« Campagnes françaises au Moyen Âge » : différence entre les versions

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De manière globale, on peut dire que la qualité et la quantité de nourriture sont tributaires de trois facteurs principaux : le niveau des récoltes, la région, la catégorie sociale et la période.
 
* Le niveau des récoltes varie d'une année à l'autre. Il dépend des conditions météorologiques : un été pourri, c'est-à-dire pluvieux et frais, ruine les efforts des paysans et compromet la moisson. Les paysans utilisent des "« céréales de rattrapage" » pour le cas d'hivers trop rigoureux. Ils sèment des céréales de printemps ou encore des plantes plus tardives afin de pallier le manque de céréales d'hiver.
 
* Les productions agricoles varient également d'une région à l'autre. Les paysans doivent prendre en compte les données naturelles telles que la qualité du sol, la nature du terrain, le climat. Par exemple, le seigle s'adapte bien aux sols pauvres et aux climats rigoureux. La Beauce est le terrain du froment. Mais ille paysan est aussi contraint de cultiver certaines céréales plutôt que d'autres par son seigneur.
 
* La catégorie sociale détermine le niveau et la qualité de la consommation alimentaire : les milieux aristocratiques bénéficient des meilleurs pains (pains blancs au froment) et se nourrissent de plus de viande que les vilains <ref>Samuel Leturcq, ''La vie rurale ...'', page 13.</ref>.
 
* Enfin, l'homme du Moyen Âge ne se nourrit pas de la même façon toute l'année. Les périodes de l'Avent et surtout du Carême sont des moments de jeûne au cours desquels le régime alimentaire change. Pendant ces temps liturgiques de préparation à Noël et à Pâques, la consommation de poisson augmente.
 
===Famines et disettes===
Les crises des XIV{{e}} et XV{{e}} siècles ont donné lieu à des famines et des disettes fréquentes. Cependant, il serait abusif de généraliser ces situations dramatiques à l'ensemble du Moyen Âge français <ref>Laure Verdon, ''Le Moyen Âge'', Paris, Le Cavalier Bleu, 2003, page 10.</ref>. La rigueur éxigeexige également de bien distinguer les trois notions de malnutrition, de disette et de famine.
 
*Chronologie des famines
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===Rendements, productivité===
Au Moyen Âge, une vache produit en moyenne 8 à 13 litres de lait quotidiennement et représente 150 à 170 Kgkg de viande <ref>Samuel Leturcq, ''La vie rurale ...'', page 25.</ref>.
 
Finalement, au Moyen Âge classique, la nourriture semble suffisante même si elle présente des carences. L'alimentation repose sur les céréales, panifiées, préparées en bouillies ou fermentées pour les boissons.
===Prépondérance et diversité des céréales===
Avec l'essor agricole du début du XI{{e}} siècle, la surface des terres céréalières s'accroît : ce phénomène progressif s'appelle la "« céréalisation" ». Par contre-coup, les superficies utilisées pour l'élevage tendent à diminuer en valeur relative. Il existe plusieurs sortes de céréales, cultivées sur un même terroir. Les documents médiévaux évoquent les « blés » (''bleds'') : ce terme générique recouvre en réalité un éventail de diverses céréales : il peut désigner le froment, mais aussi l'épeautre, l'orge, l'avoine ou le millet <ref>Samuel Leturcq, ''La vie rurale ...'', page 13.</ref>. Ces « blés » sont de qualité inégale : le blé dur s'oppose au blé tendre (froment) ; le blé blanc désigne le froment, le blé noir, le sarrasin. Les céréales que nous consommons aujourd'hui sont devenues très différentes <ref>Article "céréaliculture" du ''Dictionnaire du Moyen Âge'', pages 239-240.</ref>. La préparation des céréales nécessitentnécessite l'existence de meules installées dans les maisons paysannes. Au Moyen Âge classique, l'usage du moulin seigneurial est un monopole économique. Il donne lieu au versement d'une taxe au représentant du seigneur banal.
 
* Le froment : blé semé en automne et moissonné en été, le froment est la céréale la plus cultivée au Moyen Âge classique. Il a remplacé progressivement l'épeautre de l'époque carolingienne. Le froment est la céréale noble par excellence : il donnait un pain de grande qualité et servait à la préparation des hosties <ref>Article "céréaliculture" du ''Dictionnaire du Moyen Âge'', pages 239-240.</ref>.
 
* L'avoine : tout comme le froment, il s'agit d'une céréale dont la progression s'explique par le développement de l'élevage, notamment des chevaux. Avec l'essor de la chevalerie aux XI{{e}}-XIII{{e}} siècles, les besoins en avoine augmentent. Le ravitaillement constitue une problématiqueest essentielleessentiel lors des périodes de guerre. Enfin, n'oublions pas que le cheval est également utilisé pour sa force de traction. Dans le nord du pays, il est de plus en plus employé pour les opérations de labour. L'avoine est consommée sous forme de bouillie. Céréale peu exigeante, elle ne pousse guère en milieu méditerranéen où les printemps sont trop secs <ref>Monique Bourin-Derruau, ''Temps d'équilibres ...'', page 95.</ref>.
 
* L'orge est une céréale d'hiver, même s'il arrive qu'elle soit semée au printemps dans les régions méditerranéennes. Elle entre dans la fabrication de la bière et de la cervoise. Elle est donnée aux bestiaux et peut être panifiée avec du froment. Son importance relative tend à diminuer au cours du Moyen Âge.
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* Les légumineuses offrent une importante source de protéines. Fèves, pois, vesces fixent l'azote dans le sol et leur culture évite donc son appauvrissement rapide. Elles sont réduites en farines grossières, consommées avec du lard (pois) ou encore données au bétail.
 
* Le sarrasin n'est pas une céréalescéréale mais une polygonacée <ref>Fernand Braudel, ''Civilisation matérielle ...'', tome 1, page 119.</ref>. Semée en mai-juin, elle est introduite en Bretagne au XV{{e}} siècle seulement <ref>Article "céréaliculture" du ''Dictionnaire du Moyen Âge'', pages 239-240.</ref>.
 
* Le riz est cultivé dans les zones humides d'Espagne et d'Italie à la fin du Moyen Âge. On le retrouve sur les marchés des foires de Champagne <ref>Fernand Braudel, ''Civilisation matérielle ...'', tome 1, page 116.</ref>.
==Les autres cultures==
Si la production de céréales a longtemps focalisé l'attention des historiens, il ne faut pas négliger les autres productions agricoles telles que la vigne, les fruits et les légumes.
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Avec l'essor des échanges commerciaux vers l'an 1000, des productions spécialisées s'orientent nettement vers la spéculation et reçoivent des investissements importants.
==L'élevage==
Pendant le Haut Moyen Âge, la consommation de viande était relativement importante <ref>Article "céréaliculture" du ''Dictionnaire du Moyen Âge'', pages 239-240.</ref>. Fernand Braudel écrivait que ''"Des siècles durant, au Moyen Âge, elle (L'Europe) a connu des tables surchargées de viandes et des consommations à la limite du possible"'' <ref>Fernand Braudel, ''Civilisation matérielle ...'', tome 1, page 110.</ref>. L'élevage fournissait d'autres ressources telles que le lait, le cuir, la laine et la graisse. Il permit une civilisation de l'objet au XIIIeXIII{{e}} siècle : le cuir était transformé en chaussures ; le parchemin était de la peau traitée. La laine alimentait l'industrie drapière. Les boyaux et les cornes entraient dans la fabrication d'instruments de musique.
 
Les paysans utilisaient la force des animaux pour les travaux agricoles : bœufs et chevaux tiraient la charrue ou la herse. Ils réalisaient les corvées de charrois (transport de vin, de blé, de bois, de paille ...). Les chevaux halaient les navires sur les fleuves. Ils étaient le bien le plus précieux des chevaliers. Certains moulins utilisaient leur force de travail.
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Le cheptel français était constitué de bœufs, de moutons et de porcs essentiellement. La proportion de chaque espèce dépendait des régions : dans la zone méditerranéenne, les ovicapridés l'emportaient nettement en nombre. Elle dépendait aussi de l'époque : avec les grands défrichements, la proportion des porcs tend à diminuer. La fin du Moyen Âge voit l'essor de l'élevage spéculatif.
 
* Les bovidés : leur élevage nécessite des espaces herbagers (prés, prairies, pâturages). Après les moissons, ils broutent les restes des épis : c'est la vaine pâture. Ils sont aussi emmenés sur les terres laissées au repos (jachèrejachères) qu'ils engraissent de leur fumure. Pendant l'hiver, ils sont nourris grâce au foin. Dès le XII{{e}} siècle en Flandre, les paysans leur donnent un complément de légumineuses <ref>Samuel Leturcq, ''La vie rurale ...'', page 25.</ref>.
 
* Les ovi-caprinés sont élevés pour leur laine, et, dans une moindre mesure, pour leur viande et leur lait. Ils font l'objet d'une transhumance en montagne et leur nombre a tendance à augmenter à la fin du Moyen Âge <ref>Article "élevage" du ''Dictionnaire du Moyen Âge'', pages 472-473.</ref>.
 
* Chaque famille élevait au moins un porc car ilqui fournissait de la viande pour environ 70 Kgkg <ref>Samuel Leturcq, ''La vie rurale ...'', page 26.</ref>. Celle-ci était fumée ou salée pour la conservation. Le porcher emmenait les bêtes pour le panage en forêt, c'est-à-dire que les cochons mangeaient les glands et les faines. Mais à partir du XIIIeXIII{{e}} siècle, les animaux restent de plus en plus dans la porcherie.
 
* Le cheval n'était pas consommé pour sa viande car l'EgliseÉglise l'interdisait <ref>Article "cheval" du ''Dictionnaire du Moyen Âge'', page 282.</ref>. Le cheval est un animal à part car il sert de monture aux aristocrates et parce qu'il est très coûteux (35 livres tournois en moyenne en France au milieu du XIV{{e}} siècle <ref>Article "cheval" du ''Dictionnaire du Moyen Âge'', page 282.</ref>). Le destrier est un cheval de guerre, le palefroi sert à la chasse. Le cheval exige une nourriture abondante et de qualité (avoine, foin). À partir du XII{{e}} siècle, son usage se répand pour tirer la charrue en France septentrionale. Grâce au collier d'épaule qui remplace le collier de cou, il offre au paysan une puissance et une rapidité supérieures à celle du bœuf.
 
==Les productions alimentent l'artisanat rural==