« Recherche:Questions d'éthique concernant la publication scientifique » : différence entre les versions

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Voici en 2016, le cas de figure un étudiant en dernière année d'un master scientifique qui voulait, dans le cadre de son mémoire, avoir accès au dernier travail de son encadrant. Il se connecte à Internet, recherche le titre de l'article via Google et voici que le lien pointant vers l'article recherché apparaît en premier choix. Il clique sur l'hyper-lien proposé par Google et arrive directement sur la page d'un ''peer-reviewed journals'' comprenant plus de 1500 livres, une collection d'articles scientifiques et un service de mise à jour de la littérature scientifique. A la déception de l'étudiant, la page dédiée à l'article lui demande un paiement de £ 39,75 pour télécharger l'article sous format PDF. Ne voulant pas payer cette somme, l'étudiant se résigne à trouver une manière alternative pour se procurer le document. Il se renseigne d'abord pour voir si un accès gratuit au site n'est pas possible via le proxy de son Université, malheureusement ce n'est pas le cas. Une autre alternative, moins officielle cette fois, est de se rendre sur le site « SCI-HUB ». Ce site est afficheraffiché en caractère cyrillique dans le premier lien offert par Google. Pour trouver son article, il lui suffira d'écrire soit le nom de l'article au complet, soit l'URL de la page d'accès payant de l'article. Après avoir introduit un code pour prouver qu'il n'est pas un robot, l'étudiant voit l'article s'afficher sur son écran dans les deux secondes qui suivent. Il n'a plus qu'à cliquer sur le bouton télécharger ou imprimer pour garder le document sous format électronique ou papier.
 
L'étudiant se pose alors la question : « Est-ce vraiment éthique de télécharger ce document via ce site d'accès alternatif russophone ? ». Pour élucider cette question, il se rend sur Wikipédia où l'article consacré au site Sci-Hub l'informe que :
 
:« Sci-hub (ou Scihub) est un moteur de recherche pour les articles scientifiques, qui contourne les paywalls (« péages ») classiques des éditeurs académiques et fournissant un accès libre à un répertoire de plus de 48 000 000 articles. De nouvelles publications sont ajoutées quotidiennement après avoir été téléchargées via des proxiesproxys d'établissements universitaires. Il permet ainsi de consulter gratuitement des articles dont l'accès coûterait sinon plus de 30 dollars. Il a été attaqué par la principale maison d'édition scientifique, Elsevier, car il permet un accès pirate à des documents de recherche. En novembre 2015, l'adresse originale, sci-hub.org, est fermée. Des sites alternatifs, tels que sci-hub.cc et sci-hub.io, sont alors mis en place. »<ref>{{Cite encyclopedia| title = Sci-Hub| encyclopedia = Wikipédia| accessdate = 2016-04-19| date = 2016-04-16| url = https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Sci-Hub&oldid=125343351}}</ref>
 
L'étudiant se retrouve devant un dilemme d'autant plus embarrassant que sur la page ''« About us »'' du site de publication officiel et payant, il peut y lire :
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Mais finalement et par chance, l'étudiant reçoit par courriel une copie de l'article de son encadrant par un autre étudiant qui lui-même l'avait reçu directement de l'auteur. Malheureusement la version reçue n’est pas celle qui fut accepté par la maison d’édition. Il est donc possible qu'elle nécessitait encore quelques corrections avant d'être officiellement publiée. Le document « piraté » par contre se présente comme une version officielle du document tel qu'il fut accepté par la maison d’édition.
 
L’étudiant décide finalement d'utiliser la version reçue par courriel, mais il n'a d'autre choix par contre que de mettre les références de l’article officiel référencé sur le site payant. Mais, de ce faitefait, l'étudiant est maintenant le seul à savoir que l’information, telle qu'elle a été publiée dans son travail, n'a pas été vérifiée par la maison d'édition. Par acquis de conscience, il préfère tout de même comparer la copie prepré-print reçu par emaile-mail avec la version piratée post-peint pour constater qu'aucune différence n'y apparait. Il peut donc remettre son travail en toute sérénité. Mais quelle temps perdu...
 
Au sein de l'institution Universitaire de notre étudiant, une séries de questions concernant la publication scientifique avait pourtant déjà fait l'objet d'un rapport publié par le conseil des bibliothèques<ref>{{Cite web|title=Rapport du Conseil des bibliothèques (2012) : ''LA PUBLICATION SCIENTIFIQUE PROBLEMES ET PERSPECTIVES''|accessdate=2016-04-24|url=https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/biul/documents/pub_sc_nv91.pdf}}</ref> approuvé par le Conseil des bibliothèques le 9 octobre 2002 et Conseil de recherche le 28 janvier 2003.. Dans ce document, la publication scientifique étatétait déjà considéréconsidérée en terme de « catastrophe économique » et « catastrophe scientifique ».
 
Près de 15 ans plus tard, la marchandisation des publications scientifiques continue donc à poser problème. En septembre 2012, un rapport d’initiative publié par le projet [[w:Open Archives Initiativ|''Open Archives Initiative'']] confirmait déjà le fait que le problème est d'ampleur international et qu'après dix ans d'actions et recommandations, il est toujours loin d'être résolu. « ''On the contrary, the imperative to make knowledge available to everyone who can make use of it, apply it, or build on it is more pressing than ever.'' »<ref>{{Cite web|title=Ten years on from the Budapest Open Access Initiative: setting the default to open|accessdate=2016-04-24|url=http://www.budapestopenaccessinitiative.org/boai-10-recommendations|date=September 12, 2012|author= Budapest Open Access Initiative|}}</ref>
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Ce projet suscitât la réaction d'un groupe de chercheurs voyant au travers de ce projet « Les revues de sciences sociales en danger » :
 
<blockquote>« ''Ces revues existent en France grâce à une économie le plus souvent hybride, association entre le secteur public et l’édition privée.'' ''Cette association a une longue histoire qui ne résulte pas d’une logique de profit pour les éditeurs comme pour les auteurs, mais d’un souci partagé de produire par un travail commun des objets de savoir les plus exigeants et rigoureux… Nous sommes contre cet article qui fragilisera, puis anéantira la pratique de l’édition scientifique telle que nous la défendons. Nous sommes, bien sûr, favorables à l’accès le plus large possible à nos travaux, mais nous sommes plus attachés encore à la défense des lieux de savoir que sont nos revues aujourd’hui, produits de compétences diverses et complémentaires'' »<ref>{{Cite web|title=Les revues de sciences sociales en danger|work=Libération.fr|accessdate=2016-04-20|date=2016-03-17|url=http://www.liberation.fr/debats/2016/03/17/les-revues-de-sciences-sociales-en-danger_1440203}}</ref>.</blockquote>Mais onze jours plus tard, apparaissait dans le même journal une réponse faite par un autre groupes de chercheurs sous le titre « ''Publications scientifiques, on vaut mieux que ça !'' » :<blockquote>« ''Actuellement, pour publier leurs résultats, ils doivent concéder, sans contrepartie de rémunération, l’exclusivité de leurs droits d’auteur à des éditeurs privés, qui facturent ensuite l’accès à ces articles, souvent fort cher, aux organismes de recherche, aux universités et aux enseignants. Les éditeurs interdisent souvent aux chercheurs de diffuser leur propre production scientifique sur leur site web ou celui de leur établissement : ainsi, le lecteur est obligé de passer par le site de l’éditeur, parfois à un tarif prohibitif.''</blockquote><blockquote>[...]</blockquote><blockquote>''Si l’éditeur commercial est bien, en droit français, le garant légal d’une publication, et s’il assure la plupart du temps l’impression et la diffusion du document, dans l’écrasante majorité des cas les revues françaises sont dirigées, rédigées, expertisées, mises en forme, toilettées et typographiées par des agents publics (chercheurs, enseignants-chercheurs, personnels techniques) non rémunérés par les éditeurs. Quant aux éditeurs internationaux, quand ils ne laissent pas la mise en page à faire aux auteurs, ils la sous-traitent volontiers dans des pays à bas coûts.''</blockquote><blockquote>[...]</blockquote><blockquote>« ''Les derniers travaux sur les ondes gravitationnelles ont ainsi été publiés en Open Access et personne n’a contesté leur qualité. Ce n’est donc pas ce mode de diffusion qui menace les petites maisons d’édition universitaires et leur qualité de publication ; la cause est plutôt à chercher du côté d’un oligopole d’éditeurs qui tire un profit maximum du fait que laboratoires scientifiques et chercheurs sont évalués en fonction des revues ou des maisons d’édition où ils publient leurs résultats.''  »<ref name=":0">{{Cite web|title=Publications scientifiques, on vaut mieux que ça !|work=Libération.fr|accessdate=2016-04-19|date=2016-03-28|url=http://www.liberation.fr/debats/2016/03/28/publications-scientifiques-on-vaut-mieux-que-ca_1442009}}</ref></blockquote>Et il est vrai qu'un article publié dans le journal « Nature », le plus cité dans tous les domaines de la science si l'on en croit la présentation faite sur on propre site<ref>{{Cite web|title=About the journal : Nature|accessdate=2016-04-20|url=http://www.nature.com/nature/about/index.html}}</ref>, est un gage de notoriété important pour l'auteur et donc, d'un point de vue stratégique, une démarche tout à fait justifiable. Une autre manière d’acquérir de la notoriété sera d'augmenter les chances de voir ses travaux cités le plus possible. Pour ce faire, il existe la « voie dorédorée » ou autrement dit, la publication dans des maisons d'éditions qui offre un accès gratuit aux publicationpublications. Mais, selon le [[W:Facteur d'impact|facteur d'impact]] réel, ou vanté dans le cas d'« éditeurs prédateurs »<ref>{{Cite web|last=Chaput|first=Delphine|title=Evitez les éditeurs prédateurs!|work=UCL|format=text|accessdate=2016-04-24|date=2015-09-22|url=http://www.uclouvain.be/524065.html}}</ref>, des maisons d'édition, ce système se veraverra auteurs -payeur et tous les chercheurs ne bénéficiebénéficient pas d'un contrat finançant ces frais supplémentaires<ref>Voir à ce sujet et dans le cas de la Belgique francophone : {{Cite web|title=Réglement relatif à l'application de la politique de libre accès (open access) aux publications scientifiques issues des programmes de recherche soutenus par le F.R.S.- FNRS et les fonds associés|accessdate=2016-04-24|url=http://www.fnrs.be/docs/Reglement_OPEN_ACCESS_FR.pdf|date=Avril 2013}}</ref>.
 
En finEnfin, comme alternative à la voie dorée, il existe enfin la « voie verte » ou autrement dit, la publication de travaux scientifiques en libre accès mais pas toujours dans un système d'archives ouvertes géré par l'institution de recherche ou l'état comme cela devrait être le cas pour la France si l'article 9 du projet de loi pour une République numérique venait à se concrétiser.
 
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Voici donc un ensemble de témoignages qui soulèvent de nombreuses questions éthiques au sein du milieu d'édition de travaux scientifiques :
 
Est-ce normal qu'un étudiant doive dépenser de l'argent pour avoir accès à la dernière version des travaux de son encadrant ? Le prix à payer pour accéder aux études supérieurs n'est-il pas suffisant pour se voir garantigarantir l'accès à tous les documents nécessaires à la réussite de celles-ci. PeutQui peut d'ailleurs accepter que la richesse d'un étudiant puisse influencéinfluencer la qualité de ses travaux et donc fatalement ses capacités de réussite ?
 
« L'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite »<ref>{{Cite web| Nations Unies|title=La Déclaration universelle des droits de l'homme|accessdate=2016-04-20|url=http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/index.html}}</ref> nous stipule la déclaration universel des droits de l'homme. Mais est-il cohérent de promouvoir un accès égalitaire aux études supérieures sans garantir un accès égalitaire aux publications scientifiquescientifiques ?
 
A ces questions, la réponse d'un auteur tel que John Rawls sera certainement non, et ce en vertu du principe d'égalité des chances.
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Est-ce normal d'autre part qu'une maison d'édition, fusse-t-elle un organisme non-lucratif, demande de l'argent pour publier un document sans y apporter aucune modification ? La réponse d'un auteur tel que Karl Marx serait certainement non, et ce en vertu de l'idée d'exploitation d'une masse salariale.
 
Est-ce normale enfin que des personnes aux ressources financières limitées, étudiants, chercheurs, enseignants, ou encore médecins des pays économiquement défavorisés ne puissepuissent avoir accès aux savoirsavoirs scientifiquescientifiques ? Est-il acceptable que ce refus de partage puisse avoir des conséquences dramatiques en termes d'éducation, de progrès scientifique, et d'efficacité dans des pratiques professionnelleprofessionnelles teltelles que des soins de santé ?
 
A cette question, la réponse l'article 22 de la déclaration universelle des droits de l'homme répond que <blockquote>« ''Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays.'' »</blockquote>Quand à la notoriété, qu'elle soit celle d'une revue ou celle d'un auteur, comment peut-elle devenir un gage heuristique ou une garantie de qualité scientifique ? Les comités de relecture et d'évaluation des travaux scientifiques ne se font-il pas à l'aveugle pour éviter d'influencer l'esprit critique du relecteur ? Pourquoi dès lors privés les lecteurs suivant qu'ilils soient scientifiquescientifiques ou non, de cette capacité d'esprit critiques en établissant des critères de notoriété sur les différents contenus scientifiques ? Autrement dit, qu'est -ce donc que la notoriété si ce n'est que l'établissement d'une confiance qui baissera la vigilance des lecteurs quant à la véracitésvéracité des informations ?
 
A cette question, un auteur tel que Popper répondra que la science se définit en terme de réfutabilité et non de notoriété.
 
Gardons enfin à l'esprit que l’oligarchie lucrative établie par les maisons d'édition n'aurait pu s'établir sans le consentement d'une part des lecteurs qui acceptent de payer l'accès aux publications, et d'autre part des auteurs qui acceptent de remettre leurs droits d'auteur ou de payer pour pour publier leur travaux. N'est pas là l'indicateur d'une dérive élitiste socialessociale et institutionnellesinstitutionnelle au sein de nos sociétés ? Prenons aussi à témoin la sphère politique et ses élections médiatisées qui aboutissent au choix de représentants en fonction de leur prestance bien plus qu'en fonction de leurs vertus. Prenons aussi à témoin la sphère commercial dans laquelle le marketing détermine bien plus les ventes que la qualité des produits. Bien qu'elle serait certainement un éclairage utile, la réponse à cette ambitieuse question dépasse malheureusement les objectifs fixés dans ce travail.
 
== Notes et références ==