Recherche:Un anthropologue venu des pères blancs
La personne que j’ai rencontrée pour cet exercice est professeur émérite d'anthropologie. J’ai rencontré Mike dans le cadre de la réalisation d'un court métrage ayant pour sujet : « la culture scientifique ». Ce travail repose donc sur la retranscription d'un entretien filmé au domicile de Mike où nous nous sommes intéressé au parcourt scolaire de Mike. Nous étions, mon collègue étudiant qui filmait pour l’occasion, Mike et moi-même, tranquillement installés dans le grenier de Mike, qui lui sert de bibliothèque et de bureau à la fois. Sa femme était un étage plus bas en train de faire de la couture. Durant l'entretien qui a duré deux heures trente, nous n'avons pas été dérangés, si ce n'est que par quelque aboiements du chien, qui n'était pas habitué de voir autant de gens dans le bureau de son maitre.
Dans ce travail, je vais particulièrement m'intéresser au parcours scolaire de Mike et pour respecter ce qui a été décidé au cours concernant la quantité de données a traité pour ce travail, je me suis limité à analyser les propos enregistrés dans la première cassette vidéo. La retranscription intégrale de l'entretien se trouve à la fin de ce document et a été indexée par segment pour reprendre le terme utilisé par Demaziere & Dubare. Un nouveau segment peut apparaitre dans deux cas de figure. Soit quand cela correspond à un changement de locuteur, soit lors d'un découpage arbitraire destiner à permettre un retour facile à document audiovisuel. C'est ainsi qu'une deuxième indexation a été mise en place à la fin de chaque segment indiquant le temps d'avancement film. Durant l'entretien, Mike m'a impressionné à la fois par la rigueur chronologique de son discourt, par la précision de ses souvenirs, ainsi que par la quantité de références historiques dans lesquelles il place sa propre histoire. À de nombreuses reprises lors de la retranscription, j’ai dû consulter d'autres d'autres sources pour pouvoir, orthographier, situer et comprendre correctement toutes les informations recueillies. En raison de la qualité du récit, j’ai décidé d’utiliser parmi les deux méthodes d'analyse proposée au cours, celle décrite par Demaziere & Dubare plutôt que celle décrite par Bertaux. Les outils offerts par cette dernière méthode me sont apparus dans le contexte de ce récit, moins pertinent. Je n'ai par exemple pas ressenti la nécessite de construire un tableau pour mettre en évidence la structure diachronique. De plus, je trouve, mais cela reste un avis personnel, que présenter les informations sous forme de tableau dans le cadre d'une analyse qualitative est moins parlant qu'une reconstitution éclairée du récit tel que le propose Demaziere & Dubare.
En référence donc à la méthode Demaziere & Dubare, j’ai articulé mon travail en quatre parties. Les trois premières parties après cette introduction correspondent à ce Demaziere & Dubare définissent comme les trois types d'éléments, à savoir les « séquences du récit », les « indices d'actants » et les « propositions narratives argumentaires ». À ces trois types d'élément, nous pourrions dans le cas de ce récit ajouter ce que j'appellerai les « indices révérenciels historiques » qui sont toutes informations concernant l'Histoire générale des régions et pays traversés durant le récit. J’ai fais le choix méthodologique de ne pas développer ce dernier type d'éléments afin de rester dans les propositions de Demaziere & Dubare, mais aussi, afin de me concentrer davantage sur l'histoire personnelle de Mike.
Analyse séquentielle
modifierIl s'agit ici de repérer dans la retranscription intégrale de l'entretien tous les passages les faits marquants du récit de la vie du personnage dans un ordre chronologique. Ceux-ci sont repris entre guillemets et indexé par la lettre S suivie du numéro de segment suivit du numéro de séquence soit pour exemple. Pour rendre plus apparente l'évolution du récit dans la ligne du temps, chaque référence chronologique a été doublée par une information complémentaire entre crochets [] donnant soit l'âge de Mike soit l’année de référence. En caractères gras figurent les mots clefs illustrant les séquences temporelles du parcours de Mike. Notons enfin que toutes les informations issues de la retranscription ont pu être recoupées avec celles issues du curriculum vitae de Mike accessible en ligne à l'adresse: http://docs.google.com/viewer?url=http://alfa.fct.mctes.pt/apoios/unidades/avaliacoes/2007/cvs/Michael_Singleton.pdf
« Je suis né en 39 [12.03.1939]», « Mes premiers souvenirs, c’est effectivement la Seconde Guerre mondiale », « dans le nord-ouest de l’Angleterre, dans toutes ces villes bombardées, c’est un peu comme ça que j’ai vécu cette première guerre mondiale, dans un bled qui s’appelle Lancaster,» (6) « après quelques années à Lancaster, on est revenu au sud de là à 20 kilomètres dans la ville de Preston » (7) « C’est ça que j’ai connu quand j’étais petit, rien que des filatures, rien que des maisons « back and back », toutes ces maisons d’ouvriers » (8) « c’était dans la cinquième année où l’on commençait à penser à ce qu’on, l’on allait faire dans la vie. À l’époque, pour les gens, même, de ce type de collège, il n’y avait pas beaucoup de choix. On nous amenait à visiter les filatures, ou dans les mines pour susciter des vocations. » (14) « on nous a fait du « brainstorming » chez les vieux enseignants retraités pour passer le fameux « eleven plus » c’est-à-dire que dans ces années-là en Angleterre le seuil fatidique s’était à la sortie des primaires, soit vous passiez cet examen décisif, et vous avez la chance d’aller dans les filières secondaires, soit vous restez (rires) dans le manuel » (9) « Grâce à Dieu et à mes parents j’ai réussi cet examen et donc, je me retrouve cela devait être dans le début des années 1950 [11-12 ans] dans un collège secondaire tenu de main de maître par les jésuites. C’était le «Prestern catholic collège » (10) « c’était six ans en principe » (52) « débarquent, c’est un collège catholique, pas ultra fanatique, mais débarquaient assez souvent des pères qui recrutaient des jeunes pour différentes congrégations. Les jésuites évidemment écrémaient le collège. Comme je n’étais pas parmi les plus doués spirituellement, les jésuites ne m’ont jamais proposé (rires) que je fasse partie de leur clan à eux » (17) « Donc, j’ai vécu petit chez les jésuites », « c’est dans ce contexte-là, si tu veux, que j’ai eu cette vocation est cette mentalité, si tu veux », « je suis parti de loin pour en arriver à cet agnosticisme galopant. » (26) « Et puis débarque un jour un type habillé exactement comme Lawrence d’Arabie ». (18) « un père blanc » (19) « au grand étonnement de mes proches et de mes camarades de classe, j’ai senti que j’avais une vocation missionnaire. », « je suis parti assez jeune, à 15 ans [1954], vers 15 ans, chez les pères blancs qui venait d’ouvrir une nouvelle maison de philosophie en Irlande du Sud, mais dans le coin le plus septentrional, dans un comté qui s’appelait Countie Kerry » (20) « j’avais laissé le bac assez tôt. » (51) « c’était aussi un truc jésuitique. » (56) « À 15 ans, mais ce n’était pas le bac français » (58) « C’est ce qu’on appelle le certificat général des études si tu veux, un peu commis ici à l’athénée. Il y avait comme un des examens d’État à la fin du cycle secondaire » (60) « Quand je suis arrivé à Blacklion. C’était le bled en Irlande pour la première fois. », « on ne pouvait pas parler dans la maison » (79) « je me retrouve là pendant deux ans » (21) « on nous mettait dehors tous les mercredis », « pour nous entraîner et pour nous endurcir pour la vie de broussard » (22) « Je fais mes deux années de philo en Irlande », «On se levait vers 5 heures 30 chaque matin. De nouveau tout de suite après la méditation et la messe, au moins 40 minutes à courir dans les Landes et à nager dans le lac glacé, surgelé.» (33) « il fallait faire un mémoire chaque trimestre. J’avais fait un mémoire (rires) à 15 ans [1954] » (70) « On rentrait pas chez soi à Noël. » (72) « Il n’y avait pas un moment entre guillemets libres pour penser à autre chose. C’était une fuite en avant permanente d’activité en activité » (73) « après, donc j’ai dit, je suis allé en Hollande et là on était une année dans le noviciat » (75) « C’était une troisième année, qui est l’année cruciale. Avant en Irlande on n’était pas dit en pères blancs » « dans une grande baraque près de Heerenberg en Hollande » « un immense scolasticat » (77) « j’ai passé une année c’était en 57 [18 ans]dans ce noviciat, » (80) « À la fin de cette année là, 57 [18 ans], les pères blancs liquidaient cette maison, ce grand scolasticat, pour aller en Angleterre. » (82) « Alors, on me demande de choisir où on voulait continuer mes études de théologie. Moi, n’ayant pas compris le programme n’ont plus, j’ai dit surtout pas chez les « Frogs » comme nous les Anglais on appelle les Français », « parce que j’avais demandé l’Angleterre on m’avait envoyé à Carthage » (83) « c’est la première fois que j’ai mis les pieds en Belgique, c’est qu'en route pour Carthage il y avait une expo. On a passé une semaine pour visiter puis passée vers Marseille. On a pris le bateau, troisième classe, sous le pont avec les arables et les chameaux. ( rire ) 36 heures non-stop pour traverser la Méditerranée sur un vieux rafiot. » (84) « il y avait déjà la guerre d’Algérie. » (85) « Et là on va, c’était début septembre, on va au scolasticat qui est bâti sur la colline de Byrsa qui est l’ancien site de Carthage. » (90) « Il y a quatre années donc ça fait quand même 400 étudiants, 300 étaient à Gammarth dans une espèce d’ancien campement de concentration pour les prisonniers de guerre allemande qui est devenu maintenant le centre cinématographique de la Tunisie. » (91) « il y avait déjà la guerre d’Algérie donc, un tiers de la première année c’était des Français, qui partaient à la fin de l’année en Algérie comme soldats conscrits. Et pour continuer de trois années après s’ils avaient toujours la vocation, ce qui était le cas de la plupart. » (92) « Et donc, là aussi quatre années de théologie. [1958-1962, 19-23 ans] », « Belle Époque du prêtre-ouvrier en France. », « dialogue entre marxistes communistes et chrétiens de gauche pour nous c’était une véritable révélation. » (96) « là je suis devenu plus anarchogauchiste que jamais. » (97) « j’ai eu affaire après avec Kilani, un Tunisien, un anthropologue tunisien » (89) « trois fois on voulait te [Mike] mettre dehors. » « parce que tes idées étaient complètement (rires) hors série (rires) inadmissible » (98) « Quand on a quitté en 62 [23 ans] » (99) « pendant la dernière année on était vraiment enfermé, pas que je ne dis pas que l’on risquait sa vie », « Et l’année après, en 63 [Erreur vrai date 1962, 23 ans], on a fermé boutique si tu veux. On a rapatrié tout le monde par ce que ça devenait trop compliqué de survivre. » (100) « Donc pendant cette année [1961, 22 ans], on devait s’amuser entre nous. » (102) « j’ai fait mes quatre années de théologie. Comme j’étais trop jeune parce qu'en principe on ne pouvait ordonner qu’à 24 ans. Moi je n’en avais que 22 [1961-62]. Il y avait moyen d’avoir une dispense du Vatican pour 23 ans. Mais là ils ont... Ils ont dû mettre le paquet pour que je puisse passer à 22. Et de nouveau, on avait demandé où est-ce que vous voulez aller ?» (105) « quand j’étais ordonné en 1962 [23 ans] et que je rentrais chez moi dans ma ville natale, mes parents organisaient une soirée souper moule dansant pour cueillir des sous pour que je puisse aller baptiser un maximum ».(23) « on m’a envoyé aux études (rires) ce qui était une condamnation. C’est-à-dire le père blanc par excellence de type barbu en brousse, bossant, travaillant comme un aigle, c’est le cas de le dire » (107) « admettons on était 120 ordonner, 100 partait à gauche et à droite en brousse, et puis les 20 malheureux étaient condamnés aux études : qui droit canon, qui la Bible, qui la philo, qui la théologie. Et moi on vendrait envoyer faire de la philo à la grégorienne [4 ans] que j’ai vue vendredi du coin de l’œil. J’étais à Rome de nouveau. » (109) « ce brave copain à Heverlée, il m’a dit : « tu sais on ne voulait pas te lâcher tout de suite chez les indigènes » (rires). On trouvait que tu aurais fait des dégâts si tu veux. Donc, on a dit on va leur envoyer aux études comme ça va se calmer un peu », « De nouveau, oui la grégorienne, mais c’est les jésuites ! C’est un truc catholique encore, mais c’était très ouvert que de très grand gabarit. » (110) « Et donc moi je n’ai jamais regretté » (112) « Une de mes vocations, si tu veux, d’ethnologue, est venu à cause d’un vieux jésuite alsacien le père Goethe », « Il était anthropologue dans le silence physiologique si tu veux. ». (113) « Après, et pourquoi j’ai finalement quitté les pères blancs, c’est que ça donnait un peu juste parce qu’il n’y avait plus de vocation normale. » (48) « C’est quand j’ai connu le brave Jean-Pierre Olivier De Sardan chez lui » (28) « ça fait une quinzaine d’années [1995]» (28) « déjà quand j’étais anthropologue si tu veux. On a créé l’association des anthropologues pour le développement. » (32) « Et c’est pour ça que j’ai vécu jusqu’à 71 ans [2010], à cause de cette espèce de formation très saine. » (34)
Complément d'information sur le système scolaire anglais:
« tu termine tes primaires à 11 ans. Et puis il y a cette bifurcation, soit à l'époque, c’était le « second school », l’école secondaire » (50) « Il était inimaginable que des gens, même d’un collège d’un certain niveau, aillent dans les grandes universités. Les écoles techniques, à la limite deux ou trois, à l’université de Manchester qui était tout près, mais jamais à Oxford ou Cambridge » (15) « les Anglais faisaient six ans dans le secondaire. On ne doublait pas en Angleterre. C’était très rare », « Mais la plupart, admettons, le trois-quarts quitté l’école à 15 16 ans pour aller dans le monde réel ». « Parce qu’il n’y avait pas de « celles » [les filles] ». (62) « on était 600 dans le collège. Ceux que l’on pouvait imaginer éventuellement passer dans les universités provinciales faisaient une sixième année si tu veux. Pour se préparer à ce que l’on appelait... Ça se disait ingéniera les études où la plupart décrochaient, six à sept matières : maths, anglais, français, sciences, etc., et puis, après tu avais une année supplémentaire, mais c’était déjà supérieur ou tu spécialisais déjà un peu, tu avais trois sujets, soit les classiques, soit les sciences » (64) « ces pots-secondaires et actuellement les séminaires ont magouiller, ont eu à juste titre si tu veux l’équivalent d’une formation en à l’université. Et donc ses deux ans de philo, malgré que je n’avais que 15 ans, j’ai mordu très vite si tu veux à la philo. » (42)
Les acteurs
modifierNous allons ici dans cette partie du travail consacrée à la description des acteurs, mettre en évidence les personnes qui ont joué un rôle important dans le récit de Mike, sans oublier qu’il représente lui-même l'acteur principal de son récit. Vu la quantité d'acteurs présents dans le récit de Mike, j’ai trouvé opportun de les séparer en plusieurs parties et de ne pas tenir compte, et ce, afin de ne pas alourdir l'analyse, de toutes les personnalités citées par Mike dans toutes ses digressions sur l'Histoire en générale des lieux qu’il a visités.
Mike
modifierDans cette partie ce trouvent des extrait qui nous permettent facilement mettre en évidence (en caractères gras) la personnalité de Mike évoluant au fil du temps.
« je suis issu d’un milieu relativement modeste »(7) « j’étais relativement doué pour ces choses-là [« l’art, et la gymnastique »(10)], beaucoup moins pour le grec et le latin » (11) « si j’ai réussi à être aussi souvent premier de la classe, ce n’est pas parce que j’étais un intello, c’est parce que j’avais ces deux appuis qui faisaient enrager les vrais intellos (rires) qui ne faisaient pas de la boxe et peignaient avec leurs pieds. Tu vois, je passais avant eux. » (13) « j’avais en tête de devenir artiste »(16) « Ou, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que les Anglais ont une âme de pirates, de devenir capitaine long-courrier. »,« Comme je n’étais pas parmi les plus doués spirituellement » (17) « c’est dans ce contexte-là [militantisme des jésuites] si tu veux, que j’ai eu cette vocation est cette mentalité, si tu veux (rires), je suis parti de loin pour en arriver à cet agnosticisme galopant. » (26) « On sublimait beaucoup [à Blacklion], mais je te dis, moi j’ai jamais été malheureux. J’étais pas pédophile ni homosexuel (rires) il n’y avait rien de ces conneries-là à cette époque. » (47) « Je suis parti [chez les pères blancs] convaincu que je n’avais pas mieux à faire que ça si tu veux. » (68) « J’étais vraiment mordu. » (71) « il y a de ces parcours de vie assez fascinants. » (89) « Moi j’ai coupé les vignes, j’ai zappé la terre (rires). » (91) « mon français est si pittoresque et bas de gamme, c’est que j’ai appris ça au pied de ces militaires qui avaient fait la guerre (rires) » (94) « je suis devenu plus anarchogauchiste que jamais », « mon enthousiasme de jeune engagé, enragé » (97) « je n’ai jamais regretté ça. » (112)
Les Parents et la famille
modifierDans cette partie, nous pouvons souligner que Mike ne parle jamais de ses frères et/ou sœurs. Il en fait seulement allusion dans le segment 7 où il parle d'enfants au pluriel que les parents voulaient sortir d'un milieu social défavorisé. Il insiste plutôt sur la détermination de ses parents à sortir leurs enfants du milieu qu’ils ont connu.
« des parents qui voulaient en sortir pour nous pour les enfants. » (7) « nos parents qui voulaient à tout prix que l’on aille dans la filière secondaire ce qu’eux n’ont pas pu suivre à cause de ce que je vous ai dit de ces années 1920-30 où il n’y avait pas beaucoup de sous dans les milieux populaires. » (9) « Grâce à Dieu et à mes parents, j’ai réussi cet examen » (10) « mes parents se sont fait fouetter le jour de Saint-Patrick encore quelque chose de cocasse (rires) eux qui étaient anglais, et la fête de Saint-Patrick qui est une fête irlandaise. Ils se sont fait fouetter par les protestants. » (25)
Le milieu catholique minoritaire
modifierCette partie permet de mettre en évidence le contexte social qui aida ou en tous les cas permis à Mike de trouver sa vocation de père Blanc.
« À l’époque, pour les gens, même, de ce type de collège, il n’y avait pas beaucoup de choix. »(14) « Il était inimaginable que des gens, même d’un collège d’un certain niveau, aillent dans les grandes universités. Les écoles techniques, à la limite deux ou trois, à l’université de Manchester qui était tout près, mais jamais à Oxford ou Cambridge » (15) « 75 % dans les gens qui étaient venus aider et y chanter des chansons républicaines. »(23) « c’est une vie très saine, un peu comme tous les gens de cette génération. » (34) « Il y avait tellement de prêtres si tu veux, que les gens qui avaient des vocations, à cette époque-là, étaient tout à fait normaux. » (47) « Les gens ne calculent pas comme ça [pour devenir prêtre]. Il y en a des mutants qui sont assez crapuleux, mais la plupart du temps, la plupart des gens, ils sont sincères et pas schizophrènes à ce point. » (68) « Les gens qui n’étaient pas copie conforme on les élimine. Et on disait, on n’avait pas la vocation. » (81) « la plupart des gens que j’ai connus en première année sont revenus trois ans après quand moi j’étais sur le point d’être ordonné, eux. Ils rentraient au scolasticat. » (92) « le catholicisme anglais a été très, très clérical sans être cléricalisme. Les gens adoraient le clergé, il trouvait tout à fait ça normal que le clergé et les meilleurs morceaux, des beaux presbytères, etc. » (96) « imaginer quelle était la situation des catholiques en Angleterre. Nous étions convaincus corps et âme d’avoir la vraie foi, et la seule vraie foi, mais nous étions minoritaires et donc, il y avait une sorte de paradoxe, cette conviction d’être catholique ce qui veut dire universelle, et puis de l’autre côté, psycho sociologiquement, d’être une minorité entourée par des schismatiques, des hérétiques. » (24) « Ma génération se bagarrait plus tous les jours avec les protestants », « il y avait des rivalités, des guerres de religion presque qui traînait encore des années 1930 et 40 »(25) « On ne pouvait pas faire mieux que d’être curé si vous voulez. » (66) « Et on n’y croyait, il n’y avait rien d’hypocrite » (68)
Les personnes ressources
modifierLes extraits repris ici mettent en scène de façon plus ou moins chronologique, les personnes ressources qui ont permis à Mike de faire ce qui qu’il qualifie lui-même de « promotion sociale », mais aussi qui ont contribué à forger sa personnalité.
En Angleterre:
« on nous a fait du « brainstorming » chez les vieux enseignants retraités pour passer le fameux « eleven plus » » (9) « On nous amenait à visiter les filatures, ou dans les mines pour susciter des vocations. » (14) « Grâce à Dieu et à mes parents, j’ai réussi cet examen »(10) « chez les jésuites, il y avait une sorte de militantisme polémique. », »un catholicisme sur la défensive et bas de gamme »(26) « débarquaient assez souvent des pères qui recrutaient des jeunes pour différentes congrégations. Les jésuites évidemment écrémaient le collège » (17) « Les pères blancs passaient dans tous les collèges. Alors, il montrait des films aussi et il recrutait comme ça. Ça allait de soi à l’époque, ça paraît totalement aberrant maintenant. » (66) « c’était un père blanc, un missionnaire d’Afrique, congrégations d’Afrique fondée par le cardinal Lavigerie. Fin du XIXe en Algérie surtout pour noyauter le monde musulman. Lui, il faisait miroiter monts et merveilles, c’était presque comme si tu devenais père blanc et que tu voyageais aux frais de la princesse en plus d’être garanti ad vitam aeternam. » (19)
En Irlande:
« certains séminaristes avaient des parents dans l’armée républicaine et il allait de soi que comme catholique, il allait de soi que l’on était contre la reine, qu’on était pour la liberté des Irlandais. » (23) « Le séminaire n’était pas borné, il n’était pas constipé, on avait de très bons profs. Ils étaient très motivés, très intelligents, ce n’était pas un catholicisme, si tu veux, heuuu... C’était pas trop clérical. » (33) « c’était vraiment un système militaire, avec la prière en plus. » (34) « il y avait des profs absolument enthousiasmants. (Silence) c’était très stimulant. » (71) « On avait renoncé à sa famille entre guillemets. Sa famille désormais c’était des pères blancs. » (73) « les pères blancs se distinguaient par le caractère international. », « et de toutes les classes sociales. », « un type avec lequel j’avais beaucoup sympathisé qui étais un géologue à vocation tardive », « il y avait des gens extrêmement intelligents et puis il y avait des gens de basse extraction et puis des bourgeois [durant les deux année de philo à Blacklion en Irlande] » (74) « Avant en Irlande on n’était pas dit des pères blancs on avait une soutane noire si tu veux, et un col romain. Parce que les pères blancs avaient un système un peu différent. Dans d’autres congrégations, on était tout de suite dans le noviciat. Chez nous c’était philo d’abord, un peu aussi dans une période de rodage. » (77) « on ne pouvait pas parler dans la maison. (Rires) et il avait un silence... » (79) « s'il y avait un visiteur, à ce moment-là le supérieur disait « deo gracia » et on pouvait papoter. Mais on trouvait ça tout à fait inclus dans le prix. C’était tout à fait... C’était pas pesant si tu veux. » (80)
En Hollande:
« à ce moment-là on avait tous l’habit si tu veux. On était tous habillés comme Lawrence d’Arabie, mais surtout on avait, hé hé, un gandoura de travail. » (78) « du monde très intéressant, un père maître que maintenant je trouve absolument con. Mais un peu, heu... et rigide si tu veux, mais on le trouvait très sympa à l’époque. Il avait l’air ouvert, c’était un hollandais, Vandenbosch. Gentil, un peu « stave ». À cheval sur le règlement. » (80) « Les gens qui n’étaient pas copie conforme on les élimine. Et on disait, on n’avait pas la vocation. » (81)
En Tunisie:
« on était une demi-douzaine il y avait un Écossais, il y avait deux Allemands, et des hollandais, et moi. » (88) « qu’est-ce que c’est foutu blanc vienne nous convertir, nous qui sommes la dernière religion prévue par dieu quoi? Donc il y avait cette espèce de... ils n’étaient pas tous antichrétiens, on avait beaucoup d’amis parmi les Tunisiens, mais quand j’y réfléchis, surtout quand j’ai eu affaire après avec Kilani, un Tunisien, un anthropologue tunisien (rire).» (89) « les pères blancs n’étaient pas du tout, n’était pas une congrégation d’intellos. On était vraiment... L'idéale étaient vraiment, l’idéal de Broussard. » (91) « Plus caserne que ça et tu meurs quoi. Le père spirituel essayait... On avait chaque soir ce qu’on disait une lecture spirituelle quoi, de sept heures à sept heures et demie, avant d’aller manger. Il nous haranguait sur la nécessité de rester chaste, de rester obéissant, etc., etc. » (93) « une atmosphère très virile sans être machiniste, il n’y avait pas de femmes en face, donc... Mais un milieu très sportif » (95) « il y avait des mouchards, on dirait des types qui étaient soit par... qui était peut-être même payé entre guillemets (rires) pour dénoncer les déviations » (98). « trois fois on voulait te [Mike] mettre dehors. » (98) « les pères blancs n’étaient pas des mormons ou des témoins de Jéhovah. Ils étaient comme un homme très modéré et pas du tout... fanatisé. » (100) « il y avait déjà des exégèses, allez, des gens qui étudiaient la Bible d’une manière ultra scientifique s’était un peu schizophrène parce qu’il démontrait à la limite que Jésus était une chose est que l’église n’était pas prévue dans le programme si tu veux » (104) « on avait un vieux prof qui était venu à Carthage de Sainte-Anne qui avait fait une thèse sur la musique arabe en sept volumes (rires) et qui lors des fêtes nous chantaient, parce qu’il y avait un Noël ou à Pâques, on avait des banquets entre guillemets, et souvent je ne me rappelle plus son nom, mais il insistait pour chanter des chants en arabe (rires). C’était très indigeste. Mais il était un type absolument fascinant. » (106) « On était toujours en communauté, moi j’ai jamais vécu seul, les jésuites si tu veux chacun es un one-man-show, ils n’ont pas de vie de communauté, tandis que les pères blancs, on était obligé de passer au moins 1 heure par jour ensemble nation ne disait rien. Même si maintenant on ne regarde que la télévision, à l’époque c’était obligé, et toujours trois, et toujours trois de nationalité différente. Jamais trois Anglais ensemble, jamais trois Belges, etc. » (107)
À Rome:
« c’est les jésuites ! C’était un truc catholique encore, mais c’était très ouvert que de très grand gabarit. Tu avais... Je me rappelle avoir reçu un cours sur Bill Wittgenstein par un vieux jésuite anglais, vocation tardive » (111) « il y avait donc de très très grands philosophes si tu veux. Un des seuls professeurs catholiques à avoir eu sa notice nécrologique dans le Times magazine c’était un certain Lolegan, un jésuite canadien qui était le saint Thomas redivivus du catholicisme du siècle passé. » (111) « On avait un cours d’un jésuite allemand sur le marxisme et le léninisme, mais même les marxistes et les léninistes n’auraient pas pu le suivre, car c’était tellement détaillé, si tu veux. » (112) « un prof de théologie... Une de mes vocations, si tu veux, d’ethnologue, est venu à cause d’un vieux jésuite alsacien le père Goethe qui habitait avec de Loubac à la Fourvière à Lion. Il nous donnait des cours en latin approximatif sur l’histoire des religions. Mais il était d’un iconoclasme total (rires) vraiment très stimulant. C’était un type qui a fait du terrain au Tchad. Il a failli se faire expulser des jésuites parce qu’il a refusé de revenir à temps pour commencer son cours par ce qu’il y avait Dieu sait quel sacrifice au Tchad et il voulait absolument assister à cela. Il a fait comme ça assez supérieure (doigt d’honneur). Il était anthropologue dans le silence physiologique si tu veux. »
Plus tard:
« j’ai connu le brave Jean-Pierre Olivier De Sardan chez lui parce que lui est d’origine huguenote. Et je me suis rendu compte que ses ancêtres se sont fait massacrer parce qu’il ne croyait pas... » (28) « quand j’étais anthropologue si tu veux. On a créé l’association des anthropologues pour le développement. » (32)
Conclusion et logique du récit
modifierDans ce chapitre nous allons-nous penchez sur certains extrais de types narratifs et argumentaire dans le but de mettre en évidence ce qu’appelle l'univers des croyances. Je n'ai malheureusement pas la place dans ce travail, ni les compétences pour me lancer dans une analyse structurale et sémantique de toutes les propositions narratives et argumentatives telle que Demaziere & Dubare en font la démonstration. Néanmoins, je tenterais dans le cadre de cet exercice de mettre en évidence une logique dans la vision du monde ou système de représentation de Mike tel qu’il nous l'offre dans son récit. Mike nous dis: « je suis parti de loin pour en arriver à cet agnosticisme galopant. » (26) Dans son discourt on peut constater que ce lieu lointain prend déjà racine chez ses parents puis qu’il nous dit: « Il y avait quelque chose de génétique quelque part, mais mon père, ma mère, sont assez doués pour les études »(7) Bien que, comme nous l'avons déjà vu, Mike se représente durant sa jeunesse comme un enfant par forcément doué « ni spirituel », « ni intellectuellement » (cfr P.7), il n'en reste pas moins qu’il était déjà à l'époque « aussi souvent premier de classe ». Cette dissonance cognitive pourrait à mon sens s'expliquer à partir du moment ou l’on considère que Mike perçoit sa réussite intellectuelle non pas comme un mérite, mais comme un cadeau de Dieu et de ses parents. « Grâce à Dieu et à mes parents, j’ai réussi cet examen » (10) Vient ensuite sa vocation probablement suscitée par le milieu catholique minoritaire dont il faisait partie. « Bon, aujourd’hui c’est bien plus compliqué que ça, mais à l’époque on n’y voyait vraiment, qu’il fallait scruter sa conscience et entendre plus ou moins en sourdine ou indistinctement un véritable appel de la part de Dieu. Moi j’avais cru que j’avais entendu vaguement que c’était le cas (rires) » (20) puis une déconstruction de sa foi en l'église « On a rigolé [Mike et Kilani] en disant que moi j’étais programmé pour le convertir lui à l’islam et que tous les deux on était complètement athées. » (89) Tout en respectant et en valorisant comme nous l'avons vu la qualité de l'esprit et de la formation des pères blancs. Ce qui constituerait un nouveau paradoxe si l’on n'avait pas relevé dans notre analyse des personnes ressources que les valeurs mises en avant par Mike chez les pères blancs sont bien plus de l’ordre du pragmatisme que du dogmatisme. Il serait tentant de croire que comme certains de ses professeurs, Mike en arrive à différencier sa foi en Dieu de sa foi en l'Église. « des gens qui étudiaient la Bible d’une manière ultra scientifique s’était un peu schizophrène parce qu’ils démontraient à la limite que Jésus était une chose est que l’église n’était pas prévue dans le programme si tu veux » (104) Dans ce mécanisme de déconstruction et de séparation, Mike en arrive à se découvrir une nouvelle vocation qui est celle d'ethnologue. « Une de mes vocations, si tu veux, d’ethnologue, est venu à cause d’un vieux jésuite alsacien le père Goethe », « un iconoclasme total (rires) vraiment très stimulant. » Cette vocation d’anthropologue, elle nous est racontée, dans la suite du récit qui je rappelle à durée plus de deux heures et demie. Malheureusement, l'espace prévu pour ce travail d'analyse de récit de vie est déjà largement dépassé. Je dois donc terminer ici. Je le ferais sous forme de clin d’œil par cette conclusion personnelle:
Si tous les chemins mènent à Rome, de Rome tous les chemins semblent possibles
Annexe : retranscription intégrale de l’entretien
modifierRetranscription intégrale de la première moitié de l’entretien audiovisuel avec Mike (première cassette).
1. Alors, dites-moi un peu, comment est ce que ça a commencé ? 05:55. 2. Cela remonte très loin quand même.05:55. 3. Oui oui, mais c’est ça l’idée. 05:57. 4. Cela peut remonter au-delà de Noé jusqu’à Adam.06:02. 5. Eh bien non, comment est-ce que cela a commencé pour vous dans votre vie ? 06:07. 6. Je suis né en 39. Mais je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cette époque-là. Il paraît que c’était le même ou Pie XII a été couronné pape à Rome, mais évidemment, je n’ai pas beaucoup de souvenirs. Mes premiers souvenirs, c’est effectivement la Seconde Guerre mondiale, vaguement... Par ce que mon père était, aurait dû être à Dongkuk, mais il n’y était pas, et donc il est entré dans les pompiers, et donc heu ..., dans le nord-ouest de l’Angleterre, dans toutes ces villes bombardées, c’est un peu comme ça que j’ai vécu cette première guerre mondiale, dans un bled qui s’appelle Lancaster, une vieille ville romaine, et qui est peut-être la dernière grande ville industrielle avant d’arriver en Écosse qui est quant même à 90 miles de là.07:12. 7. Et donc, c’est un milieu, je dirais moderne, dans le sens que c’est dans ce coin-là qu’est parti ce que je dirais, ce que l’on appelle, mais que les gens n’acceptent plus à proprement parler la révolution industrielle. Et c’est chez moi dans la vie de mes parents, parce qu’après quelques années à Lancaster, on est revenu au sud de là à 20 kilomètres dans la ville de Preston, qui était effectivement, ce n’est pas du chauvinisme de ma part, vraiment un des berceaux de la révolution industrielle. C’est là qu'Arkwright a mis en marche ces fameux métiers à tisser et mécanisé et qui ont provoqué immédiatement une réaction. 07.58. 8. Je vous dis ça parce que je suis issu d’un milieu relativement modeste, mais avec des parents qui voulaient en sortir pour nous pour les enfants. Eux étaient assez doués. Il y avait quelque chose de génétique quelque part, mais mon père, ma mère sont assez douées pour les études, mais à cause de la modestie pour ne pas dire la misère du milieu, mes parents n’ont pas pu, parce que cela se payait à l’époque les études, n’ont pas pu payer ça. Je crois qu’ils se sont compensés un peu sur les enfants, mais aussi en voulant sortir de ces milieux non pas « coraniques », mais plutôt « coroniques » (rires), car c’était des corons, pas des mines, ma ville était uniquement à base du coton. C’est ça que j’ai connu quand j’étais petit, rien que des filatures, rien que des maisons « back and back », toutes ces maisons d’ouvriers, où il n’y avait que des briques et des pavés. 09.09. 9. Mes premières vraies études s’étaient, de nouveau, c’était aussi un sort d’acharnement de la part de nos parents qui voulaient à tout prix que l’on aille dans la filière secondaire ce qu’eux n’ont pas pu suivre à cause de ce que je vous ai dit de ces années 1920-30 où il n’y avait pas beaucoup de sous dans les milieux populaires. Et, on nous a fait du « brainstorming » chez les vieux enseignants retraités pour passer le fameux « eleven plus » c’est-à-dire que dans ces années-là en Angleterre le seuil fatidique s’était à la sortie des primaires, soit vous passiez cet examen décisif, et vous avez la chance d’aller dans les filières secondaires, soit vous restez (rires) dans le manuel, menuiserie, plomberie, et Dieu sait quoi.10:17. 10. Grâce à Dieu et à mes parents j’ai réussi cet examen et donc, je me retrouve cela devait être dans le début des années 1950 dans un collège secondaire tenu de main de maître par les jésuites. C’était le «Preston Catholic Collège ». Et là aussi si vous voulez, si j’ai réussi moi, paradoxalement c’est parce que dans les notes de fin d’année on faisait entrer en ligne de compte l’art, et la boxe ou la gymnastique.11:06. 11. Ah ! Ça, c’est original ça ! 11:08. 12. Et comme j’étais relativement doué pour ces choses-là, beaucoup moins pour le grec et le latin, parce qu’à l’époque il y avait 4 niveaux dans chaque année, si tu veux. Il y avait le groupe A qui était grec latin, il y avait le groupe B, qui n’était pas à la hauteur du grec latin et donc qui faisait un peu de maths et de sciences, et puis on descendait vers les bas-fonds par ce qu'innommables.11:36. 13. Et moi, si tu veux, si j’ai réussi à être aussi souvent premier de la classe, ce n’est pas parce que j’étais un intello, c’est parce que j’avais ces deux appuis qui faisaient enrager les vrais intellos (rires) qui ne faisaient pas de la boxe et peignaient avec leurs pieds. Tu vois, je passais avant eux.11:58. 14. Et c’était dans la cinquième année où l’on commençait à penser à ce qu’on, l’on allait faire dans la vie. À l’époque, pour les gens, même, de ce type de collège, il n’y avait pas beaucoup de choix. On nous amenait à visiter les filatures, ou dans les mines pour susciter des vocations.12:30. 15. Il était inimaginable que des gens, même d’un collège d’un certain niveau, aillent dans les grandes universités. Les écoles techniques, à la limite deux ou trois, à l’université de Manchester qui était tout près, mais jamais à Oxford ou Cambridge. C’était inimaginable si vous voulez.13:01. 16. Et moi j’avais en tête de devenir artiste, n’ont pas artiste peintre si vous voulez, mais artiste commerciale, pour faire des panneaux publicitaires, ou des trucs comme ça. (Rires).13:15. 17. Ou, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que les Anglais ont une âme de pirates, de devenir capitaine long-courrier. Et puis débarquent, c’est un collège catholique, pas ultra fanatique, mais débarquaient assez souvent des pères qui recrutaient des jeunes pour différentes congrégations. Les jésuites évidemment écrémaient le collège. Comme je n’étais pas parmi les plus doués spirituellement, les jésuites ne m’ont jamais proposé (rires) que je fasse partie de leur clan à eux. Passaient les salésiens, les franciscains.13:58. 18. Et puis débarque un jour un type habillé exactement comme Lawrence d’Arabie, un grand « burnous » blanc tissé main en laine berbère et grande soutane blanche avec un grand chèche rouge et un grand chapelet, qui est encore accroché au mur quelque part ici (rires).14:28. 19. Et c’était un père blanc, un missionnaire d’Afrique, congrégations d’Afrique fondée par le cardinal Lavigerie. Fin du XIXe en Algérie surtout pour noyauter le monde musulman. Lui, il faisait miroiter monts et merveilles, c’était presque comme si tu devenais père blanc et que tu voyageais aux frais de la princesse en plus d’être garanti ad vitam aeternam.14:55. 20. Donc, au grand étonnement de mes proches et de mes camarades de classe, j’ai senti que j’avais une vocation missionnaire. Bon, aujourd’hui c’est bien plus compliqué que ça, mais à l’époque on n’y voyait vraiment, qu’il fallait scruter sa conscience et entendre plus ou moins en sourdine ou indistinctement un véritable appel de la part de Dieu. Moi j’avais cru que j’avais entendu vaguement que c’était le cas (rires) et dont je suis parti assez jeune, à 15 ans, vers 15 ans, chez les pères blancs qui venait d’ouvrir une nouvelle maison de philosophie en Irlande, en Irlande du Sud, mais dans le coin le plus septentrional, dans un comté qui s’appelait Countie Kerry et qui avait été dévasté par les famines, les fameuses famines de pommes de terre, en Irlande. Quand il sortait, c’était le bled, le bled impossible. Il n’y avait pas de goudron comme on dit en Afrique, il y avait un train, mais ce n’était pas un train, c’était un bus recyclé, mais qui roulait sur les rails quand même (rires), mais qui était un endroit, mais, sauvagement superbe, et cette maison était tout à fait neuve. Ce n’était pas un Club Med. Ce n’était pas un hôtel ibis, mais c’était assez étonnant comment droit, si tu veux.16:36. 21. Et je me retrouve là pendant deux ans, en Irlande du Sud, à l’époque où assez paradoxalement, j’ai vécu dangereusement, si vous voulez, à l’insu de mon plein gré. Je ne me suis jamais rendu compte à quel point, j’ai eu beaucoup d’expérience assez kamikaze. À l’époque l’armée républicaine irlandaise sortait de derrière les fagots de nouveau dans ce coin-là entre autres parce que c’était tellement isolé qui pouvait se cacher dans le maquis et dans les montagnes. Et ils avaient déjà la sale manie de s’habiller en curé, et de frapper à la porte de la gendarmerie et de mettre un cocktail Molotov dans la boîte aux lettres, si tu veux.17:33. 22. Nous on était habillé en curé, chaque fois que l’on sortait, on nous mettait dehors tous les mercredis qu’il pleuve, qu’il neige, qu’ils fassent 50° à l’ombre, les supérieurs nous foutaient dehors pour nous entraîner et pour nous endurcir pour la vie de broussard, si tu veux, en Afrique. Mais chaque fois qu’on sortait, on se faisait harceler par les soldats britanniques qui imaginaient qu’on était des terroristes (Rires).18:04. 23. Et c’était assez apocalyptique, si tu veux, certains séminaristes avaient des parents dans l’armée républicaine et il allait de soi que comme catholique, il allait de soi que l’on était contre la reine, qu’on était pour la liberté des Irlandais. Moi j’avais, quand j’étais ordonné en 1962 et que je rentrais chez moi dans ma ville natale, mes parents organisaient une soirée souper moule dansant pour cueillir des sous pour que je puisse aller baptiser un maximum de petits bébés, les arracher aux griffes de Satan. Ils ont loué le Irish-club, il y avait des Irlandais à 75 % dans les gens qui étaient venus aider et y chanter des chansons républicaines. Cela allait de soi. Nous, ma famille elle était pur sang anglais de père en fils depuis au moins Guillaume le Conquérant.19:08. 24. Et donc, c’était assez cocasse comme situation, par ce que c’est difficile sur le continent entre guillemets, d’imaginer quelle était la situation des catholiques en Angleterre. Nous étions convaincus corps et âme d’avoir la vraie foi, et la seule vraie foi, mais nous étions minoritaires et donc, il y avait une sorte de paradoxe, cette conviction d’être catholique ce qui veut dire universelle, et puis de l’autre côté, psycho sociologiquement, d’être une minorité entourée par des schismatiques, des hérétiques. Il n’y avait pas de musulmans à l’époque, il n’y avait que des protestants. On ne les fréquentait pas. La plupart des sermons avaient un accent très puritain. Il ne fallait pas se marier avec un protestant, jamais mettre les pieds dans une école protestante, etc., etc. 20:11 25. Ma génération se bagarrait plus tous les jours avec les protestants, mais mes parents se sont fait fouetter le jour de Saint-Patrick encore quelque chose de cocasse (rires) eux qui étaient anglais, et la fête de Saint-Patrick qui est une fête irlandaise. Ils se sont fait fouetter par les protestants. Donc, il y avait des rivalités, des guerres de religion presque qui traînait encore des années 1930 et 40. 20:35. 26. Donc, j’ai vécu petit chez les jésuites, il y avait une sorte de militantisme polémique. Les cours de religion n’étaient pas du tout comme aujourd’hui où on explique le fin fond des Évangiles, etc. c’était démontré que l’Église catholique était la seule vraie, que ceci est que cela. C’était très apologétique et très polémique. C’était un catholicisme sur la défensive et bas de gamme et comme j’ai dit très militant. Même les associations s’appelaient « la religion de Marie » ou « les paix de l’esprit ». Et c’était vraiment l’idée de lutter contre les non-catholiques pour avoir gain de cause. Donc, c’est dans ce contexte-là, si tu veux, que j’ai eu cette vocation est cette mentalité, si tu veux (rires), je suis parti de loin pour en arriver à cet agnosticisme galopant.21:43. 27. On avait une foie, heeuu... Aussi il y avait toute l’histoire de la persécution, c’est-à-dire ses Jean-Paul II qui a canonisé des martyrs de l’Angleterre catholique, si tu veux. Mais on nous avait jamais dit au collège que les catholiques en 10 ans à l’époque de la Reine Mary, avaient massacré plus de protestants que les protestants en 400 ans. Il y avait quelque chose de totalement loufoque. 22:07. 28. C’est quand j’ai connu le brave Jean-Pierre Olivier De Sardan chez lui parce que lui est d’origine huguenote. Et je me suis rendu compte que ses ancêtres se sont fait massacrer parce qu’il ne croyait pas... 22:20. 29. Il y a longtemps que tu connais heuu... 22:21. 30. Oui oui quand même, ça fait une quinzaine d’années. Je suis allé chez lui... 22:26. 31. Avant d’être dans le parcours déjà heuu...22:29. 32. Non non déjà quand j’étais anthropologue si tu veux. On a créé l’association des anthropologues pour le développement. Mais ce qui m’a frappé si tu veux, mais déjà à l’époque, je commençais à sentir qu’il y avait un double étendard, si tu veux, eux se sont fait massacrer parce qu’il ne croyait pas à la transsubstantiation, à la présence réelle de Jésus dans le pain consacré, et les miens se sont fait massacrer pour avoir cru à cela. C’est assez interpellant (rires), comme tu as ces points de repère tout à fait extrêmes est opposés. 23:07. 33. Je fais mes deux années de philo en Irlande de c’était très intéressant. Le séminaire n’était pas borné, il n’était pas constipé, on avait de très bons profs. Ils étaient très motivés, très intelligents, ce n’était pas un catholicisme, si tu veux, heuuu... C’était pas trop clérical. Et surtout on avait une vie en plein air. On se levait vers 5 heures 30 chaque matin. De nouveau tout de suite après la méditation et la messe, au moins 40 minutes à courir dans les Landes et à nager dans le lac glacé, surgelé. Je te dis, tu ne pouvais pas dire non c’était absolu, on te foutait dehors c’était vraiment un système militaire, avec la prière en plus. 24:14. 34. Et c’est pour ça que j’ai vécu jusqu’à 71 ans, à cause de cette espèce de formation très saine. On bouffait pas du caviar, on ne buvait pas du champagne, on avait des flocons d’avoine et des bazars comme ça. Et donc, c’est une vie très saine, un peu comme tous les gens de cette génération. Mine de rien, moi je vois mes beaux-parents ici, ils ont tous 80 sinon 90 ans passés qui ont connu une enfance qu’ils disent difficile, mais où c’était très fin, on bouffait pas de viande, il n’y avait que du pain de seigle, des flocons d’avoine, et du lait entier, etc., etc. 24:48. 35. Paradoxalement cette génération, on dit toujours qu’il y a une augmentation de l’espérance de vie, mais je ne suis pas sûr que votre génération va survivre autant que la mienne par ce qu’il y a tellement de pollution, il y a tellement de mal bouffe, etc. Nous qu’on ait cette chance à l’insu de notre plein gré d’avoir une enfance, une adolescence, émane à certaines années de notre vie adulte dans un monde qui qui donnerait des boutons aux jeunes d’aujourd’hui, mais qui était relativement, physiquement en saine, et même psychologiquement sain, si tu veux. On n’était pas traumatisé, il ne se posait pas trop de problèmes. 25:32. 36. Après ces deux années-là,...25:37. 37. Donc ça, donc ça pour faire un petit peu l’équivalent avec le système belge... 25:41. 38. Le système belge, si tu veux, jusqu’à ce qu’il y a peu, ça allait de soi que tout le monde était catholique... 25:48. 39. Non, mais je parle par rapport aux études. Parce que vous avez fait deux ans de philosophie. 25:50. 40. En Irlande oui. 25:54. 41. Mais heu, donc, ça c’est quel niveau par rapport à ce que l’on dirait en Belgique ? C’est déjà université ou bien ? 25:59. 42. Oui, oui parce que ces pots-secondaires et actuellement les séminaires ont magouiller, ont eu à juste titre si tu veux l’équivalent d’une formation en à l’université. Et donc ses deux ans de philo, malgré que je n’avais que 15 ans, j’ai mordu très vite si tu veux à la philo. 26:25. 43. Une formation universitaire ? À 15 ans ? 26:29. 44. Oui, j’étais né très jeune si tu veux (Rire de moi). Et de fait, c’était, je dis, oui... 26:38. 45. Vous étiez précoces alors ? 26:39. 46. On était en quoi, une trentaine, une soixantaine d’étudiants, mais un petit noyau dur de profs, une demi-douzaine de profs, mais très motivés, très accueillants. Ils étaient dans le même couloir que nous, quand tu avais un problème, comprendre ce que Saint-Thomas voulait dire par la transsubstantiation, tu allais chez ton prof et il était toujours là. Il était disponible 24 heures sur 24 pour discuter. On avait que ça à faire et il n’y avait pas d’activités extracurriculaires. Il y avait le foot. J’essaie de la spéléologie. J’essaie de l’escalade. On marchait, on avait des vélos, on faisait des centaines de kilomètres.27:22. 47. Donc, c’était vraiment une vie à la fois spartiate, et spirituelle. On sublimait beaucoup, mais je te dis, moi j’ai jamais été malheureux. J’étais pas pédophile ni homosexuel (rires) il n’y avait rien de ces conneries-là à cette époque. Il y avait tellement de prêtres si tu veux, que les gens qui avaient des vocations, à cette époque-là, étaient tout à fait normaux. Quoi ? 27:48. 48. Après, et pourquoi j’ai finalement quitté les pères blancs, c’est que ça donnait un peu juste parce qu’il n’y avait plus de vocation normale. On n’en y reviendra peut-être. Après ces deux années-là,... 28:04. 49. Pour récapituler, les études primaires comme chez nous, et puis ça nous mènent à quel âge? L’école primaire, pour apprendre... 28:14. 50. Mais c’est 11 ans. C’est-à-dire que tu commences, oui, tu commences comme ici tu termines tes primaires à 11 ans. Et puis il y a cette bifurcation, soit à l'époque, c’était le « second school », l’école secondaire et l’équivalent de l’athénée si vous voulez. 28:29. 51. Donc, c’était trois ans alors ? 28:31. 52. Non, non après, c’était six ans en principe. Mais comme j’avais laissé le bac assez tôt. 28:40. 53. Plutôt que... 28:42. 54. Plutôt que le normale oui. 28:44. 55. À d’accord, oui. 28:45. 56. Mais c’était aussi un truc jésuitique. 28:46. 57. Alors, vous avez réussi à quel âge le bac. 28:48. 58. À 15 ans, mais ce n’était pas le bac français ! 28:50. 59. Ah bon, c’est différent ? 28:51. 60. C’est ce qu’on appelle le certificat général des études si tu veux, un peu commis ici à l’athénée. Il y avait comme un des examens d’État à la fin du cycle secondaire qui était quand même assez coriace. Ce n’était pas de « gnognotte », mais... 29:10. 61. Vous avez gagné trois ans par rapport à un élève normal ? 29:14. 62. Non, de parce que les Anglais faisaient six ans dans le secondaire. On ne doublait en Angleterre. C’était très rare des jeunes qui ... Mais la plupart, admettons, le trois-quarts quitté l’école à 15 16 ans pour aller dans le monde réel. Parce qu’il n’y avait pas de « celle », les « celles » étaient de l’autre côté de la rue dans un couvent. Ça fait que (rires). 29:43. 63. Les selles, c’est ? 29:44. 64. Les filles ! Il y avait que des garçons, on était 600 dans le collège. Ceux que l’on pouvait imaginer éventuellement passer dans les universités provinciales faisaient une sixième année si tu veux. Pour se préparer à ce que l’on appelait... Ça se disait ingéniera les études où la plupart décrochaient, six à sept matières : maths, anglais, français, sciences, etc., et puis, après tu avais une année supplémentaire, mais c’était déjà supérieur ou tu spécialisais déjà un peu, tu avais trois sujets, soit les classiques, soit les sciences.30:35. 65. Et donc si j’ai bien compris ceux des pères blancs qui sont venus vous chercher à l'école et vous dirent ... ? 30:38. 66. Les pères blancs passaient dans tous les collèges. Alors, il montrait des films aussi et il recrutait comme ça. Ça allait de soi à l’époque, ça paraît totalement aberrant maintenant. Ça paraît absolument scandaleux d’arracher au ventre maternel des jeunes, mais à l’époque tout le monde était très content. Et moi aussi entre guillemets, je n’étais pas le seul. Dans mes amis, il y a au moins 10 qui sont partis, soit chez les jésuites, soit dans le grand séminaire chez le clergé séculier. On n’avait pas à l’idée de cette époque-là... On ne pouvait pas faire mieux que d’être curé si vous voulez. 31:21. 67. C’était vraiment une aubaine en faite? 31:22. 68. C’était une aubaine entre guillemets, mais c’était une véritable promotion sociale. Et on n’y croyait, il n’y avait rien d’hypocrite. Moi je crois que souvent on dit en Afrique il devient curé parce qu’il veut rester dans le bled. Ça fait des analyses un peu cyniques à la Bourdieu. Tu vois ? Les gens ne calculent pas comme ça. Il y en a des mutants qui sont assez crapuleux, mais la plupart du temps, la plupart des gens, ils sont sincères et pas schizophrènes à ce point. Je suis parti convaincu que je n’avais pas mieux à faire que ça si tu veux. 32:07. 69. Et donc là vous est arrivé, ils vous ont encadré, vous est fait de deux années de philosophie, et de là après vous avez réfléchi... 32:09. 70. Ce qui est intéressant retenir ici c’est qu’il y avait des examens évidemment. Il y avait déjà, je me rappelle encore, il fallait faire un mémoire chaque trimestre. J’avais fait un mémoire (rires) à 15 ans, pour comparer la philosophie naissante chez les Ioniennes, les premiers philosophes grecs avec la cosmologie pharaonique égyptienne. Et j’avais écrit une centaine de pages dans un carnet avec des beaux dessins, avec le ciel égyptien qui est une grande femme, une grande vache sacrée. 32:58. 71. J’étais vraiment mordu. Parce qu’il y avait des profs absolument enthousiasmants. (Silence) c’était très stimulant. C’était très régulier aussi. Chaque matin à 5 heures 30 les cloches sonnent quelqu’un frappent à la porte et 10 je me rappelle même plus en latin lèves-toi. Et je dis, c’était rythmé. Tu avais 30 minutes par semaine pour écrire une lettre à ses parents. On allait au lit exactement à la même heure. C’était un peu comme l’armée. C’était vraiment très, très régulier. 33:43. 72. Interruption pour le cadrage. 33:52. 73. Et après je pars. Je vais chez moi. On rentrait pas chez soi à Noël. Pour cela c’était un de mes premiers chocs entre guillemets. C’est ça qui est intéressant, tu t’engages comme ça et c’est une espèce de carte blanche. Et tout d’un coup je me suis rendu compte que je ne serai pas chez moi pour le jour Noël. Là, ça m’a vraiment secoué si tu veux. Il fallait rester... On avait renoncé à sa famille entre guillemets. Sa famille désormais c’était des pères blancs. Bon, Noël s’était très bien passé. On avait toutes sortes d’activités aussi, on faisait du théâtre on faisait 36 trucs dont je me souviens maintenant c’était fascinant. Il n’y avait pas un moment entre guillemets libres pour penser à autre chose. C’était une fuite en avant permanente d’activité en activité, mais très formative si tu veux, à la vie en commun. 34:51. 74. Parce on était déjà... les pères blancs se distinguaient par le caractère international. Déjà en Irlande, bon, on est en Irlande, pas en Angleterre, mais, tu avais déjà à l’époque des Écossais des Irlandais des Gallois et des Anglais, et de toutes les classes sociales. On avait un type dont le père avait traduit le livre des morts égyptiens et qui était curateur du British Museum. Tu avais, un type avec lequel j’avais beaucoup sympathisé qui étais un géologue à vocation tardive comme on disait qu’avait décidé à 30 ans de se faire pères blancs et qui avait fait une thèse, j’ai encore sa thèse ici, c’était sur les formations cristallines entre la longitude 47,3 et je ne sais quoi en Islande. Il m’a donné ça donc, il y avait des gens extrêmement intelligents et puis il y avait des gens de basse extraction et puis des bourgeois. Et tout ça, ça se mélange très bien. 35:52. 75. Et après, donc j’ai dit, je suis allé en Hollande et la on était une année dans le noviciat , avec des Allemands, avec des Hollandais, et quelques autres.36:07. 76. Toujours dans le cas de la formation des pères blancs ? C’était une troisième année ?36:11. 77. C’était une troisième année, qui est l’année cruciale. Avant en Irlande on n’était pas dit des pères blancs on avait une soutane noire si tu veux, et un col romain. Parce que les pères blancs avaient un système un peu différent. Dans d’autres congrégations, on était tout de suite dans le noviciat. Chez nous c’était philo d’abord, un peu aussi dans une période de rodage. Puis l’année cruciale où tu te compromettais entre guillemets, c’était l’année cruciale. L’année de théologie spirituelle, mais aussi d’exégèse, mais au testamentaire dans une grande baraque près de Heerenberg en Hollande près de la frontière avec Hevelé en Allemagne à quelques kilomètres du Rhin. Et c’était un immense scolasticat que les jésuites allemands avaient fait pour couillonner Bismarck lors du kultur-camp. 37:12. 78. Dans les années 1870 ils avaient chassé tous ces gens, tous ces cathos dehors, et eux, ils l’avaient fait une maison à 1 m de la frontière allemande tout juste en langue puis quand Bismarck est mort et que le climat s’est amélioré les jésuites allemands sont rentrés chez eux si tu veux. Et ils ont donné ça pour un franc symbolique aux pères blancs. Mais c’est un assez grand bâtiment gothique. Nous on passait... C’était une année, comme je te dis, spirituel donc, il n’y avait pas beaucoup de théologie ou de métaphysique, il n’y avait pas beaucoup de théologie dogmatique, il n’y avait que beaucoup de prières, beaucoup d’explications sur le règlement des pères blancs. Et à ce moment-là on avait tous l’habit si tu veux. On était tous habillés comme Lawrence d’Arabie, mais surtout on avait, hé hé, un gandoura de travail. J’ai beaucoup de photos de moi en train de surveiller les cochons et de planter les chicons et de « berweter » [mot wallon signifiant transporter en brouette] des sacs de charbon pour le chauffage central et de nettoyer les couloirs chaque matin. Ses immenses couloirs de ces grandes bâtisses si tu veux, avec des carrelages comme on voit dans la vieille maison ici, mais les gens laissent des traces et on devait brosser ça en silence ! Vous n’imaginez pas non plus. 38:32. 79. Quand je suis arrivé Blacklion. C’était le bled en Irlande pour la première fois. Mais comme j’étais, je demande à quelqu’un dans la maison : ici à quel romanche ? Alors, il m’a pris par les bras, il a mis la tête dehors il m’a dit 4 heures 30 et il a remis sa tête. Parce qu’on ne pouvait pas parler dans la maison. (Rires) et il avait un silence... À certains moments oui, mais même pendant les repas on lisait des bouquins, sauf s'il y avait un visiteur, à ce moment-là le supérieur disait « deo gracia » et on pouvait papoter. Mais on trouvait ça tout à fait inclus dans le prix. C’était tout à fait,... C’était pas pesant si tu veux.39:14. 80. Donc, j’ai passé une année c’était en 57 dans ce noviciat, du monde très intéressant, un père maître que maintenant je trouve absolument con. Mais un peu, heu... et rigide si tu veux, mais on le trouvait très sympa à l’époque. Il avait l’air ouvert, c’était un hollandais, Vandenbosch. Gentil, un peu « stave ». À cheval sur le règlement. Il n’y avait rien de loufoque parce que dans certains noviciats un peu plus loin en arrière, on te faisait faire des choses complètement ridicules pour te mettre à l’épreuve quoi. Creuser un trou, puis creuser un autre trou pour mettre à terre dedans et ainsi de suite toute la journée. Mais là ce n’était pas aussi con que ça. Je me demande si ça n’a jamais existé. Il y avait la mortification, des choses... 40.10. 81. Surtout la moitié du bâtiment était le scolasticat, quatre années de théologie juive. Mais on pouvait pas y mettre le nez. Il y avait une sorte de rideau de fer des grandes cloisons en bois et si jamais on osait traverser ça, on était expédié. Il y avait beaucoup de dégâts si tu veux. Les gens qui n’étaient pas copie conforme on les élimine. Et on disait, on n’avait pas la vocation. 40:43. 82. À la fin de cette année là, 57, les pères blancs liquidaient cette maison, ce grand scolasticat, pour aller en Angleterre. Ils avaient créé au nord de Londres un grand centre pour la formation démissionnaire. Et ils avaient aussi un grand scolasticat à Heverlée ici en Belgique, à Leuven. Ils avaient un grand scolasticat, et c’était énorme, avec 400 étudiants au Canada dans la partie francophone et surtout ils allaient à Carthage en Tunisie, une sorte de... C’est là que tout a commencé si tu veux, avec ce fameux cardinal de Lavigerie 41:37. 83. Alors, on me demande de choisir où on voulait continuer mes études de théologie. Moi, n’ayant pas compris le programme n’ont plus, j’ai dit surtout pas chez les « Frogs » comme nous les Anglais on appelle les Français (rires), pas du tout allait dans le monde francophone. Je dis laissant entrer chez moi en Angleterre si tu veux. Mais, il ne fallait jamais demander ce que tu voulais parce que le principe s’était toujours de te contrarier. Si j’avais demandé d’aller à Carthage, on m’aurait envoyé en Angleterre, mais parce que j’avais demandé l’Angleterre on m’avait envoyé à Carthage.42:21. 84. Et donc, la c’est la première fois que j’ai mis les pieds en Belgique, c’est qu'en route pour Carthage il y avait une expo. On a passé une semaine pour visiter puis passée vers Marseille. On a pris le bateau, troisième classe, sous le pont avec les arables et les chameaux. ( rire ) 36 heures non-stop pour traverser la Méditerranée sur un vieux rafiot. 42:54. 85. On n’avait déjà la frousse, mais il y avait déjà la guerre d’Algérie. Donc, il y avait déjà des actes terroristes même sur les bateaux. J’arrive à Carthage, si tu veux, avec d’autres. On était quoi ? Une demi-douzaine. 43:17. 86. Interruption pour cause de batteries 43:35. 87. Voilà donc on est dans le bateau. 43:35. 88. Ici c’est des années 1950, c’est un autre monde par rapport au monde... Il n’y avait pas d’avion entre guillemets, il n’y avait que le bateau et on prenait le train, ces vieux trains à vapeur. C’était assez apocalyptique comme trajet. Bon, on était une demi-douzaine il y avait un Écossais, il y avait deux Allemands, et des hollandais, et moi. En débarquant sur les quais à Tunis, on reçoit une volée de cailloux dans le dos. On était déjà entre guillemets martyrisés par les Arabes par ce que, hein, on ne se rend pas compte non plus qu’il y avait déjà une animosité en Tunisie à l’égard des blancs. Surtous les pieds-noirs (Rires). 44:24. 89. Par ce que, la Tunisie venait d’arracher son indépendance sans trop d’effusion de sang. Grâce à Bourguiba. Mais il y avait, et je les comprends, vous savez (rire) qu’est-ce que c’est foutu blanc vienne nous convertir, nous qui sommes la dernière religion prévue par dieu quoi? Donc, il y avait cette espèce de... ils n’étaient pas tous antichrétiens, on avait beaucoup d’amis parmi les Tunisiens, mais quand j’y réfléchis, surtout j’ai eu affaire après avec Kilani, un Tunisien, un anthropologue tunisien (rire). On a rigolé en disant que moi j’étais programmé pour le convertir lui à l’islam et que tous les deux on était complètement athées. (Rires) il y a de ces parcours de vie assez fascinants. 45:27. 90. Et là on va, c’était début septembre, on va au scolasticat qui est bâti sur la colline de Byrsa qui est l’ancien site de Carthage. Et à l'époque, tu n’avais que le grand scolasticat à des pères blancs qui est devenu un musée maintenant, et une immense basilique créée par le cardinal Lavigerie grâce aux dons de l’aristocratie française. Par ce qu’il était assez redoutable se cardinal. Les pères blancs étaient une sorte de passe-temps, de hobby. Il était surtout connu pour ses manœuvres politiciennes. Léon 13 lui avait finalement demandé de faire un geste pour la France républicaine. C’était vraiment le cardinal hors d’état d’église si tu veux. Antilles esclavagistes, il est venu très souvent Belgique. Grand copain entre guillemets de Léopold Ier, antiesclavagiste, etc., etc. c’était un type assez fascinant. 46:36. 91. Et donc, on était... Les autres... Il y a quatre années donc ça fait quand même 400 étudiants, 300 étaient à Gammarth dans une espèce d’ancien campement de concentration pour les prisonniers de guerre allemande qui est devenu maintenant le centre cinématographique de la Tunisie. Mais à l’époque était dans une sorte de... sur des falaises surplombant la Méditerranée au milieu des vignobles ou ont travaillé. Il y avait chaque semaine une journée entière où on travaillait. Moi j’ai coupé les vignes, j’ai zappé la terre (rires). Ça veut dire que les pères blancs n’étaient pas du tout, n’était pas une congrégation d’intellos. On était vraiment... L'idéale étaient vraiment, l’idéal de Broussard. 47:33. 92. Surtout que dans le scolasticat, il y avait déjà la guerre d’Algérie donc, un tiers de la première année c’était des Français, qui partaient à la fin de l’année en Algérie comme soldats conscrits. Et pour continuer de trois années après s’ils avaient toujours la vocation, ce qui était le cas de la plupart. C’était comme assez, assez significatif que la plupart des gens que j’ai connus en première année sont revenus trois ans après quand moi j’étais sur le point d’être ordonné, eux. Ils rentraient au scolasticat. 48:13. 93. Ils ont fait trois ans de guerre, mais de guerre d’Algérie qui n’était pas très beaux à voir. On le sait maintenant, mais déjà à l’époque, donc... Plus caserne que ça et tu meurs quoi. Le père spirituel essayait... On avait chaque soir ce qu’on disait une lecture spirituelle quoi, de sept heures à sept heures et demie, avant d’aller manger. Il nous haranguait sur la nécessité de rester chaste, de rester obéissant, etc., etc. 48:39. 94. Et surtout de bien parlait le français. Parce que quand ces Français revenaient d’Algérie (rire) avec un français, c’est pourquoi mon français est si pittoresque et bas de gamme, c’est que j’ai appris ça au pied de ces militaires qui avaient fait la guerre (rires), qui avaient assisté à des tortures. Il y a là un copain dont le job s’était de conduire les soldats aux bordels quoi lui il restait dehors. Il était séminariste (rires), mais son job c’était d’aller conduire de copains aux bordels de campagne. 49:11. 95. C’était une atmosphère très virile sans être machiniste, il n’y avait pas de femmes en face, donc... Mais un milieu très sportif qu’est ce qu’on a joué au basket, au foot, etc. 49:22. 96. Et donc, là aussi quatre années de théologie. De nouveau c’était à la veille du concile Vatican 2 et c’était la Belle Époque du prêtre-ouvrier en France. Pour moi c’était vraiment une révélation, par ce que le catholicisme anglais a été très, très cléricale sans être cléricalisme. Les gens adoraient le clergé, il trouvait tout à fait ça normal que le clergé et les meilleurs morceaux, des beaux presbytères, etc. c’était un catholicisme très pris en, et leur image, etc., et pas du tout obliquement engagé tandis que les Français avec les prêtres-ouvriers, et le dialogue entre marxistes communistes et chrétiens de gauche pour nous c’était une véritable révélation. 50 :15. 97. Alors là je suis devenu plus anarchogauchiste que jamais. Je me rappelle aussi (rires), c’est aussi un peu compliqué à comprendre, de nouveaux en arrivant avec mon enthousiasme de jeune engagé, enragé. Il y avait un Italien, un jeune Italien que je vois encore il s’appelait Aldo Jenasi. En Italie c’était très différent, les communistes et l’église c’était un peu Peppone et donc Camino. C’était pas du tout la France mêmes combats, chrétien et communiste mêmes combats. Donc moi je dis, il faut quant même être ouvert, il faut quant même un avoir des sympathies... Marx n’était pas si idiot que ça. Le sort d’un homme dans la lecture spirituelle le père supérieur a fait une sortie contre les jeunes qui venaient à peine de débarquer et qui déconnait à 100 à l’heure sur le communisme. Là il fallait quand même freiner à temps. 51:16. 98. Et ça, dans toute mon expérience à la fois dans l’église et chez les pères blancs, il y avait des mouchards, on dirait des types qui étaient soit par... qui était peut-être même payé entre guillemets (rires) pour dénoncer les déviations. Parce que j’ai appris après qu’il a été trois fois question, et j’ai appris de sources sûres parce que c’était mon ancien prof de théologie morale qui habite maintenant à Héverlée et qui a épousé une belle femme éthiopienne. Il m’a dit Mike tu te rends pas compte, trois fois on voulait te mettre dehors. Par ce que... non pas pour des péchés mortels d’avoir couché avec une Tunisienne ou je ne sais quoi, mais uniquement parce que tes idées étaient complètement (rires) hors série (rires) inadmissible. 52:12. 99. Mais je ne faisais pas ça exprès si tu veux. J’ai même... Ils étaient même fâchés une fois par ce qu'en dernière année on était enfermé pendant toute l’année parce que Bourguiba avait voulu mettre les... Il avait déjà mis les pieds noirs dehors 90 000 quand moi je suis arrivé quand je suis arrivé en Tunisie il y avait 120 000 pieds noirs, les uns plus catholiques que le pape. Quand on a quitté en 62 ne restait que 10 000. Donc, l’église est partie d’une église coloniale massive si tu veux, dominant tout, cathédrale..., mais il y avait même une grande statue du cardinal Lavigerie à l’entrée des souks en brandissant le crucifix (rires) que le supérieur des pères blancs a finalement... Ils étaient malins quant même, il a dit à Bourguiba dont c’était un des copains, un des grands copains, on va l’enlever quand même parce que ça ne fait pas très sérieux. 53:07. 100. Donc on l’a foutu dans le jardin de scolasticat. Et donc, les pères blancs n’étaient pas des mormons ou des témoins de Jéhovah. Ils étaient comme un homme très modéré et pas du tout... fanatisé. Et je te dis, pendant la dernière année on était vraiment enfermé, pas que je ne dis pas que l’on risquait sa vie, je t’expliquerais après pourquoi, il y avait eu la fameuse bataille de Bizerte en 61. Et donc, il était temps de quitter. Et l’année après, en 63, on a fermé boutique si tu veux. On a rapatrié tout le monde par ce que ça devenait trop compliqué de survivre. 53:48. 101. C’était avant le rush des touristes. C’était une période entre les deux. Effectivement, les Français n’étaient pas, les Français franco-français, n’étaient pas les bienvenus parce que quand Bourguiba a foutu les Français dehors des coopérants belges sont arrivés (rires) surtout pour enseigner et boucher les trous laissés par les enseignants français. Il n’était pas en type européen pour un sou, mais c’était des périodes un peu compliquées à vivre. 102. 54:19. Donc pendant cette année, on devait s’amuser entre nous. Et moi je... Chaque pays devait présenter son identité nationale et moi j’avais fait un sketch où on avère un prêtre anglican marié évidemment qui se préoccupait de ses enfants et tout ça et les profs étaient scandalisés par ce que ce n’était pas très œcuménique (rires). Si tu veux, de se moquer des confrères en face. 54:49. 103. Diane je t’aime comme un fou ! 54:52. 104. Je te dis, la théologie que nous avons reçue était vraiment très ouverte. Maintenant je dirais que j’ai perdu quatre années à élucubrer sur des sujets comme l’existence des anges ou la virginité de Marie, qui n’ont, qui, qui n’excite plus personne. Mais là ça va chauffer le cerveau si tu veux. Ce n’était pas inintéressant. Surtout, il y avait déjà des exégèses, allez, des gens qui étudiaient la Bible d’une manière ultra scientifique s’était un peu schizophrène parce qu’ils démontraient à la limite que Jésus était une chose est que l’église n’était pas prévue dans le programme si tu veux. 55:38. 105. Et puis ils continuaient à réciter le chapelet et dire la messe comme si de rien n’était. Il y avait... Ça, je n’ai jamais su si on me dit que Jésus n’a pas voulu ça. Moi je dis, bon (rires) vous avez raison, il y en a d’autres qui servent à convaincre. Il faut être logique. Il faut être réaliste aussi. Il y aura toujours une organisation qui vient catalyser cristalliser les aspirations prophétiques, il y aura toujours une église, si tu veux, comme il y a une université qui n’a rien fait avec l’université naissante. Mais là il faut un certain réalisme sociologique pour rester les pieds par terre. 56:17. 106. Donc, j’ai fait mes quatre années de théologie. Comme j’étais trop jeune parce qu'en principe on ne pouvait ordonner qu’à 24 ans. Moi je n’en avais que 22. Il y avait moyen d’avoir une dispense du Vatican pour 23 ans. Mais là ils ont... Ils ont dû mettre le paquet pour que je puisse passer à 22. Et de nouveau, on avait demandé où est-ce que vous voulez aller ? En Afrique de l’Est, en Afrique de l’Ouest, et les pères blancs, à cause du cardinal Lavigerie qui avait fait ses premières armes au Liban lors des massacres dès druzes avait longtemps encore une maison à Jérusalem « Sainte-Anne ». Donc il y avait un tout petit noyau qui s’occupait des affaires de l’Église orientale, si tu veux. Et on avait un vieux prof qui était venu à Carthage de Sainte-Anne qui avait fait une thèse sur la musique arabe en sept volumes (rires) et qui lors des fêtes nous chantaient, parce qu’il y avait un Noël ou à Pâques, on avait des banquets entre guillemets, et souvent je ne me rappelle plus son nom, mais il insistait pour chanter des chants en arabe (rires). C’était très indigeste. Mais il était un type absolument fascinant. Il m’avait fasciné les mois j’avais dit à mes supérieurs, moi j’aimerais bien aller à Jérusalem, si tu veux. 57:59. 107. Bon, on m’a envoyé aux études (rires) ce qui était une condamnation. C’est-à-dire le père blanc par excellence de type barbu en brousse, bossant, travaillant comme un nègre, c’est le cas de le dire, disant ça, mais de temps en temps, bon vivant aussi, en communauté. On était toujours en communauté, moi j’ai jamais vécu seul, les jésuites si tu veux chacun es un one-man-show, ils n’ont pas de vie de communauté, tandis que les pères blancs, on était obligé de passer au moins 1 heure par jour ensemble même si on ne disait rien. Même si maintenant on ne regarde que la télévision, à l’époque c’était obligé, et toujours trois, et toujours trois de nationalité différente. Jamais trois Anglais ensemble, jamais trois Belges, etc. 58:54. 108. Et les études, c’est quoi alors ? 58:56. 109. Mais ça c’est la théologie des quatre années. Mais après si tu veux, il y avait, admettons on était 120 ordonnés, 100 partaient à droite et à gauche en brousse, et puis les 20 malheureux étaient condamnés aux études : qui droit canon, qui la Bible, qui la philo, qui la théologie. Et moi on m'avait envoyer faire de la philo à la grégorienne que j’ai vue vendredi du coin de l’œil. J’étais à Rome de nouveau. 59:33. 110. Après j’ai su, ce brave copain à Heverlée, il m’a dit : « tu sais on ne voulait pas te lâcher tout de suite chez les indigènes » (rires). On trouvait que tu aurais fait des dégâts si tu veux. Donc, on a dit on va leur envoyer aux études comme ça va se calmer un peu (rires). Donc je fais... Et de nouveau, maintenant tu dis, oui, mais la grégorienne, c’est les jésuites ! C’était un truc catholique encore, mais c’était très ouvert que de très grand gabarit. Tu avais... Je me rappelle avoir reçu un cours sur Wittgenstein par un vieux jésuite anglais, vocation tardive, qui avait été un des... dans ce fameux camp militaire avec des grands chapeaux et qui... Parce que les cours étaient donnés en latin, mais lui commanditant d’abord, si tu veux il baragouinait pas assez le latin. 01:00:27. 111. Et donc, au commencement de son cours sur Wittgenstein, il avait appris comment demander en latin si on comprenait l’anglais (rires). Alors si tu disais... Tout le monde disait oui oui. Alors, il continuait en anglais et on a eu un cours merveilleux sur le tractatus de Wittgenstein si tu veux. Et il y avait donc de très très grands philosophes si tu veux. Un des seuls professeurs catholiques à avoir eu sa notice nécrologique dans le Times magazine c’était un certain Lolegan, un jésuite canadien qui était le saint Thomas redivivus du catholicisme du siècle passé. 01:01:06. 112. Donc, c’était pas con non plus. On avait un cours d’un jésuite allemand sur le marxisme et le léninisme, mais même les marxistes et les léninistes n’auraient pas pu le suivre, car c’était tellement détaillé, si tu veux. Et donc moi je n’ai jamais regretté ça. 01:01:22. 113. Surtout on a là un prof de théologie... Une de mes vocations, si tu veux, d’ethnologue, est venu à cause d’un vieux jésuite alsacien le père Goethe qui habitait avec de Loubac à la Fourvière à Lion. Il nous donnait des cours en latin approximatif sur l’histoire des religions. Mais il était d’un iconoclasme total (rires) vraiment très stimulant. C’était un type qui a fait du terrain au Tchad. Il a failli se faire expulser des jésuites parce qu’il a refusé de revenir à temps pour commencer son cours par ce qu’il y avait Dieu sait quel sacrifice au Tchad et il voulait absolument assister à cela. Il a fait comme ça assez supérieure (doigt d’honneur). 114. Coupure. 01:02:06 115. Escusez-moi, je vais devoir changer de cassette. 01:02:18. 116. Il était anthropologue dans le sens physiologique si tu veux. 01:02:26. Texte en gras