« Psychanalyse & Robotique » : différence entre les versions

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=== Antiquité : ===
* En mythologie classique, le Dieu des forges, Vulcain ou Héphaïstos créa des serviteurs mécaniques, certains intelligents, d’autres esclaves dorés, d’autres encore en forme de tables tripodes utilitaires mues par leur propre énergie. La création utilitaire apparaît explicitement, dans le cadre de l’action divine, avec une précocité surprenante, presque anachronique. Le serviteur mécanique antique préfigure le robot moderne, à la différence que les esclaves dorés d'Héphaïstos ont été créés par une divinité et non par des humains. Ce n'est qu'en s'attribuant des pouvoirs magiques divins que les humains produiront à leur tour des créatures robotiques.
*
* Dans la mythologie celte, le poème du Cat Goddeu, le «Combat des Arbres», attribué au barde Taliesin, résulte d’une compilation confuse de différents textes antérieurs et relate une grande bataille sur le point d’être perdue par les guerriers bretons. Le magicien Gwyddion, fils de la déesse Dôn (la Dana irlandaise), et neveu du maître de la magie Math, métamorphose ses compagnons en arbres et végétaux divers qui vont s’opposer aux ennemis avec un grand courage. Le thème de la forêt qui combat se retrouve dans plusieurs récits irlandais. Dans le mythe de la Mort de Cûchulainn, trois sorcières, les « filles de Calatin », ennemies mortelles du héros, suscitent « fantasmagoriquement une grande bataille entre deux armées, entre de magnifiques arbres mouvants, de beaux chênes feuillus ». Le même élément apparaît dans la Bataille de Mag Tured où deux sorcières déclarent : « Nous enchanterons les arbres et les pierres, et les mottes de terre, si bien qu’ils deviendront une troupe en armes luttant contre eux, et qu’ils les mettront en fuite avec horreur et tourment »<ref>Jean, Markale. « Druides et Chamanes. » Pygmalion, 2005, pp. 300-317</ref>. Les filles de Calatin rassemblent des chardons pointus aux feuillages acérés, de la digitale aux pointes légères ; elles forment des forêts volantes et fanées, elles en font des guerriers nombreux et armés, « si bien qu’il n’y eut ni sommet ni colline autour de la vallée qui ne fut rempli de combats et de batailles, qu’on entendait jusqu’aux nuages du ciel et jusqu’aux murs du firmament les cris horribles et sauvages que poussaient les enfants de Calatin aux environs, si bien que le pays fut plein de blessures et de dépouilles, d’incendies et de cadavres tombant rapidement, et que toute la contrée retentit de ce pouvoir magique des enfants de Calatin». Un autre récit, christianisé, la Mort de Muirchertach, reprend ce thème des végétaux ou des pierres transformés en guerriers. La mystérieuse Sin, dont le nom signifie à la fois « bruissement, tempête, vent rude, nuit d’hiver, cri, lamentation, gémissement », est une femme-fée, une chamane souhaitant se venger du roi Muirchertach, responsable de la mort de ses parents. Elle le séduit en l’engluant dans ses sortilèges. En réponse à une question du roi, qui lui demande son origine et si elle croit en Dieu, elle répond qu’elle croit au « même dieu que lui, mais qu’elle peut « créer un soleil, une lune, des étoiles radieuses, des hommes cruels, guerriers implacables, du vin de l’eau de la Boyne, des moutons de rochers et des cochons de fougères ». « Aussitôt, Sin s’avança et aligna deux troupes égales, aussi fortes et bien armées l’une que l’autre. Et il semblait qu’il n’y eût jamais eu sur terre de troupes plus vaillantes et plus braves, mais l’une d’elles attaqua l’autre et la vainquit en quelques instants en présence de tous. » Plus tard, Sin suscite une armée d’ennemis que le roi combat avec fureur, au point que trois clercs venus le visiter le découvrent « acharné à frapper des pierres, des taillis et des tertres ». Le thème des arbres qui marchent ou qui combattent ressurgit dans le Macbeth de Shakespeare avec la prophétie des trois sorcières. Celles-ci évoquent les trois filles de Calatin, qui se déplacent aussi dans le vent. Leur prophétie est doublée par l’apparition d’un enfant couronné, portant un arbre dans sa main, qui déclare : « Macbeth ne sera jamais vaincu jusqu’à ce que le grand bois de Birnam marche contre lui » (Acte IV, scène I). Et Macbeth mourra à l’annonce de la marche de la forêt contre lui. Ces récits mythiques contiennent une allusion militaire au camouflage pratiqué par les guerriers, consistant à avancer en se cachant derrière des branches d’arbres. Toutefois, cette technique militaire se trouve contextualisée et légitimée dans le domaine magique de la puissance végétale. En effet les druides étaient impliqués dans les guerres, comme stratèges mais aussi afin d’utiliser leurs techniques magiques contre l’ennemi. Le poème du Cat Goddeu, en dehors de ce fameux combat des arbres, contient une référence précise à une pratique de magie végétale : « Quand je vins à la vie, mon créateur me forma par le fruit des fruits, par les primeroses et les fleurs de la colline, par les fleurs des arbres et des buissons, par les fleurs de l’ortie. » Cette procréation végétale magique prend sens quand elle est mise en relation avec l’histoire racontée dans la quatrième branche du Mabinogi gallois, dont le héros est le magicien Gwyddion. Arianrod, fille de Dôn, sœur de Gwyddion, n’ayant pas voulu reconnaître le fils qu’elle a eu de l’inceste, frappe le héros d’une malédiction lui interdisant de « n’avoir jamais une femme de la race qui peuple cette terre en ce moment ». Gwyddion, qui élève l’enfant, va trouver son oncle Math, le roi magicien. Celui-ci lui propose de chercher à lui faire sortir une femme des fleurs en utilisant leur magie et leurs charmes réunis. « Ils réunirent alors les fleurs du chêne, celles du genêt et de la reine-des-prés et, par leurs charmes, ils en formèrent la pucelle la plus belle et la plus parfaite du monde. » Ainsi naît Blodeuwedd, la « née des fleurs », dont la destinée tragique l’amène à être punie par son créateur qui la transformera en hibou pour l’adultère qu’elle a commis et le crime qu’elle a perpétré en tuant le fils de Gwyddion. (« J. Loth, Les Mabinogion, pp. 59-81) Dans un autre poème attribué à Taliesin, nous retrouvons le même récit : « Le plus habile homme dont j’ai entendu parler, ce fut Gwyddion, fils de Dôn, aux forces terribles, qui tira par magie une femme des fleurs. (...) Du sol de la cour, avec des chaînes courbées et tressées, il forma des coursiers et des selles remarquables. » Une explication se trouve également dans la quatrième branche du Mabinogi : voulant s’emparer des cochons de Pryderi, qui sont les équivalents des porcs de Mananann et qui constituent une richesse magique, Gwyddion propose de les échanger en donnant à Pryderi des cadeaux somptueux : « Il eut recours à ses artifices et commença à montrer sa puissance magique. Il fit paraître douze étalons, douze chiens de chasse noirs, douze boucliers dorés. Ces écus, c’étaient des champignons qu’il avait transformés. » Merlin l’Enchanteur, dans les épisodes où il veut séduire la jeune Viviane, fait quant à lui apparaître à son gré des bâtiments, des vergers merveilleux et des êtres humains qui ne sont en réalité que des touffes d’herbes et des branchages. Ces mythes attribuent à Gwyddion la connaissance et l’utilisation d’une énergie végétale mystérieuse, comparable à la pierre philosophale des alchimistes dans le registre minéral, ou au Graal des chrétiens, procurant une panacée universelle, mais aussi des facultés divines de procréation et de métamorphose. La naissance de Blodeuwedd, dont le nom signifie «fabriquée à partir de plantes», forme une représentation de cette même énergie utilisée dans le but de créer un être nouveau et traduit « une recherche constante, de la part de l’élite intellectuelle des peuples celtes, d’un contact avec les puissances supérieures, contact qui se traduit par une assimilation, une véritable « digestion » de ces puissances. Il s’agissait bel et bien d’intégrer la divinité dans l’humain, et en définitive d’incarner le dieu ». L'arbre guerrier n'est pas encore un robot ou un cyborg, c'est plutôt le résultat d'une transformation que d'une création ou d'une adjonction, à ce titre il apparaît plutôt dans la littérature de fantasy, dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien en particulier. La forêt qui marche représente une origine mythologique végétale et militaire du robot qui montre un lien entre le savoir druidique et la production de créatures artificielles comme la femme née des fleurs, qui serait elle-même plus proche d'un clone que d'un robot androïde, mais en préfigure la forme humanoïde et les conflits qui l'opposent à son créateur.
[[Fichier:Arbre vivant.jpg|vignette|544x544px|Arbre effrayant, 2017, Anonyme]]
* Dans la mythologie celte, le poème du Cat Goddeu, le «Combat des Arbres», attribué au barde Taliesin, résulte d’une compilation confuse de différents textes antérieurs et relate une grande bataille sur le point d’être perdue par les guerriers bretons. Le magicien Gwyddion, fils de la déesse Dôn (la Dana irlandaise), et neveu du maître de la magie Math, métamorphose ses compagnons en arbres et végétaux divers qui vont s’opposer aux ennemis avec un grand courage. Le thème de la forêt qui combat se retrouve dans plusieurs récits irlandais. Dans le mythe de la Mort de Cûchulainn, trois sorcières, les « filles de Calatin », ennemies mortelles du héros, suscitent « fantasmagoriquement une grande bataille entre deux armées, entre de magnifiques arbres mouvants, de beaux chênes feuillus ». Le même élément apparaît dans la Bataille de Mag Tured où deux sorcières déclarent : « Nous enchanterons les arbres et les pierres, et les mottes de terre, si bien qu’ils deviendront une troupe en armes luttant contre eux, et qu’ils les mettront en fuite avec horreur et tourment »<ref>Jean, Markale. « Druides et Chamanes. » Pygmalion, 2005, pp. 300-317</ref>. Les filles de Calatin rassemblent des chardons pointus aux feuillages acérés, de la digitale aux pointes légères ; elles forment des forêts volantes et fanées, elles en font des guerriers nombreux et armés, « si bien qu’il n’y eut ni sommet ni colline autour de la vallée qui ne fut rempli de combats et de batailles, qu’on entendait jusqu’aux nuages du ciel et jusqu’aux murs du firmament les cris horribles et sauvages que poussaient les enfants de Calatin aux environs, si bien que le pays fut plein de blessures et de dépouilles, d’incendies et de cadavres tombant rapidement, et que toute la contrée retentit de ce pouvoir magique des enfants de Calatin». Un autre récit, christianisé, la Mort de Muirchertach, reprend ce thème des végétaux ou des pierres transformés en guerriers. La mystérieuse Sin, dont le nom signifie à la fois « bruissement, tempête, vent rude, nuit d’hiver, cri, lamentation, gémissement », est une femme-fée, une chamane souhaitant se venger du roi Muirchertach, responsable de la mort de ses parents. Elle le séduit en l’engluant dans ses sortilèges. En réponse à une question du roi, qui lui demande son origine et si elle croit en Dieu, elle répond qu’elle croit au « même dieu que lui, mais qu’elle peut « créer un soleil, une lune, des étoiles radieuses, des hommes cruels, guerriers implacables, du vin de l’eau de la Boyne, des moutons de rochers et des cochons de fougères ». « Aussitôt, Sin s’avança et aligna deux troupes égales, aussi fortes et bien armées l’une que l’autre. Et il semblait qu’il n’y eût jamais eu sur terre de troupes plus vaillantes et plus braves, mais l’une d’elles attaqua l’autre et la vainquit en quelques instants en présence de tous. » Plus tard, Sin suscite une armée d’ennemis que le roi combat avec fureur, au point que trois clercs venus le visiter le découvrent « acharné à frapper des pierres, des taillis et des tertres ». Le thème des arbres qui marchent ou qui combattent ressurgit dans le Macbeth de Shakespeare avec la prophétie des trois sorcières. Celles-ci évoquent les trois filles de Calatin, qui se déplacent aussi dans le vent. Leur prophétie est doublée par l’apparition d’un enfant couronné, portant un arbre dans sa main, qui déclare : « Macbeth ne sera jamais vaincu jusqu’à ce que le grand bois de Birnam marche contre lui » (Acte IV, scène I). Et Macbeth mourra à l’annonce de la marche de la forêt contre lui. Ces récits mythiques contiennent une allusion militaire au camouflage pratiqué par les guerriers, consistant à avancer en se cachant derrière des branches d’arbres. Toutefois, cette technique militaire se trouve contextualisée et légitimée dans le domaine magique de la puissance végétale. En effet les druides étaient impliqués dans les guerres, comme stratèges mais aussi afin d’utiliser leurs techniques magiques contre l’ennemi. Le poème du Cat Goddeu, en dehors de ce fameux combat des arbres, contient une référence précise à une pratique de magie végétale : « Quand je vins à la vie, mon créateur me forma par le fruit des fruits, par les primeroses et les fleurs de la colline, par les fleurs des arbres et des buissons, par les fleurs de l’ortie. » Cette procréation végétale magique prend sens quand elle est mise en relation avec l’histoire racontée dans la quatrième branche du Mabinogi gallois, dont le héros est le magicien Gwyddion. Arianrod, fille de Dôn, sœur de Gwyddion, n’ayant pas voulu reconnaître le fils qu’elle a eu de l’inceste, frappe le héros d’une malédiction lui interdisant de « n’avoir jamais une femme de la race qui peuple cette terre en ce moment ». Gwyddion, qui élève l’enfant, va trouver son oncle Math, le roi magicien. Celui-ci lui propose de chercher à lui faire sortir une femme des fleurs en utilisant leur magie et leurs charmes réunis. « Ils réunirent alors les fleurs du chêne, celles du genêt et de la reine-des-prés et, par leurs charmes, ils en formèrent la pucelle la plus belle et la plus parfaite du monde. » Ainsi naît Blodeuwedd, la « née des fleurs », dont la destinée tragique l’amène à être punie par son créateur qui la transformera en hibou pour l’adultère qu’elle a commis et le crime qu’elle a perpétré en tuant le fils de Gwyddion. (« J. Loth, Les Mabinogion, pp. 59-81) Dans un autre poème attribué à Taliesin, nous retrouvons le même récit : « Le plus habile homme dont j’ai entendu parler, ce fut Gwyddion, fils de Dôn, aux forces terribles, qui tira par magie une femme des fleurs. (...) Du sol de la cour, avec des chaînes courbées et tressées, il forma des coursiers et des selles remarquables. » Une explication se trouve également dans la quatrième branche du Mabinogi : voulant s’emparer des cochons de Pryderi, qui sont les équivalents des porcs de Mananann et qui constituent une richesse magique, Gwyddion propose de les échanger en donnant à Pryderi des cadeaux somptueux : « Il eut recours à ses artifices et commença à montrer sa puissance magique. Il fit paraître douze étalons, douze chiens de chasse noirs, douze boucliers dorés. Ces écus, c’étaient des champignons qu’il avait transformés. » Merlin l’Enchanteur, dans les épisodes où il veut séduire la jeune Viviane, fait quant à lui apparaître à son gré des bâtiments, des vergers merveilleux et des êtres humains qui ne sont en réalité que des touffes d’herbes et des branchages. Ces mythes attribuent à Gwyddion la connaissance et l’utilisation d’une énergie végétale mystérieuse, comparable à la pierre philosophale des alchimistes dans le registre minéral, ou au Graal des chrétiens, procurant une panacée universelle, mais aussi des facultés divines de procréation et de métamorphose. La naissance de Blodeuwedd, dont le nom signifie «fabriquée à partir de plantes», forme une représentation de cette même énergie utilisée dans le but de créer un être nouveau et traduit « une recherche constante, de la part de l’élite intellectuelle des peuples celtes, d’un contact avec les puissances supérieures, contact qui se traduit par une assimilation, une véritable « digestion » de ces puissances. Il s’agissait bel et bien d’intégrer la divinité dans l’humain, et en définitive d’incarner le dieu ». L'arbre guerrier n'est pas encore un robot ou un cyborg, c'est plutôt le résultat d'une transformation que d'une création ou d'une adjonction, à ce titre il apparaît plutôt dans la littérature de fantasy, dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien en particulier. La forêt qui marche représente une origine mythologique végétale et militaire du robot qui montre un lien entre le savoir druidique et la production de créatures artificielles comme la femme née des fleurs, qui serait elle-même plus proche d'un clone que d'un robot androïde, mais en préfigure la forme humanoïde et les conflits qui l'opposent à son créateur.
* Dans la légende grecque de Cadmos, le fondateur de Thèbes créa des soldats, les spartes, en semant des dents de dragon. Dans ce mythe, la Création est encore militaire, inspirée par la puissance féconde de la créature mythologique, le Dragon, dont les dents sont plantées dans la matrice, la Terre. La Création utilitaire devient une réalisation du héros fondateur et vient enraciner les spartes sur le sol de Thèbes. Comme chez les celtes, l'énergie employée est végétale, les soldats bourgeonnent à partir de graines magiques plantées dans le sol qui représentent une puissance divine où se mèlent des essences minérales et animales qui, plantées dans la terre, font pousser des soldats comme des arbres.