« Seigneurs et seigneurie » : différence entre les versions
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Comme à l'époque carolingienne, la seigneurie foncière conserve sa structure bipartite et se divise en deux : réserve et tenures. La réserve est cultivée en faire-valoir direct. Le reste de la seigneurie est voué au faire-valoir indirect. Cependant, les parcelles d'un même terroir rural dépendent rarement d'un seul seigneur foncier. Ainsi, pour calculer la superficie totale d'une seigneurie foncière, il faut ajouter des tenures très dispersés dans l'espace. Par ailleurs, cette surface est fortement variable : au XIIIe siècle, la seigneurie foncière de Notre-Dame de Barbézieux (Charente) couvre plusieurs centaines d'hectares. L'émiettement s'explique par les donations, les partages successoraux, les inféodations ou les ventes.
===Tenures et tenanciers===
*L'habitation et le jardin (appelés "casaux" dans le sud-ouest) sont peu taxés par le seigneur"<ref>D. Barthélémy, ''L'ordre seigneurial ...'', p.99</ref>.
*Le mot "manse" et ses dérivés ("mas", "masure", "masade" ...) survit<ref>Gauvard, ''La France au Moyen Âge'', p.184</ref>, de même que celui de "manants" (du verbe latin ''manere'', rester)<ref>Gauvard, ''La France au Moyen Âge'', p.154</ref>. Mais le manse carolingien tend à disparaître sous l'action du morcellement induit par la pression démographique dans les campagnes. Il finit par désigner uniquement les bâtiments d'exploitation, le jardin et le maison du paysan"<ref>Leturcq Samuel, ''La vie rurale ...'', p. 121</ref>. La taille des tenures se réduit donc, dès le X{{e}} siècle en Normandie, au XIIIe siècle en Roussillon et en Lorraine"<ref>Leturcq Samuel, ''La vie rurale ...'', p. 121-122</ref>
*Au Moyen Âge classique, les redevances dues au possesseur de la terre sont de plus en plus versées en argent. La tenure est en principe inaliénable. Les corvées sont devenues rares<ref>Gauvard, ''Dictionnaire du Moyen Âge'', p.236</ref> ou sont rachetées par la communauté paysanne. L'argent ainsi prélevé servait à payer des salariés agricoles pour cultiver la réserve. Cette évolution peut s'expliquer par la mise en valeur de nouvelles parcelles, couplée au développement de l'hostise. Les tenanciers ne travaillaient pas aussi bien sur la réserve que sur leurs tenures. La réduction de la réserve seigneuriale rend également inutiles les corvées.
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* À partir du Xe siècle, les défrichements permettent d'accroître la surface arable : le seigneur prélève alors le champart, redevance proportionnelle à la récolte, qui est bien adapté aux terres défrichées : pendant un certain temps, la nouvelle terre ne produit rien ; le prélèvement est nul. Dès que les récoltes arrivent, le seigneur bénéficie d'un revenu sûr. L'hostise est souvent soumise à de faibles redevances.
* Le loyer est payé à l'automne ou en plusieurs fois au cours de l'année. Si l'usage de la monnaie se répand, il peut être aussi acquitté en nature. Le seigneur pourra vendre ensuite ces produits au marché. Son montant varie selon plusieurs facteurs. Le tenancier doit apporter ce loyer au seigneur. Dans les autres cas, un agent seigneurial (sergent ou un censier) vient le collecter.
*Champart (au Nord : terrage, gerbage, frumentage ... ; au sud : agrier, tasque, tâche ...) est une redevance proportionnelle à la récolte ; métayage. Le taux du champart est inégal : lourd dans le sud et l'ouest (1/4 ou 1/5e) ; dans le nord : 1/8 à 1/16, en particulier sur les mauvaises terres. La tenure à champart se développe surtout au XIIe siècle"<ref>Leturcq Samuel, ''La vie rurale ...'', p. 126</ref> sur les nouvelles terres mises à disposition des tenanciers (mais pas uniquement). La redevance est fournie au champarteur, un agent seigneurial. Le produit du champart était commercialisé par le seigneur ou ses agents.
*Le bail : ''aprisio'' en Languedoc
*La tenure se transmet de façon héréditaire, contre un droit de mutation (''lods et ventes'') versé au seigneur.
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==Le problème de l'alleu==
Reprenons la définition de Robert Fossier : l'alleu est "''un bien en toute propriété, en principe sans autres charges et services que publiques''" c'est-à-dire les impôts dues au comte ou à son représentant. La question de l'alleu fait l'objet de nombreux débats dans la communauté des médiévistes. L'alleu domine dans le sud de la France jusqu'au XIe siècle<ref>Gauvard, ''Dictionnaire du Moyen Âge'', p.1372</ref>.
*L'alleu paysan
*L'alleu aristocratique
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===Des "propriétaires" laïcs===
Depuis le Haut Moyen Âge, de nombreuses abbayes sont sous la coupe de laïcs : le roi capétien contrôle l'abbaye de Saint-Denis aux Xe et XIe siècles. Sous les Carolingiens, les princes, les évêques et les seigneurs ont mis la main sur les établissements religieux. Ils exigent le droit de gîte ou des redevances. Ils considèrent parfois le patrimoine de l'Eglise comme d'une réserve dans laquelle puiser pour distribuer des bénéfices et des fiefs. Les moines prient pour le salut de leur âme et de leur famille. Ils demandent à Dieu de préserver la paix et la stabilité du royaume.
À partir du Xe siècle, les moines tendent à se libérer de ces contraintes. Les laïcs continuent de concéder des terres aux établissements religieux mais renoncent aux abbatiats laïcs. Ils souhaitent être enterrés près des reliques conservées dans les abbayes. Au XIIIe siècle, les ordres mendiants et militaires concurrencent d'ailleurs les autres réguliers.
L'Eglise perçoit en plus des dîmes, redevances sur les récoltes et les produits haleutiers ou miniers, en échange des services spirituels qu'elle rend (sacrements, prières).
Les revenus des abbayes servaient à fournir la table des moines : son approvisionnement était pris en charge par le cellerier. Les sommes d'argent permettait au chambrier (ou camérier) d'acheter les vêtements et les couvertures des moines. Le prévôt était chargé de gérer le domaine monastique. Cet officier pouvait déléguer son pouvoir à un maire local.
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===Les abbayes, des puissances temporelles===
Les abbés prestigieux tels que Suger, essaient de récupérer les terres usurpées par les seigneurs laïcs. Ils gèrent
Les laïcs offrent des terres qui deviennent des sauvetés dans le sud, dont les revenus sont partagés entre seigneur laïc et ecclésiastique.
Les moines cultivent les parcelles les plus proches du monastère. Les autres tenures sont accensées. Certains monastères reçoivent la dîme.
=La seigneurie personnelle=
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==Les serfs au Moyen Âge classique==
Les débats historiographiques portent sur l'origine du servage : est-il une continuation de l'esclavage carolingien ou un nouveau phénomène apparu au XIe siècle ?
*Les affranchissements deviennent de plus en plus fréquents aux XIIe et XIIIe siècles. L'esclavagisme a largement régressé avant le Xe siècle dans le Sud<ref>D. Barthélémy, ''L'ordre seigneurial ...'', p.90</ref>.
*Les paysans sont plus ou moins dépendants d'un maître : les serfs sont astreints à des charges serviles. Appelés également "hommes de corps" ou "hommes du maître", ils doivent le chevage, le formariage et la mainmorte. Leur servitude se transmet par les hommes et ils ne disposent pas de leurs biens. Ils doivent prêtr serment de fidélité (hommage servile) et ne peuvent quitter la seigneurie sans accord.
**La mainmorte : à la mort du serf, le seigneur se considère comme le premier héritier : il prélève parfois la moitié des biens meubles ou une partie du bétail.
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==L'immunité==
Le roi accorde des exemptions juridique et fiscales.
Les immunistes versent une taxe en échange de la dispense de l'ost.
=La seigneurie banale=
Selon les auteurs, on trouvera aussi les expressions "seigneurie châtelaine" ou encore "seigneurie justicière".
==Origines==
Au cours du IXe siècle se met en place un contexte qui favorise l'essor de la seigneurie banale. Les raids scandinaves et les incursions sarrasines menacent l'Occident. Les Carolingiens se disputent, dilapident leur trésor et finissent par abandonner une partie de leurs pouvoirs aux princes territoriaux (comtes...). Ces derniers subissent le même processus politique aux Xe et XIe siècle. Les gardiens de châteaux ou encore les viguiers et centeniers accaparent des droits (ost, impôts jusqu'ici publics), président des cours de justice seigneuriale, et prennent sous leur ascendant une partie de la population locale. Ces châtelains enserrent les individus dans le cadre seigneurial et exigent des taxes : monopole sur le moulin, le pressoir et le four domanial, demande un droit de passage sur le pont, imposition de droits sur la circulation des marchandises ... Le seigneur justifie ces taxes par le fait qu'il protège ses dépendants par son château ("sauvement") et qu'il investit dans les infrastructures économiques (moulins, routes, ponts...). Le château devient le symbole de la ''potestas'' du seigneur.
==Les manifestations==
===La coutume===
La coutume (ou les coutumes, ''consuetudines'' en latin) est un ensemble de droits seigneuriaux transmis par oral (on en trouve les indices dans les actes) et mis par écrit à partir du XIIe siècle. Elle apparaît dans le contexte de désagrégation du pouvoir central et législateur aux IXe et Xe siècles. Elle peut-être imposée par la force ou par la négociation avec les dépendants. Les banalités sont payées aux ministériaux des seigneurs ecclésiastiques. Elles peuvent être inféodées à des vassaux.
===La justice seigneuriale===
Elle se divise en deux catégorie : haute et basse justice selon le montant de l'amende. Sous les Carolingiens, le comte se chargeait de présider le tribunal public et se réservait une partie des amendes. Au XIe siècle, les seigneurs se sont emparés de ces revenus importants.
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*renforcer les courtines
===Prélèvement de la taille===
La taille seigneuriale est un impôt arbitraire. Elle prend des noms différents selon les régions : queste, tolte (latin ''tollere'' signifiant "enlever"), maltote, forcia. Le seigneur la justifie en rappelant que son château protège la population et que cette prestation n'est pas gratuite. Les paysans se rebellent souvent contre la taille : au milieu du XIIIe siècle, les tenanciers refusent de la payer au monastère de Saint-Denis<ref>
===Taxes économiques et contrôle de la circulation===
*tonlieux
*péages
*droit de gîte, ("albergue" en Provence ou en Catalogne) est théoriquement réservé aux agents en mission.
*commandise
===Monopoles économiques===
Appelés aussi "banalités"
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=Débats historiographiques autour de la seigneurie=
*La seigneurie, élément d'oppression ou cadre de l'essor paysan ?
Certains historiens parlent d'"extorsion seigneuriale systématique"<ref>D. Barthélémy, ''L'ordre seigneurial ...'', p.89</ref>.
Depuis quelques années, les chercheurs remettent en cause la présentation de la seigneurie comme "un système oppressif de domination et d'exploitation du labeur paysan"<ref>Leturcq Samuel, ''La vie rurale ...'', p. 110</ref> largement inspirée des théories marxistes de lutte des classes, cette vision ne résiste pas à l'examen attentif des sources et des situations réelles. Au XIe siècle, le seigneur ne dispose pas de suffisamment de moyens pour faire respecter une autorité absolue. Les paysans eux-mêmes ne représentent pas une classe uniforme ; les situations juridiques et économiques varient grandement d'une personne à l'autre. Il existe de nombreux témoignages de ce "terrorisme seigneurial" si l'on suit l'expression de Pierre Bonnassie. Les abus de pouvoir des châtelains sont importants dans les premiers temps.
Mais les paysans ne se laissent pas faire : ils s'opposent parfois violemment aux mauvaises coutumes et à l'arbitraire de leur seigneur : ils portent plainte, ils s'organisent en communautés villageoises qui permettent de faire pression sur le seigneur et d'obtenir des compromis (franchises).
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