« Introduction au management de l'innovation » : différence entre les versions

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{{Leçon
{{Pas fini}}
| idfaculté = gestion
 
| département = Management de l'innovation
L’innovation est plus que jamais le moteur de la croissance des entreprises.
| 1 = {{C|Définition de l'innovation|0|?}}
 
| 2 = {{C|Pourquoi innover ? L'innovation moteur de la croissance ou condition de la survie de l'entreprise|0|?}}
'''Le management de l'innovation''' est la mise en œuvre des techniques et dispositifs de gestion destinés à créer les conditions les plus favorables au développement d'innovations.
| 3 = {{C|Comment rendre une entreprise plus apte à innover ?|0|?}}
 
| 4 = {{C|Une gestion intégrée de la dynamique des compétences de l'entreprise|0|?}}
Ce domaine a connu récemment des évolutions majeures, car des innovations de plus en plus nombreuses résultent de la combinaison de compétences variées, dont beaucoup ne sont pas maîtrisées au sein d'une seule entreprise. Il faut alors constituer et mobiliser un réseau permettant de rassembler toutes les capacités nécessaires et intégrer efficacement ces apports divers.
| 5 = {{C|La gestion des services de R&T|0|?}}
 
| 6 = {{C|La gestion des projets de développement|0|?}}
'''Cette leçon présente un survol des différents grands domaines du management de l'innovation.'''
| 7 = {{C|La gestion des portefeuilles de projets, l'évaluation des projets|0|?}}
 
| 8 = {{C|Associer l'usager à la définition, à la conception, voire à la production|0|?}}
'''Ceux-ci feront chacun l'objet d'un chapitre ou d'une leçon spécifique''' (en cours de préparation).
| 9 = {{C|La gestion des connaissances, l'intelligence économique et technologique, l'apprentissage organisationnel|0|?}}
 
| 10 = {{C|Choisir une stratégie d'introduction des innovations|0|?}}
 
| 11 = {{C|Identifier et mobiliser les compétences complémentaires, construire une capacité d'absorption|0|?}}
== Définition de l'innovation ==
| 12 = {{C|Valoriser le potentiel des compétences|0|?}}
 
| 13 = {{C|Les nouveaux rôles des experts|0|?}}
L'innovation est le ''processus'' par lequel une entreprise ''modifie sa proposition de valeur'', en offrant à ses clients (ou à ceux qui ne l'étaient pas encore) de nouveaux produits ou services, ou en changeant la manière de réaliser ceux-ci.
| 14 = {{C|Développer ses compétences pour une compétitivité durable|0|?}}
 
| annexe1 = {{Ann|Bibliographie|0|?}}
Le langage courant désigne en fait du même mot d'innovation ce ''processus'' de renouvellement de l'offre et son ''résultat'' (le nouveau produit ou le service proposé, la technique de production nouvelle ou améliorée).
}}
 
Certains définissent l'innovation comme une nouveauté (souvent une "invention") ''mise sur le marché avec succès''. Pour l'entrepreneur, alors que la recherche permet d'obtenir de nouvelles connaissances et de nouvelles idées avec de l'argent (et beaucoup d'efforts et de talent), l'innovation permet de gagner de l'argent avec des idées et des connaissances (et beaucoup d'efforts et de talent).
 
<!--article en cours de construction-->
 
== Pourquoi innover ? L'innovation moteur de la croissance ou condition de la survie de l'entreprise ==
 
L’innovation est plus que jamais le moteur de la croissance, notamment dans les pays développés.
 
Sans innovation, les entreprises ne peuvent différencier leur offre par un contenu plus riche, proposer des fonctionnalités nouvelles ou des services à valeur ajoutée, ni améliorer leur système de production. Leurs produits deviennent alors des [[w:commodité|commodités]] banalisées que le client n’achètera qu’en fonction de leur prix, donc probablement auprès de fournisseurs produisant dans des pays à bas salaires.
 
De plus, dans une société de satiété, les consommateurs solvables renouvellent plus volontiers leurs équipements pour intégrer des innovations, abandonnant par exemple leurs lecteurs de disques en vinyle ou de vidéocassettes pourtant en bon état pour des lecteurs de disques compacts et de DVD plus modernes.
 
Les économistes confirment que les secteurs les plus innovants auraient des taux de croissance plus élevés que les autres.
 
== Comment rendre une entreprise plus apte à innover ? ==
 
Certains considèrent l'expression de "management de l'innovation" comme une contradiction. S'il y a nouveauté, c'est que l'on sort de ce qui résultait "naturellement" du passé ou des savoirs existants, et l'acte de création ne se programme pas.
 
On peut cependant entretenir dans une organisation ''un environnement propice'' à l'innovation, en encourageant ses membres à sortir des procédures habituelles pour explorer de nouvelles options, en tolérant les échecs et les erreurs auxquels mèneront une partie de ces explorations.
 
On peut également ''organiser un certain nombre de processus'' par lesquels on formalise des idées encore imprécises, on explore leur potentiel, on développe des concepts, des prototypes, des produits ou des services.
 
La première de ces pistes (créer un environnement favorable à l'innovation) concerne toutes les fonctions et les personnes de l'entreprise. La seconde concerne surtout des services spécialisés (R&D, marketing, développement de produits) et les techniques de savoir-faire spécifiques qu'ils mettent en œuvre.
 
== Une gestion intégrée de la dynamique des compétences de l'entreprise ==
 
Les processus directement organisés en support de l'innovation sont notamment:
* la recherche exploratoire de nouvelles connaissances scientifiques et techniques
* le développement de produits et de services
* la compréhension des besoins exprimés ou latents des utilisateurs potentiels
* la construction d'une capacité à identifier les compétences externes qui peuvent être utiles pour compléter l'offre de l'entreprise et à intégrer celles-ci pour proposer des fonctionnalités plus riches.
[[Image:Schema management des compétences et technologies.jpg|center|600px]]
 
:::Ce graphique illustre le fait que le management des ressources technologiques de l’entreprise est celui d’un stock de compétences et de connaissances qu’elle maîtrise ainsi que d’un réseau lui permettant d’accéder à des compétences externes lorsque c’est judicieux. Le stock est constitué en fonction des besoins anticipés des projets de développement de l’entreprise. Son évolution résulte de la surveillance et de l’analyse de l’évolution des technologies, des marchés et de l’environnement concurrentiel et des choix stratégiques de l’entreprise (que par ailleurs il conditionne). L’augmentation de ce stock se fait grâce aux programmes de recherche de l’entreprise, grâce à l’absorption ou à l’intégration de technologies développées ailleurs et grâce à la capitalisation des savoirs développés lors des projets. Son exploitation se fait à travers l’offre de l’entreprise, mais aussi, hors de ses marchés, par la valorisation externe des technologies qu’elle maîtrise.
<br /><br />
Les activités de développement et d’exploration ont des horizons temporels différents (en mois ou années pour les premières, années ou décennies pour les secondes), on ne peut donc pas « asservir » l’agenda de la recherche aux besoins immédiats du développement. Il faut gérer un « stock » de compétences, savoir-faire et technologies qui seront mobilisés ailleurs ou plus tard dans l’organisation. Cela pose également la question de la capitalisation des connaissances produites lors des projets de développement (apprentissage organisationnel) et des idées et concepts exprimés dans tous les recoins de l’organisation (innovation participative).
 
Cette gestion des connaissances et des compétences de l'entreprise a pour objectif de permettre à l'entreprise de réaliser ses projets de développements. Compte-tenu du temps d'acquisition des connaissances et des compétences (que ce soit grâce à une activité de recherche propre ou par des partenariats), il faut une grande capacité d'anticipation, nourrie par une activité de prospective et de veille sur les technologies, les marchés et la compétition. Ce processus est intégré avec la mise en œuvre de la stratégie de l'entreprise. En effet, la possibilité de certaines options stratégiques est liée à la maîtrise de certaines compétences-clés par l'entreprise. Ce qu'elle sait faire conditionne ce qu'elle peut envisager. Ce qu'elle veut faire implique des apprentissages nécessaires.
 
Enfin, les compétences d'une entreprise sont souvent utiles au-delà des seuls marchés qu'elle vise. Quand ces compétences ont été obtenues grâce à des investissements coûteux et persévérants, il est dans l'intérêt de l'entreprise de chercher à les valoriser. Lorsqu'elle n'a pas la volonté ou la possibilité d'exploiter directement celles-ci, par exemple quand l'accès à un nouveau marché demande des capacités complémentaires (un réseau commercial, une capacité de service après-vente, la maîtrise d'autres fonctions demandées par les nouveaux clients visés...), elle peut faire des partenariats avec une entreprise bien placée pour accéder à ce marché. Les modalités vont de la simple cession de licence ou de savoir-faire à la création d'entités communes.
 
== La gestion des services de R&T ==
 
Nous distinguons les équipes de recherche et technologie qui travaillent au développement de nouvelles connaissances, de nouvelles techniques et de leur propre compétence et capacité d'expertise de l'activité de développement qui vise la conception de nouveaux produits, procédés ou services en fonction d'objectifs bien identifiés .
 
La gestion des laboratoires de recherches et de technologie soulève un certain nombre de problèmes.
 
Première difficulté : Comment gérer une activité dont ''les résultats sont incertains, lointains et ambigus'' ? On dit par exemple qu’en pharmacie (hors biotechnologie) il faut synthétiser dix mille molécules pour trouver un médicament. Comment alors juger les chercheurs sur leurs résultats, si le hasard joue un rôle si important ? Dans l’idéal, il faudrait pouvoir évaluer la qualité des procédures plus que celle des résultats, mais un biais rétrospectif nous fera apprécier la stratégie qui a conduit à un résultat gagnant comme plus astucieuse que celle qui s’est avérée stérile. Les résultats sont non seulement aléatoires, mais ambigus. Dans quelle mesure telle amélioration quantifiable de la productivité d’un atelier de production résulte-t-elle de l’idée suggérée par la R&D plutôt que des nombreux bricolages réalisés localement, à l’occasion de son adaptation dans le processus de fabrication ? Les résultats sont incertains, éloignés dans le temps (il faut dix ans pour mettre un médicament sur le marché, mais on juge les chercheurs sur une période de temps plus courte), éloignés dans l’espace et combinés à bien d’autres facteurs d’évolution.
 
Autre écueil, comment gérer ''des individus plus compétents que ceux qui les encadrent'' et les évaluent ? Dans la plupart des postes d’une organisation, les chefs comprennent mieux que les gens qu’ils dirigent le travail de ceux-ci, qu’ils ont souvent fait eux-mêmes à une étape antérieure de leur carrière. Dans la recherche, les savoirs et les techniques évoluent vite et la connaissance la plus pointue est souvent à la base de l’organigramme. Cette situation est d’ailleurs assez fréquente chez les travailleurs de la connaissance et chez les créatifs où, par exemple, un jeune créateur publicitaire sera plus difficile à recruter ou à remplacer que le manager qui vendra ses prestations, ou dans un hôpital où le directeur aura moins de légitimité et de notoriété que tel de ses grands cliniciens. Le problème a cependant été étudié depuis longtemps dans la recherche, ainsi que l’impact et les effets pervers de certains dispositifs de gestion comme la double échelle (reconnaître la contribution des experts à côté de celle des managers) <ref>Allen et Katz 1988</ref>.
 
Par ailleurs, la population des chercheurs est très sensible au regard qu’on porte sur elle et sa gestion demande un tact particulier. Un chercheur dont on s’enquiert trop souvent des résultats a le sentiment qu’on ne lui fait pas confiance ou qu’on le croit paresseux. Un autre qu’on laisse en paix souffre de ce qu’il ressent comme un manque d’intérêt pour ses travaux. L’admiration des pairs est un moteur puissant et on raconte comment Steve Jobs en usait pour stimuler les développeurs d’Apple, qui pouvaient être applaudis ou sifflés selon l’impression que donnaient leurs démonstrations <ref>[Sculley 1988]</ref>. Lotte Bailyn montre, pour sa part, le contresens qui fait que les managers donnent souvent peu de directives sur les objectifs d’une recherche, estimant que les chercheurs comprennent mieux qu’eux les enjeux dans leur domaine, mais imposent des procédures de travail assez rigides, alors que les chercheurs attendent l’inverse, souhaitant disposer d’une grande marge de manœuvre tactique dans la manière de s’organiser, justifiée par leur compétence professionnelle, mais manquant d’éléments de mise en perspective pour déterminer seuls les priorités pertinentes pour leur entreprise ou leur institut de recherche <ref>Bailyn 1996</ref>.
 
Il faut enfin gérer les horizons temporels contradictoires des opérations et de la recherche. Ainsi le manager d’une équipe de chercheurs se comporte comme un ''imprésario'' : il règle les problèmes matériels pour permettre au chercheur de « se concentrer sur son art », il promeut à l’extérieur les résultats du chercheur et la pertinence de son travail, il conforte le statut du chercheur en faisant en sorte que celui-ci se sente apprécié. Cet impresario ''traducteur ''infléchit l’''attention'' de ses différents interlocuteurs, en faisant prendre conscience au chercheur des priorités stratégiques de l’organisation - et donc des sujets pertinents - et en permettant aux dirigeants de l’entreprise d’apprécier l’apport du chercheur. Il joue parfois aussi un ''rôle d’écran ou de tampon'' entre les différentes logiques et, notamment, entre les horizons temporels en conflit : celui de l’entreprise qui souhaite une grande réactivité et celui du chercheur qui a besoin de temps pour construire une compétence. Une étude surprenante montre ainsi que les entreprises dont le laboratoire central n’est pas situé à proximité du siège ont une R&D plus performante <ref>Cardinal et Hatfield 1998</ref>, car elles sont moins soumises aux fluctuations des stratégies de la direction.
 
== La gestion des projets de développement ==
 
((rédiger ici un paragraphe pour exposer les grands principes de l'organisation en projets))
 
L’organisation en projets a considérablement accru l’efficacité des services de développement [Midler 1993, Jolivet 2003], mais parfois au prix de la capitalisation des connaissances, car les acteurs des projets sont surtout soucieux de respecter leurs impératifs de performance, de délais et de coûts. Il faut donc mettre en place des dispositifs spécifiques pour recueillir les connaissances générées au cours du projet sans perturber celui-ci. Cela passe, par exemple, par la présence d’acteurs spécifiques dans l’équipe projet, par l’organisation de debriefings après les projets ou par des projets particuliers dédiés à la capitalisation des connaissances [Moisdon et Weil 1998].
 
== La gestion des portefeuilles de projets, l'évaluation des projets ==
 
* des projets au portefeuille de projets
* les arbitrages sur les ressources allouées au projet
* la R&D comme option réelle
* quel contrôle de gestion pour les projets ?
"Il est impossible d'évaluer a priori un projet réellement innovant, mais il est possible de veiller à rester sur une bonne trajectoire d'apprentissage" (Bruno Latour, in Encyclopédie de l'Innovation)
 
== Associer l'usager à la définition, à la conception, voire à la production ==
 
((à rédiger))
 
== La gestion des connaissances, l'intelligence économique et technologique, l'apprentissage organisationnel ==
 
L’entreprise n'a pas pour priorité le progrès. Elle est surtout préoccupée de pouvoir disposer des compétences nécessaires à la réalisation de ses projets de développement. Ses dirigeants rêveraient que la R&D puisse fournir des réponses aux problèmes soulevés par les équipes de développement « à la demande », mais le temps de programmation et d’ exécution des projets est beaucoup plus court que celui nécessaire à la construction d’une compétence. On ne peut donc avoir de R&D « juste à temps » asservie aux besoins des projets.
 
La R&D construit donc plutôt un stock de connaissances et de compétences disponibles, dans lequel les projets peuvent puiser. Pour piloter l’évolution de ce stock, elle s’appuie sur une surveillance et une analyse de l’évolution des technologies, des marchés et de l’environnement concurrentiel. Ainsi Kodak, anticipant l’importance de la photographie numérique, décida dans les années 1990 de moins investir dans ses compétences traditionnelles de photochimie, permetttant de perfectionner les films argentiques photosensibles, et de recruter des spécialistes de traitement d’image numériques. La maintenance du stock de compétences utiles passe aussi par le développement d’une capacité d’apprentissage à partir des projets de développement et d'intégration de connaissances développés à l'extérieur.
 
Les connaissances et les compétences sont détenues par des individus, parfois des groupes, qui ne sont pas toujours là où ces connaissances seraient utiles. ''If only we knew what we know'', déplorent souvent les dirigeants [O'Dell et Grayson, 1998]. La gestion des connaissances a pour fonction de permettre de mobiliser des connaissances ailleurs que là où elles ont été développées. Il faut pouvoir identifier au sein de l'organisation "qui sait quoi" et ce qu'il est utile de savoir pour un projet donné, et organiser les relations de telle manière que ceux qui ont une compétence ou une connaissance l'apportent à ceux à qui elle est utile (Nonaka, Hansen, Brown et Duguid).
 
La gestion des connaissances est un des aspects de l'apprentissage organisationnel: comment un collectif (organisation aux contours bien définis, communauté de pratique, réseau) peut-il apprendre de l'expérience de ses membres, de l'expérience du collectif dans son ensemble et de l'expérience des autres.
 
== Choisir une stratégie d'introduction des innovations ==
 
== Identifier et mobiliser les compétences complémentaires, construire une capacité d'absorption ==
 
Pour proposer des « solutions complètes » intégrant de nombreuses fonctionnalités et des services divers, les entreprises doivent combiner des compétences qu’elles ne peuvent toutes maîtriser. Elles doivent donc développer une capacité à ''repérer'' les technologies et les connaissances qui peuvent leur être utile, à ''intégrer'' celles-ci à leur offre, soit en acquérant la maîtrise directe de ces compétences, par développement interne ou transfert de technologie, soit en s’assurant de la collaboration loyale d’un partenaire qui maîtrise cette compétence. Elles devront aussi développer une architecture permettant d’intégrer ces briques diverses dans un produit ou un service cohérent.
 
De telles capacités d’absorption ne s’improvisent pas et il faut souvent avoir développé une expertise de bon niveau au sein de l’entreprise pour avoir la capacité de repérer et d’évaluer des solutions pertinentes développées ailleurs [Cohen et Levinthal 1990]. Il faut aussi organiser la R&D pour qu’une équipe d’''intégration'' exerce une vigilance constante sur les technologies disponibles, sans privilégier les pistes explorées par les services internes de recherche, mais en mobilisant la compétence des experts locaux [Iansiti et West 1997]. Le problème se complexifie encore lorsqu’il ne s’agit pas de trouver le partenaire maîtrisant déjà la technologie qui compléterait l’offre de l’entreprise, mais celui qui est susceptible de développer efficacement celle-ci. Il faut faire participer un partenaire extérieur, aux objectifs et aux intérêts différents, à un effort de R&D amont aux résultats incertains et définir à l’avance les droits et devoirs de chacun (financement, propriété des résultats, délais de réalisation) à propos d’un objet encore inexistant et incomplètement spécifié [Segrestin 2003, Aggeri & al. 2002].
 
== Valoriser le potentiel des compétences ==
 
De même que l’entreprise a besoin de mobiliser des connaissances externes, de même ces compétences peuvent avoir des applications bien au-delà de ses marchés traditionnels. Des développements complémentaires sont cependant souvent nécessaires et les compétences ne sont pas toujours suffisamment bien codifiées pour qu’une concession de licence ou un transfert de technologie soit facilement envisageable. Il faut alors explorer des modes variés de valorisation pouvant passer par des incubateurs et du capital-risque d’entreprise, par la création de joint-ventures spécifiques ou bien d’autres modalités [Weil 2000a].
 
== Les nouveaux rôles des experts ==
 
Les nouvelles missions que nous venons d’évoquer supposent que les experts ne soient plus seulement jugés sur ce qui constituait autrefois leur tâche principale, la construction de nouvelles solutions aux problèmes techniques de l’entreprise, mais sur l’ensemble de leur contribution à la découverte et à l’intégration de solutions pertinentes, à la valorisation des compétences de l’entreprise, à l’animation de réseaux internes et externes permettant de faire circuler les connaissances et de les rendre disponibles là où elles sont utiles [Weil 2000b].
 
Cela suppose parfois des aménagements matériels (outils de CAO et de prototypage rapide, de communication et de partage des connaissances, plateaux projets reconfigurables, etc.). Cela influe sur les critères de recrutement et de promotion ainsi que sur le déroulement des carrières (recherche de profil « en T », ayant une compétence pointue dans leur domaine mais de bonnes connaissances générales sur les activités connexes, rôles de « gatekeepers », d’imprésarios et d’architectes de réseaux) [Allen 1977, Weil 2000c] . Cela repose aussi sur une évaluation prenant en compte la contribution aux projets des autres au-delà des objectifs personnels (évaluation à 360°) mais aussi sur de nouvelles relations contractuelles avec les fournisseurs et partenaires [Garel 2000]. Cela dépend aussi de facteurs culturels, comme la valorisation de la coopération et du partage [Saxenian 1994]. Le management joue un rôle important en évitant les comportements opportunistes pour construire des relations pérennes et équitables, privilégiant la confiance et la bonne réputation [Powell 1990,Weil 2000c].
 
== Développer ses compétences pour une compétitivité durable ==
 
La mode est bien passée du monopoly industriel où de grands groupes étaient gérés comme des holdings financiers vendant et acquérant des outils de production et des compétences de conception en fonction de l’attractivité plus ou moins grande des marchés. Les années 1990 ont plutôt mis en valeur le recentrage sur les compétences-clés (avec des définitions souvent tautologiques de celles-ci), en découvrant que celles-ci sont longues à construire, difficiles à entretenir et à faire évoluer et constituent donc un des principaux facteurs de compétitivité durable pour l’entreprise et un défi majeur pour ses stratèges [Pensrose 1959, Hamel et Prahalad 1990]. Dans un univers turbulent, les entreprises visent plutôt la résilience [Hamel et Valikangas 2003], la capacité à s’adapter à un environnement changeant sans attendre de passer par une crise majeure. Cela passe par le développement de la réactivité, facilitée par la prise d’option sur différentes technologies émergentes, plus que par la planification.
 
La R&D, l’investissement dans des start-up, voire la surveillance active d’un domaine technologique et l’utilisation d’architectures ouvertes permettant l’intégration facile de nouveaux composants sont autant d’options réelles prises en situation d’incertitude pour permettre à l’entreprise de saisir les opportunités qui peuvent se présenter ou parer des menaces potentielles [Jacquet 1999]. Le management de la technologie et plus généralement de l’innovation est donc devenu trop stratégique pour rester l’affaire des seuls technologues et requiert une implication forte des différentes fonctions de l’entreprise et l’organisation d’un dialogue constructif entre elles.
 
La capacité à organiser ce dialogue et, plus généralement, à travailler en réseau tant au sein de l’entreprise qu’avec les partenaires les plus divers devient elle-même une compétence-clé, capable de procurer un avantage économique durable à l’entreprise [Powell 1996].
 
== Bibliographie ==
 
Franck Aggeri, Blanche Segrestin, Yves Dubreil Comment concilier innovation et réduction des délais ? Annales de l’École de Paris du management, volume IX, 2003
 
Thomas J. Allen, Managing the Flow of Technology, MIT Press, Cambridge, MA
 
Thomas J. Allen, Ralph Katz, The dual ladder: motivational solution or managerial delusion?, R&D Management
 
Lotte Bailyn , Autonomy in the Industrial R&D Lab, Human Resource Management Summer 85, 24, nº2, 129-146 - 5/8/96
 
Luc de Brabandere & Anne Mikolajczak, Le plaisir des idées, Dunod 2002
 
Laura B. Cardinal et Donald E. Hatfield, Corporate research location, dispersion of knowledge and innovative productivity, Academy of Management, San Diego, 8/9/98
 
Vincent Chapel, La croissance par l’innovation intensive : le modèle Tefal, Annales de l’École de Paris du management, volume V, 1999
 
Cohen W. M., Levinthal D. A. , Absorptive Capacity: A new Perspective on Learning and Innovation, Administrative Science Quaterly, 35, (1990), 128-52.
 
Florence Durieux, Management de l’innovation, une approche évolutionniste, Vuibert 2001
 
Gilles Garel, Les partenariats sont-ils toujours "gagnant-gagnant" ?, Annales de l’École de Paris du management, volume VII, 2001
 
G Hamel , CK Prahalad, The core competences of the corporation, Harvard Business Review, may-june, pp. 79-9, (1990)
 
Gary Hamel ,Liisa Valikangas, The Quest for Resilience Harvard Business review, août 2003
 
Marco Iansiti et Jonathan West, Technology Integration: Turning Great Research into Great Products, Harvard Business Review - may-june 97, 69-79
 
Dominique Jacquet, La R&D : un portefeuille d’options financières ? Annales de l’École de Paris du management, volume V, 1999
 
François Jolivet, Manager l’entreprise par projets, les métarègles du management par projet, Éditions management & société, 2003
 
Christophe Midler, L'auto qui n'existait pas, management des projets et transformation de l'entreprise, Interéditions, Paris, 1993.
 
Jean-Claude Moisdon et Benoît Weil, Capitaliser les savoirs dans une organisation par projets, Annales de l’École de Paris du management, volume IV, 1998
 
C. O'Dell, C. Jackson Grayson, "''If only we knew what we know, The transfert of internal knowledge and best practice''", The Free Press, New-York, (1998)
 
Edith T. Penrose, The theory of the growth of the firm, Oxford University Press, 1995 (édition originale en 1959)
 
Walter W. Powell (90), Neither Market nor Hierarchy: Network Forms of Organization, Research on Organizational Behavior, 12, (1990), 295-336 12/4/95
 
Walter W. Powell, Kenneth W. Koput, Laurel Smith Doerr, Interorganizational Innovation and the Locus of Innovation: Networks of Learning in Biotechnology, Administration Science Quaterly , 41 (1996): 116-145.
 
Anna Lee Saxenian, Regional Advantage : Culture and Competition in Silicon Valley and Route 128, Harvard University Press.
 
John Sculley, De Pepsi à Apple, Grasset, 1988
 
Blanche Segrestin, La gestion des partenariats d’exploration : spécificités, crises et formes de rationalisation, thèse de doctorat de l’École des mines de Paris, spécialité « sciences de gestion », mai 2003.
 
Vesselina Tossan, L’action d’un service central Innovation dans un Groupe de services décentralisé: le cas Suez. Quelle instrumentation sous-jacente? Thèse de doctorat de l’École des Mines.
 
Thierry Weil (a), La valorisation du patrimoine technologique, ANRT, Paris, mars 2000.
 
Thierry Weil (b), Innovation as Creative Recombination and Integration of Existing Components of Knowledge, Conference on Knowledge and Innovation, Helsinki, 25 mai 2000.
 
Thierry Weil (c), Le management de l'innovation en réseau, ANRT, Paris, mars 2000.
 
[[Catégorie:Management de l'innovation]]