« Management de l’innovation dans les entreprises » : différence entre les versions

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L’[[innovation]]L’innovation est plus que jamais le moteur de la croissance dans les pays développés. Mais les problèmes traditionnels de son management n’ont rien perdu de leur actualité. Ce qui a changé, c’est sa place dans l’entreprise : au-delà des seuls technologues, c’est l’ensemble des fonctions de l’entreprise qu’elle mobilise. C’est leur capacité à dialoguer et à travailler en réseau, à l’intérieur comme au dehors, qui est désormais le gage d’une compétitivité durable.
 
 
 
 
L’[[innovation]] est plus que jamais le moteur de la croissance dans les pays développés. Mais les problèmes traditionnels de son management n’ont rien perdu de leur actualité. Ce qui a changé, c’est sa place dans l’entreprise : au-delà des seuls technologues, c’est l’ensemble des fonctions de l’entreprise qu’elle mobilise. C’est leur capacité à dialoguer et à travailler en réseau, à l’intérieur comme au dehors, qui est désormais le gage d’une compétitivité durable.
 
 
 
 
 
 
Sans innovation les entreprises ne peuvent différencier leur offre par un contenu plus riche, proposer des fonctionnalités nouvelles ou des services à valeur ajoutée ; leurs produits deviennent alors des commodités banalisées que le client n’achètera qu’en fonction de leur prix, c’est-à-dire auprès de fournisseurs produisant dans des pays à bas salaires. De plus, dans une société de satiété, les consommateurs solvables renouvellent plus volontiers leurs équipements pour intégrer des innovations, abandonnant par exemple leurs lecteurs de disques en vinyle ou de vidéocassettes pourtant en bon état pour des lecteurs de disques compacts et de DVD plus modernes. Les économistes confirment que les secteurs les plus innovants ont des taux de croissance plus élevés que les autres.
 
'''== Le moteur de la croissance''' ==
 
'''Le moteur de la croissance'''
 
Les conditions d’émergence des innovations ont cependant beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Bien qu’une concurrence intense pousse les entreprises à améliorer leur offre, Schumpeter montre que les innovations majeures apparaissent plutôt dans des grandes organisations qui jouissent d’une rente ou d’une quasi-rente, pouvant ainsi s’offrir le luxe d’explorer des voies nouvelles et de financer des recherches audacieuses plutôt que de se focaliser sur l’amélioration incrémentale des coûts de production. Ainsi, jusque dans les années 70, les grands innovateurs sont des entreprises comme AT&T, jouissant alors du monopole des télécommunications américaines et qui met au point le transistor et les fibres optiques, ou IBM, dont la domination est alors écrasante sur le marché des gros ordinateurs et qui perfectionne les composants et l’architecture de ceux-ci ; ou les laboratoires publics qui jettent les bases du génie génétique, ou encore le secteur largement subventionné de la défense qui développe les circuits intégrés, les matériaux à haute performance, les architectures sophistiquées de traitement du signal et des données, les réseaux de communications, y compris le protocole Internet.
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Enfin, pour intégrer rapidement des connaissances nouvelles, les entreprises tendent à localiser des services de recherche ou de développement à proximité des sources de savoir et de compétences pertinentes. Il peut s’agir de bien prendre en compte les spécificités locales d’un marché (développements d’adaptation) ou d’interagir avec les équipes qui développent de nouveaux concepts et de nouvelles technologies (recherches à proximité de grands centres universitaires ou de laboratoires publics).
 
'''== Le management de l’innovation''' ==
 
'''Le management de l’innovation'''
 
Pour toutes ces raisons, le management de l’innovation dépasse largement le seul cadre des équipes de R&D. Nombre d’innovations ne sont pas issues de la technologie, même si leur mise en œuvre peut réclamer la solution de problèmes techniques complexes. Il peut s’agir de l’offre de nouveaux services autour d’un produit ou d’une prestation (comme le service de mise à disposition d’un véhicule évoqué plus haut), d’une nouvelle architecture de la prestation (comme la vente d’ordinateurs assemblés à la demande et livrés rapidement après un achat par correspondance ou par Internet chez Dell, ou l’offre d’un service « chez vous en 48 heures » par les entreprises de vente par correspondance, ou la distribution de livres par Internet). Les nouvelles idées de produits ou de prestations peuvent venir d’un service de marketing ou émerger n’importe où au sein de l’entreprise, notamment chez les collaborateurs en contact avec le client ou confrontés à un problème particulier.
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Nous allons considérer successivement les problèmes traditionnels du management des équipes de R&D, puis montrer la nécessité d’une gestion intégrée de la technologie fondée sur la capacité de l’entreprise à détecter et intégrer des techniques exogènes, à piloter la gestion de ces compétences en harmonie avec sa stratégie, à augmenter ses capacités d’apprentissage, de capitalisation et de gestion des connaissances, à valoriser ses savoir-faire au-delà de son champ d’activité.
 
'''== Le management des équipes''' ==
 
'''Le management des équipes'''
 
Longtemps la littérature sur le management de la technologie s’est focalisée sur la gestion de la R&D. Si, comme on va le voir, le cadre de réflexion s’est beaucoup élargi depuis, un certain nombre de problèmes n’ont cependant rien perdu de leur actualité.
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Gérer les horizons temporels contradictoires des opérations et de la recherche est aussi une difficulté supplémentaire. Ainsi le manager d’une équipe de chercheurs se comporte comme un imprésario : il règle les problèmes matériels pour permettre au chercheur de « se concentrer sur son art », il promeut à l’extérieur les résultats du chercheur et la pertinence de son travail, il conforte le statut du chercheur en faisant en sorte que celui-ci se sente apprécié. Cet impresario traducteur infléchit l’attention de ses différents interlocuteurs, en faisant prendre conscience, au chercheur, des priorités stratégiques de l’organisation - et donc des sujets pertinents - et en permettant, aux dirigeants de l’entreprise, d’apprécier l’apport du chercheur. Il joue parfois aussi un rôle d’écran ou de tampon entre les différentes logiques et, notamment, entre les horizons temporels en conflit : celui de l’entreprise qui souhaite une grande réactivité et celui du chercheur qui a besoin de temps pour construire une compétence. Une étude surprenante montre ainsi que les entreprises dont le laboratoire central n’est pas situé à proximité du siège ont une R&D plus performante [Cardinal et Hatfield 1998], car elles sont moins soumises aux fluctuations des stratégies de la direction.
 
'''== Le [[w:management|management]] intégré''' ==
 
'''Le [[w:management]] intégré'''
 
La gestion de la R&D ne se limite pas à celle des programmes de recherche. L’entreprise est surtout préoccupée de pouvoir disposer des compétences nécessaires à la réalisation de ses projets de développement. Ses dirigeants rêveraient que la R&D puisse fournir des réponses aux problèmes soulevés par les équipes de développement « à la demande », mais le temps de programmation et d’ exécution des projets, quelques mois à quelques années, est beaucoup plus court que celui nécessaire à la construction d’une compétence (quelques années, voire beaucoup plus). On ne peut donc avoir de R&D « juste à temps » asservie aux besoins des projets.
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Nous avons déjà évoqué en parlant des problèmes traditionnels de la gestion de la R&D les questions du caractère aléatoire, ambigu et lointain des résultats de l’activité de recherche, des difficultés de gestion des travailleurs de la connaissance et de la gestion par l’allocation d’attention. Dans ce qui suit, nous allons nous pencher sur quelques questions soulevées par le management intégré de la technologie, notamment la construction d’une capacité collective d’absorption de connaissances externes, l’accumulation de compétences dans une organisation en projets, l’intégration du management de la technologie dans la stratégie pour une meilleure résilience de l’entreprise.
 
'''== Construire une [[w:capacité d’absorption|capacité d’absorption]]''' ==
 
'''Construire une [[w:capacité d’absorption]]'''
 
Pour proposer des « solutions complètes » intégrant de nombreuses fonctionnalités et des services divers, les entreprises doivent combiner des compétences qu’elles ne peuvent toutes maîtriser. Elles doivent donc développer une capacité à repérer les technologies et les connaissances qui peuvent leur être utile, à intégrer celles-ci à leur offre, soit en acquérant la maîtrise directe de ces compétences, par développement interne ou transfert de technologie, soit en s’assurant de la collaboration loyale d’un partenaire qui maîtrise cette compétence. Elles devront aussi développer une architecture permettant d’intégrer ces briques diverses dans un produit ou un service cohérent. De telles capacités d’absorption ne s’improvisent pas et il faut souvent avoir développé une expertise de bon niveau au sein de l’entreprise pour avoir la capacité de repérer et d’évaluer des solutions pertinentes développées ailleurs [Cohen et Levinthal 1990]. Il faut aussi organiser la R&D pour qu’une équipe d’intégration exerce une vigilance constante sur les technologies disponibles, sans privilégier les pistes explorées par les services internes de recherche, mais en mobilisant la compétence des experts locaux [Iansiti et West 1997].
Le problème se complexifie encore lorsqu’il ne s’agit pas de trouver le partenaire maîtrisant déjà la technologie qui compléterait l’offre de l’entreprise, mais celui qui est susceptible de développer efficacement celle-ci. Il faut faire participer un partenaire extérieur, aux objectifs et aux intérêts différents, à un effort de R&D amont aux résultats incertains et définir à l’avance les droits et devoirs de chacun (financement, propriété des résultats, délais de réalisation) à propos d’un objet encore inexistant et incomplètement spécifié [Segrestin 2003, Aggeri & al. 2002].
 
'''=== Accumuler la compétence''' ===
 
'''Accumuler la compétence'''
 
L’organisation en projets a considérablement accru l’efficacité des services de développement [Midler 1993, Jolivet 2003], mais parfois au prix de la capitalisation des connaissances car les acteurs des projets sont surtout soucieux de respecter leurs impératifs de performance, de délais et de coûts. Il faut donc mettre en place des dispositifs spécifiques pour recueillir les connaissances générées au cours du projet sans perturber celui-ci. Cela passe, par exemple, par la présence d’acteurs spécifiques dans l’équipe projet, par l’organisation de debriefings après les projets ou par des projets particuliers dédiés à la capitalisation des connaissances [Moisdon et Weil 1998].
 
'''=== Valoriser le potentiel''' ===
 
'''Valoriser le potentiel'''
 
De même que l’entreprise a besoin de mobiliser des connaissances externes, de même ces compétences peuvent avoir des applications bien au-delà de ses marchés traditionnels. Des développements complémentaires sont cependant souvent nécessaires et les compétences ne sont pas toujours suffisamment bien codifiées pour qu’une concession de licence ou un transfert de technologie soit facilement envisageable. Il faut alors explorer des modes variés de valorisation pouvant passer par des incubateurs et du capital-risque d’entreprise, par la création de joint-ventures spécifiques ou bien d’autres modalités [Weil 2000a].
 
=== Les nouveaux rôles des experts ===
 
Les nouvelles missions que nous venons d’évoquer supposent que les experts ne soient plus seulement jugés sur ce qui constituait autrefois leur tâche principale, la construction de nouvelles solutions aux problèmes techniques de l’entreprise, mais sur l’ensemble de leur contribution à la découverte et à l’intégration de solutions pertinentes, à la valorisation des compétences de l’entreprise, à l’animation de réseaux internes et externes permettant de faire circuler les connaissances et de les rendre disponibles là où elles sont utiles [Weil 2000b]. Cela suppose parfois des aménagements matériels (outils de CAO et de prototypage rapide, de communication et de partage des connaissances, plateaux projets reconfigurables, etc.). Cela influe sur les critères de recrutement et de promotion ainsi que sur le déroulement des carrières (recherche de profil « en T », ayant une compétence pointue dans leur domaine mais de bonnes connaissances générales sur les activités connexes, rôles de « gatekeepers », d’imprésarios et d’architectes de réseaux) [Allen 1977, Weil 2000c] . Cela repose aussi sur une évaluation prenant en compte la contribution aux projets des autres au-delà des objectifs personnels (évaluation à 360°) mais aussi sur de nouvelles relations contractuelles avec les fournisseurs et partenaires [Garel 2000]. Cela dépend aussi de facteurs culturels, comme la valorisation de la coopération et du partage [Saxenian 1994]. Le management joue un rôle important en évitant les comportements opportunistes pour construire des relations pérennes et équitables, privilégiant la confiance et la bonne réputation [Powell 1990,Weil 2000c].
 
'''=== Une compétitivité durable''' ===
 
'''Une compétitivité durable'''
 
La mode est bien passée du monopoly industriel où de grands groupes étaient gérés comme des holdings financiers vendant et acquérant des outils de production et des compétences de conception en fonction de l’attractivité plus ou moins grande des marchés. Les années 1990 ont plutôt mis en valeur le recentrage sur les compétences-clés (avec des définitions souvent tautologiques de celles-ci), en découvrant que celles-ci sont longues à construire, difficiles à entretenir et à faire évoluer et constituent donc un des principaux facteurs de compétitivité durable pour l’entreprise et un défi majeur pour ses stratèges [Hamel et Prahalad 1990]. Dans un univers turbulent, les entreprises visent plutôt la résilience [Hamel et Valikangas 2003], la capacité à s’adapter à un environnement changeant sans attendre de passer par une crise majeure. Cela passe par le développement de la réactivité, facilitée par la prise d’option sur différentes technologies émergentes, plus que par la planification. La R&D, l’investissement dans des start-up, voire la surveillance active d’un domaine technologique et l’utilisation d’architectures ouvertes permettant l’intégration facile de nouveaux composants sont autant d’options réelles prises en situation d’incertitude pour permettre à l’entreprise de saisir les opportunités qui peuvent se présenter ou parer des menaces potentielles [Jacquet 1999]. Le management de la technologie et plus généralement de l’innovation est donc devenu trop stratégique pour rester l’affaire des seuls technologues et requiert une implication forte des différentes fonctions de l’entreprise et l’organisation d’un dialogue constructif entre elles.
La capacité à organiser ce dialogue et, plus généralement, à travailler en réseau tant au sein de l’entreprise qu’avec les partenaires les plus divers devient elle-même une compétence-clé, capable de procurer un avantage économique durable à l’entreprise [Powell 1996].
'''== Bibliographie''' ==
 
 
Franck Aggeri, Blanche Segrestin, Yves Dubreil Comment concilier innovation et réduction des délais ? Annales de l’École de Paris du management, volume IX, 2003
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Thierry Weil (c), Le management de l'innovation en réseau, ANRT, Paris, mars 2000.
 
'''=== Phrases à sortir''' ===
 
 
* ''Les économistes confirment que les secteurs les plus innovants ont des taux de croissance plus élevés que les autres.''
'''Phrases à sortir'''
 
* ''Le management de l’innovation dépasse largement le seul cadre des équipes de R&D. Nombre d’innovations ne sont pas issues de la technologie, même si leur mise en œuvre peut réclamer la solution de problèmes techniques complexes.''
''Les économistes confirment que les secteurs les plus innovants ont des taux de croissance plus élevés que les autres.''
 
* ''Identifier les technologies utiles, les récupérer et les intégrer à ses systèmes : c’est un nouvel impératif pour l’entreprise .''
''Le management de l’innovation dépasse largement le seul cadre des équipes de R&D. Nombre d’innovations ne sont pas issues de la technologie, même si leur mise en œuvre peut réclamer la solution de problèmes techniques complexes.''
 
* ''Pour proposer des « solutions complètes » les entreprises doivent combiner des compétences qu’elles ne peuvent toutes maîtriser.''
''Identifier les technologies utiles, les récupérer et les intégrer à ses systèmes : c’est un nouvel impératif pour l’entreprise .''
 
* ''De même que l’entreprise a besoin de mobiliser des connaissances externes, de même ces compétences peuvent avoir des applications bien au-delà de ses marchés traditionnels.''
''Pour proposer des « solutions complètes » les entreprises doivent combiner des compétences qu’elles ne peuvent toutes maîtriser.''
 
* ''Les nouvelles missions supposent que les experts ne soient plus seulement jugés sur la construction de nouvelles solutions aux seuls problèmes techniques de l’entreprise.''
''De même que l’entreprise a besoin de mobiliser des connaissances externes, de même ces compétences peuvent avoir des applications bien au-delà de ses marchés traditionnels.''
 
[[Catégorie:Gestion]]
''Les nouvelles missions supposent que les experts ne soient plus seulement jugés sur la construction de nouvelles solutions aux seuls problèmes techniques de l’entreprise.''
[[Catégorie:Management de l'innovation]]