse qu’on pourrait aujourd'hui rapprocher de journaux comme Charlie Hebdo. La presse magazine se modernise également et vulgarise l’art, la géographie ou encore l’économie. Enfin, de nombreux magazines sportifs se popularisent et ont des tirages relativement conséquents (350 000 exemplaires au total en 1909 pour les huit principaux quotidiens sportifs).

Pour résumer, l’émergence et le succès qu’a connu la presse française sont le résultat d’une volonté de l’Etat qui a levé les obstacles à son développement et des milieux industriels et financiers qui ont vu le potentiel de la presse en termes de prospérité et d’influence.

Les aspects économiques et l'âge d'or de la rotative

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La rotative s'inscrit dans une chaîne de production et de distribution qui réunit beaucoup de secteurs. Tout d’abord, le client envoie une maquette de ce qu’il veut imprimer à l’imprimeur. En amont, cette maquette a donc été réalisée par des services d'édition. Cette maquette est alors imprimée dans le service prépresse sur des plaques en métal à l’aide d’une imprimante numérique bien spécifique. Cette imprimante produit un imprimé par couleur en utilisant pour cela 4 plaques (une pour le cyan, une pour le jaune, une pour le magenta et une pour le noir). Celle-ci est ensuite placée au niveau des encriers de la rotative. C’est donc à ce niveau de la chaîne de production que se situe la rotative. Celle-ci imprime donc la commande du client, puis plie et coupe le papier. Ainsi, pour certains imprimés comme les flyers ou les publicités mais aussi certains périodiques, la chaîne de production s’arrête là laissant place ensuite à la chaîne de distribution. Pour d’autres imprimés, il faut encore relier les différentes pages entre elles soit par des agrafes, soit par des dos carrés collés, avant de les envoyer à la chaîne de distribution. Cette étape concerne en particulier les livres et les catalogues. Celle-ci est réalisée par un service appelé “façonnage”. De plus, certains magazines nécessitent parfois d’être mis sous film plastique (notamment parce qu’ils sont livrés avec des publicités en plus) et parfois même d’avoir une adresse de livraison imprimée sur ce film plastique. Cette étape se fait au service routage.

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Répartition du chiffre d'affaire de l’Imprimerie de labeur par marché (en %)

Pour ce qui est de la chaîne de distribution, celle-ci dépend beaucoup du type d’imprimé. Certains seront directement transmis au service de distribution (La Poste) comme les publicités tandis que d’autres retourneront au client (commande de bulletin de vote, commande de flyers…) et que d’autres iront dans des commerces avant d’être vendus (livres, périodiques,...).

[15]Ensuite, pour qu'il y ait besoin d'une chaîne de production, il faut évidemment des clients. Les clients d'une imprimerie sont très variés. En effet, les rotatives permettent d'imprimer sur une grande variété de papier, ce qui lui permet d'acquérir des clients en tout genre. Ainsi, les clients d'une imprimerie peuvent aussi bien être des particuliers, que des mairies ou communautés d'agglomération, des grandes enseignes de distribution, des éditeurs que ce soit de livre ou de journaux, des musées ... Tous ces clients ont des demandes bien différentes, aussi bien que certains travaux sont plus avantageux à réaliser pour les imprimeurs. En effet, un particulier qui demande une impression de moins de 2000 exemplaires, ne permettra pas de faire beaucoup de bénéfices car le calibrage de la rotative entraînent presque autant de feuilles de gâche (feuilles perdues à l'impression) que de feuilles imprimées. Ainsi, tous les marchés de l'imprimerie ne représentent pas la même part du chiffre d'affaires d'une imprimerie. En effet, le marché des imprimés publicitaires représente 33% du chiffre d'affaires, celui des imprimés administratifs en représente 16% et celui du livre n'en représente que 6%. Enfin, le périodique qu'on pourrait croire être l'un des plus gros atouts financier de la rotative, ne représente que 8% du chiffre d'affaires dû au impression. Ce dernier chiffre est d'autant plus étonnant du fait que le marché des périodiques et des journaux représente à lui seul plus d'un quart des volumes imprimés, ce qui fait de lui le deuxième marché des imprimeries en termes de tonnage imprimé.

Pour continuer sur la presse, il est important de savoir que la plupart des quotidiens sont constitués en sociétés anonymes et leur rentabilité leur permet d’investir massivement et d’augmenter leur capital social. Par exemple, entre 1898 et 1908, Le Matin dépense 4,4 millions en équipements techniques et locaux et est en mesure de verser des dividendes aux actionnaires. Les recettes des grands quotidiens proviennent majoritairement de la vente des journaux au numéro, loin devant ce que rapporte la publicité et la vente à l’abonnement. Le fait que la publicité ne soit pas un facteur de recette est une particularité française. En effet, à cette époque, la publicité est source de défiance, dans une société encore très catholique, contrairement à des pays comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne. Le seul journal à utiliser massivement la publicité est Le Figaro, un tiers de ses recettes proviennent de la publicité, lui permettant ainsi d’investir.

Afin de pouvoir contenter les lecteurs, fournir les tirages adéquats et résister à la concurrence, les éditeurs doivent se munir de moyens d’impression conséquents. Ils s’équipent alors massivement de rotatives et les journaux stimulent également l’innovation. C’est par exemple à cette époque que la rotative va devenir électrique.

Du point de vue des chiffres, Le Petit Journal acquiert sa première rotative en 1866 et il en comptera 21 en 1890. Le Petit Parisien en compte 24 en 1900. En 1902, le principal actionnaire du Matin se rend aux États-Unis pour rencontrer l’industriel Hoe et lui achète 6 des rotatives les plus perfectionnées de l’époque. Les patrons des quotidiens de Province investissent également dans des rotatives pour étendre leurs journaux.

Pour vendre tous ces journaux et voler la clientèle de la concurrence, les éditeurs ont recours à des crieurs. Les emplois dus aux journaux, que ce soit pour la production ou la vente étaient beaucoup importants à cette époque qu'ils ne le sont aujourd'hui. Par exemple, en 1914, le Matin regroupe 150 rédacteurs, 200 ouvriers et 550 employés. Le Petit Parisien emploie environ 1300 personnes et possède sa propre papeterie. De plus, la partie rédaction ne représente en réalité qu’une petite partie des employés des journaux. En effet, il y a l’administration, les services commerciaux (comptabilité, livraison, facturation, contrôle qualité...), le centre de télégraphie ou encore les archives. Enfin, l’impression regroupe également de nombreuses professions différentes : rotativistes, plieurs, emballeurs, livreurs ou encore électriciens. Tout cela fait de l’imprimerie et de la presse un des pôles majeurs de la société avant la Première Guerre mondiale

Les impacts sociaux et sociétaux

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Cette émergence d’une presse de masse s’accompagne par l’essor de nouvelles professions, comme celle de journaliste. Les journalistes seraient passés de 4000 en 1890 à 6000 en 1910. Cependant, à l’époque, il n’y a pas de formation ou de diplôme requis pour accéder au poste de journaliste. Ainsi, les personnes accèdent au monde de la presse par un concours de circonstances et surtout grâce à leurs relations.

Dans un premier temps, ce sont donc les fils de bonnes familles qui accèdent aux métiers de la presse dans le but d’échapper à d’autres professions plus contraignantes. Cependant, cette activité est vue comme une transition vers les métiers de la politique ou de l’administration par exemple.

Néanmoins, avec l'apparition des journaux de masse grâce à la rotative et des nouveaux genres de la presse, le métier devient plus difficile et n’attire plus les élites sociales. C’est la classe moyenne supérieure, enseignants et intellectuels, qui s’empare peu à peu du monde de la presse. Des personnes venues de tous les horizons cherchent à prospérer dans le monde de la presse et des petits commerçants ou artisans de campagne se lancent dans le journalisme qui est alors vu comme une promotion sociale.

Les femmes sont quasiment absentes du monde de la presse : 98% des journalistes sont des hommes au début du XXème siècle. Les femmes sont reléguées aux rubriques mode des grands quotidiens et à la presse enfantine, même si les chroniques restent majoritairement écrites par des hommes.

Le nombre de journalistes augmente considérablement, en parallèle à l’apparition des journaux de masse : autour de 1870, la rédaction d’un grand journal est limitée à 10 ou 20 journalistes, tandis que 30 ans plus tard, les grands journaux comptent entre 50 et 100 journalistes. De plus, le rédacteur en chef, qui était accessible au début du siècle, c’est-à-dire que les journalistes pouvaient communiquer facilement avec lui, devient rapidement inaccessible. Son profil change également, il était le plus souvent issu du journalisme, mais avec l’avènement de la presse de masse, les directeurs de journaux sont des hommes d’affaires qui gèrent leur journal comme une industrie et cherchent à tout prix le profit.

La rédaction de journaux s’industrialise peu à peu avec des services différents et des rôles bien attribués : service politique, service de politique extérieure ou encore service de l’information et les tâches sont multiples à l’intérieur d’un même service avec une réelle division du travail. Un nouveau métier fait également son apparition : celui de secrétaire de rédaction. Il est le chef d’orchestre de la rédaction du journal, c’est-à-dire qu’il s’occupe de coordonner le contenu des articles, leurs positions dans le journal, le contenu de la Une. Il est également chargé de pousser les éditorialistes à respecter les horaires de bouclage en leur mettant la pression. Pour les journalistes, l’apparition de ce nouvel homme qui a une mainmise totale sur leur travail est une régression. Ceux-ci perdent de leur indépendance et ont l’impression de ne plus avoir de liberté sur leurs écrits. Le secrétaire de rédaction est même surnommé à l’époque le “réducteur en chef” ou le “censeur officiel”.

Du point de vue des revenus, les métiers de la presse sont avantageux, même si de gros écarts de salaire sont observés. En effet, un journaliste débutant et travaillant sur Paris touche 150 à 200 francs en début de carrière, ce qui correspond à la paye d’un instituteur en fin de carrière, et peut espérer toucher 400 francs en milieu de carrière. Les reporters gagnent en moyenne 500 francs et en haut de l’échelle, les chroniqueurs renommés ont un salaire de 700 à 800 francs, c’est-à-dire le salaire maximal que peut espérer un professeur agrégé. Enfin, ce sont les secrétaires de rédaction, “princes du reportage” et les rédacteurs en chef qui gagnent le plus avec respectivement un salaire de 1000, 1500 et 3000 francs.

Ce changement de considération des journalistes au sein des journaux s'accompagne d'un changement de considération dans la société mondaine du début du siècle. En effet, les journalistes qui au début fréquentaient les cercles intellectuels avec les écrivains ou les artistes, sont peu à peu vus d’un mauvais œil et ne se regroupent plus. Seuls les grands reporters font exception, puisqu’ils se retrouvent dans les mêmes hôtels et fréquentent les mêmes restaurants lors de leurs reportages.

Par la suite, de nombreuses associations de journalistes sont créées : on en compte 54 en 1890 contre seulement 12 en 1885. Cependant, ces associations servent surtout à donner des avantages à leurs adhérents, plus qu’à reconnaître le journaliste en tant qu’intellectuel indépendant. Ainsi, ces associations offrent par exemple des pensions de retraite ou des bons de gratuité pour le chemin de fer. Peu à peu, ce sont les grands patrons des journaux qui en prennent la tête et qui tendent à maintenir le mythe du journaliste indépendant et du penseur libre, contrairement à ce qu’il se passe réellement au sein des rédactions où les rédacteurs sont des salariés au service d’un patron tout puissant.

Du point de vue de la formation, l’attachement des journalistes à se penser en intellectuel libre fait qu’à l’époque, faire du journalisme s’apprend sur le tas. A l’étranger, des écoles sont créées comme à l’université de Philadelphie par exemple, où dès 1893, une formation en deux ans est proposée. Des tentatives sont faites en France, notamment par la sociologue Dick May qui ouvre en 1899 L’École supérieure de journalisme à Paris. Cependant, son expérience est un échec, puisque les gens considèrent toujours le journaliste au même titre qu’un poète, dont l’inspiration ne peut être apprise. Néanmoins, de nombreux manuels professionnels vont progressivement apparaître et codifier la profession.

L'essor à l'international

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Si l’on s'intéresse de plus près au progrès réalisés dans les autres pays, on constate que les principales découvertes de l’imprimerie en amont de la rotative proviennent d’Angleterre: avec la presse en métal de Stanhope[16] (1804), la presse mécanique (1811), la presse à vapeur (1814), la presse à retiration (premières impressions recto verso en un seul passage, 1816).

C’est à partir de là que l’on observe une véritable accélération du nombre d'exemplaires imprimés à l’heure, passant d’environ 1 000 exemplaires à l’heure avec les presses citées à 6 000 exemplaires avec la presse à réaction dans les années 1850. C’est avec l’arrivée de la rotative que l’on atteint pour certaines machines plus de 50 000 exemplaires à l’heure. Ces progrès furent constatés à la fois en Angleterre et en France.

Aux États-Unis, c'est avec Richard Hoe qui conçoit une machine rotative nommée en son nom “rotative de Hoe”, que des milliers de quotidiens furent imprimés en 1845. Cela à ainsi permis de diminuer le coût unitaire de l’édition : les journaux ne sont plus vendus uniquement sur abonnement mais en kiosque ou à la criée, au prix de 5 centimes au lieu de 15 à 20 centimes[8]. Peu de temps après, la ruée vers l’or en Californie et l’arrivée des premiers chemins de fer permet l’expansion rapide des quotidiens partout sur le territoire[17]. L’utilisation de nouvelles sources d’énergie améliore grandement le transport. Les premières lignes ferroviaires transcontinentales ouvrent aux États-Unis en 1869 et en Russie en 1904. Les voies ferrées prennent place peu à peu sur la plupart des continents : on passe de 35 000 km de voies en 1850 à plus d’un million en 1914. L’utilisation industrielle du pétrole (années 1850) et la mise au point du moteur à explosion (années 1880) permettent ensuite le développement de l’automobile et de l’aviation.

 
Logo de l'entreprise Reuters
 
Évolution du chiffre d'affaire de la production de périodiques dans quelques pays européens (en k€)
 
Évolution du chiffre d'affaire de l'impression de livres dans quelques pays européens (en k€)


Il y a également quelques évènements majeurs qui, en ajoutant des faits divers marquant sur les quotidiens, ont permis leur développement : en 1851 avec l’installation du premier câble sous-marin entre la France et l’Angleterre, et la fondation de l’agence de presse Reuters à Londres. En France, la liberté de la presse est votée par la IIIe République, l'article Ier de la loi sur la Liberté de la presse du 29 juillet 1881 affirmant : « l'imprimerie et la librairie sont libres ».

Ainsi, depuis le début du XXe siècle, C’est l’entreprise KBA (Koenig & Bauer) qui reste le leader mondial dans la fabrication de presse rotative[18], suivi de près par l’entreprise Manroland qui arrive sur le marché un peu plus tard (milieu du XXe siècle). Le fabricant KBA performe aussi dans le domaine des presses offset. Les deux principaux fabricants de rotatives étaient donc des entreprises allemandes jusqu'en 2018, année à laquelle l'entreprise Manroland a fusionné avec le détenteur de la troisième place du podium: l'entreprise américaine Goss Système. En 2004, ce fabricant américain possédait 4 usines dans le monde: une en Grande-Bretagne, une en Chine, une au Japon et une en France, à Nantes.

Depuis la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle, on constate ainsi que certains pays deviennent des leaders dans certains domaines d’impression[19]. Par exemple :

  • Au Royaume-Uni avec l’impression des livres en chiffre d'affaires.
  • En Allemagne avec l'impression des périodiques et la production publicitaire en chiffres d’affaires.

De façon générale, l’Allemagne s’impose dans la plupart des processus d’impression de ces dernières décennies, même en matière de finition (reliure, mise en emballage, etc.).


Les premiers signes de faiblesses de la rotative

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L’impact de la Première Guerre mondiale et la fin de l’âge d’or

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[20]La Première Guerre mondiale a eu un impact majeur sur la production de journaux et donc sur l’utilisation des rotatives. En effet, comme le montre les chiffres ci-dessus, la mobilisation générale a vidé les rédactions et les imprimeries mais la guerre a également empêché les rédacteurs d’avoir accès à leurs sources. A cause de cela, de nombreux titres disparaissent : en 1913, la bibliographie nationale dénombrait 14 000 journaux différents contre seulement 5 000 en 1916. Près de 80 quotidiens de province disparaissent durant la guerre.

De plus, dans les zones occupées, de nombreuses imprimeries sont réquisitionnées par les Allemands et l’impression de journaux est remplacée par celle de documents de propagande allemande. Cela n’a en soit pas d’impact négatif sur la rotative à court terme, puisqu’elle est toujours massivement utilisée. Cependant, la disparition d’un grand nombre de journaux entraînée par cette réquisition a un impact sur le nombre d’exemplaires vendus après-guerre.

Les tirages et donc l’utilisation des rotatives sont également impactés par les difficultés d’approvisionnement en papier, même si des règles, comme celle d’une limitation de parution à 4 pages, sont instaurées pour permettre à un maximum de journaux de survivre.

Les plus forts tirages des quotidiens parisiens entre 1880 et 1912[21]

Décembre 1880 Novembre 1912
1 Le Petit Journal 598 000 Le Petit Parisien 1 295 000
2 La petite République 168 000 Le Journal 995 000
3 La lanterne 121 000 Le Petit Journal 850 000
4 Le petit Moniteur 100 000 Le Matin 647 000
5 Le Figaro 97 000 La Croix 300 000
6 La Paix 55 000 L'Echo de Paris 134 000
7 Le Petit Journal du Soir 54 000 Excelsior 109 000
8 Le Petit Parisien 50 000 La Presse 75 000
9 Le Soleil 45 000 La Patrie 46 000
10 La France 41 000 Le Temps 45 000
TOTAL 1 329 000 4 496 000

De plus, outre les nouvelles quotidiennes apportées à l’arrière, les journaux participent également à l’effort de guerre en remontant le moral des troupes qui les reçoivent tous les jours.  

Cependant, même si la censure limite grandement les informations diffusées par les journaux et donc leur production, certains arrivent à tirer leur épingle du jeu en innovant. En effet, en 1914-1915, de nouveaux magazines dédiés exclusivement à la guerre apparaissent. Ils utilisent massivement la photographie, les nouvelles étant limitées à la glorification des poilus et des chefs de guerre alliés. Par exemple, Le Miroir devient Miroir de la guerre en 1914 et tire entre 400 000 et 1 million d’exemplaires chaque semaine; 500 000 exemplaires de nouveaux journaux sont publiés en Belgique (printemps 1915). Le Bruxellois et La Belgique sont les journaux les plus vendus avec près de 100 000 exemplaires chacun. Les feuilles activités sont également énormément publiées, dans l’ordre des 10 000 exemplaires[22].


Pour contrecarrer le  bourrage de crâne des journaux traditionnels et soumis à la censure, les poilus vont développer leurs propres journaux. Ceux-ci étaient parfois manuscrits et tirés à seulement quelques dizaines d’exemplaires mais aussi imprimés par milliers grâce à des rotatives à l’arrière du front.[23]

A la fin de la guerre, de nombreux quotidiens n’ont pas survécu. En effet, par exemple, les quotidiens parisiens sont passés de 80 en 1914 à 30 en 1924 et la plupart ont vu leurs tirages fondre. De plus, la crise du papier impacte grandement les journaux qui sont obligés d’augmenter leur prix et les rotatives vieillissantes doivent également être remplacées. Tous ces aspects font que l’après-guerre signe la fin de l’âge d’or des journaux et donc de la rotative. De plus, de nombreux scandales incriminant les plus grands journaux français éclatent dans les années 1920 avec notamment des histoires de corruption et de fausses nouvelles, ce qui fragilise encore les opinions des lecteurs, les tirages et donc l’utilisation des rotatives.

Dans le même temps, les journalistes voient leurs salaires et leurs statuts se dégrader. En effet, le gros des journalistes gagnent moins que les balayeurs de la ville de Paris, ils ne jouissent d'aucune protection sociale et sont socialement déclassés à cause des nombreux scandales. Il faudra attendre la création et le développement du syndicat des journalistes (années 1930) pour que les journalistes puissent bénéficier de salaires minimaux, de retraites, d’un vrai statut et de dépenses déductibles d’impôts.

Les plus forts tirages des quotidiens parisiens (1917-1918) (en milliers d'exemplaires)[21]

1er juillet 1917 1er aout 1918 Differentiel
Le Parisien 2219 1900 -14,4%
Le Matin 1490 1051 -29,5%
Le Journal 1206 756 -37,3%
Le Petit Journal 721 452 -37,3%
L'Echo de Paris 668 421 -37,0%
L'Intransigeant 350 400 +14,3%
La Croix 238 172 -27,7%
La Liberté 165 110 -33,3%
L'information 148 102 -31,1%
L'Œuvre 125 105 -16.0%

Des crises de plus en plus fréquentes

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Le déclin suivant subi par la presse quotidienne survient entre 1946 et 1952. En effet, le nombre de quotidiens est passé de 203 en 1946 à 131 en 1952. De 15.1 millions d’exemplaires, leur tirage global a diminué jusqu’à 9.6 millions. C’est d’ailleurs les quotidiens parisiens qui subissent le plus puisque leur tirage global recule de 43 %.

Cette crise s’explique par des facteurs économiques et financiers. En effet, on peut citer comme causes : la hausse du prix du papier à partir de 1946 à laquelle s’ajoute l’augmentation du nombre de pages passant de 2 début 1945 à 8 en 1950, ce qui entraîne une augmentation du prix des journaux, ou encore les charges salariales des entreprises qui grimpent, à cause des sureffectifs consentis pendant la seconde guerre mondiale pour donner du travail aux résistants, ce qui cause des grèves et donc la nécessité d’augmenter les salaires.

L’arrivée de la presse populaire correspond à cette période. En effet, pour essayer d’échapper à la crise, de nombreux journaux jusqu’ici politiques se renouvellent et apportent de nouvelles rubriques telles que les faits divers, le divertissement, la vie des artistes, le tiercé ou encore les petites annonces. Ils ajoutent également des titres plus accrocheurs et des photos pour tenter de séduire plus de public. Et cela paye puisque la presse réussit à sortir de la crise.

Mais le répit est de courte durée. En effet, alors qu’au début des années 1950, huit français sur dix lisent régulièrement un quotidien, ils ne sont plus que quatre au début des années 1990. Dès les années 1960 une nouvelle crise refait surface, liée cette fois-ci aux changements d’habitudes des consommateurs. En effet, on assiste au développement de la radio et de la télévision, qui surpassent peu à peu la presse. Les nouvelles peuvent désormais être entendues à la radio ou bien vues à la télévision, diminuant ainsi l’intérêt des consommateurs pour le journal.

Cette crise sera suivie par une autre, liée à la grande crise économique et financière de 2008. Cette crise, qui a touché beaucoup de secteurs, a aussi impacté l’imprimerie et la presse. Selon l’IDEP, on constate la fermeture de presque 30% des établissements d’imprimerie entre 2000 et 2008 et donc une baisse de 28% des salariés dans le domaine de l’imprimerie sur la même période. Cette baisse étant principalement concentrée sur l’année 2008, elle est étroitement liée à la crise. On peut aussi la relier plus largement au développement du numérique sur cette période.

La rotative face au numérique

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L’arrivée d’Internet a eu un impact conséquent sur la presse généraliste et donc par extension sur l’utilisation des rotatives. En effet, les lecteurs de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle sont plus friands de sujets anecdotiques et de faits divers en tout genre, ce qui pousse les journaux à changer la manière dont ils travaillent : plus d’images, articles plus courts et évidemment moins de tirage qu’auparavant. De plus, l’arrivée des onglets informations sur les principaux moteurs de recherche comme Yahoo ou Google détourne les lecteurs des journaux traditionnels. D’autres journaux comme 20 Minutes par exemple, misent sur la gratuité et ne sont financés que par l’utilisation de publicités. Tous ces changements entraînent une baisse du nombre d’exemplaires de journaux vendus et donc une baisse de l’utilisation des rotatives.

Pendant la décennie suivant l’arrivée du numérique, celui-ci n’a pas énormément d’impact sur les impressions. Cependant, à partir des années 2000, une grosse crise se fait sentir. En effet, de nombreux magazines sont impactés comme les hebdomadaires de télévision, tandis que d’autres semblent résister comme les magazines people. Les quotidiens généralistes voient leur nombre de lecteurs diminuer fortement, tout comme la presse technique et professionnelle. Celle-ci se convertit massivement en presse numérique. Ce n’est que dans les pays émergents que la diffusion de la presse écrite progresse[24].

Au niveau des chiffres, rien que pour l’année 2008, Libération perd 6,8 % de diffusion

Un changement d’habitudes des consommateurs

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Depuis l’arrivée du digital, la moitié des entreprises d’imprimerie ont disparu et celles qui ont subsisté ont vu leurs effectifs se réduire. Cette baisse d’effectif, outre les raisons de changement de modes de consommation : lecture en ligne des journaux et des périodiques, ebooks etc., est due majoritairement à un changement de mode de production. En effet, les imprimeries et l’industrie graphique en général se sont adaptées à la demande de personnalisation des clients. Ceux-ci ont une idée précise de ce qu’ils veulent et ils peuvent envoyer directement leur maquette numérique aux imprimeurs, ce qui réduit le nombre de personnes nécessaires dans les ateliers d’impression en entraînant la fermeture d’un secteur entier de l’imprimerie : le secteur prépresse, qui n’a maintenant besoin que d’une personne pour gérer l’impression qui ne prend que quelques minutes, ainsi cette personne est en général une personne travaillant sur les rotatives. De plus, cette baisse forcée d’effectif a permis le développement de nouvelles compétences chez les imprimeurs : le personnel doit pouvoir piloter l’ensemble des opérations et ne plus être cantonné à une seule tâche. Cette pluridisciplinarité a permis une augmentation des salaires ces dernières années. Pour résumer, l’arrivée du digital a eu pour conséquence de passer d’une imprimerie industrielle à une imprimerie artisanale avec une réelle personnalisation des services proposés.

D’autre part, certains imprimeurs ont décidé de se tourner vers l’édition de périodique de manière à faire face à la diminution des demandes d’impressions. Ils ont alors fait de leur concurrent leur allié. Et d'autres sont encore allés plus loin (comme l’imprimeur RICCOBONO) qui s’est lancé dans la création et l’installation de panneaux LED de manière à garder ses clients dans le marché de la publicité.

[25]La dématérialisation représente également un grand danger pour l’impression. En effet, avec l’apparition du numérique et des techniques de numérisation, on est passés d’une société où tout était imprimé à une société où de plus en plus de choses sont numérisées. On peut par exemple s’appuyer sur les manuels ou les sujets d’annales pour les examens : l’arrivée de plateformes pédagogiques (Moodle, ENT, Pronote etc.) a bouleversé la façon dont les étudiants travaillent. L’avantage de la numérisation et ce qui en fait sa force est le fait qu’un document numérisé peut être lu et utilisé partout dans le monde. Ce phénomène s’observe plus particulièrement avec les périodiques. En effet, dans ce domaine, le développement de la lecture digitale a été nettement mis à l'œuvre depuis quelques années. Ce phénomène a pris d’autant plus d’ampleur pendant le confinement. En effet, même si les kiosques ont pu ouvrir, avec des horaires réduits et des difficultés d’approvisionnement, les restrictions imposées à la population ont incité les lecteurs à se reporter sur les sites Web et les applications mobiles des magazines. De plus, les éditeurs ont lancé des campagnes de recrutement d’abonnés numériques qui ont très bien fonctionné. Pour 2020, l’ACPM[26] (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) note une progression de 45 % des versions numériques individuelles. Elles représentaient ainsi près de 14 % de la diffusion payée totale en 2020 contre 8 % en 2019.

Cependant, malgré les avantages que la numérisation des documents implique, l’impression reste indispensable. En effet, les documents papiers peuvent être plus facilement annotés par exemple. De plus, un certain nombre d’entreprises ayant des habitudes de longues dates tardent à se mettre au numérique : les bons de commande, les catalogues ou encore les magazines promotionnels restent largement imprimés. Enfin, aussi étonnant que cela puisse paraître, la mondialisation est un axe majeur du développement de l’impression. En effet, l’envoi de colis nécessite l’impression d’étiquettes, de bons de commande, de factures ou encore de bons de livraison et ces documents sont difficilement numérisables à l’heure actuelle. Ainsi, certains changements d’habitudes des consommateurs comme les achats en ligne peuvent être un levier de relance de l’industrie de l’imprimerie.

Impact du papier

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Le secteur de l’imprimerie utilise beaucoup de papier. En effet, le papier est évidemment la matière principale utilisée. Il faut savoir qu’une rotative qui fonctionne en continu pendant une heure et demie va consommer une bobine de près d’une tonne entièrement. De plus, lorsqu’une impression est lancée, il faut procéder à plusieurs réglages de la machine et cela pendant que la bobine se déroule : il faut bien centrer l’impression sur la bobine, bien régler le débit d’eau et d’encre… Ces manipulations entraînent entre 1000 et 2000 feuilles de gâche avant chaque impression. Ces gâches, bien que peu écologiques, coûtent aussi beaucoup d’argent aux imprimeurs. Ainsi, plusieurs améliorations ont été faites depuis les débuts de la rotative. En effet, auparavant le réglage du débit d’eau et du débit d’encre se faisait manuellement, ce qui rendait la manipulation plus compliquée et donc plus longue, ce qui entraînait encore plus de feuilles de gâche. D’autre part, dans le souci d’être plus respectueux de l’environnement, tous les papiers sortant des imprimeries sont recyclés en différenciant les gros morceaux de papier (notamment les feuilles de gâche) et les petits bouts de papiers (notamment les morceaux de papier coupés dans les massicots). Pour rendre cela automatique, certaines imprimeries ont des trous dans le sol avec des tapis roulants pour amener le papier dans ces trous. Ces trous mènent directement à des grosses bennes qui permettent de stocker le papier à envoyer au recyclage. Certaines imprimeries vont plus loin en utilisant uniquement du papier provenant de forêts gérées durablement, c’est-à-dire de forêts dans lesquelles l’on ne menace pas la biodiversité mais dont on retire tout de même des ressources. Ces imprimeurs peuvent alors obtenir la certification PEFC qui certifie alors que le bois utilisé pour obtenir le papier provient de forêts gérées durablement[27].

Malgré tout cela, il reste tout de même intéressant d’étudier plus en précision l’impact du papier par rapport à celui du numérique sur l’environnement.

Lorsqu’il s’agit de comparer l’impact environnemental du papier à celui du numérique, il faut distinguer différents cas et prendre en compte différents paramètres.

Les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) du papier par exemple sont principalement dues à l’exploitation des forêts et à l’arrivée du bois à l’usine : le taux de ces émissions varie donc selon la provenance du bois. En France, la majorité du papier est issue de forêts européennes, un petit pourcentage est tout de même importé d’Amérique du Sud. Néanmoins, au fil des années, grâce à l’utilisation des déchets et au développement de la méthode de cogénération (production simultanée d’énergie thermique et d’énergie mécanique), le taux d’émission de GES a baissé de 50% entre 2005 et 2015.

Le numérique quant à lui mesure ses émissions de GES à partir du mix énergétique européen et français selon l’étude Quantis. Les smartphones et les télévisions connectées représentent respectivement 2,6% et 8,9% du mix énergétique européen, ce qui correspond à 0,3% et 1,1% du mix énergétique français. Selon l’étude Quantis, le mix énergétique utilisé est de l’ordre du 50% français / 50% européen, soit un impact de 60% sur les émissions de GES.

De multiples études ont été menées, prenant en compte différents indicateurs. L’étude Quantis analyse et compare l’impact du papier et du numérique en fonction de 16 indicateurs, distinguant ainsi différents cas. Pour la publicité par exemple, un catalogue papier émet 2,5 fois plus de CO2 qu’un emailing, cependant un flyer est trois fois moins polluant qu’une vidéo.

Néanmoins, le taux d’émissions de GES ne suffit pas pour comparer l’impact environnemental du papier à celui du numérique, il faut prendre en compte d’autres paramètres et indicateurs tels que le climat et la biodiversité.

Le déclin de la rotative

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Depuis quelques années, le nombre d’entreprises ayant l’imprimerie comme secteur d’activité ne fait que diminuer. En effet, d’après le rapport de l’IDEP, on comptait 5076 entreprises en France en 2005, contre seulement 4680 en 2011, ce qui représente une diminution de 7,8% en seulement 6 ans. Ce nombre a continué de baisser jusqu’à atteindre les 4145 en 2017 (ce qui peut être traduit par -3,5% en 2016). De plus, ces entreprises sont en grande majorité de petites entreprises de moins de 11 salariés : seulement 0,2% d’entre elles en comptent plus de 300. Ces deux points essentiels engendrent une baisse considérable du nombre d’employés travaillant dans le monde de l’imprimerie : on compte 48173 salariés en 2013 contre 39590 en 2017, soit une baisse de 17,8%.

Si nous nous focalisons plus sur la rotative, le rapport de l’IDEP nous permet également de se représenter la place de la sérigraphie dans le monde de l’industrie. En effet, certaines rotatives sont dédiées à ce type d’impression qui consiste notamment à inscrire des logos et des images sur des objets en 3D tels que des crayons ou des stylos. Le nombre d’entreprises à diminué de 4% entre 2016 et 2017, et le nombre de salariés est passé de 3601 à 3435 entre 2010 et 2017.

De nouvelles techniques en accord avec l'évolution des besoins

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Comme on l’a vu précédemment, les journaux représentent plus d’un quart des impressions d’une rotative, mais seulement 8% de son chiffre d'affaires. On observe ici un paradoxe pour un des marchés qui fournit le plus de travail aux rotatives mais qui ne représente qu’une infime partie de son chiffre d'affaires. En plus de cela, ce marché est passé d’un tiers du volume imprimé par des rotatives à un quart en l’espace de 12 ans. Ceci peut s’expliquer par l’apparition du numérique et notamment des journaux en ligne et des applications d’actualité. Ceci est la conséquence d’un changement de besoin de la part des consommateurs qui s’intéressent de moins en moins à la presse périodique papier.

Ainsi, à cause de son manque de chiffre d'affaires, ce marché qui reste tout de même l’un des plus important pour les rotatives ne représente plus assez d’intérêt pour que les imprimeries conservent leur rotative.

 
Presse KBA rapida

En effet, les rotatives peuvent imprimer sur une gamme de grammage (pluralité des épaisseurs des feuilles) assez faible, limitant ainsi le type d’imprimé possible pour ces machines : une rotative se prête assez bien à l’impression de publicité, de flyers ou de journaux mais moins à l’impression de magazine dit de luxe qui demande une qualité d’impression supérieure à celle délivrée par une rotative.

Avec ce changement de besoin des consommateurs, certains imprimeurs décident de se tourner vers de nouvelles machines pour imprimer, comme c’est le cas pour l’imprimerie RICCOBONO, située dans le Var, qui a décidé de fermer son lieu d’impression accueillant une rotative pour investir dans de nouvelles machines plus rentables.

Ces nouvelles machines sont des presses offset feuille qui fournissent des imprimés de meilleurs qualités et qui permettent d’imprimer sur des grammages plus importants. Celles-ci n’utilisent plus des bobines de papiers comme les rotatives mais des feuilles de papier comme auparavant. Ces machines permettent donc plus de polyvalence pour les imprimeurs qui peuvent ainsi aussi bien imprimer des journaux que des magazines de très bonne qualité mais aussi des couvertures de magazines, ce qui ne pourrait pas être fait avec une rotative. Cependant, contrairement aux rotatives, ces presses offset feuille ne peuvent ni couper ni plier le papier. Cela nécessite alors d’investir dans des plieuses et des massicots en plus pour réaliser ces travaux.

 
Imprimante numérique Kodak récente

L’un des fabricants de ces nouvelles machines que l’on pourrait citer est KOENIG & BAUER[28].

On peut remarquer ici que ce fabricant est présent depuis le début des rotatives avec la presse de Koenig, à la base inventée par un horloger qui s’est reconvertie dans les métiers de l’impression, et qui continue de perdurer de nos jours en suivant l’évolution des besoins et les contraintes qui leurs sont associées.

Malgré une diminution générale de l’utilisation des rotatives en France qui est souvent justifiée par l’apparition du numérique, celui-ci n'a pas seulement réduit certains marchés de la rotative, mais a aussi permis d’en améliorer certains.

En effet, ces dernières années, des imprimantes numériques de taille conséquente ont fait leur apparition. Celles-ci ressemblent tout simplement aux imprimantes que l’on utilise quotidiennement à notre domicile, mais en beaucoup plus gros. Elles permettent de réaliser des travaux de très haute qualité mais en petite quantité car celles-ci impriment à une vitesse d’environ 1500 exemplaires par heure.

C’est donc des machines qui permettent de réaliser des flyers, des cartes de visite, des plaquettes, des faire part de mariages… Ces imprimantes permettent également d’imprimer sur du papier coloré en utilisant de l’encre blanche.

Les normes écologiques

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[29]Pour l’emballage et particulièrement le plastique, le cadre législatif est de plus en plus contraignant. Depuis la loi sur la transition énergétique et la croissance verte du 17 août 2015, qui prévoit notamment l’interdiction des sacs plastique à usage unique en caisse et des emballages en plastique non biodégradables pour l’envoi de la presse et de la publicité, les textes se sont succédé. La loi « Biodiversité » du 8 août 2016, la loi « EGALIM » du 30 octobre 2018, puis la loi AGEC[30] (anti gaspillage pour une économie circulaire) de février 2020 ont confirmé la disparition progressive des emballages plastique à usage unique, entre 2020 et 2040.

La France est le premier pays à atteindre cet objectif. Pour y parvenir, des objectifs nationaux de réduction, de réutilisation, de réemploi et de recyclage sont fixés par décret, par périodes de cinq ans. Le premier décret 3R (Réduire-Réutiliser-Recycler) pour la période 2021-2025 a été publié le 30 avril 2021.

Depuis 1998, le label Imprim 'vert est un label attribué aux imprimeurs respectueux de l’environnement. Pour obtenir ce label, un imprimeur doit répondre à plusieurs critères : il doit éliminer de manière conforme ses déchets dangereux, il doit sécuriser ses stocks de liquide dangereux, il ne doit pas utiliser certains produits CMR, il doit sensibiliser ses employés sur l’environnement et il doit envoyer son suivi énergétique régulièrement au label.

[31]En plus de ces lois écologiques et des labels attribués, certaines imprimeries développent de nouveau procédés ayant pour but de réduire l'impact écologique des presses, et notamment celles des rotatives. Ces modifications visent principalement à pallier le gaspillage d'eau, et de réduire voire stopper l'utilisation d'élémens chimiques et matériaux qui présentent un danger sanitaire et environnemental.

  • Les imprimantes “waterless”[32]:

Une des plus grandes évolutions que la presse a connu récemment ont été réalisées par l’imprimerie du Nord. Cette dernière a développé un nouveau système d’impression nommé “waterless” qui permet de réduire la consommation d'eau de 500 000 litres d’eau par an.

Dans une presse offset traditionnelle, la plaque est composée d’une couche lipophile et d’une autre hydrophile qui est mouillée afin d’éviter que l’encre n’adhère. La plaque des imprimantes waterless remplacent ces deux couches par d’autres recouvertes de silicone, permettant ainsi de réduire la consommation d’eau tout en évitant que l’encre ne se colle.

En plus de la réduction de la consommation de l’eau, cette technique d’impression présente d’autres avantages environnementaux :

  • Réduction de la consommation de gaz de 60%: en effet, en l’absence d’eau, il n’y a plus besoin de sécher les impressions.
  • Réduction d’émissions COV (Composés Organiques Volatils)
  • Absence d’additifs chimiques
  • Division du volume de gâche par 8 : le calage et l’ajustement de la quantité d’encre sont plus simples dans une rotative sèche. De plus, les paramètres de calibration peuvent être sauvegardés en cas de réimpression du même document.

Par ailleurs, les rotatives waterless de l’imprimerie du Nord permettent d’optimiser la quantité et la qualité de l’impression : la vitesse d’impression d’une rotative sèche est plus rapide et passe d’une densité de 133 lignes par pouce à 155 voire 177 lignes. Les couleurs sont également plus vives et les illustrations sont ainsi de meilleure qualité, permettant ainsi d’élargir le type de documents pouvant être imprimés par des rotatives (ouvrages de luxe, étiquettes de vin … ) en plus de la presse quotidienne. Certains journaux quotidiens tels que Le Monde ou Le Figaro ont choisi d’utiliser ces rotatives afin de réduire leur empreinte environnementale tout en améliorant la qualité de leurs journaux.

  • Alternative à l’encre[33] :

En outre, il est important d’aborder la question de l’encre utilisée dans l’impression. D’après un rapport d’Ecofolio, des huiles minérales présentant un danger de contamination d’aliments ont été trouvés dans certains emballages en fibres cellulosiques recyclés. Ces huiles sont issues de multiples composés, mais les imprimés en Offset sont considérés comme une de leurs sources principales : les matières premières utilisées pour les emballages en papier carton recyclés. Afin de pallier ce problème écologique, d’autres encres  ont été développées : végétales, biosourcées et blanches. Les encres végétales n’ont pas encore été adaptées aux rotatives et l’utilisation des encres biosourcées dans les rotatives sont très coûteuses. Les encres blanches sont la seule alternative aux encres qui contiennent des huiles nocives. Elles contiennent toutefois une légère quantité de composés aromatiques nocifs et leur adaptation à la rotative reste coûteuse.

  •   Alternative au vernis UV :

Afin d’embellir certains imprimés, certaines pages peuvent être recouvertes par un vernis brillant. Ceci est notamment utilisé pour les couvertures des magazines et des catalogues.

Ce vernis est le plus souvent un vernis UV composé de polymères et adhère très rapidement au support, ce qui rend les molécules plus persistantes et complique le recyclage des pages. Selon CITEO, le vernis n’est pas conseillé.

Le vernis acrylique, composé de solutions aqueuses et sans polymères, est une bonne alternative, d’autant plus qu’il ne complique pas les étapes de recyclage.

Le déclin de la lecture

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La lecture est une activité qui a connu une forte baisse ces dernières décennies. En effet, d'après le Centre National du Livre, 91% des Français sont lecteurs de livres, 49% d'entre eux lisent de manière quotidienne. En revanche, 33% des sondés déclarent lire de moins en moins de livres, du fait notamment d’un manque de temps lié aux autres activités et loisirs comme la télévision, les jeux vidéos et évidemment le numérique (les discussions à distance, les réseaux sociaux ...). Un déclin de la lecture avait déjà été observé dans les années 1970-80 avec la démocratisation de la télévision. Cependant, ce phénomène ne touche pas tout le monde de la même façon ni toutes les catégories de classe sociale. En effet, chez les plus jeunes, cela fait plus de 30 ans que l’on observe un déclin de la lecture. Alors qu’ils étaient auparavant les plus gros lecteurs, désormais ce sont les 35-74 ans qui lisent le plus. De plus, on peut remarquer qu'il s'agit d'un phénomène masculin. En effet, la part de non lecteurs chez les hommes est passée en quarante ans de 29% à 48% contre 24% à 30% chez les femmes. Cependant, on remarque que depuis 2013, la production de livres a cessé de diminuer fortement engendrant ainsi une stabilisation du marché du livre.

Aujourd’hui tous les éditeurs travaillent à réduire leur stock en essayant de mieux anticiper le potentiel des ventes, de miser sur les petits tirages et la réimpression. En aparté les best-sellers demandent une politique d’offre réactive, diversifiée et rapide qui n’est pas compatible avec le tirage en petite quantité. Par exemple, les nouveautés exigent une présence forte en librairie.  C’est ainsi qu’une sophistication des couvertures est proposée afin de rendre les livres plus visibles dans les rayons. Du fait des besoins en petits tirages, l’impression numérique prend de plus en plus d’importance. De plus, la réactivité exigée par la logistique de réimpression rapide pourrait par ailleurs favoriser l’impression locale.

 
Évolution du nombre d’exemplaires de livres produits

Ainsi, cette diminution du nombre de lecteurs a eu évidemment un impact sur l’impression des livres, et donc sur l’utilisation des rotatives. Le rapport de l’IDEP de 2021 nous indique qu’entre 2011 et 2020, le nombre d’exemplaires de réimpressions est passé de 240 579 à  205 400. On observe de même avec les impressions des nouvelles parutions qui ont vu leur nombre d’exemplaires passés de 379 483 à 251  300. Cependant cette diminution du nombre d’impressions ne témoigne pas d’une diminution de nouvelles parutions ou réédition car l’évolution du nombre de nouveaux titres édités est stable depuis plus de 10 ans contrairement à la réédition d'anciens livres qui lui augmente d’année en année. Cette observation montre que bien que le nombre d’impression diminue d’année en année, le marché de l’édition lui n’est pas touché par ce déclin de la lecture. Cette différence est due au fait de la demande des lecteurs : étant de moins en moins nombreux, cela demande moins d’impressions mais toujours autant de nouveautés.

Conclusion

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En conclusion, la rotative est une invention qui a révolutionné le domaine de l’imprimerie. Arrivée à une période où la presse était en développement et ou la demande de la part des consommateurs était croissante, elle a permis d’apporter une nette amélioration en termes d’efficacité et de qualité de production. Ainsi, son arrivée dans le monde de l'industrie a donné lieu à un développement massif de la presse quotidienne, lui permettant ainsi d’atteindre son âge d’or. Cependant, malgré les impacts positifs qu’elle a eu, que ce soit d’un point de vue social ou économique, les différentes crises survenues depuis celle connue pendant la Première Guerre mondiale, ajoutées à l’apparition et au développement des nouveaux moyens de communication tels que la radio ou la télévision ont nettement diminué la demande des consommateurs pour la presse, réduisant ainsi considérablement les impressions effectuées par les rotatives.

Ainsi, notre étude de la rotative nous a permis de tracer la trajectoire qu’a suivi son utilisation en France.

 
Trajectoire de l'utilisation de la rotative à travers le temps

Cette trajectoire représente l'évolution de l'utilisation de la presse rotative de 1847 à 2020. Il y a certaines périodes où nous n'avons pas de données précises: La trajectoire est simplement basée sur des faits historiques et/ou technologiques. Les pentes marquent ainsi approximativement les conséquences de ces faits sur l’utilisation des rotatives. Dès son invention en 1847, on peut cependant retenir que la rotative a connu un grand succès en s'imposant dans le monde de l'industrie de l'époque et s’est rapidement commercialisée. En 1914, lorsque la Première Guerre Mondiale a éclaté, son utilisation s’est vu diminuée, mais a repris de plus belle dès 1918 et durant l'entre guerre. Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale, tout comme la Première, a eu un impact sur son utilisation malgré la diffusion d'affiches de propagande. C’est à partir de cette période que l'activité de la rotative ne cesse de baisser, et que son utilisation passe ainsi dans une grande phase de déclin. On présume ainsi l’apogée des rotatives au début de la Seconde Guerre Mondiale. S’ensuit plusieurs évènements qui ont également impacté considérablement l’utilisation des rotatives : la démocratisation de la télévision, la crise des Subprimes et enfin celle du Covid-19 en 2020. Nous tenons à préciser que la communauté de la presse ne connait pas précisément l'impact qu'a eu le Covid-19 sur le monde de l'imprimerie en général, et sur la rotative en particulier. En effet, cette période particulière a été marquée par un arrêt assez brutal de nombreuses activités industrielles, ce qui a perturbé le monde de l’imprimerie. Nous ne pouvons pas à l’heure qu’il est prendre assez de recul pour pouvoir prédire l'évolution de l'utilisation de la rotative dans les décennies à venir : reprendront-elles l’envergure qu’elles avaient avant cette crise ou tout comme pour les crises précédentes son utilisation continuera-t-elle de diminuer ?

Annexes

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Fonctionnement d'une rotative

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Les rotatives sont des machines imposantes, elles peuvent mesurer jusqu'à plusieurs dizaines de mètres de long et s'étendent parfois sur plusieurs étages. Ils existent différents types de rotatives: les cold-set et les heat-set. Ce qui différencie ces deux types de rotatives est leur méthode de séchage de l'encre.

La cold-set utilise un séchage naturel: celle-ci ne peut être utilisée qu'avec du papier journal qui a pour rôle d'absorber l'encre. Cette dernière n'est donc pas séchée à proprement dit. C'est pour cela que l'encre reste collée sur les doigts lorsque l'on feuillette un journal. Les heat-set utilisent quant à elles un four qui permet de sécher l'encre. Cependant, lorsque le papier sort du four, il est fragilisé à cause de la chaleur qu'il a emmagasiné. Il faut alors le faire passer autour de rouleau rempli d'eau froide pour ainsi refroidir le papier. Par conséquent, tous les types de papier peuvent être utilisés par les rotatives, même sur des papiers qui n'absorbent pas d'encre (papier couché). Par conséquent, ces dernières permettent d'imprimer aussi bien sur du papier magazine que sur du papier journal. C'est pourquoi, avec le développement des magazines, les rotatives heat-set on prit de l'ampleur à contrario des cold-set qui ont vu leur utilisation nettement diminuer. Par exemple, l'imprimeur Riccobono possédait deux rotatives: une cold-set et une heat-set. En 2018, ils ont décidé de stopper la production sur la machine cold-set car plus assez d'impression ne se réalisait sur du papier journal pour la rendre rentable.


Sources et références

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