« Systèmes monétaires/Création monétaire » : différence entre les versions

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Les banques ont d'abord créé de la monnaie sous forme fiduciaire. Aujourd'hui, cette création est devenue très majoritairement de nature scripturale, et implique des relations croisées entre banques commerciales.
 
=='''1 - L'origine historique du processus : le pari bancaire des orfèvres londoniens'''==
 
Les économistes admettent communément que le processus de création monétaire bancaire serait apparu vers le milieu du XVIIe siècle, quasi simultanément à Stockholm, avec l'émission de billets de banque par Palmstruch et à Londres, avec la transformation progressive des orfèvres (les Goldsmiths) en banquiers.
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Si le principe fondamental de la création monétaire par les banques - '''émettre une créance sur elles-mêmes qui est acceptée par le public comme moyen de paiement''' - est en place dès la fin du XVIIe siècle, par contre ses modalités pratiques ont bien changé. D'une part l'État est très vite intervenu dans le processus (dès les années 1720, les billets de la Banque d'Angleterre fondée en 1694 dépasseront le total émis par les orfèvres banquiers), puis s'est octroyé le monopole d'émission des billets (1742 en Angleterre). D'autre part les billets sont devenus inconvertibles (cours forcé). La création monétaire n'a ainsi plus besoin de « l'alibi » d'une couverture or, même partielle, et est devenue très majoritairement de nature scripturale. Aujourd'hui pour prêter, une banque n'a plus besoin de sommes préalablement déposées.
 
=='''2 - La création monétaire aujourd'hui, une simple double écriture au bilan d'une banque commerciale'''==
 
La bancarisation des ménages et la généralisation des instruments de paiement scripturaux (chèque, virement, carte...) ont en effet relégué depuis longtemps l'émission fiduciaire au second plan. Afin d'exposer toujours le plus simplement possible le principe de la création monétaire, nous supposerons maintenant l'absence totale de pièces et de billets (nous les réintroduirons dans la partie B) et l'existence d'une banque unique.
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Mais si les banques possèdent ce pouvoir exorbitant de créer leurs propres ressources, cette possibilité est toutefois dépendante du « bon vouloir » des autres agents économiques :
 
- le système bancaire est certes un secteur productif qui crée ses propres ressources, mais exclusivement à la demande des agents non financiers : '''les banques ne peuvent « dire oui » que si on leur demande de la monnaie.''' L'initiative émane donc des clients de la banque lorsqu'ils demandent un crédit, qu'ils offrent des titres financiers et des actifs réels, ou qu'ils apportent des devises ;
 
- la création monétaire est subordonnée au degré de confiance qu'ils accordent aussi bien à la monnaie scripturale qu'à ceux qui l'utilisent (seuls le billet et les pièces constituent de la monnaie à cours légal que tout créancier est tenu d'accepter en paiement). Si la confiance dans le tireur ou le tiré est entamée ou remise en cause, l'acceptation de la monnaie scripturale et donc ce pouvoir de création illimitée seraient menacés. Ainsi une émission exagérée de monnaie, en provoquant des tensions inflationnistes, peut engendrer des comportements de fuite devant la monnaie.
 
- Dans tous les cas, l'activité bancaire est donc bornée par celle des agents non financiers.
 
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'''Le fonctionnement du système bancaire est ainsi un processus continu de créations et de destructions de monnaie.''' La quantité de monnaie en circulation dans une économie n'augmente donc que si les flux de création (la valeur totale des crédits accordés, des achats d'actifs réels et financiers réalisés par les banques, et des entrées de devises dans le pays) l'emportent sur les flux de destruction (la valeur totale des remboursements de crédit, des ventes effectuées par les banques et des sorties de devises), ce qui sera généralement le cas en période de croissance du produit national et/ou des prix.
 
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=='''1. Il existe deux sortes de monnaie :'''==
 
'''1.1'''.: '''la monnaie fiduciaire''' (billets et pièces) dont l’émission est réservée aux Banques Centrales (BCE, FED, Banque d’Angleterre…). Cette monnaie est utilisée pour les paiements "de contact". 717 milliards d’euros (janvier 2009), soit 7,7 % de la masse monétaire M3
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'''1.2.''': '''la monnaie scripturale''' (c’est la «monnaie-dette», monnaie bancaire non matérielle : écritures, comptes informatiques, etc.) qui représente 8655 Md€ (janvier 2009) , 92,3 % de l’ensemble de la monnaie en circulation (M3). Comme son nom l'indique, elle s'exprime par de simples jeux d'écriture : ''"c'est une monnaie qui passe de compte en compte au lieu de circuler de la main à la main" (M. Ansiaux).''
 
=='''2. Les 3 fonctions de la monnaie :''' ==
 
'''2.1''' - Fonction d'unité de compte
 
'''2.2''' - Fonction d'intermédiaire des échanges (unité de paiement)
 
'''2.3''' - Fonction de réserve de valeur ''(c'est une expression trompeuse, il vaudrait mieux dire "de réserve temporaire de pouvoir d'achat")''
'''2.1''' - Fonction d'unité de compte
'''2.2''' - Fonction d'intermédiaire des échanges (unité de paiement)
'''2.3''' - Fonction de réserve de valeur ''(c'est une expression trompeuse, il vaudrait mieux dire "de réserve temporaire de pouvoir d'achat")''
 
=='''3. La création de monnaie-dette (création "ex nihilo") par une seule banque, et sans banque centrale'''==
 
'''
'''3.1 Pour mieux comprendre comment est «créée» la monnaie,''' '''imaginons d’abord qu’il n’y a pas de banque centrale''' '''et qu’il n’existe qu’une seule banque commerciale.'''
 
À l’origine, le bilan de cette banque est vide:
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Symétriquement, le remboursement d'un crédit ou la revente d'un actif réel ou financier se traduit par un retour de monnaie dans son lieu d'origine, la banque. La créance disparaît de l'actif de la banque et un compte du passif est débité d'un montant équivalent. Ce double effacement au bilan bancaire correspond donc à une destruction monétaire.
 
'''3.2. En résumé'''
'''Il y a création monétaire''' par une banque lors:
- '''de l’achat d'un actif :''' Escompte de traites, achat d'action, d'obligation publique ou privée, ou de biens immobiliers (actifs réels).
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Il y a d'''estruction monétaire lors de la vente d'un actif, d’un remboursement d'un crédit, d’un retrait de devises'''
 
=='''4. Compliquons un peu avec un système monétaire composé de deux réseaux de banques commerciales A et B, mais toujours sans banque centrale'''==
 
'''4.1. Fuite des dépôts et développement équilibré'''
 
Soit un système monétaire composé de deux réseaux de banques commerciales A et B dont les parts de marché sont respectivement de 10% et 90%
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|}
 
=='''5. Nous introduisons maintenant la Banque Centrale dans ces réseaux.'''==
 
'''5.1. Les fuites'''
'''Les banques commerciales disposent du droit de création de la monnaie scripturale utilisée dans l'économie. Elles ne disposent pas du droit de fabrication de monnaie fiduciaire (billets de banque et pièces de monnaie) mais sont tenues d'en fournir à la demande. De plus les banques commerciales sont tenues de satisfaire aux obligations légales de détenir, en banque centrale, des «réserves obligatoires». Le montant de ces réserves obligatoires dans la zone euro est actuellement de 2% du montant des dépôts de leurs clients.'''
'''Les demandes de monnaie centrale (monnaie fiduciaire + réserves obligatoires) sont appelées «les fuites»'''
 
'''5.2. Le multiplicateur de crédit5.2.1.''' '''Considérons maintenant un réseau bancaire A qui détient une part de marché des dépôts bancaires de 10 %, les autres réseaux bancaires détenant une part de marché de 90%.''' Dans cet exemple, les demandes de billets représentent statistiquement 12 % des dépôts et la banque centrale impose des réserves obligatoires de 4% sur tous les dépôts
 
Un client X vient déposer 10 000 € sous forme de billets (mais il pourrait s’agir également d’un refinancement en espèces de la Banque Centrale). La banque A va créditer le compte du client de 10 000 € (c’est en effet une dette de la banque envers son client qui lui a apporté les 10 000 €).
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'''L’apport initial de monnaie centrale de 10000 € permet à un réseau bancaire détenant 10% de part de marché d'accorder au total 10923 € de crédits nouveaux''' sans s'endetter (se refinancer), ni envers aucune banque commerciale, ni envers la banque centrale.
 
'''5.2.2.''' '''Si un réseau bancaire détient 90% des parts de marché (au lieu des 10% du calcul précédent), ''k devient 4,17222'''''
'''5.3.'''
'''Si la création monétaire est le fait, non pas d'un seul réseau bancaire, mais de l'ensemble du système bancaire (tous réseaux bancaires commerciaux confondus), il ne reste plus que les fuites en billets et en réserves obligatoires à considérer''' : les fuites entre réseaux sont réglées sur le marché interbancaire par compensation et refinancement des banques déficitaires par les banques excédentaires. Pour toutes les banques prises dans leur ensemble, il n'y a pas de soldes après compensations. Un chèque tiré sur une banque est normalement déposées au crédit d'un autre compte, si ce n'est dans la même banque, alors dans une autre banque.
''(en rouge italique:Monnaie banque centrale)''
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'''Le''' '''potentiel de création monétaire du système bancaire dans son ensemble est largement supérieur à celui d'un établissement ou d’un réseau isolé.'''
 
=='''6. Diviseur ou multiplicateur de crédit ? :'''==
 
'''6.1.''' Dans la logique du diviseur, ce sont les banques commerciales qui prennent l'initiative d'une création supplémentaire de monnaie. Cette décision fait naître une demande de monnaie centrale que la banque centrale est supposée satisfaire sans problème. C'est la monnaie créée par les banques qui déclenche le recours à la monnaie centrale. Le diviseur caractériserait plutôt les économies d'endettement où le prêteur en dernier ressort (la banque centrale) est contraint.
Dans la logique du multiplicateur, c'est la banque centrale qui est à l'origine de la création de réserves excédentaires qui vont servir de base à l'expansion des crédits. La banque centrale, via le coefficient de réserves obligatoires, a le pouvoir de déclencher le processus de création monétaire et de moduler son ampleur. Le multiplicateur s'appliquerait plutôt aux économies de marché financier où la banque centrale peut mener une politique discrétionnaire. Elle est en mesure de contrôler la masse monétaire.
Dans la pratique, les situations sont moins tranchées. Même si la banque centrale entérine les décisions des banques commerciales, elle peut le faire de façon plus ou moins coûteuse pour ces dernières en faisant varier son taux de refinancement, ce qui peut conduire les banques à autolimiter l'expansion de leurs crédits (une hausse du taux de refinancement diminuant la marge bancaire).
 
'''6.2. Résumons :'''
 
- Comme n’importe quelle société financière (1) (intermédiaire non bancaire) les banques commerciales (2) disposent du droit de prêter l’épargne préalable qui lui est confiée ou celle qu’elle se fournirait sur le marché financier (qui est alimenté en partie par l'excédent de trésorerie potentiel issu des dépôts des banques concurrentes ''(ceci ne veut en aucun cas dire que les dépôts à vue sont "littéralement" prêtés)'' . Pour cette activité, les dépôts permettent les crédits.
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- Les banques commerciales (2) peuvent collecter des dépôts à moins de 2 ans et accorder des crédits sans limitation de durée. Elles jouissent en plus d’un avantage considérable : elles peuvent prêter de l’argent sans disposer des ressources préalables, simplement en «monétisant des actifs non monétaires ». '''Pour cette activité, les crédits font les dépôts qui sont un passif socialement reconnu comme moyen de paiement.'''
 
- Les banques "monétisent" également les salaires de leurs employés ''(voir discussion 1 )'' et, si elles ne peuvent se faire crédit à elles-mêmes (par exemple pour un achat d'un immeuble), elles peuvent très bien, à charge de revanche, obtenir un crédit d'une de leurs consoeursconsœurs.
 
==== '''6.3.''' La monnaie n'est finalement qu'une dette de banque qui circule, un élément du passif bancaire accepté comme moyen de paiement. L'essentiel est que cette créance puisse ensuite être librement utilisée sur les marchés, en clair qu'elle soit reconnue comme une véritable monnaie. ===='''
 
''(1) Ne peuvent collecter des ressources à moins de 2 ans(2) Banques commerciales, banques mutualistes, banques coopératives''
 
''(1) Ne peuvent collecter des ressources à moins de 2 ans(2) Banques commerciales, banques mutualistes, banques coopératives''Néanmoins, '''ce sont donc les crédits qui font les dépôts et non l'inverse car s’il n’y avait pas de crédits initiaux il n’y aurait pas de monnaie bancaire (monnaie-dette) en circulation et donc d’épargne disponible qui puisse être prêtée à nouveau.''' C'est l'octroi du crédit, le fait de « dire oui », qui donne naissance à un supplément de monnaie. Il s'agit bien là d'un privilège de création ex-nihilo et la causalité va de l'endettement primaire à l'épargne. Comme le fait remarquer justement A. Chaineau : « ''La preuve de ce pouvoir de création monétaire est que la masse monétaire n'est pas fixe comme elle le serait si le banquier ne faisait que prêter les avoirs'' ''monétaires des déposants'' » (p. 151).
==== '''6.3.''' La monnaie n'est finalement qu'une dette de banque qui circule, un élément du passif bancaire accepté comme moyen de paiement. L'essentiel est que cette créance puisse ensuite être librement utilisée sur les marchés, en clair qu'elle soit reconnue comme une véritable monnaie. ====
''(1) Ne peuvent collecter des ressources à moins de 2 ans(2) Banques commerciales, banques mutualistes, banques coopératives''Néanmoins, '''ce sont donc les crédits qui font les dépôts et non l'inverse car s’il n’y avait pas de crédits initiaux il n’y aurait pas de monnaie bancaire (monnaie-dette) en circulation et donc d’épargne disponible qui puisse être prêtée à nouveau.''' C'est l'octroi du crédit, le fait de « dire oui », qui donne naissance à un supplément de monnaie. Il s'agit bien là d'un privilège de création ex-nihilo et la causalité va de l'endettement primaire à l'épargne. Comme le fait remarquer justement A. Chaineau : « ''La preuve de ce pouvoir de création monétaire est que la masse monétaire n'est pas fixe comme elle le serait si le banquier ne faisait que prêter les avoirs'' ''monétaires des déposants'' » (p. 151).
 
En tant que simple jeu d'écriture, ce pouvoir de création apparaît donc comme théoriquement illimité. La banque peut créer autant de monnaie qu'elle le souhaite puisque tout crédit augmente les ressources d'un même montant. C'est l'expansion de son actif qui entraîne celle de son passif. Mais ce pouvoir est évidemment limité par diverses obligations et réglementations.
'''Cette opération montre également la double nature de la monnaie scripturale :''' c'est à la fois une dette pour la banque (inscrite au passif) et une créance pour le bénéficiaire, qui va l'enregistrer à l'actif de son bilan.
 
=='''7 – Divers'''==
 
'''7.1. Les autres obligations des banques'''
Outre les équilibres de bilan, les obligations de satisfaire à la nécessité de détenir un certain pourcentage de la monnaie centrale (qu'elles ne peuvent produire) les banques commerciales sont également tenues de limiter les crédits qu'elles offrent. L'exigence de fonds propres des banques (ratio McDonough dans le cadre de Bâle II ), impose que ceux-ci soient supérieurs à 8% des crédits accordés.
 
'''7.2. Bien sur, comme d'autres établissements financiers, les banques jouent aussi un rôle d'intermédiation''' entre une épargne préexistante (mais qui est, par définition, toujours issue antérieurement d'une création monétaire) et des emprunteurs. Cette part représente moins de 50% des nouveaux crédits accordés par les banques. (Voir un calcul précis sur la page Contreparties de la monnaie
 
==8 - '''Ce processus n’est pas « magique »''' ''(Ph. Derudder)''==
 
Vous avez toujours du mal à croire que les banques aient ce pouvoir "magique" de pouvoir monétiser des actifs non monétaires par simple écriture qui consiste à passer en même temps la même somme à l'actif et au passif de son bilan ? C'est pourtant là toute la spécificité unique à la banque. Si je veux emprunter 100.000 euros pour l'achat d'une maison, le contrat garanti par l'hypothèque représente l'actif qui va être inscrit à l'actif de la banque (la somme que je lui dois) et en même temps, les 100.000 que la banque porte sur mon compte, sont inscrits à son passif (puisqu'elle me les doit).